Contenu du sommaire : Droit européen et droits sociaux
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 1, 2012 |
Titre du numéro | Droit européen et droits sociaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation du dossier - Gautier Maigne p. 7-15
- Protection sociale et droits sociaux entre menaces et opportunités : le droit européen comme dieu Janus - Jean-Claude Barbier, Fabrice Colomb p. 16-41 Dans le domaine des politiques et des services sociaux, du droit du travail et de la protection sociale, la répartition des compétences a peu changé depuis le traité initial de la Communauté européenne en 1957. Pourtant, au fur et à mesure des années, l'impact du droit européen des libertés économiques n'a pas cessé de croître. Son influence sur le droit du travail et les arrangements collectifs de protection sociale est de plus en plus mise en lumière avec la nouvelle jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Les acteurs des services sociaux dans les pays membres les plus anciens en sont de plus en plus conscients et ils sont inquiets pour une grande partie d'entre eux, notamment dans les associations. De l'autre côté, les associations se félicitent des avancées des droits individuels qui sont dues à l'influence résolue du droit de l'Union. Ce droit apparaît comme le dieu Janus, avec ses deux visages.
- Le principe d'égalité de traitement en droit social de l'Union européenne : d'un principe moteur à un principe matriciel - Morgan Sweeney p. 42-61 L'affirmation du principe d'égalité de traitement dans le droit social de l'Union européenne a permis de conférer le caractère de droit fondamental aux règles de non-discrimination en raison de la nationalité et du sexe. S'appuyant sur ce caractère de droit fondamental, la Cour de justice de l'Union européenne a pu élaborer une jurisprudence constructive qui a permis l'extension de certains droits sociaux au travailleur migrant et l'élimination dans les dispositifs nationaux d'avantages sociaux accordés en considération du sexe du bénéficiaire. Aujourd'hui, au-delà de ces deux domaines, le juge européen esquisse un nouveau principe d'égalité de traitement - matriciel - qui, en conjonction avec la citoyenneté européenne, donne une nouvelle cohérence au droit social de l'Union européenne. Ce mouvement s'inscrit dans la nécessaire articulation avec les ordres juridiques nationaux et du Conseil de l'Europe et dans un renouvellement du droit de la lutte européenne contre les discriminations.
- Le dialogue social européen à l'épreuve de la « modernisation » du marché du travail - Jean-Vincent Koster p. 62-79 Alors que le dialogue social européen fête les vingt ans de sa reconnaissance institutionnelle, sa légitimité est actuellement confrontée au défi d'une authentique capacité de régulation. Le débat communautaire sur la « modernisation » du marché du travail, en posant la question des nouvelles formes de sécurité compatibles avec l'exigence de mobilité des travailleurs, a été l'occasion pour les partenaires sociaux de justifier l'extension de leur domaine d'intervention et d'expérimenter de nouvelles procédures. Cependant, l'examen du débat autour de la flexicurité, ainsi que de la transposition de l'accord collectif sur les « marchés du travail inclusifs », indique à la fois une concurrence des partenaires sociaux européens dans le travail d'expertise sociale et une difficulté à traduire au plan national les compromis élaborés au niveau communautaire. Autant d'indices du problème de légitimité du dialogue social européen, qui révèle celui, plus général, de la politique sociale de l'Union ; l'absence de coordination européenne des plans de relance nationaux en étant l'expression la plus prégnante.
- Personnes âgées : une gouvernance européenne plus ancienne, plus large et plus influente que la MOC sur les retraites - Miriam Hartlapp p. 80-102 Les États-nations étant attachés à leurs prérogatives en matière de politiques relatives aux personnes âgées, on pourrait en déduire que ces politiques se prêtent peu à un traitement au niveau supranational. Pourtant, un certain nombre d'instruments communautaires influent directement ou indirectement sur les politiques nationales conduites dans ce domaine. Alors que la recherche en sciences politiques s'intéresse essentiellement à la méthode ouverte de coordination (MOC) sur les retraites, nous montrons que ces instruments sont en réalité plus anciens, plus larges et plus influents que la MOC. Nous nous plaçons dans une perspective d'analyse des politiques et posons les questions suivantes : quand et comment ces instruments ont-ils été élaborés ? Quels sont leurs effets (potentiels) ? Nous démontrons que l'on surestime en général la puissance des instruments de pilotage non contraignants qui visent à impulser des réformes dans le domaine des retraites tandis que l'on sous-estime souvent l'influence qu'exerce l'Union européenne sur la marge de man?uvre des États en matière de vieillissement et de retraite, à travers les instruments législatifs relatifs aux droits individuels à l'égalité de traitement ou à la liberté de mouvement des capitaux et des personnes. L'analyse fait appel à des études de cas portant sur différents instruments d'action et repose sur vingt-six entretiens et sur l'étude de sources primaires et secondaires.
[Éclairage]
- Mobilité des patients et coordination européenne - Guillaume Filhon, Fanny Galvis, Marianne Cariou, Bénédicte Eugène p. 103-107
- Quels droits pour les patients en mobilité ? À propos de la directive sur les droits des patients en matière de soins transfrontaliers - Stéphane de la Rosa p. 108-129 Depuis les arrêts Kohll et Decker, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union a profondément modifié les règles applicables à la mobilité des patients dans l'Union européenne. À côté des traditionnels règlements de coordination de sécurité sociale, c'est une nouvelle voie qui a été ouverte pour la prise en charge des soins hors de l'État d'affiliation. L'enjeu de la directive sur les droits des patients en matière de soins transfrontaliers, adoptée en mars 2011, est précisément de codifier les solutions jurisprudentielles, dégagées au cas par cas. À cette fin, la directive veille à concilier des impératifs qui peuvent être antagonistes : droit à la mobilité des patients fondé sur la libre prestation de services, reconnaissance de droits à leur profit, sauvegarde des intérêts financiers des caisses nationales de sécurité sociale, reconnaissance de la compétence de principe des États en matière de santé.
- Les services sociaux dans le marché intérieur : à la frontière entre compétitivité et solidarité - Mattia Bosio p. 130-149 L'article se propose d'examiner comment le cadre réglementaire du marché intérieur et du droit de la concurrence et, plus généralement, la dynamique de libéralisation et d'externalisation progressive des activités de services peuvent s'appliquer aux prestations de nature solidaire. Les services sociaux comportent des caractéristiques spécifiques, illustrant parfaitement la tension entre solidarité et compétitivité, et une application stricte de la réglementation communautaire pourrait conduire à la mise en cause des systèmes nationaux d'organisation et de gestion des services sociaux et de santé. Ces derniers reposent en effet sur une programmation territoriale de l'offre, sur un financement principalement public et sur un encadrement national des opérateurs qui, en privilégiant certains fournisseurs, peuvent fausser la concurrence et entrer en contradiction avec le caractère transfrontalier du marché commun européen des services. Face à cette contradiction potentielle, et dans un contexte de modification des besoins des usagers, de crise économique et de plans d'austérité, la Commission européenne a annoncé une évolution du cadre réglementaire applicable aux services sociaux, en particulier pour ce qui concerne la réforme de la réglementation en matière d'aides d'État et de compensations octroyées aux services d'intérêt économique général. Il n'est toutefois pas certain que cette évolution réglementaire suffise à résoudre les questions que soulève la spécificité des services sociaux.
- Le droit de grève dans un marché commun : les défis européens à la lumière de l'expérience américaine - Federico Fabbrini p. 150-175 Cet article étudie le droit de grève au sein de l'Union européenne ainsi que l'enjeu inhérent à l'interaction des droits sociaux protégés par les législations internes des États membres avec les règles européennes relatives au marché commun. Il examine, dans une approche comparative, des dynamiques analogues qui ont eu lieu aux États-Unis entre le droit fédéral et les droits des États fédérés. Il montre qu'aux États-Unis la tension entre droits sociaux et principes du libre marché a pu être encadrée pendant la période du New Deal par le Wagner Act, qui a consacré la protection du droit de grève au niveau fédéral. L'auteur propose d'adopter un règlement européen prévoyant la protection du droit de grève par le droit de l'Union et analyse le potentiel d'une telle initiative en vue de la création d'un nouvel équilibre entre protection sociale et intégration économique au sein de l'Union européenne.
[Point de vue]
- Vers un nouveau programme d'action sociale européen et un pacte d'investissement social européen - Alan Hick, Staffan Nilsson p. 176-184
- Le sommeil dogmatique européen - Alain Supiot p. 185-198
- Communauté réduite aux acquêts - Étienne Grass p. 199-209
Notes de lecture critiques
- Des travailleus à protéger. L'action collective au sein de la sous-traitance - Jeanne Fagnani p. 211-216
- La santé à coeur ouvert. Sociologie du bien-être, de la maladie et du soin - François-Xavier Schweyer p. 217-221