Contenu du sommaire : Qatar, l'offensive stratégique
Revue | Géoéconomie |
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Numéro | numéro 62, été 2012 |
Titre du numéro | Qatar, l'offensive stratégique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Editorial - p. 5
Entretien
- Paris-Doha, une "relation spéciale" - Jean-Christophe PEAUCELLE p. 9
Qatar, l'offensive stratégique
Le Qatar à la recherche d'une influence internationale
- Qatar : une voie singulière - Hasni ABIDI p. 19 Comment expliquer qu'un pays peuplé d'un million d'habitants, dont seulement 180 000 Qataris, ose ainsi défier ses voisins les plus puissants et forcer le respect de ses amis et de ses ennemis ? Seul pays wahhabite en dehors de l'Arabie Saoudite, le Qatar a tenu, au lendemain du coup d'État de 1995, à marquer sa différence par rapport à Riyad et à ses voisins et à se démarquer de la politique conduite par l'ancien émir. Tout en étant conscient de ses limites face à l'imposant voisin saoudien et iranien, le Qatar s'accommode habilement de cette géopolitique défavorable. Ambitieux et audacieux, le jeune prince Hamad a choisi de prendre le pouvoir vite et changer le destin de son pays.It is perplexing that a country populated by a million people, of which only 180,000 are Qataris, dare to defy its more powerful neighbors and earn the respect of his friends and his enemies alike. The only Wahhabi country outside Saudi Arabia, Qatar, after the coup d'état of 1995, distinguished itself from Riyadh and its neighbors by embarking on a different policy from that pursued by the former Émir. While being aware of its limitations compared with its imposing Saudi and Iranian neighbors, Qatar skillfully adapts to this unfavorable geopolitical environment. Ambitious and daring, the young prince Hamad chose to topple his father and change the destiny of his country.
- La politique étrangère qatarie : de l'intermédiation à l'engagement - Jean-Sylvestre MONGRENIER p. 31 Le caractère spectaculaire des investissements extérieurs du Qatar et la « diplomatie du tapis volant » tendent à occulter les lignes de force de sa politique étrangère. À l'abri du « parapluie » américain, l'émirat du Qatar constitue l'élément agile du Conseil de coopération du Golfe. Il entend jouer un rôle moteur dans un monde arabe sunnite en cours de recomposition. En toile de fond, l'opposition entre régimes arabes sunnites et Iran chiite. Le Qatar ne pourra jouer cette partie sans le renforcement des solidarités entre pays du Golfe.The spectacular side of Qatar's investments abroad and the “flying-carpet diplomacy” tend to hide the lines of force of its foreign policy. Under the American umbrella, Qatar is the nimble component of the Gulf Cooperation Council. The main idea is to be a driving force in the Sunni Arab world that is taking shape. In the background, there is the opposition between the Sunni Arab regimes and Shiite Iran. Qatar will not be able to play such a game without any stronger solidarity among the Gulf's countries.
- Le marché qatarie, une opportunité pour les investisseurs étrangers - Pascal DEVAUX p. 41 Après avoir investi massivement dans le développement d'une filière gazière intégrée à la fin des années quatre-vingt-dix, le Qatar est devenu le premier exportateur mondial de gaz. Dans une deuxième étape de son développement, le pays s'engage actuellement dans une politique de diversification économique qui a pour objectif de réduire sa dépendance au secteur des hydrocarbures. Un plan massif d'investissement dans le secteur des infrastructures est en cours pour faciliter le développement du secteur des services et attirer les investisseurs. Cependant, investir au Qatar reste risqué et soumis à certaines contraintes. La structure rentière de l'économie, en favorisant le secteur bancaire au détriment des marchés financiers, ne favorise pas l'investissement par l'intermédiaire des marchés. Plus déterminant, la petite taille de l'économie qatarie et sa dépendance au cycle pétrolier favorise la volatilité et la formation de bulles d'actifs. Enfin, à moyen terme, la faible productivité du travail et la forte concurrence régionale peuvent faire douter de la capacité du Qatar à se doter d'une économie diversifiée qui soit pérenne et découplée du cycle des hydrocarbures. Même si la dynamique actuelle de l'économie du Qatar est positive, celle-ci reste une économie rentière et émergente avec les contraintes et risques que cela présente pour l'investisseur.Qatar has become the first world gas exporter thanks to sizeable investments in an integrated gas industry started in the late 90s. In a second step of its development, Qatar has currently embarked in a program of economic diversification in order to reduce its reliance on hydrocarbon sector. A sizeable infrastructure investment plan is underway to support the development of the sector of service and attract investors. However, there are some constraints and risks in investing in Qatar. As an oil and gas rent economy, financial markets are underdeveloped in comparison with banking sector. It does not favour investment in local financial markets. More importantly, the small size of the Qatari economy and its dependency on the hydrocarbon cycle favour volatility and the development of asset bubbles. Lastly, weak labor productivity and stiff regional competition constrain the capacity of Qatar to get a viable diversified economy which is decoupled from the hydrocarbon cycle. Even if the current economic trend is positive for Qatar, it remains an emerging and hydrocarbon rent economy, implying constraints and risks for investors.
- Le Qatar : un paradoxe géopolitique et une anomalie géoéconomique - David RIGOULET-ROZE p. 53 Le Qatar apparaît à bien des égards comme un point d'interrogation. Émirat indépendant depuis 1971, cet État se présente comme un « nain » géographique mais dévoré d'ambitions géopolitiques et disposant d'une manne financière qui lui donne les moyens de ses prétentions. Depuis quelques années, il fait montre d'une suractivité diplomatique. Voire davantage, comme dans le cas de l'« affaire libyenne » dans laquelle une participation directe de Doha pour le renversement du régime de Kadhafi est désormais avérée, ainsi que dans l'« affaire syrienne » à cette même participation pour favoriser la chute du régime de Bachar al-Assad est en passe de l'être. Comment expliquer alors ce positionnement stratégique inédit au regard de la place demeurée longtemps modeste du Qatar ? Le Qatar constitue en réalité une sorte de paradoxe géopolitique autant qu'une anomalie géoéconomique.Qatar appears in many respects as a question mark. Independent emirate since 1971, this State appears as a geographical « dwarf » but devoured with geopolitical ambitions and which has a financial manna which gives it the means of its claims. Since a few years, it shows a diplomatic overactivity. Even more, as in the case of the « Libyan affair » in which a direct participation of Doha for the reversal of the regime of Gaddafi is henceforth proved true, as well as in the « Syrian affair » in the same participation to favor the fall of the regime of Bachar al-Assad is on the way to the being. How then to explain this unthought of strategic positioning with regard to the place for the long time modest half-wit of Qatar ? Qatar constitutes in reality a kind of geopolitical paradox as much as an geoeconomical anomaly.
- Qatar : une voie singulière - Hasni ABIDI p. 19
Les instruments de l'influence
- La diplomatie sportive du Qatar, instrument d'une nouvelle notoriété internationale - Jérôme CHAMPAGNE p. 69
- Le gaz naturel, instrument de la stratégie de puissance qatarie - Jean-Pierre SERENI p. 81 Le Qatar, longtemps un producteur marginal de brut, est devenu en une génération le numéro un de l'industrie gazière mondiale. Il le doit moins au volume de sa production, égalée ou dépassée par les États-Unis, la Russie ou l'Iran, qu'à sa position de principal exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL). Mais pour défendre son rang, le petit émirat doit déployer une stratégie complexe qui joue sur plusieurs registres.Qatar, for a long time a marginal producer of crude oil, has become in one generation the number one of the world gas industry. He owes it less from the volume of his production, equalled or overtaken by the United States, Russia or Iran, than from his position of main exporter of liquefied natural gas (GNL). But to defend its rank, the small emirate has to display a complex strategy which plays on several registers.
- Les quatre vies d'Al Jazeera - Théo CORBUCCI p. 89 De 1996 à nos jours, Al Jazeera a connu plusieurs vies. Celle de la naissance sur le plan médiatique international d'abord, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Celle de la confirmation ensuite, avec par exemple sa couverture remarquée du conflit irakien, ou encore celle du conflit israélo-libanais de 2006. Mais entre 2007 et 2010, l'actualité dans le monde arabe se stabilise. Limitée à être « la chaîne du Proche et du Moyen-Orient » pour beaucoup de médias et de téléspectateurs, Al Jazeera atteint une période de stagnation, qui durera jusqu'à la fin de l'année 2010. C'est le « Printemps arabe » qui viendra sortir Al Jazeera de sa léthargie. Au point qu'elle se jettera dans la couverture de cet événement, littéralement corps et âme. Au risque de se voir, une fois de plus, accusée de parti pris, et de voir s'éloigner une partie de sa base, peinée de voir certaines revendications populaires passées sous silence, en particulier dans le Golfe. Ce qui a été un peu rapidement décrit comme le « moment américain » d'Al Jazeera, censé être la consécration de plus d'une quinzaine d'années de travail acharné, pourrait s'avérer être le début de la fin pour la chaîne dans le monde arabe. Mais le groupe a déjà d'autres pistes, aux quatre coins de la planète, pour tenter de sortir de cette impasse.From 1996 to today, Al Jazeera had several lives. Its first one, its “birth” on the international media plan, began after the attacks of September 11, 2001. Its second life, “the confirmation”, took place from 2003, with the Iraq war, to 2006, with the coverage of the israelo-lebanese conflict. But between 2007 and 2010, current events in the Arab world stabilized. Limited to “the channel of the Arab world”, Al Jazeera reached a period of stagnation which lasted at the end of 2010. Indeed, it's the “Arab Spring” which would get Al Jazeera out of its lethargy. The channel would, literally, cover this event body and soul. At the risk of being, once again, accused of bias. This was a bit quickly described as the “American moment” of Al Jazeera, supposed to be the consecration of more than fifteen years of hard work. But this moment could also be the beginning of the end for the channel in the Arab world, criticized from all sides. But in the Balkans, in Africa and also in Turkey, the channel has other tracks to try to break the deadlock in which it could be in the Arab world.
Varia
- Ouverture des marchés cinématographiques et remise en cause de la diversité des expressions culturelles - Antonios VLASSIS p. 99 Comme le montre la condamnation par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) des règlements audiovisuels de la Chine et l'accord de libre-échange entre la Corée du Sud et les États-Unis, la conquête des marchés cinématographiques asiatiques reste un enjeu économique considérable pour les États-Unis et Hollywood. D'ailleurs, l'ouverture du marché cinématographique chinois illustre une défaite paradoxale de la Convention sur la diversité des expressions culturelles (CDEC). Le système chinois quasi-imperméable tend à s'ouvrir de plus en plus aux produits audiovisuels non nationaux grâce au principe du libre-échange, tandis que, jusqu'à présent, les Parties à la CDEC souhaitaient privilégier le consensus politique plutôt que dénoncer des politiques culturelles strictes qui interdisent les échanges culturels équitables.On the one hand the condemnation of China's broadcasting regulations by the World Trade Organization and on the other hand the free trade agreement between South Korea and the US reveal that the conquest of Asian film markets is a growing economic stake for the US administrations and Hollywood. Moreover, the dynamic opening of the Chinese film market illustrates a paradoxical defeat of the Convention on the Diversity of Cultural Expressions (CDCE). Through the free trade norm, the almost impervious Chinese system tends to open progressively for non-national audiovisual products, whereas CDCE members wished until now to favour the political consensus rather than to denounce the strict cultural policies preventing fair cultural exchanges.
- Le lobbying, un métier encore en devenir dans une france rétive au dialogue avec la société civile - Emmanuelle GARAULT, Géry LECERF p. 109 Le lobbying peine encore à être intégré dans les processus de gouvernance en France. Mal défini et mal compris, il demeure souvent perçu comme un élément qui parasite la décision. Pourtant, s'il est fondé sur l'expertise, dans le respect de règles de transparence et d'éthique, le lobbying est une contribution essentielle de la société civile à l'élaboration du droit. Mais, contrairement aux idées reçues, la question de son encadrement réside avant tout dans une remise à plat de la manière dont les institutions dialoguent avec la société civile.The lobbying still has difficulty in being integrated into the processes of governance in France. Badly defined and badly understood, it remains often perceived as an element which causes interference on the decision. Nevertheless, if it is based on the expertise, respect the rules of transparency and ethics, the lobbying is an essential contribution for the civil society to the elaboration of the law. But, contrary to preconceived ideas, the question of its frame lies above all in a reset of the way institutions converse with the civil society.
- Lecture - p. 117
- Ouverture des marchés cinématographiques et remise en cause de la diversité des expressions culturelles - Antonios VLASSIS p. 99