Contenu du sommaire : Centres-villes : modèles, luttes, pratiques
Revue | Actes de la recherche en sciences sociales |
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Numéro | no 195, décembre 2012 |
Titre du numéro | Centres-villes : modèles, luttes, pratiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Centres-villes : modèles, luttes, pratiques
- Les centres-villes : modèles, luttes et pratiques - Sylvie Tissot p. 4-11
- Montreuil, « le 21e arrondissement de Paris » ? : La gentrification ou la fabrication d'un quartier ancien de centre-ville - Anaïs Collet p. 12-37 Depuis les années 1970, dans les grandes agglomérations, les anciens quartiers populaires de centre-ville sont transformés par l'arrivée de jeunes ménages des franges supérieures des classes moyennes qui les réhabilitent, au propre comme au figuré. La diffusion plus récente de ce phénomène de gentrification à la petite couronne parisienne met en lumière l'ampleur et les enjeux du travail mené par ces gentrifieurs : arrivés là par contrainte financière, ils travaillent le quartier dans toutes ses dimensions – matérielle, sociale, symbolique – pour en effacer autant que possible le caractère banlieusard et le doter des attributs des quartiers anciens de centre-ville – densité, mixité, ancienneté, centralité. L'enjeu de cette lutte est de déplacer la frontière entre quartiers désirables et quartiers repoussoirs, au regard des goûts et des normes des « nouvelles classes moyennes », et ainsi de rétablir une trajectoire résidentielle déclassante. L'analyse minutieuse des mobilisations des gentrifieurs du Bas Montreuil dans les années 1990 et 2000 révèle ainsi les mécanismes concrets de l'appropriation de l'espace et l'importance des enjeux du classement socio-résidentiel.Montreuil, “Paris' 21st arrondissement”Since the 1970s, the old working class neighborhoods located in the heart of big cities are being transformed by the arrival of young upper middle class households who rehabilitate these neighborhoods, both materially and figuratively. The recent spread of this gentrification phenomenon to the immediate suburban belt of Paris sheds light on the extent and significance of the work done by these gentrifiers : while they are led to these neighborhoods by financial constraints, they work on all their dimensions – physical, social, symbolic – in order to erase their suburban character and give them the attributes of old central neighborhoods – density, diversity, history, centrality. What is at stake in this fight is the displacement of the boundary between desirable and undesirable neighborhoods, in terms of the tastes and norms defining the “new middle class,” and thus the restoration of a downward residential trajectory. The fine-grained analysis of the social mobilization of lower Montreuil's gentrifiers in the 1990s and 2000s reveals the concrete mechanisms of space appropriation and the importance of social-residential distinctions.
- La vi(ll)e en rose ? : Quartiers gays et trajectoires homosexuelles à Paris et à Montréal - Colin Giraud p. 38-57 Malgré l'apparition de « quartiers gays » au centre des métropoles occidentales depuis quelques décennies, on connaît mal les rapports des populations homosexuelles à ces espaces. Cet article interroge cette nouvelle figure de la centralité urbaine sous l'angle des trajectoires, des modes de vie et des manières d'être homosexuel des populations résidentes de deux quartiers gays de Paris et Montréal. La reconstitution de leurs trajectoires socio-spatiales, l'analyse de leurs pratiques et de leurs représentations permettent d'identifier plusieurs manières d'entrer et de vivre dans ces quartiers : le quartier gay reste investi de manière très différenciée selon les parcours et les propriétés sociales des individus. Ce résultat amène à remettre en cause certaines images uniformisantes et stigmatisantes au sujet des quartiers gays et des homosexualités contemporaines.La vi(ll)e en rose ?
Despite the emergence of “gay neighborhoods” in the heart of Western metropolises in the past few decades, the ways in which their resident gay population relate to these urban spaces are little known. This paper scrutinizes this new figure of urban centrality through the lens of the trajectories, the lifestyles and the ways of being gay expressed by the residents of two gay neighborhoods located in Paris and Montreal. The recovery of their social and spatial trajectories, the analysis of their practices and their representations make it possible to identify several ways of becoming part of these neighborhoods and living there : the gay neighborhood is experienced in very different ways, depending upon the trajectories and the social characteristics of individuals. This result challenges some of the stigmatizing and homogenizing representations of gay neighborhoods and contemporary homosexuality. - Il était une fois... des enfants dans des quartiers gentrifiés à Paris et à San Francisco - Jean-Yves Authier, Sonia Lehman-Frisch p. 58-73 Comment les enfants de milieux sociaux différents habitent-ils et cohabitent-ils dans les espaces gentrifiés ? Observe-t-on au sein de cette population un plus grand mélange social que celui que donne à voir la littérature sur la gentrification ? Ces questions sont ici traitées à partir d'une enquête réalisée auprès d'enfants âgés de 9 à 11 ans (et de leurs parents) résidant dans deux quartiers gentrifiés, à Paris et à San Francisco. Les résultats de cette enquête permettent d'apporter un autre regard sur les rapports de cohabitation qui se déploient dans les quartiers de centre-ville. Dans ces contextes relativement singuliers de socialisation, les enfants sont davantage engagés dans des pratiques de mixité sociale que leurs parents. Mais celles-ci varient aussi en fonction des rapports que ces derniers entretiennent avec le quartier et, plus largement, avec la diversité sociale.Once upon a time... there were children in the gentrified neighborhoods of Paris and San Francisco
How do children from different social backgrounds live and coexist in gentrified areas ? Do we observe among this population a greater social diversity than what the literature on gentrification suggests ? This paper addresses these questions on the basis of a survey conducted with children between 9 and 11 years old (and their parents) living in two gentrified neighborhoods located in Paris and San Francisco. The results of this survey make it possible to look differently at the relationships of coexistence that can be observed in inner city neighborhoods. In these very specific contexts of socialization, children are more involved than their parents in practices of social diversity. Yet, these practices also vary with the type of involvement parents have with the neighborhood and, more generally, with the degree of social diversity. - Politiques urbaines et justifications écologiques : Note sur les centres-villes « durables » en Amérique latine - Eliza Benites-Gambirazio p. 74-77
- « Il faut de tout pour faire un monde clos » : Genèse historique, délimitations matérielles et symboliques du « quartier européen » à Bruxelles, 1960-2010 - Sylvain Laurens, Francis Marchan, Mathieu Van Criekingen p. 78-97 L'enracinement des institutions européennes a fortement transformé le centre-ville de la capitale belge mais cette constitution récente d'un entre-soi eurocrate ne se réduit pas à un processus classique de gentrification. En valorisant une entrée par l'histoire urbaine et la sociologie des agents qui ont pu contribuer à produire le quartier européen de Bruxelles, cet article analyse comment, depuis les années 1960, se sont transformés et unifiés les usages légitimes de plusieurs zones aisées de la ville. Reposant sur plusieurs sources (notamment statistiques), cette contribution se propose de tenir ensemble l'histoire des stratégies immobilières des institutions européennes, les logiques économiques guidant les stratégies des promoteurs locaux, de l'État belge et de la chaîne d'entrepreneurs qui, à travers la constitution d'offres commerciales adaptées aux « expats de passage », opèrent aujourd'hui un marquage à la fois matériel et symbolique de ce centre urbain.“It takes all kinds to make a world”The development of European institutions has radically transformed the center of the Belgian capital, but the recent emergence of a eurocratic milieu cannot be equated with a process of traditional gentrification. This paper privileges an approach based on urban history and on the sociology of the actors who contributed to developing Brussels' European district. It shows how the legitimate uses of several upper class neighborhoods have changed and become convergent since the 1960s. Based on several sources (in particular statistical sources), the paper intends to combine the history of the real estate strategy of European institutions with the economic logic that determines the strategies of local brokers, of the Belgian state and of the intermediate chain of entrepreneurs who leave their symbolic and material mark on this urban center by developing commercial offers targeting the “temporary expatriates.”
- La Goutte d'Or, 30 juillet 1955 : une émeute au cœur de la métropole coloniale - Emmanuel Blanchard p. 98-111 L'émeute urbaine est généralement analysée en lien avec l'histoire des quartiers périphériques et des grands ensembles. L'intégrer à une histoire de la « centralité immigrée » à Paris permet de mettre au jour d'autres continuités et généalogies. Ainsi, l'étude de l'émeute survenue le 30 juillet 1955 dans le quartier de la Goutte d'Or (18e arrondissement, Paris), marqué par une très forte visibilité des « Français musulmans d'Algérie », permet de rompre avec le spatialisme des tentatives d'historisation des violences urbaines. Au croisement de plusieurs traditions de mobilisation (mouvement ouvrier, résistances populaires aux instances disciplinaires, luttes anticoloniales) s'est alors actualisé un mode d'action émeutier dont de nombreux éléments sont repérables dans des épisodes intervenus des années 1970 à nos jours. Il en ressort que, plus que les segmentations géographiques, ce sont les discours publics et les dispositifs policiers qui construisent les espaces au sein desquels l'émeute apparaît comme une réponse à la domination politique et sociale.La Goutte d'Or, 30 July 1955 : insurrection in the heart of the colonial metropole
Urban insurrections are usually analyzed in relation to the history of suburban neighborhoods and large housing projects. By relating an insurrection to the central position of immigrants in Paris, it becomes possible to shed light on different continuities and genealogies. Thus, the study of the insurrection of July 30, 1955, in the neighborhood of La Goutte d'Or in the 18th arrondissement of Paris makes it possible to leave behind the spatial focus characterizing the attempts at historicizing urban violence. At the intersection of several traditions of social mobilization (workers movement, popular resistance against disciplinary institutions, anticolonial struggles), this episode has instantiated an insurrectional logic of action many components of which can be identified in various insurrectional episodes that have taken place since the 1970s. It thus seems that public discourse and policing patterns, more than geographic segmentations, shape the spaces within which insurrections appear to be answers to political and social domination.
Lectures critiques
- Attention, un espace peut en cacher un autre - Fabrice Ripoll p. 112-121