Contenu du sommaire : L'Union européenne et le nouvel équilibre des puissances
Revue | Politique européenne |
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Numéro | no 39, février 2013 |
Titre du numéro | L'Union européenne et le nouvel équilibre des puissances |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- L'Union européenne et le nouvel équilibre des puissances - Antoine Mégie, Frédéric Mérand p. 9-21
- The power of the European Union : What explains the EU's (lack of) influence on Russia ? - Tuomas Forsberg p. 22-42 La puissance de l'UE: comment expliquer l'influence de l'UE (et sa perte) sur la Russie. Il existe de nombreux désaccords et confusions lorsque l'on cherche à interroger la puissance réelle de l'UE dans la politique internationale. Connaît-elle une augmentation ou un déclin? Quelle est la meilleure manière pour l'Europe d'utiliser le pouvoir dont elle dispose? Parce qu'aucun cadre analytique ne suffit à lui seul à appréhender la notion de puissance dans la politique internationale, il est essentiel de cerner les différentes approches alternatives qui considèrent et cherchent à analyser cette dimension. Selon une première approche, la puissance peut être considérée en fonction de ses sources constitutives: militaires, économique et normative. Pour une seconde lecture, elle mérite d'être conçue en termes de ressources, de perceptions et d'interactions subjectifs. Une troisième démarche ajoute aux ressources, la stratégie et les pratiques considérant qu'elles offrent une compréhension supplémentaire de la puissance. Enfin, la dernière vision estime que l'hypothèse selon laquelle la partie la plus puissante impose toujours sa volonté peut se révéler contredite en raison de l'importance du contexte. Cet article compare ces quatre lectures en les appliquant à l'UE et à ses relations avec la Russie. Nous chercherons à démontrer pourquoi l'explication du succès ou de l'échec de l'UE pour promouvoir ses intérêts vis-à-vis de la Russie a peu avoir avec la compréhension des marqueurs traditionnels de la puissance telle que la capacité militaire. Au contraire, une attention particulière sera apportée aux autres dimensions qui structurent ce registre européen.There is much disagreement and confusion as to how much power the European Union actually has in international politics, whether it is increasing or onthe wane, and how the EU can best use what power it has. Although no single analytical framework suffices for understanding power in international politics, it is important to be able to understand what difference alternative theories of power make. First, power can be seen in terms of its sources: military, economic and normative. Second, it can be conceived in terms of resources, perceptions, and intersubjective understandings. Third, in addition to resources, effective power also depends on strategy and will to use power. Fourth, the assumption that the more powerful party is always able to impose its will might be mistaken. Because power depends on context, there are many instances where it is unreasonable to expect that the EU could influence Russia, regardless of the former's resources or strategic skill. This article compares these four basic ways to understand power and applies them to EU – Russia relations. I argue that explaining the success or failure of the EU to advance its interests concerning Russia has little to do with the traditional understanding of power as military capability. On the contrary, much more attention should be paid to the other dimensions of power.
- Le retrait de l'Europe et la montée en puissance de la Chine en Afrique : Une évaluation des approches réalistes, libérales et constructivistes - Catherine Gegout p. 44-75 La Chine et l'Europe (au sens de l'Union européenne et de ses États membres) sont toutes deux des acteurs politiques et économiques en Afrique. Le commerce entre la Chine et l'Afrique a pris de l'importance au tournant du XXIe siècle. Dans le domaine de la sécurité, la Chine a pris part aux missions de maintien de la paix de l'ONU à la fin des années 1980, et en plus de la présence militaire de certains États européens, l'UE a également déployé des troupes en Afrique pour la première fois en 2003. Malgré des intérêts similaires sur ce continent, la coopération entre l'Europe et la Chine reste, comme nous l'expliquerons, quasi inexistante. Néanmoins, cet article montre aussi que même si les acteurs européens et chinois ont des approches et donc des politiques différentes dans les domaines sécuritaires et politiques, il est possible d'observer une certaine convergence dans le domaine économique. Les approches réalistes et libérales s'avéreront plus utiles que l'approche constructiviste afin de comprendre les politiques étrangères de l'Europe et de la Chine sur le continent africain.The Withdrawal of Europe and the Rise of China in Africa : Evaluating the Relevance of Realism, Liberalism and Constructivism. Both China and Europe (the European Union and its member states) are economic and security actors in Africa. China's trade with Africa gained importance in the early 2000s. In the security field, China started taking part in United Nations peacekeeping missions in the region in the late 1980s. European states, for their part, have a history of presence on the African continent, and the EU began to deploy troops in Africa in 2003. Despite similar interests in Africa, there is hardly any cooperation between European actors and China. This paper shows that although European and Chinese actors differ in their policies when they address security and political issues in Africa, they nonetheless have increasingly similar economic policies. Realist and liberal approaches seem more appropriate than the constructivist approach in order to understand European and Chinese foreign policies towards the African continent.
- L'Union européenne en Méditerranée : Puissance en repli, normes en déshérence ? - Elena Aoun p. 76-104 Les ruptures que connaît l'espace méditerranéen à partir de 2011 démontrent combien il demeure volatile en dépit de quarante ans de « politique étrangère structurelle » européenne. S'il est impossible d'apprécier déjà les conséquences du « Printemps arabe » sur les moyen et long termes, il ne fait aucun doute qu'il aura un impact profond sur les reconfigurations socio-politiques des pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ainsi que sur les équations régionales, nécessitant dès lors un repositionnement de la part des acteurs tiers. Cela est d'autant plus vrai pour l'UE en raison de la proximité géographique, des réalités migratoires, des enjeux économiques, politiques et sociaux ainsi que des liens noués au fil des politiques euroméditerranéennes. S'inscrivant dans la lignée de la conceptualisation de l'UE comme puissance normative, cet article tente de dégager certains facteurs susceptibles de contribuer aux reconfigurations futures des rapports euroméditerranéens. Après un bilan des différentes dimensions de la politique étrangère européenne depuis les années 1970, l'article s'intéresse aux réorientations consécutives au Printemps arabe, étayant l'hypothèse que, limités par une dépendance au sentier institutionnelle et conceptuelle qui pérennise les contradictions de la puissance normative de l'UE, les repositionnements actuels semblent augurer d'un affaiblissement du potentiel performatif de l'UE et d'une réduction de sa place dans les futurs équilibres de puissance en Méditerranée.The European Union in the Mediterranean : Orphaned norms and retreating power ?
The dramatic events that started unfolding in the Mediterranean region since2011 have revealed how volatile it remains in spite of a 40-year long European “structural foreign policy”. Though it is much too early to fully grasp the mid-and long-term consequences of the “Arab Spring”, it is almost certain that this chain of events will have a deep impact on the socio-political reconfigurations of North African and Middle Eastern countries and on regional power equations, therefore creating the need for external actors to adapt. This is all the more true for the European Union because of geographical proximity, migration realities, economic, political and social stakes as well as the dense relationships that emerged out of Euromediterranean policies. In line with the concept of “normative power”, this article attempts to identify some of the factors that might substantially contribute to the future reconfiguration of Euromediterranean relations. After having surveyed the various dimensions of European foreign policy since the 1970s, the article focuses on post-“Arab Spring” reorientations, trying to substantiate the claim that, limited by both an institutional and conceptual path dependency that perpetuates the contradictions of the EU's normative power posture, these reorientations seem to portend a weakening of the Union's performative potential and a diminution of its standing in the future balance of power in the Mediterranean. - L'Union européenne, l'interrégionalisme et les puissances émergentes : Le cas du « partenariat » euro-brésilien - Sebastian Santander p. 106-135 L'Union européenne (UE) cherche à se lier avec des puissances dites « émergentes » avec lesquelles elle n'hésite pas à sceller des partenariats « stratégiques ».Pourtant, elle a longtemps privilégié des relations avec des blocs régionaux au détriment des rapports individuels avec les États, comme en témoignent ses rapports avec l'Amérique latine. L'UE a, d'ailleurs, porté une attention particulière vis-à-vis du Mercosur. Mais depuis peu elle développe aussi un canal de relation privilégié avec le Brésil au travers du partenariat dit « stratégique ». La présente contribution s'interroge sur les raisons de ce partenariat, sur les intérêts des parties pour une telle association, sur la manière dont cette dernière s'articule avec les relations que l'UE entretient avec le Mercosur ainsi que sur les obstacles et les limites qu'elle rencontre. La démarche européenne consistant à sceller des « partenariats stratégiques » avec des « puissances émergentes » vise aussi bien à retirer des avantages économiques pour ses multinationales qu'à accroître la visibilité et la reconnaissance de l'UE comme acteur international et à démontrer sa capacité à se mouvoir dans un monde stato-centre. Ce faisant, l'UE renverse sa logique stratégique. Elle passe d'une stratégie fondée sur l'idée d'acteur normatif qui encourage le régionalisme international et les relations interrégionales, à une approche aux relents de Realpolitik qui, loin de domestiquer et multilatéraliser l'action internationale des BRICS, valorise la puissance des États.The EU, interregionalism and the rising powers. The case of the EU-Brazilian “partnership”The European Union (EU) now seeks to bind “rising” powers through “strategic”partnerships. Yet it has long privileged relations with regional blocs rather than individual relations with countries, as has been the case in its relations with Latin America. The EU has payed special attention to relations with Mercosur. But it has recently established a direct and regular channel with Brazil through the so-called “strategic” partnership. The paper analyses the reasons for this partnership, the interests at stakes, the way the relations between the EU and Mercosur are articulated with this “new” association agreement, as well as the obstacles that it is facing. Our results show that the European approach to “rising” powers is not only aimed at conquering new markets for European business, but also at increasing the visibility and recognition of the EU as an international actor and demonstrating its ability to play in a state-centric world. In so doing, the EU is reversing its strategic logic. It is moving from a strategy based on the idea of normative actor that promotes international regionalism and interregional relations to a Realpolitik approach which, rather than taming and multilateralising the international action of BRICS, enhances the power of these states.
- Rivalry, Community, or Strained Partnership ? : Relations between the European Union and the United States - Niels Lachmann p. 136-156 Rivalité, communauté ou partenariat sous tension ? : la relation entre l'Union européenne et les États-Unis. Alors que les États-Unis considèrent désormais la région de l'Asie-Pacifiquecomme la zone d'intérêt stratégique du futur, l'Union européenne apparaît susceptible de disparaître de leur point de vue. Envisager ce glissement vers la perte totale d'importance présuppose cependant que l'UE ne peut plus devenir un rival pour les États-Unis dans un monde multipolaire. Une telle perspective exige également de ne plus voir dans l'UE un partenaire indispensable aux États-Unis dans la gestion des enjeux internationaux. Pourtant, la plupart des descriptions relatives aux rapports UE-États-Unis continuent à utiliser les notions de rivalité et de partenariat, auxquelles correspondent les approches conceptuelles du « soft balancing » et de « communauté de sécurité ». Cette contribution étudie si ces deux approches divergentes sont encore pertinentes, et jusqu'à quel point. Alors qu'une approche en termes de « communauté de sécurité » semble correspondre à l'état actuel des relations entre l'UE et les États-Unis, des stratégies alternatives conduisent cependant l'UE à s'affirmer comme un rival des États-Unis introduisant des tensions et des contradictions dans le partenariat. Ainsi, si les rapports entre l'UE et les États-Unis sont marqués par le principe du partenariat cela n'empêche pas une possible détérioration à l'avenir de la relation transatlantique.With the United States now considering the Asia-Pacific region as the future strategic zone of interest, the European Union appears liable to vanish from the picture. This slide into irrelevance, however, presupposes that the EU will not become a significant rival to the US in a multipolar world. It also assumes that the EU is no longer an indispensable partner for the US in dealing with international issues. Yet rivalry and partnership, which more or less correspond to the conceptual approaches of “soft balancing” and “security community”, are still widely used to describe the EU-US relationship. This contribution asks whether and to what extent these two opposing approaches are relevant. While the security community approach corresponds to current EU-US relations more than the idea of the EU acting as a soft balancing rival to the US, important tensions and contradictions are apparent in the partnership. This leads to the conclusion that the EU and the US being partners does not prevent a challenge to the former's ties with the latter.
- The issue of Identity in the EU-China relationship - Reuben Wong p. 158-185 Les enjeux de l'identité dans les relations UE-Chine. Dans cet article nous montrerons qu'au-delà des questions de compétitions commerciales, les identités et différences civilisationnelles permettent de comprendre les alternances qui caractérisent les relations de coopération et de conflit entre l'UE et la Chine. Or nous relevons que l'identité de ces deux ensembles connaît des évolutions permanentes. Du fait d'un rôle de plus en plus important dans le système international, la Chine tend à réévaluer son identité et ses préférences, via des choix valorisant ou écartant certains symboles de son identité passée et présente. Dans cette transition la faisant passer d'un pays en voie de développement à un membre important du système international, la Chine a connu une révolution dans l'image qu'elle se donne d'elle-même. De son côté, l'UE a connu une extension d'une communauté de neuf démocraties occidentales semblables à une Union de vingt-sept pays divers en 2007. Désirant développer une présence européenne distincte dans les affaires mondiales à travers le principe d'une « puissance normative », l'Europe entre en collision avec la Chine. Ces changements d'identité ont des conséquences importantes au niveau des interactions politiques. En d'autres termes, nous considérons que ces contextes de transformations identitaires pèsent sur les relations entre l'Union européenne et la Chine. Tant la Chine que l'UE semblent vouloir continuer à répondre l'un à l'autre selon les besoins et les demandes de leurs populations respectives et en fonction des espérances externes placées en eux en tant qu'acteurs importants dans la politique internationale que ce soit sur le terrain de la diplomatie, de l'économie, du commerce, de la finance et de la sécurité.This paper argues that rather than trade competition, ideology, civilizational differences, or changes in the international balance of power, the root of frequents wings between cooperation and conflict in the EU-China relationship lies in their ever-changing identities. As its role expands in the international system, China is forced to re-evaluate its identity and preferences, choosing to selectively remember or forget symbols and representations of the past and present. Transitioning from a developing country to an important member of the international system, its self-image has undergone a dramatic revolution. The EU meanwhile, has expanded from an EC-9 of similar Western democracies in 1973 to an EU-27 of diverse countries by 2007. Its attempt to develop a distinctive European presence in world affairs – that of ‘normative power' Europe; set it on a course of collision with China. These changes in identity have important consequences for actions and foreign policy interactions. We can thus expect China-EU relations to develop in the context of the ongoing redefinition of their identities and roles in the evolving international order. Both China and the EU will likely continue to respond to each other according to the needs and demands of their respective populations, and to the external expectations placed on them as important players in global politics, diplomacy, economics, trade, finance and security.
Chantiers de recherche
Lectures croisées
- La politique étrangère européenne entre recherches empiriques, théorisation et essai d'interprétation - Franck Petiteville p. 202-207