Contenu du sommaire : Varia
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 42, no 1, janvier-mars 2001 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Russian governors general, 1775-1825 : Territorial or functional administration ? - John P. Ledonne p. 5-30 Au cours des cent dernières années, l'administration de l'Empire russe a oscillé entre la centralisation et la décentralisation régionale, cette dernière sans grand succès. Néanmoins, une étude de la régionalisation russe fournit des aperçus intéressants des points de vue de l'élite sur les meilleures méthodes pour administrer un espace énorme à partir d'un centre. Comme on le voit dans le présent article, l'approche la plus concluante consiste à comparer l'administration territoriale à l'administration « fonctionnelle ». On entend par administration territoriale, celle où l'autorité régionale ou provinciale dirige tous les secteurs, alors que l'administration « fonctionnelle » confine cette autorité à un rôle de surveillance et subordonne tous les secteurs locaux de l'administration à leurs bureaux centraux. Tout d'abord, l'article passe en revue l'historique de la notion de région entre 1708 et 1825, il examine ensuite les pouvoirs d'un gouverneur général sous le règne de Catherine et ses relations avec le gouvernement central, en mettant l'accent sur les pouvoirs dont il dispose : nominations, entérinement des décisions de justice, et sur l'étendue de son autorité financière. Enfin, l'article examine la réforme ministérielle sous Alexandre, la création de divers types d'autorités régionales et la tentative de créer des régions uniformes dans l'empire tout entier après 1815. L'article conclut que la centralisation a fini par prévaloir, comme cela avait toujours été le cas chaque fois que l'idée de région était soulevée parmi l'élite dirigeante de l'empire.
- A. E. Presnjakov, peterburgskaja kola i marksizm - Boris KAGANOVICH p. 31-48 Cet article étudie quelques traits de l'?uvre de l'historien russe A.E. Presnjakov (1870-1929), connu comme représentant de l'école historique de Pétersbourg, école basée sur l'étude rigoureuse des sources et des faits. On peut constater que les travaux de Presnjakov au cours des années 20 ont été influencés de façon originale par le marxisme. L'auteur de l'article en vient à conclure que Presnjakov fut enclin à considérer l'autocratie russe non pas comme un équivalent du féodalisme et de l'absolutisme occidental mais plutôt comme une variante du despotisme oriental. Le marxisme pour Presnjakov fut avant tout une façon de penser l'histoire en catégories socio-économiques ; la théorie marxiste l'attirait par ses éléments de métaphysique historique. Presnjakov n'adhéra à aucune « orthodoxie marxiste » et sa vision du processus historique russe resta très éloignée de tous les canons soviétiques.
- Le phénomène de la série culte en contexte soviétique et post-soviétique. : L'exemple de Semnadcat' mgnovenij vesny - Rodolphe Baudin p. 49-70 Le succès immédiat et durable de la série télévisée Semnadcat´ mgnovenij vesny (Dix-sept instantanés d'un printemps) a survécu à la transition post-communiste et au passage des habitudes de réception du public russe aux catégories du contexte post-moderne, même si ce passage s'est fait au prix d'un déplacement de la série du champ de la culture populaire de masse à celui de la culture pop et élitiste. Cet article étudie ce passage, et notamment sa manifestation la plus visible : l'organisation d'un culte pour la série. La première partie de l'article se penche sur l'esthétique du feuilleton. À la stabilité étonnante de sa structure narrative s'ajoute l'absence totale d'action dans l'énoncé. L'action est résorbée ici dans la psychologie, laquelle est réduite au thématique, qui permet d'éviter le problème du conflit intérieur, impensable pour le poloÂitel´nyj geroj Stirlitz. La série joue ensuite un double rôle d'énoncé didactique et de métalangage idéologique. Ces deux éléments sont régulés par une troisième catégorie : la fabrication du mythe, qui assure l'univocité de la série. La deuxième partie de l'article étudie trois types de réception de la série. La première est d'ordre moral, la deuxième ironique et la troisième ludique. Le passage de la première à la troisième montre le passage du public russe aux catégories de l'appréciation du contexte post-moderne. Une autre pratique propre à ce contexte est l'organisation d'un culte autour des séries télévisées. En Russie, ce culte ne peut recourir au soutien du merchandising. Il s'organise alors autour des histoires drôles sur Stirlitz. Ces histoires drôles amputent la série de son discours idéologique, la revalorisent en permettant, par le biais de l'humour, d'en accepter les faiblesses, la transforment en fonction des nouveaux standards des séries américaines (humour et action). L'existence de ce culte révèle une tentative pour (ré)organiser une communauté détruite par le creusement des inégalités sociales en Russie post-communiste, notamment dans l'accès à la culture.
- Le néo-eurasisme russe. L'empire après l'empire ? - Marlène Laruelle p. 71-94 Au sein des différents mouvements néo-eurasistes qui ont émergé dans les années 1990, celui d'A. S. Panarin (Académie des sciences de Moscou) se distingue par son haut degré de théorisation. Son discours se veut tout d'abord politique : le monde de l'après-bipolarité est un monde « post-moderne », marqué par de nouvelles valeurs (le sens de la collectivité, le retour de la religion et de l'ascétisme, un fort sentiment écologique, etc.) et à la tête duquel se trouverait la Russie post-totalitaire. Panarin définit alors pour elle, comme pour son « étranger proche », une géopolitique anti-occidentaliste fondée sur des postulats culturalistes empruntés à Samuel Huntington. Panarin cherche surtout à réhabiliter, philosophiquement et politiquement, la notion d'empire. Il espère ainsi effacer les ruptures idéologiques et dessiner les lignes de continuité entre tsarisme, Union Soviétique et période contemporaine. L'empire, entité anhistorique, serait alors la construction étatique « naturelle » de l'espace eurasien, seul moyen de garantir la préservation des cultures nationales tout en restant l'expression de l'identité russe. Le néo-eurasisme de Panarin propose ainsi au pays une nouvelle idéologie identitaire censée éviter toute division nationaliste en définissant une Russie tant russo-orthodoxe que turco-musulmane.
- Architekturnaja metafora u Mandel´tama - Lola KANTOR-KAZOVSKY p. 95-114 Le rapprochement métaphorique de la poésie et de l'architecture chez Osip Mandel´Òtam. Dans ses écrits poétiques et théoriques, Mandel´Òtam établit une analogie entre la poésie et l'architecture, plaçant ainsi son ?uvre dans un contexte philosophique et esthétique différent de celui qu'exploraient les symbolistes russes. Il y développa l'idée que la beauté naît de la téléologie et qu'on en trouve le meilleur exemple dans l'architecture, en particulier celle des cathédrales gothiques. L'idée que la beauté est l'effet de la téléologie implique généralement un rapport entre le beau et le bien, et le glissement de Mandel´Òtam vers cette esthétique fut guidé par la philosophie du Bien de Solov´ev. La conception de ce dernier se trouve paraphrasée dans « Notre Dame », le poème le plus connu de Mandel´Òtam, qui est aussi une sorte de manifeste artistique. Ce sont les traités de rhétorique de l'Antiquité qui utilisèrent les premiers les métaphores architecturales dans le but d'introduire le rapport entre la beauté et le téléologique dans la théorie littéraire. Il est plus vraisemblable que Mandel´Òtam puisait son inspiration dans la rhétorique de l'Antiquité et non dans les édifices eux-mêmes quand il décrivait les voûtes gothiques et les dômes byzantins ou de la Renaissance. On retrouve dans l'un de ses poèmes des termes utilisés par Demetrius dans une comparaison entre une figure de rhétorique et une voûte ou un dôme. Le poète accordait sans doute une importance hors du commun au dôme de Saint-Pierre parce que Diderot en avait fait un exemple de l'identification de la beauté au téléologique dans son étude brillante, Essai sur la peinture. Mandel´Òtam, qui avait une prédilection pour le Siècle des lumières, fait allusion à l' Essai de Diderot dans le poème intitulé « L'Amirauté ».
- Russian governors general, 1775-1825 : Territorial or functional administration ? - John P. Ledonne p. 5-30
Documents
- La réforme des institutions politiques centrales de la Russie : les « Rêveries » d'Antoine-Henri Jomini (1861). - Ami-Jacques Rapin p. 115-138 En novembre 1861, Antoine-Henri Jomini fait parvenir à Alexandre II un projet de réforme des institutions politiques centrales de l'empire, sans avoir été nullement sollicité à ce propos. La démarche du vieil aide de camp des empereurs de Russie, retiré depuis de longues années de la vie publique, s'inscrit dans le prolongement du Manifeste de février 1861, mais renvoie également à un intérêt permanent de l'écrivain militaire suisse pour l'art du gouvernement. S'inspirant de ses analyses des institutions politiques de la France de la Restauration, Jomini cherche à concilier les principes d'autorité d'une monarchie héréditaire à ceux d'une saine gestion de l'État dans une phase de transformation de l'empire. Si la réforme des mécanismes du pouvoir autocratique est jugée aussi urgente que nécessaire, l'auteur n'en demeure pas moins circonspect en rejetant l'hypothèse d'une solution parlementaire. Son projet esquisse un compromis entre l'absolutisme et un régime d'assemblées délibérantes, souscrivant ainsi au principe d'une monarchie tempérée par des lois, mais soumise à la légitimité héréditaire. Le système proposé dans le mémoire de Jomini dénote une pensée politique conservatrice. Sans exclure une évolution progressive des institutions politiques de la Russie au-delà d'un bicaméralisme partiellement électif, le projet laisse au souverain l'entière initiative d'un tel développement.
- est´neizdannyh pisem Borisa Pil´njaka o ego pervom prebyvanii na Dal´nem Vostoke (v Kitae i Japonii) v 1926 g. - Dany Savelli p. 139-158 Six lettres inédites de Boris Pil´njak à propos de son premier séjour en Extrême-Orient (en Chine et au Japon) en 1926. Les six lettres inédites de Boris Pil´njak (1894-1938) publiées ici permettent de retracer dans ses grandes lignes le premier voyage que l'écrivain effectua en Extrême-Orient entre mars et septembre 1926. Outre les premières impressions de Pil´njak en Asie, ces lettres révèlent les amitiés qui lièrent l'écrivain à différents représentants de l'intelligentsia japonaise, son action en faveur d'un rapprochement culturel nippo-soviétique mais aussi sino-soviétique, comme la méfiance dont il fut l'objet aussi bien de la part des autorités chinoises de Harbin que de la Tokkô, la redoutable police spéciale japonaise. Les commentaires qui accompagnent cette publication ont été établis à l'aide en partie des archives de l'Association soviétique des liens culturels avec l'étranger (VOKS) et des archives du ministère des Affaires étrangères du Japon.
- La réforme des institutions politiques centrales de la Russie : les « Rêveries » d'Antoine-Henri Jomini (1861). - Ami-Jacques Rapin p. 115-138
Dossier
- Vladimir Solov´ev, la « mutabilité » d'une pensée. - p. 159
- SOLOV'EV, interprète de Schelling - Bernard DUPUY p. 161-168
- Solov'ev, slavophile ou occidentaliste ? - François ROULEAU p. 169-174
- Solov'ev européen - Georges Nivat p. 175-184