Contenu du sommaire : Intellectuels et intelligentsia

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 43, no 4, octobre-décembre 2002
Titre du numéro Intellectuels et intelligentsia
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Intellectuels et intelligentsia

    • Comparer l'incomparable : Le général et le particulier dans l'idée d'« homme instruit » - Denis A. SDVIÅKOV p. 569-590 accès libre avec résumé
      L'article est consacré à l'histoire des couches cultivées en tant que phénomène universel commun à toute l'Europe. La comparaison entre différents pays se fonde avant tout sur une étude des concepts fondamentaux autour desquels s'est formée la conscience de soi de l'homme instruit : « prosve??enie » (instruction), « obrazovanie » (formation), « intelligencija » (intelligence). Le recours à la comparaison est nécessaire pour comprendre la nature des couches cultivées qui ont exercé une grande influence sur l'histoire des pays européens : la France, l'Allemagne, la Pologne, la Russie, etc., pendant tout le « long xixe siècle » et au xxe siècle. La condition nécessaire de cette comparaison est l'étude de l'homme instruit des Temps modernes sur le fond européen du passage de la civilisation chrétienne médiévale à l'époque moderne. L'article définit rapidement les étapes de ce passage -- la « révolution scolastique », l'humanisme, les réformes pétroviennes en Russie, les Lumières --, et il analyse les principaux jalons du développement de l'intelligentsia au xixe et au xxe siècle. Un des principaux repères sur cette voie est la quête par l'intelligentsia d'un nouveau type d'homme, mais le drame historique de l'intelligentsia réside dans l'impossibilité d'atteindre ce but et dans l'ambiguïté de son rôle social.
    • Bildungsqualifikation und bÜrgerliche Gesellschaft : Vergleichende Anmerkungen zu ihrer Entwicklung im ausgehenden Zarenreich - Manfred HILDERMEIER p. 591-600 accès libre avec résumé
      L'article examine quelques aspects du concept modifié de « bürgerliche Gesellschaft » (société civile) et de la sphère publique. Il soutient (en suivant la notion de Jürgen Habermas de sphère publique) que la société civile -- comprise comme un environnement politique permettant à l'éducation et à la raison de s'exercer pleinement -- devrait, pour être adaptée au contexte historique russe, être séparée 1) de la couche sociale appelée « bourgeoisie », 2) d'un rôle nécessairement critique ou oppositionnel, 3) de l'idée que ses représentants poursuivraient exclusivement ou prioritairement leurs propres intérêts égoïstes. Si, par là même, il devient évident que les valeurs civiques, démocratiques et libérales peuvent exister sans que se développe une société civile à part entière, on peut soutenir l'idée que les nouvelles élites urbaines et instruites (professions libérales, noblesse personnelle, i.e. fonctionnaires de l'État, marchands et entrepreneurs « éclairés ») pouvaient, dès la fin du xixe siècle, présenter potentiellement une alternative « civique » par rapport à la voie historique que la Russie a suivie après 1917.
    • Les identités de l'intelligentsia russe et l'anti-intellectualisme : Fin du XIXe-début du XXe siècle - Boris I. KOLONICKIJ p. 601-616 accès libre avec résumé
      L'article étudie la question de l'identité de l'intelligentsia russe au tournant du xxe siècle. Au début des années 1880, certains essayistes de renom, que l'on considéra par la suite comme des membres typiques de ce groupe, éprouvaient déjà des réticences à employer le terme d'« intelligentsia » pour se définir. Mais il gagna très vite en popularité et fut utilisé dans des acceptions diverses. L'appartenance à l'« intelligentsia » se définissait selon divers critères -- niveau d'instruction, exercice de telle ou telle profession, style de vie ou position sociale. Certains intellectuels, en particulier les auteurs conservateurs, rejetaient l'usage de ce terme pour eux-mêmes, en prenant une distance critique à l'égard de ceux qu'il était censé désigner. Les intellectuels marxistes, qui s'identifiaient au « prolétariat », faisaient de même. Les activistes de la classe ouvrière entretenaient un rapport ambigu avec la sous-culture de l'intelligentsia qui pouvait inclure une dimension d'intellectuelophobie. L'anti-intellectualisme contribua à la formation de la tradition de l'« intelligentsia » en contraignant les intellectuels à se défendre et à produire des textes capitaux.
    • La mobilisation intellectuelle : La communauté académique internationale et la Première Guerre mondiale - Aleksandr N. DMITRIEV p. 617-644 accès libre avec résumé
      Cet article est consacré aux changements causés par la Première Guerre mondiale dans l'organisation de la recherche scientifique, dans la coopération entre la science et le pouvoir et dans les formes de l'internationalisme scientifique. Avant 1914, on peut dire que la situation se caractérisait par l'existence d'une « république des savants » originale, présente à l'échelle européenne et dotée d'un large réseau au niveau des académies et des universités, mais également par une concurrence croissante entre les sociétés scientifiques nationales (l'« internationalisme des patriotes »). Le bombardement de la cathédrale de Reims, l'incendie de la bibliothèque de l'université de Louvain et la « guerre de l'esprit » qui commença à l'automne 1914 avec le manifeste allemand de 93 intellectuels mirent fin à cette coopération. L'article analyse à la fois l'activité des chercheurs et des organismes de recherche qui soutenaient leurs gouvernements respectifs pendant la guerre (M.Planck, A.Schuster, U.von Wilamowitz-Moellendorf, P. Duhem) et la position de la « minorité » pacifiste au sein des sociétés scientifiques des divers États (A. Einstein, G.F.Nicolai, B.Russell, G.Lukács). La guerre se solda par le boycott entre 1918 et 1927 de la science allemande qui perdit progressivement sa position dominante, par la création d'un nouveau Conseil scientifique international et par l'importance croissante d'un principe national-étatique dans le développement de la science. Malgré ses conséquences négatives et destructrices évidentes, la guerre fit apparaître de nouvelles formes d'organisation sociale de la science et mit en évidence le rôle croissant de l'État, développement qui d'ailleurs caractérisa tout le cours ultérieur de la science au xxe siècle.
    • L'intelligentsia et son rôle dans les organisations publiques de la ville de Tambov au tournant du XXe siècle : Essai d'étude régionale - Anastasija S. TUMANOVA p. 645-660 accès libre avec résumé
      L'article est consacré à un aspect majeur de l'activité publique de l'intelligentsia russe, à savoir sa participation aux sociétés bénévoles apolitiques (pédagogiques, savantes et culturelles). L'analyse se base sur des matériaux relatifs à Tambov, chef-lieu de province typique du centre de la Russie, qui datent de la période prérévolutionnaire, période pendant laquelle un climat de tension politique, culturelle, scientifique et artistique se faisait de plus en plus sentir dans la ville. Elle montre comment l'activité culturelle de l'intelligentsia s'est développée et en quoi se distinguaient les divers groupes d'intellectuels qui composaient les associations de bénévoles. La présentation des sociétés publiques les plus marquantes et les plus actives et de leurs chefs permet d'analyser les raisons qui ont poussé l'intelligentsia à s'engager dans l'action publique, les traits particuliers de son organisation loin de la capitale, l'impact des associations apolitiques sur le développement de la conscience civique et politique de l'intelligentsia et sur sa professionnalisation. Pour l'auteur, cette activité témoigne de la capacité d'une partie considérable de la « classe instruite » russe, confrontée à un climat d'instabilité politique, à s'engager sur la voie d'un travail constructif progressif plutôt qu'à se lancer dans l'expérimentation révolutionnaire. L'auteur voit dans l'activité des sociétés apolitiques l'une des formes de la transformation de la vie russe selon la théorie des « petites actions ». L'article se base sur un grand nombre de sources -- documents d'archives, périodiques, et écritures des organisations publiques.
  • Paronama bibliographique

  • Comptes rendus