Contenu du sommaire : La description en questions
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 73, no 1, janvier 2010 |
Titre du numéro | La description en questions |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La description en questions - Guy Félix Duportail p. 5-7
- Critique du donné - Jocelyn Benoist p. 9-27 La phénoménologie a été caractérisée par ce geste qui consiste à faire du « donné » un principe absolu. Cependant, une analyse grammaticale de l'« être-donné » révèle qu'un tel usage absolu de la notion la sépare de ses conditions naturelles de signification. Cette analyse met en évidence la conditionnalité essentielle de cette « donnée », qui requiert de la réalité que celle-ci vienne remplir les trois dimensions inhérentes à la syntaxe du don. Sur la base d'une telle critique, l'auteur suggère un autre point de vue sur la donnée, qui l'interprète selon une perspective intégralement réaliste, ce qui implique aussi bien une méthode philosophique particulière, qu'on pourrait appeler « contre-phénoménologie ».Phenomenology has been characterized by the move to make the ‘given' an absolute principle. However, a grammatical analysis of ‘being-given' reveals that such absolute use of the notion separates it from its natural conditions of meaning. Such an analysis shows the essential conditionality of givenness, which requires reality to fill in its three syntactical dimensions. On the basis of that criticism, the author suggests another take on givenness, that interprets it in a completely realist perspective, which entails a philosophical method as well, that might be described as a ‘counter-phenomenology'.
- Description indirecte - Bernhard Waldenfels p. 29-45 La phénoménologie de Husserl est tenue pour descriptive dans la mesure où elle montre comment les choses apparaissent. Cela commence avec la visée de toute chose comme quelque chose. Voir et « voir comme », montrer et dire, sont profondément entrelacés. Toutefois, la description indirecte va plus loin. Elle se réfère à quelque chose en renvoyant à quelque chose d'autre – nous le savons depuis le concept de communication indirecte de Kierkegaard et l'analyse bakhtinienne de la parole indirecte et de la citation. Une approche indirecte est requise aussitôt que notre expérience dépasse le royaume du sens et de l'intentionnalité, car nous sommes alors confrontés à quelque chose qui nous affecte et à quoi nous répondons. Les principales figures de l'indirectivité vont au-delà du sens sous la forme de l'excès, de la déviance, ou du retrait. La voie de la description indirecte sera illustrée en référence à quelques phénomènes cruciaux : la dimension passive de l'attention, le caractère responsif de la liberté, le fait de porter témoignage de la violence, et la scission entre le dire et le dit.Husserl's phenomenology turns out to be descriptive as far as it shows how things appear. It starts with taking everything as something. Seeing and seeing as, showing and saying are deeply interconnected. But indirect description goes further. It refers to something by referring to something else, as we know it from Kierkegaard's concept of indirect communication or from Bakhtin's analysis of indirect speech and of quotation. An indirect approach is required as soon as our experience surpasses the realm of meaning and intentionality, being confronted with something we are affected by and with something we respond to. Main figures of indirectness are going beyond by excess, deviating from, or withdrawing from. The way of indirect description will be illustrated by referring to some crucial phenomena : the passive part of attention, the responsive character of liberty, bearing witness of violence and the split between saying and what is said.
- Le moment topologique de la phénoménologie française : Merleau-Ponty et Derrida - Guy Félix Duportail p. 47-65 « Le moment topologique » désigne la référence commune à la topologie faite par de nombreux auteurs dans les années soixante (Merleau-Ponty, Lacan, Deleuze, Foucault, Derrida). Dans le paradigme phénoménologique, il conditionna deux réponses antonymes : d'un côté, chez Merleau-Ponty, il ouvrit la voie vers une nouvelle réduction, d'un autre côté, chez Derrida, il permit une rupture d'avec le cadre méthodologique de la phénoménologie. C'est pourtant le dépassement de cette opposition qui est ici proposé.« The topological moment » denotes the common reference to topology developed by numerous authors during the 1960's (Merleau-Ponty, Lacan, Deleuze, Foucault, Derrida). In the phenomenological paradigm, it created two antonymous responses : on one side, Merleau-Ponty paved the way for a new reduction, on the other side, Derrida facilitated a break from the methodical framework of phenomenology. However, this article proposes to move beyond this opposition.
- La chair de la vérité - Jacob Rogozinski p. 67-80 Pour résister à la destruction de la vérité qui menace la pensée contemporaine, on se propose de revenir à la thèse de Husserl : à la position d'un point de vérité qui s'identifie à l'évidence absolue de l'ego cogito, telle qu'il se donne dans sa chair. Mais cette évidence apodictique n'est pas forcément adéquate : il faut alors se demander ce que doit être la vérité de l'ego pour s'entrelacer à de la non-vérité et ce que doit être la chair pour que l'auto-donation incarnée de l'ego se dissimule à elle-même. Une reconstruction transcendantale de la théorie merleau-pontyenne du chiasme tactile permettra de répondre à ces interrogations.In order to resist the destruction of Truth in contemporary Thinking, we need to come back to Husserl. According to him, there is a point of Truth which is identical to the absolute self-evidence of the Ego Cogito , giving itself in its own Flesh. However, this apodictic self-evidence is not necessarily adequate. What could be the Truth of the Ego, if it intertwines itself with Non-Truth ? And what could be the Flesh, if the carnal self-giving of the Egocould conceal itself to itself ? A transcendental reconstruction of the Merleau-Pontyan theory of the tactile chiasm will help us to answer those questions.
- La philosophie comme description de l'ordinaire chez Peirce et chez Wittgenstein - Christiane Chauviré p. 81-91 Au début du XXe siècle une idée semble prééminente chez deux philosophes aussi différents que Husserl et Peirce : le projet d'une philosophie purement descriptive appelée phénoménologie (phanéroscopie chez Peirce), une science sans présuppositions. Dans les années 1920-1940, deux autres philosophes importants, Dewey et Wittgenstein revendiquent l'idée que la philosophie est une description de l'ordinaire. Wittgenstein entend décrire des faits bien connus qui nous échappent à cause de leur familiarité. Ainsi la philosophie doit être descriptive, mais le peut-elle ? Et qu'est-ce que cela signifie ? Cet article cherche à montrer que la description ne suffit pas à ces auteurs et qu'en fin de compte ils trahissent leur projet descriptif.At the beginning of the 20th century an idea seems to get prominent among two philosophers as different as Husserl and Peirce : the project of a purely descriptive philosophy called phenomenology (phaneroscopy for Peirce), a science without presuppositions. Along the 1920-1940s, two other important philosophers, Dewey and Wittgenstein claim that philosophy must be the description of the ordinary. Wittgenstein intends to describe well known facts which we fail to see because of their familiarity. So philosophy must be descriptive, but can it ? And what does it means ? This paper tries to show that description is not enough for these authors and that they ultimately betray their descriptive project.
- Darwin et l'éthique : Une rencontre précoce, un chantier toujours ouvert - Eric Charmetant p. 93-118 Cet article étudie le développement des réflexions de Darwin sur l'éthique, de ses Carnets de notes (1836-1844) à La filiation de l'homme (1871). Loin d'être un épiphénomène tardif, l'approche naturaliste de l'éthique de Darwin est largement dessinée dès 1840 : elle explique la convergence du sens moral (James Mackintosh) avec un critère d'utilité rétrospectif (William Paley révisé). Le travail ultérieur de Darwin clarifie la relation entre instincts et habitudes morales héréditaires, tout en soulignant le rôle central de la sympathie dans l'origine et l'évolution du sens moral.This paper examines the development of Darwin's reflections on morality, from his Notebooks (1836-1844) through The Descent of Man (1871). Far from being a late epiphenomenon, Darwin's naturalist approach to ethics was largely in place by 1840 : it explains the convergence between moral sense (James Mackintosh) and a retrospective utility criterion (William Paley revised). Darwin's later work clarifies the relation between instincts and hereditary moral habits, while underlining the central role of sympathy in the origin and evolution of moral sense.
- Reconnaissance et vulnérabilité : Honneth et Butler - Kim Sang Ong-Van-Cung p. 119-141 L'objet de cette étude est de présenter certains enjeux actuels de la philosophie sociale. Honneth voit dans la reconnaissance une exigence normative de la relation sociale et un concept critique en mesure de soutenir les luttes sociales contre le déni de reconnaissance et la vulnérabilité sociale. Butler envisage plutôt la reconnaissance comme une relation de pouvoir, et elle voit dans la notion d'« appréhension » un instrument critique pour envisager à nouveaux frais la reconnaissance. La vulnérabilité du corps et la précarité de toute vie ne sont pas reconnues pleinement mais sont susceptibles d'être appréhendées. Au travers de leur débat, c'est une conception du sujet produit intersubjectivement, et de son autonomie décentrée, qui se fait jour, en particulier avec l'idée butlérienne d'un sujet perméable, pensé à travers la relecture du conatus spinoziste.This essay introduces us to central issues in contemporary social philosophy. Honneth considers recognition as a normative requirement in social relation, and also as a critical concept supporting the social struggles against misrecognition and social vulnerability. Butler thinks of recognition as a power relation, and builds a notion of « apprehension », as a critical instrument to think in a different way about recognition. The vulnerability of the body and the precariousness of life are never fully recognized but can be apprehended. Their discussion focuses on a concept of subject, produced in the context of intersubjectivity, and socially provided with decentered autonomy, especially with Butler's conception of a permeable subject, grounded on an reinterpretation of a spinozist account of the conatus.
- Comptes rendus - p. 143-147
- Bibliographie : Ouvrages envoyés à la rédaction - p. 148-150
- Bulletin cartésien XXXVIII : Centre d'Études Cartésiennes (Paris IV ? Sorbonne) / Centro di Studi su Descartes e il Seicento dell'Università di Lecce / Bibliographie internationale critique des études cartésiennes pour l'année 2007 - p. 151-180
- Bulletin cartésien XXXIX : Centre d'Études Cartésiennes (Paris IV ? Sorbonne) / Centro di Studi su Descartes e il Seicento dell'Università di Lecce / Bibliographie internationale critique des études cartésiennes pour l'année 2008 - p. 181-207