Contenu du sommaire : Participation dans le monde du travail

Revue Participations Mir@bel
Numéro no 5, janvier 2013
Titre du numéro Participation dans le monde du travail
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Participation dans le monde du travail

    • Perspectives critiques sur la participation dans le monde du travail : éléments de repérage et de discussion - Sophie Béroud p. 5-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion de participation dans le monde du travail renvoie à une pluralité de sources intellectuelles et fait l'objet d'usages très différenciés par les acteurs. Il s'agit d'une notion polémique qui recouvre aussi bien l'enjeu, du côté patronal, de mobiliser au maximum la force de travail que l'exigence, du côté des salariés, de démocratiser l'entreprise, d'y étendre la citoyenneté. La reconnaissance de la spécificité du rapport salarial, de l'inégalité structurelle qui le caractérise, est passée par l'instauration progressive d'institutions représentatives des salariés. Cette construction institutionnelle a placé les syndicats au centre des logiques de représentation, ouvrant la voie à un processus de professionnalisation. D'autres formes de participation directe ont pu émerger, notamment dans le cadre de luttes, parfois en contradiction avec les syndicats, parfois de façon articulée avec l'action déployée dans les institutions représentatives du personnel. Cet article revient sur ces différents enjeux en insistant sur les ambiguïtés d'un raisonnement analogique entre démocratie politique et démocratie sociale, l'introduction d'instruments et de dispositifs empruntés à la première (le vote, le référendum, etc.) n'épuisant pas les contradictions de la seconde.
      The notion of participation in the workplace hinges on various intellectual horizons as much as it is used with a wide range of significations by different actors. The notion opens a debate between its use as a tool to obtain a high involvement of the workforce by managers and, on the contrary, can be used as a demand for more open and democratised workplace for and by workers. The historical acknowledgment of a structural inequality in the employment relations has led to the enactment of staff representative bodies (shop stewards, work councils...) which in turn led to the rise of specialized full time professional unionists. Other forms of participation were to emerge, especially in times of struggles, possibly in opposition to traditional union actions, sometimes in interplay with these traditional forms of representation of employees. This article lingers on these different aspects of participation in the workplace and insists on the dead end of the strict analogy between political democracy and industrial democracy. Tools inspired by the former (referendum, polls, elections...) being unable to account for the ambiguity of the latter.
    • De Taylor au néo-management : quelle participation des salariés ? - Antoine Bevort p. 33-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De Taylor au néo-management, on peut distinguer quatre grandes approches patronales, successivement industrielle, managériale, démocratique et enfin financière, dans la façon de penser et gérer la participation des salariés dans l'entreprise. Chaque mode de gestion exprime une appréhension particulière du travail et de la mobilisation des salariés. La généalogie de l'injonction patronale à la participation met en évidence comment la marchandisation-subordination du travail ne cesse de se heurter à une part irréductible d'autonomie que les salariés conservent de façon à la fois nécessaire (à la production) et revendiquée.
      From Taylor to neo-liberal management : what form of worker participation ?
      From Taylor to neo-liberal management, the employers have experienced a variety of worker participation forms. Four main patterns, successively industrial, managerial, democratic and financial, can be distinguished. Each approach expresses a peculiar view of work and worker participation. The genealogy of the employers' participation injunction shows how the commodification and subordination of work never eradicates an irreducible part of autonomy the employees keep altogether for the needs of production and as part of a workers' demand.
    • Quand les logiques du privé investissent le secteur public : déstabilisation des collectifs et reflux de la participation - Sabine Fortino p. 53-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse l'impact de l'introduction de pratiques de gestion inspirées du New Public Management sur le rapport au travail des agents publics et sur les collectifs autonomes de salariés dans ce secteur. En étudiant tour à tour les nouvelles prescriptions professionnelles ainsi que les dispositifs de gestion qui individualisent les salariés et cassent les logiques de métier, il s'agit de montrer la vulnérabilisation croissante d'un groupe professionnel dont les capacités de résistance et d'action (individuelles et collectives) sont progressivement défaites. Aussi, l'article défend la thèse du rôle central joué par la définition du travail, de son sens et de ses finalités, sur les difficultés contemporaines de la participation des salariés.
      This article studies the impact of New Public Management practices on the work of public agents and the autonomous collectives of employees into this sector. By studying successively the new professional prescriptions and the management techniques which individualize the employees and threats the professions' specificity, we show how NPM makes a professional group vulnerable, by overcoming the capacities of resistance and (individual and collective). Also, we argue that the definition of work's meaning and finalities plays a key role in the current difficulties of employees' participation.
    • Entre représentation institutionnelle et action collective : la variété des pratiques syndicales dans un centre d'appels - Adrien Mazières-Vaysse p. 77-101 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge, à travers l'étude de l'action syndicale dans une entreprise de centres d'appels, la manière dont se manifeste, dans un secteur d'activité précarisé, l'injonction contemporaine à davantage de démocratie participative. Il montre la mise en œuvre d'un mode d'action syndicale qui articule représentation syndicale des salariés par les élus dans les Institutions Représentatives du Personnel et action collective. Cette configuration spécifique permet la constitution d'un espace de participation qui, au-delà des seuls syndicalistes, favorise l'intervention des salariés dans l'entreprise et la délibération au sein du collectif de travail.
      This paper studies the trade-union action in a call-center company, and describes how the contemporary injunction to a greater participatory democracy shows itself in a precarized labor sector. It analyzes a particular trade-union action mode that articulates a work in the staff representative institutions and collective action. This specific configuration makes the constitution of a participatory space possible, and enables the call-center operators' intervention in the workplace and deliberation among the work collective.
    • Convaincre ou produire ? Genèse et formes de participation ouvrière dans une usine « récupérée » d'Argentine - Maxime Quijoux p. 103-126 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La multiplication d'espaces de délibération dans l'entreprise favorise-t-elle nécessairement une meilleure répartition du pouvoir ? À partir de l'examen d'une usine « récupérée » par les salariés en Argentine, cet article vise à montrer que la démocratisation d'un lieu de travail est tributaire de sources de légitimité, notamment issues de l'atelier, qui peuvent entrer en concurrence avec les pratiques habituelles de démocratie directe. Cet article met alors en lumière une nouvelle forme de bureaucratisation fondée sur un régime où prévalent des conduites et valeurs « disciplinaires », telles que l'assiduité, la ponctualité et la productivité.
      Does the spread of spaces of deliberation in the company necessarily promote a better allocation of power ? Based on the study of a factory “took over” by its employees in Argentina, this article aims to show that the democratization of the workplace depends on sources of legitimacy, especially from the workshop, which can compete with the usual practices of direct democracy. This article sheds light on a new form of bureaucracy based on a regime where disciplinary values and behaviors, such as attendance, punctuality and productivity, prevail.
    • La participation aux décisions stratégiques de l'entreprise : influence ou pouvoir des administrateurs salariés ? - Aline Conchon p. 127-149 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'institutionnalisation de la représentation des travailleurs avec droit de vote dans les conseils d'administration ou de surveillance visait, comme tout projet de démocratisation de l'entreprise, à un rééquilibrage des pouvoirs. L'analyse des représentations des administrateurs salariés au prisme du concept de participation aux décisions tel qu'entendu en sociologie des relations professionnelles donne à voir une tout autre réalité. Plutôt que de pouvoir, ces acteurs se trouvent limités à une capacité d'influence en situation de délibération imparfaite en conséquence du poids d'un autre acteur, l'actionnaire.
      The institutionalisation of employee representation with voting right on the board of directors or the supervisory board aimed, as any project related to the democratisation of companies, at a rebalancing of power. The analysis of worker directors' representations thanks to the concept of participation in decision-making as developed in the sociology of industrial relations reveals a different picture. Rather than power, these actors are limited to the ability of influence in a situation of imperfect deliberation given the weight of another actor, the shareholder.
  • Varia

    • La démocratie a-t-elle encore une dimension épistémique ? Recherche empirique et théorie normative (2) - Jürgen Habermas, Isabelle Aubert, Katia Genel p. 151-175 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir comparé le modèle délibératif de la démocratie aux modèles libéral et républicain, j'envisage les possibles renvois à la recherche empirique, puis j'examine les preuves empiriques qui peuvent soutenir l'hypothèse selon laquelle la délibération politique développe un potentiel de recherche de la vérité. Les parties principales du texte servent à lever les doutes que l'on peut avoir de prime abord concernant le contenu empirique et l'applicabilité du modèle communicationnel de la politique délibérative (Introduction, sections I, II, III). Deux conditions critiques sont dégagées : une communication politique médiatisée dans l'espace public peut favoriser les processus de légitimation délibérative dans des sociétés complexes à condition premièrement qu'un système des médias autorégulé gagne son indépendance à l'égard de l'environnement social et deuxièmement que des publics anonymes garantissent un feed-back entre les discussions d'une élite informée et une société civile réactive (sections IV, V, VI, VII). [N. d. T. : La traduction de ce texte paraît dans deux numéros de Participations. L'introduction et les sections I, II, III ont été traduites dans le n? 2012-3 ; les sections IV, V, VI et VII le sont dans ce n? 2013-1].
      I first compare the deliberative to the liberal and the republican models of democracy, and consider possible references to empirical research and then examine what empirical evidence there is for the assumption that political deliberation develops a truth-tracking potential. The main parts of the paper serve to dispel prima facie doubts about the empirical content and the applicability of the communication model of deliberative politics. It moreover highlights 2 critical conditions : mediated political communication in the public sphere can facilitate deliberative legitimation processes in complex societies only if a self-regulating media system gains independence from its social environments and if anonymous audiences grant a feedback between an informed elite discourse and a responsive civil society. [The translation of this text, from German to French, is published in two parts. The first part was published in Participations 2012-3, the second part is published in Participations 2013-1].
    • Réviser l'« espace public » avec la sociologie. Un regard sur la théorie de Bernhard Peters - Isabelle Aubert p. 177-199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Introduite par Jürgen Habermas en 1962, la notion d'espace public a contribué à la formation d'un courant théorique sur la démocratie délibérative. Avec le temps, les critiques qu'on lui a adressées ont prévalu sur son usage, car elle est le plus souvent écartée aujourd'hui. L'article s'intéresse aux recherches qu'a menées le sociologue allemand Bernhard Peters en théorie normative et en sociologie empirique au sujet du sens que peut avoir, compte tenu de ces critiques, l'espace public aujourd'hui. Mettant en lumière sa fonction en théorie politique puis enquêtant dans le détail sur la réalité des espaces publics contemporains et sur leurs extensions (nationale ou transnationale ?), Peters ouvre la voie à une réflexion sur la démocratie qui met en son centre une approche révisée et critique de l'espace public.
      Elaborated in 1962 by Jürgen Habermas, the notion of public sphere highly contributed to the development of research on deliberative democracy. Over time, it has drawn so many criticisms that it has declined and is no longer pivotal in that kind of academic literature. This essay focuses on Bernhard Peters' investigations about the possible meaning of the public sphere today, both in normative theory and empirical sociology. It describes the role of the concept of public sphere in political theory and questions the impact of its empirical aspects (i.e. is there a transnational public sphere ?). It thus shows how B. Peters opens the way to a reflection on democracy which gives a leading position to a critical approach of the public sphere.
    • L'exercice de la citoyenneté. Délibération, participation et éducation démocratiques - Audric Vitiello p. 201-226 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La conception délibérative de la démocratie appelle une réforme des institutions politiques, mais aussi une redéfinition conceptuelle de la logique démocratique. En plaçant la formation au cœur de la pratique civique, la délibération entraîne les opinions et les subjectivités sur la pente dynamique d'une citoyenneté processuelle. Cette interpénétration des logiques éducative et politique ne va pas sans difficultés : d'abord, les effets de la délibération ne sont pas univoques, mais dépendent de l'interaction de dispositifs et de publics toujours singuliers ; ensuite, la participation démocratique paraît animée d'une logique complexe, pratico-poiétique, suivant un schéma dialectique où d'une hétéronomie formatrice doit émerger l'autonomie civique. D'où une imperfection essentielle aux dispositifs délibératifs, qui constituent moins un nouveau modèle démocratique qu'une nouvelle façon de concevoir la démocratie : une réalisation expérimentale, toujours singulière, sans cesse perfectible.
      Deliberative democracy induces a reform of political institutions, but also a conceptual redefinition of what is a democratic institution. If formation is a core issue of civic practice, political deliberation introduces opinions and subjectivities into the dynamic trend of a processual citizenship. But such a crossing of educative and political dimensions leads to major conceptual and practical difficulties : first, the results of deliberative formation remains always uncertain, due to the unpredictable interaction of specific devices with particular audiences ; second, democratic participation depends on a complex, dialectical, mechanism, where heteronomy must generate civic autonomy. Hence an essential imperfection of deliberative institutions, which should be conceived not as a new model of democracy but as an alternative conception of democracy, which appears as an always perfectible experimentation.
  • Lecture critique