Contenu du sommaire : Paysages, environnement, rapports sociaux (XVIIIe-XXe siècle)
Revue |
Rives méditerranéennes Titre à cette date : Rives nord-méditerranéennes |
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Numéro | no 23, 2006/1 |
Titre du numéro | Paysages, environnement, rapports sociaux (XVIIIe-XXe siècle) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Paysages, environnement, rapports sociaux (XVIIIe-XXe siècle) : Avant-propos - Laurence Américi, Olivier Raveux p. 1
- Paysages et conflits en Provence : Fin XVIIIe siècle - début XIXe siècle - Martine Chalvet p. 2 Avec la Révolution, la mise en place d'une politique centralisatrice, les débuts de l'industrialisation et de l'urbanisation, sans oublier les théories libérales, physiocrates et productivistes, l'aménagement des bois provençaux est totalement remis en cause. Dans cette période charnière, entre le XVIIIe et le XIXe siècle, les changements radicaux dans la vision des paysages forestiers et dans l'utilisation des espaces ruraux favorisent l'essor de conflits multiples. L'administration, les élus, les notables locaux, les étrangers à la Provence et les paysans des communes rurales opposent leurs regards sur les paysages. De leur côté, les éleveurs, les sylviculteurs, les agriculteurs mais aussi les ingénieurs des Eaux et Forêts ou les dirigeants de petites industries veulent forger des espaces différents et même antinomiques pour satisfaire leurs besoins productifs. Oubliant pour un temps leurs rivalités, les différentes composantes de la société provençale s'unissent pour refuser le modèle forestier et les aménagements en taillis sous futaies imposés par des Eaux et Forets. Pour des raisons économiques, sociales mais surtout identitaires et culturelles, elles refusent l'intervention de l'État central qui cherche à imposer un paysage forestier uniforme. Cet article vise donc à démêler l'écheveau complexe de ces antagonismes pour comprendre les dernières résistances aux évolutions du monde moderne qui se traduisent clairement dans les paysages.In the aftermath of the French Revolution, with a new centralized political system, and the emergence of industrialization and urbanization, not to mention an atmosphere of liberal, physiocratic and productivist ideas, the development of woodlands in Provence was radically called into question. In this pivotal period, at the turn of the 19th century, radical changes in the vision of forest landscapes and in the use of country land gave rise to countless conflicts. Civil servants, local councillors and notables, foreign residents and rural people were totally at variance with each other about the landscape. For their part, breeders, foresters, farmers, but also engineers of the Forestry Commission or small industry directors had new but conflicting ideas about the landscape they wanted, depending on their production requirements. Putting their rivalries aside for a time, the various elements of the Provençal society came together to refuse the management style proposed by the Forestry Commission. For economic and social reasons, and especially to assert their identity and culture, they refused to see the centralized State come in and impose a uniform forest landscape. In this paper we try to unravel a complex tangle of such antagonisms in order to understand the last resistance to modern evolutions that are unmistakable in the landscapes.
- Industrie et environnement en Provence sous l'Empire et la Restauration - Xavier Daumalin p. 3 Contrairement à certaines idées reçues, la problématique « industrie et environnement » est bien antérieure à la prise de conscience écologique des années 1960-1970. Dès le début du XIXe siècle, elle apparaît même, pour certaines industries très polluantes, comme un des éléments majeurs de leur relation avec les sociétés dans lesquelles elles tentent de se développer. C'est le cas, notamment, des usines de soude du littoral provençal fondées sous l'Empire et la Restauration. Vivement contestées par les populations environnantes, régulièrement menacées d'être incendiées, condamnées à payer des amendes, elles deviennent peu à peu l'enjeu d'un rapport de force spécifique mettant aux prises entrepreneurs, riverains, conseillers municipaux, experts scientifiques et fonctionnaires de l'État, chaque protagoniste ayant un discours et une posture que l'on pourrait, à peu de choses près, et toute proportion gardée, retrouver de nos jours à propos de telle ou telle industrie reconnue dangereuse et néanmoins jugée vitale pour l'avenir économique et social de la nation.Contrary to some received ideas, the industry-versus-environment problem preceded by a fair amount of time the ecologist movement of the 60s and 70s of the 20th century. From the very beginning of the 19th century the problem was raised against certain highly polluting industries, so as to become a major element of their relationship with the societies in which they were trying to develop. Such is the case with the soda factories of the Provençal coastline created under the Empire and the Restauration. As they were sharply questioned by local residents, regularly threatened to be set afire, penalized with fines, those industries gradually became the stakes of a balance of power between contractors, local residents, town councillors, scientific experts and civil servants, each main player having a language and an attitude we can more or less find nowadays about similar industries recognized as dangerous and yet deemed vital for the economic and social future of the nation.
- Les permis de construire, un élément de formation des paysages urbains à Valladolid au XIXe siècle - Philippe Lavastre p. 4 Cet article vise à mettre en évidence un aspect des enjeux sociaux qui se cachent derrière les modifications des paysages urbains. L'angle d'approche principal est l'étude de la rénovation du bâti, analysée à l'aide des 971 permis de construire demandés à Valladolid entre 1842 et 1898. Le choix de cette ville moyenne permet de s'affranchir des interférences dans les mutations que peuvent constituer les agrandissements dans les grandes villes espagnoles. Une approche quantitative montre que, jusqu'en 1875, les demandes de permis sont assez dispersées dans tout l'ensemble urbain. Ensuite, un resserrement des stratégies, essentiellement celles du groupe des élites économiques qui contrôle la propriété et qui bénéficie parfois de passe-droits en matière de respect des normes, provoque une concentration des demandes dans quelques quartiers. Les modifications du bâti sont alors très sensibles dans le Sud-est, zone qui a été l'objet de nombreux désamortissements. L'étude des formes, qui, en raison de contraintes liées à la documentation, a été possible pour les demandes du groupe dominant à la fin de la période, montre l'apparition des constructions de prestige. Les plus riches ne subissent alors plus les transformations du paysage mais les commandent.This paper tries to underline an aspect of the social stakes we discover behind modifications in urban planning. Our main approach has been the study of renewal in building style, through the analysis of 971 applications for planning permission in Valladolid between 1842 and 1898. Choosing a medium-sized town has allowed us to set aside factors that might be attached to the enlargement of Spanish big cities. A quantitative approach reveals that, until 1875, the applications for planning permission were relatively scattered around the city as a whole. Then, a tightening of strategies, especially by the economic elites that controlled property ownership and sometimes could get preferential treatment about law enforcement, prompted a concentration of demand on a few quarters. Since that time modifications in building style have been quite perceptible in the South-East, a zone where many cases of desamortización are to be observed. For reasons of documentary restraint, our study of forms, has been possible for the demands of the prevailing group, at the end of the period being considered, and it reveals that prestige constructions were beginning to appear. From then on, the richest were no longer subjected to landscape changes, but in charge of them.
- Eau minérale contre viticulture : une usine au milieu des vignes. Les conflits autour de la source Perrier à Vergèze - Nicolas Marty p. 5 La Source Perrier, dont l'établissement industriel est situé à Vergèze, dans le Gard, a une histoire riche longue d'un siècle. L'analyse de cette histoire, qui a été réalisée par ailleurs, avait pour point central l'analyse des interactions entre l'entreprise et la société environnante. L'invitation à la journée d'étude « Transformation des paysages et conflictualité » a initié une réflexion qui n'avait pas été présente jusqu'ici : les conflits engendrés par la présence de l'usine dans cet ensemble rural qu'est la plaine languedocienne permettent-ils d'évoquer le paysage comme « le cœur du fonctionnement des sociétés » ? Il fallait d'abord préciser ce qui constitue les éléments du paysage dont il est question ici : la vigne, omniprésente, l'usine qui rompt la monotonie de la plaine et les hommes, qui ne cessent d'aller de l'un à l'autre. Ensuite, la réflexion s'est portée sur une relecture de la conflictualité en utilisant le concept de paysage. Il apparaît que cette utilisation est féconde, car elle permet, in fine, de mieux comprendre les relations complexes qui relient l'entreprise et ses salariés et au-delà, à l'ensemble de la société locale.The Perrier spring, whose industrial company is in Vergèze, Gard, has been part of history for a century. That history's main feature was the analysis of the interactions between the company and the human community established around it. Our participation in the seminar “Landscape change and conflicts” has started a reflective initiative that had not taken place before: can the conflicts brought about by the presence of the factory in that rural surrounding of Languedoc allow us to consider the landscape as the “core that makes societies tick”? First we have to precise which are the various elements of the landscape being examined: vineyards everywhere, the factory that breaks the dullness of the flat country, and the men endlessly going from the one to the other. Then we made a rereading of conflictual situations through the prism of the landscape. The notion has proved fruitful, for it eventually led us to a better understanding of the complex relationships between the company and its workers and even the local society as a whole.
- Ville d'eau, ville de ciment : jardins et usages du paysage à Milan sous le fascisme - Alice Ingold p. 6 À partir de l'étude de travaux publics à Milan dans les années 1930 par lesquels le canal circulaire fut transformé en boulevard, cet article analyse les usages du paysage comme catégorie du discours politique sous le régime fasciste. L'étude éclaire les mécanismes par lesquels les catégories de patrimoine urbain et de paysage ont été constituées en langage commun entre des acteurs pour dire l'intérêt public. La mobilité de certains de ces acteurs a conduit à porter l'attention à la place labile des propriétaires riverains. Il s'agit de comprendre comment ces derniers mobilisent la catégorie de paysage pour donner une traduction monétaire des changements introduits par les travaux. Une attention particulière a été portée aux jardins, qui constituent un dossier dans lequel se mêlent des débats sur le patrimoine urbain et des histoires immobilières et patrimoniales particulières.Based on a study about works of civil engineering that were to change the Milan circular canal into a boulevard in the 1930's, our paper analyzes how the landscape has been used as a category of political speech under the fascist regime. Our study tries to shed light on the mechanisms by which the themes of urban property and landscape have developed into a common language between social actors to express the public interest. The mobility of some of the actors involved has drawn our attention to the shifting positions taken by the householders along the boulevard. Our topic is to understand how those residents picked up the landscape theme in order to evaluate in monetary terms the changes brought about by the works. We have paid careful attention to the gardens, because they make up a case file mixing together discussions on urban property and particular stories on real estate and patrimony.