Contenu du sommaire : Numéro spécial : Politique et contrôle de l'eau dans le Moyen-Orient ancien

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 57, no 3, juin 2002
Titre du numéro Numéro spécial : Politique et contrôle de l'eau dans le Moyen-Orient ancien
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Politique et contrôle de l'eau dans le Moyen-Orient ancien

    • Dossier - p. 515-516 accès libre
    • L'État, la terre et l'eau entre Nil et Syr-Darya : Remarques introductives - Pierre Briant p. 517-529 accès libre avec résumé
      Depuis les premiers écrits sur le « despotisme asiatique », les réflexions de Marx et d'Engels sur le « mode de production asiatique » et les propositions de Wittfogel sur les « sociétés hydrauliques », l'on s'est beaucoup interrogé sur les rapports entre État, société et contrôle de l'eau dans les sociétés du Moyen-Orient ancien. Les publications textuelles et les recherches archéologiques récentes permettent à la fois d'élargir la vision et de préciser les enjeux d'une telle discussion.
    • Fleuves du temps et de la vie : Permanence et instabilité du réseau fluviatile babylonien entre 2500 et 1500 avant notre ère - Hermann Gasche, Michel Tanret, Steven W. Cole, Kris Verhoeven p. 531-544 accès libre avec résumé
      Jusqu'ici, l'histoire de la Mésopotamie ancienne reposait principalement sur la documentation textuelle. Celle-ci est pourtant incomplète et fort sélective. Les éléments naturels, en particulier le réseau hydrographique et son évolution, n'y sont pratiquement pas décrits. La prise en compte de ces éléments, reconstitués sur la base d'investigations géomorphologiques, archéologiques et de prospections sur le terrain, en combinaison avec une relecture des textes, permet d'enrichir considérablement le panorama historique. Une reconstruction a ainsi pu être entreprise du paysage paléo-fluviatile de la région où le couple Tigre-Euphrate entre définitivement dans la plaine alluviale et qui constitue la clef de tout le réseau qui arrosait les pays d'Akkad et de Sumer; le projet a ensuite été étendu vers le sud. Les résultats obtenus sont totalement différents de ce qui était admis depuis une cinquantaine d'années, et concordent parfaitement avec une étude indépendante de la région adjacente encore plus au sud. Une nouvelle carte de la Mésopotamie commence ainsi à se dessiner, avec une région interfluviale bien plus réduite qu'avant et, par contre, une Transtigridine beaucoup plus importante.
    • La politique hydraulique des rois paléo-babyloniens - Dominique Charpin p. 545-559 accès libre avec résumé
      Dans une Mésopotamie où l'agriculture était impossible sans irrigation, l'entretien et le développement du réseau de canaux était traditionnellement à la charge des rois. Ces grands travaux étaient commémorés dans les inscriptions des souverains, ainsi que dans les formules qui servaient alors pour les datations. Les canaux recevaient des noms, dont l'étude révèle la portée idéologique. Les documents d'archives nous livrent l'autre face de l'histoire des relations des rois avec l'eau. Dans la pratique, en raison du calendrier des crues, on craignait autant les pertes dues à un excès d'eau que celles provoquées par une alimentation insuffisante. Par ailleurs, le discours officiel, exclusivement centré sur la prospérité des terres irriguées, laisse dans l'ombre des réalités essentielles comme l'utilisation des canaux comme voies navigables pour le transport par bateaux. L'eau joua enfin un rôle crucial dans bien des guerres, qu'elle ait été l'objet même des conflits ou qu'elle ait été utilisée comme arme.
    • La maîtrise de l'eau dans les régions centrales du Proche-Orient - Jean-Marie Durand p. 561-576 accès libre avec résumé
      L'étude porte avant tout sur la vallée du Moyen-Euphrate au début du IIe millénaire avant notre ère, et se fonde sur la vaste documentation épistolaire et administrative retrouvée dans le palais royal de l'antique Mari (Tell Hariri) : environ 20 000 tablettes cunéiformes (dialecte sémitique dit « vieux-babylonien »). À cette date, par tout le Proche-Orient, vient de s'installer la dernière vague de ceux que l'on appelait alors les « Occidentaux », c'est-à-dire les « Amorrites », venus du Pays de la Mer (Amurrum, l'ouest de la Syrie). Il s'agit de gens qui cessent pour une part de nomadiser, pour une autre continuent à parcourir des routes qui traversent le Proche-Orient et sont présentées comme immémoriales. La région de Mari est steppique. Sans irrigation dérivée de l'Euphrate, une sédentarisation n'est guère possible. La documentation est là cependant pour montrer la précarité et les limitations du système mis en place. Il est sain de constater, dans ce Proche-Orient ressenti souvent de façon trop monolithique, la diversité des terroirs et des traditions : face aux grandes monarchies hydrauliques de l'Est (Sud-Irak), les nomades mettent localement et petit à petit en place des structures qui furent ensuite considérablement agrandies et systématisées quand ces régions furent englobées dans de grands ensembles territoriaux (néo-assyriens puis islamiques).
    • Les droits sur l'eau en Babylonie récente - Francis Joannès p. 577-609 accès libre avec résumé
      De la fin du VIIe à celle du IVe siècle avant J.-C., la Babylonie fut le siège de grands travaux hydrauliques : à l'initiative des monarques néo-babyloniens puis achéménides, le cours des fleuves fut régularisé, de nouveaux canaux furent creusés et le réseau d'irrigation fut restauré et développé. L'administration royale prêtait une attention particulière à la répartition de l'eau, non seulement sur les domaines de la Couronne, mais aussi sur ceux des grands sanctuaires. Sous les Achéménides, la prise à ferme, par des entrepreneurs privés, de terres royales impliquait même la location de l'eau d'irrigation, pratique non encore attestée jusqu'alors. Un contrôle administratif s'exerçait également sur le trafic fluvial, par le biais des postes de péage et des ports fluviaux où les bateaux devaient acquitter une taxe de circulation et d'appontement. Cette taxation n'était pourtant pas systématique; des entrepreneurs privés, qui prenaient en charge le transport et la commercialisation des produits issus des domaines royaux, passaient des accords avec les chefs des postes de péages et bénéficiaient de franchises; de même, les sanctuaires n'acquittaient pas de droits pour le transport des produits agricoles destinés aux offrandes. L'attention royale montrée à la gestion du système hydraulique en Babylonie fut ensuite réinterprétée et amplifiée dans les descriptions des auteurs de l'Antiquité classique, qui en ont fait l'un des thèmes caractéristiques de leurs descriptions de la Mésopotamie.
    • Irrigation et État en Égypte antique - Joseph G. Manning p. 611-623 accès libre avec résumé
      Cet article examine la relation entre l'irrigation et l'État égyptien antique. En dépit de la persistance de la théorie de la « bureaucratie hydraulique » développée par Engels, Marx et Weber, et de ce que l'on appelle « l'hypothèse hydraulique » de Karl Wittfogel, il n'y a pas de preuve permettant d'établir un lien entre le système d'irrigation et une forme de gouvernement « despotique » en Égypte antique. L'idéologie du contrôle centralisé doit être soigneusement distinguée de la nature diffuse du contrôle de l'eau. Durant la plus grande partie de son histoire, l'exploitation de la terre, en Égypte, a été organisée dans des bassins inondables, et l'irrigation suivait le rythme annuel des crues et des décrues. Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle de notre ère, avec le concept d'un État mercantiliste, et la construction des barrages et déversoirs, la culture de rapport du coton et de la canne à sucre, que l'irrigation permanente est devenue courante. L'irrigation artificielle est connue depuis les débuts de l'État unifié (environ 3100 avant J.-C.) mais, jusqu'à l'époque romaine, son utilisation était limitée. Cette interprétation générale de la relation entre irrigation et État a des conséquences importantes pour la compréhension de l'intervention ptolémaïque en Égypte. En dépit de la planification centrale antérieure et du modèle étatiste des Ptolémées, l'économie agraire, comme cela avait été le cas auparavant, était à cette période plus réactive que planifiée, et elle se fondait sur la structure administrative locale pour taxer la production agricole.
    • Irrigation et société en Asie centrale des origines à l'époque achéménide - Henri-Paul Francfort, Olivier Lecomte p. 625-663 accès libre avec résumé
      L'article fait le point sur la question de l'origine de l'agriculture irriguée en Asie centrale au début du IIIe millénaire et de son développement jusqu'à l'époque achéménide d'après une documentation principalement archéologique, car les sources textuelles sont rares. Les informations tirées des fouilles et des prospections (vestiges de canaux anciens, sites d'habitat, artefacts) sont confrontées aux données paléo-environnementales pour évaluer l'importance des paramètres naturels et celle des facteurs économiques et sociaux dans l'émergence, à haute époque, de cultures archéologiques homogènes sur de vastes territoires. Ces cultures sont souvent prises comme des expressions matérielles de formations socio-politiques appelées « proto-étatiques ». Cette notion de proto-État, ses implications socio-économiques, ainsi que la conception de l'Asie centrale comme périphérie d'empires moyen-orientaux font l'objet d'une discussion critique.
  • La censure au Moyen Âge

    • Un Moyen Âge sans censure ? : Réponse à Alain Boureau - Luca Bianchi p. 733-743 accès libre
    • Dialogue avec Luca Bianchi - Alain Boureau p. 745-749 accès libre
    • Le concept de science dans l'Amérique du XIXe siècle - James M. Turner p. 753-772 accès libre avec résumé
      Les historiens des États-Unis présument que le mot « science », au XIXe siècle, signifiait, implicitement, les sciences naturelles, tout comme au XXe siècle. Il en résulte qu'ils attribuent les changements profonds dans la vie intellectuelle à l'importance grandissante des sciences naturelles. Une lecture plus attentive montre que « science », avant 1900, avait un sens plus large, comprenant les sciences humaines tout autant que les sciences naturelles. Cette reconsidération de la carte épistémologique de l'Amérique du XIXe siècle apporte un éclairage nouveau sur les traits déterminants de la vie intellectuelle des années post-1900, tels que l'essor des sciences sociales, la formation des universités consacrées à la recherche et l'origine de la modernité séculaire elle-même.
    • Le politique dans la sphère intime : Protestantisme et culture en Allemagneau XIXe siècle - Friedrich Wilhelm Graf p. 773-787 accès libre avec résumé
      L'article examine la relation entre le protestantisme et la culture moderne de la classe moyenne, un sujet de discussion déjà en vigueur, au début du XIXe siècle, chez les théologiens universitaires protestants allemands. Ces débats ont d'abord et avant tout porté sur la légitimité religieuse des Lumières et leurs conséquences politiques. Les confrontations qui ont suivi ont conduit à une politisation des conflits déjà existants entre luthériens et calvinistes. Au début du XIXe siècle, le protestantisme s'est ainsi divisé en deux camps hostiles : celui des représentants libéraux d'un « christianisme de la culture », et le camp conservateur, défendant l'ancienne foi ecclésiastique. L'article montre que ces controverses au sein du protestantisme ont joué un important rôle socio-politique en faveur du renforcement de l'opposition idéologique et de parti entre les libéraux et les conservateurs après 1848. De plus, est abordée la question du potentiel de rationalisation économique de la religiosité protestante, qui a été très discutée, notamment depuis les travaux de Max Weber et de Ernst Troeltsch, ainsi que celle des valeurs protestantes dans les domaines de la culture et des études. L'auteur situe la signification culturelle du protestantisme dans la « sémantique de l'intériorité » qui lui est propre. Cependant, l'intériorisation de l'expérience religieuse dans le protestantisme, estime-t-il, n'a pas débouché sur un détachement naïf du monde, mais plutôt sur une haute considération pour le monde extérieur (« Weltfrömmigkeit »). Elle a produit une réévaluation du monde, en en faisant le lieu décisif de l'épreuve chrétienne, et ainsi apporté une contribution cruciale à la rationalisation des modes de vie protestants et à la régénération religieuse de la culture et de la connaissance (« Bildungsreligion »).
    • Religion et culture en catholicisme : L'oeuvre de Michel Lagrée - Claude Langlois p. 789-806 accès libre
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