Contenu du sommaire : Résister à l'ère du temps accéléré
Revue | Ecologie & politique |
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Numéro | no 48, 2014 |
Titre du numéro | Résister à l'ère du temps accéléré |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Avec Edward Snowden, l'homme sorti de l'ombre qui voulait éclairer le monde ! - Jean-Paul Deléage p. 5-12
Dossier : Résister à l'ère du temps accéléré
- Peut-on résister à l'ère du temps accéléré ? - Estelle Deléage, Guillaume Sabin p. 13-21
- Pris dans l'engrenage ? : Les mondes du travail face à l'accélération au XIXe siècle - François Jarrige p. 23-35 Au XIXe siècle, l'industrialisation, la recherche incessante de productivité et le triomphe du régime de concurrence généralisé ont imposé l'impératif de l'accélération au travail. La rapidité des machines et l'intensification de la production, sans cesse vantées par les ingénieurs et recherchées par le patronat, provoquent à la fois un accroissement des risques au travail et des plaintes récurrentes des ouvriers. Dans cet article, il s'agit d'examiner les débuts de l'accélération industrielle en suivant les multiples protestations, résistances et formes d'autonomie qui l'ont accompagnée et modelée avant l'avènement du taylorisme et ses nouvelles logiques d'automatisation et de contrôle.In the nineteenth century, industrialization, the incessant search for higher productivity and the adoption of a general regime of competition imposed an imperative of speeding up labor. The speed of machines and the intensification of production, constantly praised by engineers and sought by employers, made the workplace increasingly hazardous and caused recurrent complaints from workers. In this paper, the author examines the beginnings of the process of industrial acceleration and the multiple protests, resistances and forms of autonomy that accompanied and shaped it before the advent of Taylorism and its new logic of automation and control.
- Habiter autrement, un autre rapport au temps - Nicole Roux p. 37-47 L'habitat groupé, coopératif, après une décennie de renaissance dans une frange de l'ensemble social, trouve la reconnaissance à travers le vocable d'habitat participatif repris dans la récente loi ALUR. À travers l'itinéraire de futurs ou potentiels habitants de ces formes alternatives d'habitat, il est possible de reconstituer une mobilisation sociale qui trouve ses fondements dans les utopies urbaines et sociales du XIXe siècle, et revisite les réalisations du XXe siècle : coopératives d'habitants, autoconstructions par le mouvement des Castors ou habitat autogéré. Plus qu'une fresque historique, cet article donne à lire l'atypisme d'une trajectoire résidentielle ralentie pour vivre au rythme d'un collectif et qui s'inscrit dans la durée d'un vivre ensemble. En une dizaine d'années, ces initiatives localisées, diverses, expérimentales et bricolées créent un réseau d'entraide, de diffusion d'informations, puis entrent dans des processus de professionnalisation et d'institutionnalisation.Group, cooperative housing, which has reemerged in the last ten years, has found recognition as participative housing (habitat participatif), a term used in the recent ALUR law (Access to housing and reformed urban development). Through the itinerary of potential or future inhabitants of these alternative housing schemes, it is possible to retrace a social movement whose foundations lie in the urban and social utopias of the nineteeth century and influenced by twentieth century projects—residents' cooperatives, self-build homes (Castors movement), and self-managed housing. More than just a historical account, this article reveals the atypical nature of a residential trajectory, slowed down to the pace of the collective and covering the time living together. Over a period of about ten years, these local, varied, experimental and self-help initiatives create support and communication networks, and then move towards processes of professionalization and institutionalization.
- Le mouvement Slow Food : contretemps de l'accélération temporelle ? - Estelle Deléage p. 49-59 Cet article interroge les ambivalences du mouvement Slow Food, en particulier quant à son rapport au temps. Créé en 1986 en Italie par un petit groupe d'activistes de gauche, le mouvement s'est élargi pour devenir une structure internationale de près de 100 000 membres. Aujourd'hui, Slow Food valorise à la fois le temps lent d'une production agricole localisée et des repas partagés et le temps rapide propre à la société du spectacle.This article examines the ambivalences of the Slow Food movement, especially in regards to its relationship to time. Founded in 1986 in Italy by a small group of Left-wing activists, the movement has expanded to become an international structure of nearly 100 000 members. Today, Slow Food highlights both the slow time of a localized agricultural production and of shared meals, and the fast time specific to the society of the spectacle.
- Ralentir les sciences, c'est réveiller le chercheur somnambule - Isabelle Stengers, Estelle Deléage p. 61-74
- L'épaisseur sociale du temps, une dimension symbolique pour agir. Une déclinaison autochtone, Argentine - Guillaume Sabin p. 75-93 En Argentine, sur les Hautes Terres de la province de Jujuy, la population kolla fut dès le XVIe siècle confrontée à l'accélération du rythme du temps imposée par une logique coloniale puis libérale. Comment les luttes autochtones se positionnent-elles dans ce cours accéléré des événements ? Les membres de la Red Puna (Réseau Puna), l'un des plus importants mouvements paysans indigènes du pays, ne semblent pas succomber à ces temps pressés. L'usage du temps, au contraire, s'inscrit dans une relation quotidienne aux mondes humain et non humain ; il est surtout une condition pour construire de la confiance, pour agir en commun, pour donner de l'épaisseur à un présent qui englobe les luttes des siècles passées et un avenir qui se joue aujourd'hui. Le temps est un élément dont on s'empare, capable de construire des chaînes associatives et un horizon partagé.In Argentina, on the Highlands of Jujuy Province, as far back as the sixteenth century, the Kolla population was confronted with an acceleration of the rhythm of time imposed first by a colonial logic and then by a liberal logic. How do the native struggles position themselves in this accelerated course of the events ? The members of Red Puna (Puna network), one of the most important indigenous peasant movements of the country, don't seem to yield to these accelerated times. On the contrary, the time use lies within a daily relationship with the human and nonhuman worlds ; it is mostly a condition for building confidence, for acting together, for giving thickness to a present that embraces the struggles of the past centuries and a future that is decided today. Time is an element that one seizes, that is able to build associative chains and a shared horizon.
- Cantonais à la recherche du temps passé - Monique Selim, Wenjing Guo p. 95-108 Cet article examine les désirs de « ralentissement » des rythmes de vie, de travail, de loisir et d'activités au sens large, à travers plusieurs microgroupes aux initiatives représentatives des jeunes et des trentenaires aujourd'hui à Canton, dans la province méridionale de la Chine. Un passé mythifié – atopique et apolitique – est au centre de quêtes diverses et significatives : la préservation de la langue et de la culture cantonaises, la défense des vieux quartiers, des règles de Slow Life, la mise en place de circuits courts avec élaboration d'une figure imaginaire auréolée du « paysan ». Les auteures analysent ces nouvelles lignes de fuite dans le cadre d'une emprise toujours plus grande du marché dans une société où le pouvoir de l'État-parti se maintient.This article analyzes the desires of the people to slow down the rhythms of life, work, entertainments or activities in a broad sense. We examine these desires from the examples of several micro groups of representative initiatives among the young people and those in their thirties nowadays in Canton in the south of China. Through the different but typical pursuits of these people, we observe in the center of their interest a mythicized, atypical and apolitical past. This image of the past goes through their pursuits which cover different areas, such as the preservation of the Cantonese language and its culture, the defense of the old towns, the principles of the Slow Life and the introduction of short food supply chains with a glorified image of “farmers”. The authors try to analyze these new lines of flight in a context where the influence of the market in the society becomes bigger and where the power of a state ruled by a monopole party remains strong.
- Le lo-fi : épaissir la médiation pour intensifier la relation - Dario Rudy, Yves Citton p. 109-124 Cet article tente de comprendre en quoi le courant musical du « lo-fi » (pour « basse-fidélité », par opposition à la hi-fi) peut être perçu comme une forme de résistance au culte de la vitesse. En proposant des enregistrements avec les moyens du bord, les praticiens du lo-fi déstabilisent la distinction faussement évidente entre « signal » et « bruit », plaçant ainsi les auditeurs dans des positions d'interprétation participative. Ce faisant, ils raccourcissent aussi les circuits de production et s'inscrivent dans la logique du DIY (Do It Yourself). Surtout, en faisant entendre la texture matérielle de cet intermédiaire qu'est l'enregistrement, ils résistent à une transparence synonyme d'aseptisation et nous invitent activement à nous donner le temps de prendre meilleur soin de nos médiations : cela ralentit et brouille la « communication », mais toute une écologie émerge de ce ralentissement questionnant.This article presents the lo-fi genre in music (for “low-fidelity”, as opposed to hi-fi) as a form of resistance against the cult of speed. With their low-budget home recordings, practitioners of lo-fi question the deceptively self-evident distinction between “signal” and “noise”, pushing the listeners towards a more active role of participating interpreters. In their DIY practice, they also shorten the circuits of production. Most of all, by resisting the urge to make everything transparent and aseptic, they invite us to slow down, in order better to care for our mediations, even at the price of destabilizing communication : this slowdown and this caring for mediations may be at the core of ecological awareness.
Variations
- Du catastrophisme lucratif au totalitarisme vert ? : Une lecture de 1984, de George Orwell - Jacques Luzi p. 125-141 1984, de George Orwell, fut publié en 1949. Si on ne trouve nulle part, chez cet auteur, le pressentiment de l'épuisement des ressources vitales auquel conduit la dynamique progressiste de l'industrialisme moderne, ce livre peut être considéré comme la description acceptable d'un totalitarisme de la pénurie. En explorant cette lecture de 1984, cet article cherche à montrer où conduit la récupération actuelle de l'écologie au sein du capitalisme « vert » et, ce faisant, souligne l'urgence d'intégrer les préoccupations environnementales au sein d'un projet social fondé sur l'autonomie.George Orwell's 1984 was published in 1949. Although Orwell seems not to have had the feeling that the progressive dynamic of the modern industrialism leads to the depletion of the vital resources, his famous book can be considered as the acceptable description of a totalitarianism of scarcity. By exploring this reading of 1984, this article seeks to show where the current takeover of ecology within a “green” capitalism is leading, and, in so doing, to emphasize the urgency to integrate the environmental concerns in a social project based on autonomy.
- Du catastrophisme lucratif au totalitarisme vert ? : Une lecture de 1984, de George Orwell - Jacques Luzi p. 125-141
Sources et fondements
- La nature, le moi et le genre : Féminisme, philosophie environnementale et critique du rationalisme - Val Plumwood, Hicham-Stéphane Afeissa p. 143-175
Notes de lectures
- Notes de lectures - p. 177-194