Contenu du sommaire : Murs et frontières
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
---|---|
Numéro | no 63, 2012 |
Titre du numéro | Murs et frontières |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : Étymologies contrastées et appel au franchissement des limites - Thierry Paquot, Michel Lussault p. 9-15
- Sélection bibliographique - p. 17
I. Une cartographie sociale et culturelle
- En lisant Georg Simmel - Thierry Paquot p. 21-25 Georg Simmel soutient la thèse suivante : la frontière est la traduction spatiale d'une délimitation sociale. Aussi convient-il d'interpréter toute frontière à partir de sa propre détermination sociale. L'être humain ne cesse de fabriquer des frontières comme autant de manières de se lier ou de se délier aux autres, lui-même est une frontière qui se reconfigure socialement au point d'apparaître comme sans frontière. La situation territoriale de chacun révèle en fait sa position relationnelle avec autrui.Reading Georges Simmel
Georg Simmel makes the following contention : a frontier is the spatial expression of a social demarcation. Which means that any frontier, any boundary, has to be interpreted in the light of its own social determination. Human beings are constantly creating boundaries as ways of linking or separating themselves from others, but humans themselves are also frontier areas, which are reconfigured socially to the point of seeming to be boundless. Any person's territorial situation in fact reveals their position in relation to others. - La Barrière et le niveau. L'imaginaire des lignes de démarcation sociale - Bernard Valade p. 26-27
- Genre et sexe : Mécanismes de protection et de contrôle des femmes et des hommes dans l'espace - Catherine Deschamps p. 28-34 Autour du genre, l'anthropologie s'est historiquement intéressée davantage aux effets de murs (privé/public) qu'aux effets de frontières. Sur fond de féminisme puis de politisation de la sexualité, les sciences sociales entamaient pourtant un tournant. Deux types de problématiques prennent de l'ampleur : celles associées aux effets du déplacement transfrontalier, celles qui questionnent la mise en proximité physique de femmes et d'hommes issus d'origines possiblement dissemblables. Une crainte émerge alors, celle de la mise en place et de l'incorporation progressive d'une police mondialisée du genre.Gender and sex. How women and men are protected and controlled in geographical space
Where gender is concerned, anthropology has always taken more interest in the effects of divisions (private/public) than of boundaries. Yet, with the advent of feminism and the subsequent politicising of sexuality, the social sciences were nevertheless coming to a turning point. Issues of two kinds gained increasing importance : those linked to the effects of transboundary movements and those concerned with the women and men of possibly dissimilar origins being brought into physical proximity. A concern then emerged over the establishment and gradual incorporation of globalised gender policing. - Territoires des religions - Jean-Louis Schlegel p. 35-42 Contrairement à une idée reçue, les religions fabriquent de nombreuses différences : c'est une façon de donner sens au monde. La difficulté vient de ce qu'elles ne coïncident pas avec les différenciations et les séparations modernes. Du coup, les différences religieuses du passé peuvent s'effacer, mais aussi s'exacerber dans des formes identitaires. Mais elles peuvent aussi rappeler à la modernité que le franchissement de certaines limites en certains domaines l'expose au risque de « déraillements » (J. Habermas).The territories of religion
Contrary to a received idea, religions create a great many differences in their attempts to give meaning to the world. The difficulty arises from the fact that these differences do not coincide with the differentiations and separations of modern times. As a result, the religious differences of the past can fade away, but they can also become exacerbated through forms of identity-building. Nevertheless, they can also be a reminder to modern times that crossing over certain boundaries in certain areas can create risks of “derailment” (J. Habermas). - Les âges de la vie : des frontières strictes ? - Christiane Montandon p. 43-50 La dénomination des âges, résultat d'un construit social, trace des frontières mobiles qui sont autant de marqueurs socioculturels. La frontière a un double statut : objectif et subjectif, externe et interne, elle est continuellement édifiée et reconstruite selon le contexte socio-historique et culturel et les interactions. C'est un mur ou un lieu de passage. Une série d'entretiens auprès de jeunes chômeurs en formation et auprès de personnes âgées confrontées aux bouleversements urbains montre que l'âge peut être vécu soit comme processus dynamique de transformation dans son rapport à soi, aux autres et à son environnement, soit comme processus d'exclusion et de mort sociale.Do ages in life have clear boundaries ?
The ways in which we refer to ages in life, which stem from social constructs, point to shifting boundaries that are effectively socio-cultural demarcations. The nature of boundaries is inherently dual : they are objective and subjective, external and internal, and they are continually erected and reconstructed with shifting socio-historical and cultural contexts and interactions. They are barriers but also gateways. A series of interviews with young unemployed people in training and with elderly people trying to cope with urban transformations shows that one's age can either be experienced as a dynamic process of change in one's relationships with oneself, with others and with one's environment, or as a process of exclusion and social death. - Des frontières et des langues : Entretien avec Thierry Paquot - Louis-Jean Calvet p. 51-56
- Le patrimoine et ses limites - Lucie K. Morisset p. 57-62 La sophistication du discours patrimonial et la spécialisation croissante du domaine du savoir qu'il balise modifient le mécanisme symbolique du patrimoine : parallèlement aux transformations du champ lexical, on peut observer un matérialisme patrimonial qui, dicté par des normes règlementaires et une gouvernance de proximité, semble compromettre la « relique » au profit de nouvelles conceptions de ce que serait le patrimoine et de ses usages. Cette lecture permet d'entrevoir des enjeux peu discutés de la patrimonialisation contemporaine dès lors que l'on assume, bien sûr, que le patrimoine n'est autre qu'une représentation.Heritage and its boundaries
Increasingly sophisticated discourse on heritage and the increasing specialisation of the field of knowledge it explores are transforming the symbolic mechanism of heritage : in parallel with a changing lexical field, a form of heritage materialism is also emerging, which, under the dictates of regulatory norms and local governance, seems to be compromising the idea of handed-down “relics” in favour of new ideas on what heritage and its uses might be. This interpretation offers insights into rarely discussed issues of contemporary heritage building – provided of course that heritage is understood as a form of representation. - Frontières nocturnes - Luc Gwiazdzinski p. 63-66 Colonisée par les activités du jour, les nuits urbaines se transforment. L'article propose d'explorer ce front pionnier autour des notions de conquête, de conflit, de discontinuité et de mouvement. La métaphore permet de dresser une géographie de l'archipel nocturne et de repérer les limites spatiales, temporelles et temporaires de la nuit espace vécu, éphémère et cyclique.Frontiers of the night
As they become colonised by daytime activities, the nature of city nights is changing. In this article, we explore city nights as a pioneer front, in terms of conquest, conflict, discontinuity and movement. Through this metaphor, we outline the geography of a nocturnal archipelago, drawing the spatial, temporal and temporary boundaries of night as an ephemeral and cyclical space for experiencing life. - Trans-spatialités urbaines - Michel Lussault p. 67-74 L'espace social contemporain n'est pas lisse et ouvert comme le chantent les promoteurs de la mobilité généralisée et de la télécommunication sans entraves. Partout, des frontières, des murs, des limites se dressent, certaines anciennes et réactivées, d'autres nouvelles et d'un genre inédit. Dans ce contexte, les individus connaissent de plus en plus l'épreuve du franchissement. Cet article examine cette question en proposant un nouveau concept, la trans-spatialité, et en cernant les implications politiques de la généralisation des contraintes d'accès.Crossing the boundaries of urban space
The contemporary social sphere is not the smooth, open space vaunted by those who sing the praises of telecommunications without borders and mobility for all. Borders, boundaries, barriers and limits are appearing everywhere, sometimes in older reactivated forms, sometimes in new and previously unknown ways. In this context, individuals are increasingly faced with the test of crossing boundaries. This article explores the question, offering a new concept, that of crossing spatial boundaries, and identifying the political implications entailed by the increasing ubiquity of barriers to access. - Les enclaves résidentielles fermées et sécurisées contre la ville ? - Gérald Billard, François Madoré p. 75-81 Des résidences fermées, associant murs ou clôtures et contrôle des accès pour les non résidants, se multiplient en France depuis les années 1990. Ce phénomène peut être interprété comme un témoin de l'affirmation d'un ordre sécuritaire. Mais il convient également de s'interroger sur l'effet frontière créé en explorant le couple imperméabilité et perméabilité : entre production de frontières imperméables, barrières symboliques et pragmatisme des résidants, le gradient de fermeture oscille d'un complexe résidentiel à l'autre, complexifiant la perception d'un espace urbain aux formes résidentielles de plus en plus carcérales.Gated communities, safely locked away from the urban jungle
Gated residential communities, with their walls, fences and controlled access for outsiders, have been increasing in number in France since the 1990s. This development could be interpreted as reflecting a prevailing concern with law and order, but there are also grounds for investigating the resulting boundary effect by exploring the twin notions of permeability and impermeability : between the creation of impermeable barriers, symbolic boundaries and the pragmatism of residents, the closure gradient varies from one residential community to the next, complicating perceptions of an urban sphere where residential life is increasingly shut in.
- En lisant Georg Simmel - Thierry Paquot p. 21-25
II. « La géographie, ça sert à justifier les frontières... »
- Des kilomètres de murs... - Thierry Paquot p. 85
- La DMZ coréenne, une frontière paradoxale - Pascal Dayez-Burgeon p. 86
- Franchir le Rubicon ? - Anne-Marie Laulan p. 87
- Frontières de l'exil. Vers une altérité biopolitique - Michel Agier p. 88-94 Cet article vise à décrire et comprendre un processus en cours, qui associe la formation d'espaces de mise à l'écart – des hors-lieux – et une nouvelle figure de l'étranger, défini selon une altérité non pas d'abord culturelle ou ethnique mais biopolitique, celle de l'étranger absolu. On cherche aussi à comprendre ce qui s'invente comme mondes à venir dans ces lieux-frontières et ces situations-limites.Frontiers of exile : towards bio-political otherness
This article attempts to describe and understand an ongoing process that links the creation of places for keeping things out – “outplaces” – with a new sense of the foreigner, whose otherness, no longer defined primarily as cultural or ethnic but bio-political, is absolute foreign-ness. We also attempt to understand what kinds of future worlds are being invented in these areas and situations where existence is “on the edge”. - « Tinzawaten, c'est le grand danger pour nous les immigrés ! » - Clara Lecadet p. 95-100 Pour penser le moment de l'après-expulsion, il faut franchir les limites de la souveraineté politique et des territoires qui lui sont attachés, pour envisager les effets sociaux et politiques induits par les mesures d'expulsion dans les pays d'origine et/ou de passage des migrants. Les refuges des migrants expulsés à la frontière du Mali et de l'Algérie montrent comment, dans une situation extrême d'abandon et d'isolement, ceux-ci s'organisent pour survivre, mais mettent également en place des stratégies de dépassement de la coercition exercée à leur endroit par les pouvoirs étatiques. Les murs de leurs abris précaires marquent l'amorce d'une opposition organisée contre les murs des États.Tinzawaten, the greatest danger for us immigrants !
Any thinking on the moment that follows expulsion has to cross the bounds of political sovereignty and the territories it governs, to move into the social and political effects of expulsion that arise in migrants' countries of origin and/or transit. The shelters erected by migrants expelled at the frontier between Mali and Algeria show how, in a situation of extreme abandonment and isolation, migrants not only organise their own survival but also develop strategies to overcome the coercion that the State apparatus exerts upon them. The walls that form these precarious shelters are the beginnings of organised opposition to the barriers erected by states. - États-Unis/Mexique : les milices veillent... - Martin Lamotte p. 101-108 Depuis le début des années 2000, de nouveaux groupes miliciens ont émergé à la frontière mexicano-américaine, s'opposant à l'immigration illégale. Anti-fédérales, ils construisent un discours de l'immigrant amoral et a-éthique. Prônant un repli identitaire, ils s'inscrivent dans le mouvement anti-immigration californien et, plus largement, dans le backlash des années 1980. Il s'agit ici de s'intéresser au concept de frontière sociale et morale dans le cadre d'une anthropologie des groupes de vigilantism et de se demander de quoi la frontière est-elle le lieu. Comment le mur est-il réactivé dans ces groupes comme support à une définition identitaire raciale ?USA/Mexico : vigilantes on the alert
Since 2000, new vigilante groups have emerged at the US/Mexico border to oppose illegal immigration. The discourse constructed by these anti-federalist groups revolves around immigrants as amoral and devoid of ethics. Advocating a return to identity-based boundaries, they are an expression of the Californian anti-immigration movement and, more broadly, the backlash of the 1980s. This article delves into the concept of social and moral boundaries through an anthropological study of vigilante groups, and asks what resides within the space represented by borders. How have these groups reactivated the idea of walls to support a definition of identity based on race ? - Beyrouth, ville ouverte et fermée - Jacques Beauchard p. 109-115 Beyrouth, « ville phénix », est fiévreuse ; à nouveau menacée par la guerre civile, elle se précipite dans toutes les passions. Alors qu'elle lutte pour fluidifier les trafics qui l'étranglent, ici ou là, elle s'enferme dans des villages communautaires. Des lignes de démarcation demeurent actives tandis qu'elle ne cesse de se reconstruire et d'effacer son histoire.Beirut, an open city closing in on itself
Beirut, the “phoenix city”, is in the grip of fever ; under the renewed threat of civil war, it is plunging headlong into passions of every kind. Even as it battles to dissolve the various traffic bottlenecks that threaten to strangle it, its different communities are closing in on themselves. As it ceaselessly struggles to rebuild itself and erase its own history, its lines of demarcation have remained as persistent as ever. - Les peacelines de Belfast : le provisoire qui dure - Florine Ballif p. 116-119 Les espaces urbains de Belfast sont encore aujourd'hui marqués par des murs de sécurité (appelés peacelines) construits, pour les premiers, après les violents affrontements civils de la fin des années 1960. Cet article se penche sur les paradoxes de la construction et de la pérennisation de ces dispositifs, notamment le décalage apparent entre la multiplication des murs et le processus politique de résolution du conflit dans les années 2000.Belfast's peacelines : when temporary becomes permanent
Belfast's urban areas still bear the marks of division created by the walls (known as “peacelines”) that were first erected after the violent civil conflicts of the late 1960s. This article explores the paradoxes that emerge from the construction and perpetuation of these security barriers, and especially the obvious discrepancy between the increasing number of walls and the political process of conflict resolution since the year 2000. - Du seuil au cocon : le rôle des enceintes dans la physionomie de Paris au xixe siècle - Brigitte Munier p. 120-123 Paris a connu au xixe siècle une héroïsation la haussant au rang d'une Babylone ou Babel moderne. Le mur des fermiers généraux, qui enserra Paris jusqu'en 1860, doubla pendant quelques années les fortifications de Thiers, achevées en 1844 et détruites dans les années 1920, contribuant à la perception de la ville comme cocon, puis joyau protégé par son écrin. À l'époque du « Grand Paris », la « reine des cités » balzacienne, aujourd'hui cernée par le boulevard périphérique, restera le cœur incontestable de la capitale future : ne conserve-t-elle pas intactes l'harmonie urbaine et l'aura culturelle façonnées en son siècle d'or ?The role of the city wall in the physiognomy of 19th century Paris
Paris in the 19th century was the theatre of a trend in urban planning that sought to elevate the city to the heroic status of a modern Babylon or Babel. The city wall erected by the “fermiers généraux” (the company of tax collectors established under the Ancien régime), which enclosed Paris until 1860, was reinforced for a time by the fortifications completed by Thiers in 1844 and pulled down in the 1920s, thus strengthening perceptions of the city as a cocoon, and later a jewel nestling within its protective casket. Balzac's “queen of cities”, the Grand Paris now encircled by the ring road, was necessarily the heart of the future capital : had it not preserved the essence of the urban harmony and cultural aura that took shape during its golden era ? - La vidéosurveillance, un mur virtuel - Jean-Amos Lecat-Deschamps p. 124-129 Il s'agit ici d'analyser un objet urbain, la caméra de vidéosurveillance, et de saisir de quelle manière cet objet segmente virtuellement – mais effectivement – l'espace urbain et affecte intimement les individus. Dans un contexte de brouillage entre sphère publique et privée, nous montrerons comment les dispositifs de caméras, tout en participant à la dislocation de la masse, peuvent être considérés comme les nouveaux murs de nos individuations.Video surveillance as a virtual fence
This article analyses an urban object, the video surveillance camera, and attempts to show how it segments city spaces – virtually but effectively – and closely affects individuals. In a context of blurred boundaries between the public and private spheres, we show how video camera systems, while contributing to the dislocation of urban masses, can also be seen as a new way of ring-fencing human individuation. - Les frontières extérieures de l'Europe et leur sécurisation numérique - Hedwig Wagner p. 130-137 Cet article porte sur Frontex, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne et de l'espace Schengen, et plus précisément sur les nouveaux procédés utilisés afin de protéger les frontières extérieures de l'Union européenne. Ces procédés régis par de nouveaux médias technologiques amènent une dématérialisation des frontières extérieures et de nouveaux mécanismes d'exclusion.Frontiers of the (supra-)national State, electronic space and communication through global media
The subject of this article is Frontex, the European Agency for the Management of Operational Cooperation at the External Borders of the Member States of the European Union and the Schengen area, and more specifically the new procedures applied to protect the European Union's external borders. These procedures are managed through new technological media, which dematerialise external borders and bring in new mechanisms of exclusion. - L'espace maritime mondial redécoupé, un eldorad'eau pour la France - Olivier Archambeau p. 138-140
- Michel Foucher, penseur de la frontière - Thierry Paquot p. 141
III. Frontières communicationnelles
- Les mots voyagent et se transforment - Foued Laroussi p. 145-149 À travers des exemples d'emprunts linguistiques arabo-français, ce texte met l'accent sur la perméabilité des frontières linguistiques. Ceux-ci ont toujours joué un rôle capital dans le rapprochement des peuples ; ce sont des voyageurs qui n'ont besoin ni de visa ni de passeport pour franchir la frontière. Ils ne sont pas un signe de contamination linguistique, comme pourraient le concevoir certains puristes de la langue, mais de vitalité et de dynamisme des langues. Aussi, ils constituent le vrai moteur du changement linguistique et préservent les peuples des ghettos culturels.Words that travel and evolve
This article uses examples of linguistic borrowings from Arabic to French to bring out the permeability of linguistic frontiers. Linguistic borrowings have always played a crucial role in bringing people together ; they are travellers who do not need visas or passports to cross borders. They are not a symptom of linguistic contamination, as some language purists may argue, but of the vitality and dynamism of languages. Borrowings are the real drivers of linguistic change, preserving us from cultural ghettoisation. - La frontière linguistique belge - Pascal Dayez-Burgeon p. 150-151
- Réseaux socionumériques et frontières - Jacques Perriault p. 152-159 Tout titulaire d'un compte dans un réseau socio-numérique organise et gère son propre réseau de relations. De récents travaux en géographie considèrent que certaines frontières sont elles-mêmes aujourd'hui des réseaux. L'hypothèse explorée ici est que ces réseaux de relations sont en même temps des frontières. Cette « frontière-réseau » délimite un espace virtuel, est flexible, de géométrie et perméabilité variables, mais présente une faible capacité de protection. Par contre, elle permet le dépassement des frontières traditionnelles et peut jouer un rôle stratégique dans des conflits. Des exemples d'application en sont donnés dans les domaines de la vie privée et professionnelle et de la géopolitique.Social networks and borders
Anyone who has a social network account sets up and manages its own network of relationships. Recent studies in geography consider that besides traditional physical borders, a new kind of border is developing in the form of social networks. The hypothesis explored here is that these networks of relationships make up border areas in themselves, by setting the bounds of a virtual space. These network-cum-border areas are flexible according to circumstances, they vary in shape, size and permeability, but they are relatively ineffectual in terms of protection. On the other hand, they can transcend traditional frontiers and thus have a strategic role in conflicts. Examples are given in private and professional life and in geopolitics. - Chine : de la muraille à Internet, permanence du contrôle étatique - Olivier Arifon p. 160-164 La Grande Muraille de Chine construite face au monde « barbare » est à la fois un mythe et une réalité. Loin d'être une barrière, elle est multiple et s'inscrit aujourd'hui comme un symbole de la Chine. Quelques siècles plus tard, le régime chinois reste lui-même en ayant construit pour Internet une autre muraille constituée de cinq dispositifs : contrôle technique, régulation juridique, pressions sociales, entreprises nationales et, enfin, influence à l'international.China : from the Great Wall to the Internet, State control endures
The Great Wall of China, built to keep out the “barbarians”, is both a myth and a reality. No longer just a barrier, it has multiple meanings and has come to symbolise China. Centuries later, the Chinese regime has reverted to type by building another wall to contain the Internet, with five component parts : technical control, legal regulation, social pressures, national companies and, finally, influence on the international scene. - Élections 2012 : la frontière, entre banalité impensée et exception réfléchie - Jacques Lévy p. 165-168
- Mutations des frontières de la connaissance à l'heure du Web 2.0 - Lionel Barbe p. 169-174 Depuis une dizaine d'années, des centaines des millions d'internautes ont donné naissance à des édifices informationnels novateurs. Ces dispositifs dits Web 2.0 constituent de nouveaux modèles éditoriaux. Ces changements, qui s'inscrivent dans la continuité de l'histoire des techniques et des usages, accélèrent considérablement les processus historiques en cours. Par la métaphore des frontières, cet article analyse les profondes mutations intervenues dans le domaine des savoirs : question de l'accès, enjeux de la mémoire collective, transformation de la nature des savoirs.Web 2.0 and the moving frontiers of knowledge
In the last fifteen years, hundreds of millions of Internet users have been building up entirely new systems of information. Known collectively as Web 2.0, they make up new models of publishing. These changes, which are a continuation of the history of techniques and uses, are speeding up current historical processes considerably. Using frontiers as a metaphor, this article analyses the profound changes that are affecting the field of knowledge, focusing on questions of access and collective memory and how the nature of knowledge is being transformed. - Cybercriminalité et contrefaçon : pour une nouvelle analyse des risques et des frontières - Franck Guarnieri, Éric Przyswa p. 175-180 Le concept de frontières interagit avec le binôme « cybercriminalité/contrefaçon ». En particulier, ce binôme révèle une crise des frontières qui impacte à la fois le phénomène de criminalisation ou de contrefaçon. D'une manière plus générale, Internet révèle les lignes de fractures existantes entre le « réel » et le « virtuel », mais fait aussi émerger de nouvelles formes de frontières entre ces deux pôles. Se pose alors la question de l'analyse des risques liés à ces nouvelles frontières hybrides où le « réel » apparaît parfois plus opaque que le « virtuel ».Cybercriminality and counterfeiting : towards a new analysis of risks and frontiers
The concept of frontiers interacts with the paired notions of cybercriminality and counterfeiting, which reveal, in particular, a crisis in the idea of frontiers that has an impact on both criminalisation and the notion of counterfeiting. More generally, the Internet is not only revealing existing fractures between the “real” and the “virtual”, but also bringing new frontiers to light between these two poles. This raises the question of analysing the risks associated with these new hybrid frontiers, where the “real” sometimes seems more opaque than the “virtual”. - Quand les artistes font, défont, refont le mur - Marie Escorne p. 181-189 Nombreux sont les artistes qui préfèrent aujourd'hui « faire le mur », c'est-à-dire sortir des lieux traditionnels de création et de monstration de l'œuvre d'art (l'atelier, le musée, la galerie) pour s'exposer à ciel ouvert. Parmi eux, certains choisissent précisément d'explorer le mur, de le travailler comme un support, de lui faire raconter des histoires, mais aussi de l'ébranler, de le percer pour tenter d'abattre – au moins symboliquement – les frontières qu'il représente.Walls in art : breaking out, demolishing and rebuilding
Many artists today prefer to break out of the traditional confines of creating and showing works of art (in workshops, museums or art galleries), to bring what they do out in the open. Some of them have even chosen to explore the idea of walls, working on walls as a medium, telling stories through them, but also attacking or piercing them as a way of breaking down – at least symbolically – the barriers they represent. - Vingt et un mots de la fermeture - Thierry Paquot p. 190-195
- Lectures - Thierry Paquot p. 201-206
- Mur, frontières et communication : l'éternelle question des relations entre soi et les autres - Dominique Wolton p. 207-211 Cinq réflexions sont indispensables pour repenser la question des murs et frontières dans le contexte contemporain. Dans un monde ouvert où la liberté de circulation est une valeur dominante, ceux-ci n'ont jamais été aussi nombreux. Toute problématique de « Murs et Frontières » symbolise la question du rapport à l'autre. Les rapports entre identité et murs sont complexes : il n'y a pas de vie individuelle ou collective sans identité, et donc sans fermeture. Le projet politique de l'Europe représente le plus bel exemple de l'ambiguïté des murs et frontières. En résumé, la question normative exprimant le lien entre les problématiques de la communication et celles des murs et frontières est la suivante : comment gérer l'incommunication rendue encore plus visible dans un monde ouvert sans que cela ne conduise à de nouveaux enfermements ou exclusions ?Walls, boundaries, and communication, or the perennial question of relationships with others
There are five issues to reflect on when we start to reconsider the question of walls and boundaries in the contemporary context. In today's open world where freedom of movement is so greatly valued, there have never been so many walls and boundaries. Every issue that touches on “walls and boundaries” symbolises the question of relationships with others. The relationships between boundaries and identity are complex : private or public life cannot exist without identity, and therefore without walls and boundaries in some form. The political project for a united Europe is a particularly obvious example of the ambiguousness of walls and boundaries. The normative question that expresses the link between the problematics of communication and the problematics of walls and boundaries can be summarised as follows : how can the increasingly visible fact of un-communication in an open world be managed without leading to yet more forms of enclosure and exclusion ?
- Les mots voyagent et se transforment - Foued Laroussi p. 145-149
Varia
- La politique, c'est l'expérimentation - Mathieu Quet p. 215-220 La notion d'expérimentation, initialement réservée au domaine des sciences expérimentales, est employée aujourd'hui pour qualifier de multiples pratiques sociopolitiques : gouvernementales, activistes ou artistiques. Cette extension des usages du terme manifeste l'influence de l'imaginaire des pratiques de recherche expérimentale sur les conceptions contemporaines du politique. Elle accompagne des mutations du parler et de l'agir politiques qu'il importe de mieux caractériser, au confluent de la raison scientifique et technique et des transformations de l'espace public.Politics as experimentation. The dissemination of scientific imagination and the transformation of the public sphere. Experimentation, which initially concerned only the experimental sciences field, is a term now used to describe a great many forms of socio-political practice, for example among governments, activists or artists. This extension of the term's usage illustrates the influence of imagination in experimental research on contemporary conceptions of politics. It is supporting changes in the patterns of political speech and action that need to be better characterised, as they are occurring at the point where scientific and technical reason meets the transformation of the public sphere.
- La politique, c'est l'expérimentation - Mathieu Quet p. 215-220
Hommages