Contenu du sommaire : Les territoires de l'amnistie

Revue L'Homme et la société Mir@bel
Numéro no 159, 1er trimestre 2006
Titre du numéro Les territoires de l'amnistie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • De l'antinaturalisme à l'anaturalisme - Michel Kail p. 5-7 accès libre
  • Entre cléménce et tolérance zéro. Les territoires de l'amnistie

    • La clémence est une idée neuve en Europe : amnisties - Sophie Wahnich p. 9 accès libre
    • L'irréconcilié : l'histoire critique aux marges de l'amnistie - Marie Cuillerai p. 25-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'amnistie pose au XXe siècle la question des liens entre mémoire, justice et réconciliation. Ce nexus est mis en jeu de manière exemplaire par la querelle des Historiens allemands telle qu'elle est traitée par Jürgen Habermas et Paul Ricœur. Les deux rhétoriques de la réconciliation de la Cité divisée par l'éradication de la haine et de la vengeance, grâce à la médiation de l'oubli ou grâce à la médiation de la mémoire posent l'une et l'autre la question des rap-ports entre justice et pardon. Jürgen Habermas tente de dépasser cette alternative en construisant une culture politique fondée sur un rapport critique à l'histoire. Aux marges des institutions de clémence se profile une rhétorique de l'excès. Une cité qui se réconcilie ne le fait pas sans reste. Mais cet irréconcilié n'a pas à se produire d'après une définition intangible et universelle de l'irréconciliable.
      Abstract In the twentieth century the question of political amnesty called into question the relations between memory, justice and reconciliation. This complex set of relations has been admirably discussed by Jürgen Habermas and Paul Ricoeur, who focus on the links between justice and pardonning. Habermas attempts to go beyond such a choice by conceiving of a political culture based on a critical relation to history. A polity tending towards reconciliation must deal with rhetorical excesses, but this element of irreconcilability can be limited by a universal definition of the irreconcilable.
    • Le décret Suykerbuyk et l'enjeu de l'amnistie  - José Gotovitch, Chantal Kesteloot p. 51-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'enjeu historique et politique de la question de l'amnistie en Belgique ne peut se comprendre qu'à la lumière d'une analyse de faits qui remontent à l'après première guerre mondiale. Au lendemain de celle-ci, une partie du mouvement flamand cesse de considérer la Belgique comme le seul cadre possible et s'inscrit de plus en plus radicalement dans une identité flamande anti-belge. À la faveur des années 1930, cette identité se drape en plus de pans nationalistes et fascistes. Les événements de la seconde guerre ne font que consolider cet engagement. Du côté francophone, il y a dès lors une assimilation de fait entre mouvement flamand et collaboration avec l'occupant, ce qui permet de jeter un large discrédit sur toute revendication flamande. Mais ce patriotisme belge francophone perd peu à peu de sa vigueur au fur et à mesure que la structure même de l'État belge est remise en cause. C'est dès lors au nom de l'antifascisme qu'est refusé tout geste d'amnistie, une revendication portée par le seul monde politique nationaliste et catholique flamand. Mais cette revendication a peu de chances d'aboutir y compris dans un seul cadre flamand à l'heure où le retour du spectre d'une extrême droite politiquement très présente oblige l'ensemble de la classe politique à se profiler plus que jamais en ardents défenseurs de la démocratie.
      Abstract The historical and political issue of amnesty in Belgium must be understood in light of events that occured after the First World War. The Flemish independence movement figures importantly in this context. The fact that this movement was compromised by collaboration with the German occupation during the Second World War explains why amnesty in general is rejected in the name of antifascism. At the present time, the rise of the far right has reinforced this reaction.
    • Le refus de l'amnistie des « années de plomb ». : Imbroglio historiographique et déni de la conflictualité - Lynda Dematteo p. 71-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'historicisation de la guerre 1943-1945 induite par l'amnistie Togliatti s'apparenta plus à un déni de la guerre civile qu'à une véritable refondation politique démocratique. De fait, le conflit entre fascistes et communistes se perpétuera de manière souterraine durant la guerre froide avant de se rallumer au cours de la décennie 1969-1978 lorsque le PCI fut sur le point d'accéder démocratiquement au pouvoir. Le déni dont fait aujourd'hui l'objet l'ampleur du mouvement social des « années de plomb » ne ferait ainsi que redoubler celui qu'avait introduit l'amnistie Togliatti. La gauche, incapable de faire retour sur sa propre violence, refusa l'idée qu'il y ait eu en Italie une guerre civile, puis un vaste mouvement social qui réveillait l'ancien conflit entre fascistes et anti-fascistes. Loin de suturer les plaies des différentes parties en lutte, ce déni permit peut-être à la jeune démocratie italienne de s'affirmer, mais rendit toute véritable réconciliation impossible comme le prouve aujourd'hui encore l'âpre conflit des mémoires qui oppose aussi bien les politiciens que les historiens italiens.
      Abstract The historicizing of the years 1943-1945 following the Togliatti amnesty is closer to a denial of civil war than to a restoration or foundation of political democracy. In fact, the conflict between fascists and communists continued under the surface during the cold war period, before breaking to the surface during the decade of 1969-1978 when the PCI was on the point of democratically taking power. The present denial concerning the « leaden years » has reinforced that introduced by the Togliatti amnesty. The Left, incapable of calling its own violence into question, has refused the idea that there was a civil war in Italy, followed by an important social movement that revived the conflict between fascists and antifascists. This denial will perhaps enable the young Italian democracy to strengthen itself, but it makes real reconciliation impossible as the conflict of political actors and historians in Italy reveals.
    • Le débat sur les extradés italiens et le jeu des références historiques - Sophie Wahnich p. 87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le débat sur les extradés italiens en France a produit un débat historio-graphique dans la société dans un croisement des commentateurs français et italiens. Ce débat à conduit non seulement à réexaminer les « années de plomb » italiennes mais à évoquer la Commune de Paris et la Révolution française. Cet article montre comment ce débat se noue et analyse les enjeux politiques de ces références tant du point de vue du débat que des plis historiques ainsi sollicités.
      Abstract The controversy about the Italians extradited from France has produced an historiographical debate among French and Italian commentators. This debate has led to a reexamination of the period of terrorist activity and its repression in Italy and has even resuscitated interest in the Paris Commune and the French Revolution.
    • L'humanisme juridique européen à l'épreuve du terrorisme : le crépuscule de la clémence ? - Sophie Dimitroulias p. 111-132 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aujourd'hui, l'interrogation récurrente sur le traitement de la violence poli-tique est rendue plus aiguë que jamais, face à la transformation profonde de la terreur et de la force à l'échelle planétaire. L'entrée du monde dans un état de « guerre totale » entraîne des conséquences bien connues à l'échelle du droit international. Au sein de l'Union européenne, engagée dans une forme inédite de vie politique postnationale, plus encore, appelée à réaliser la démocratie cosmo-politique, la question se pose de manière saillante de savoir : en cette période charnière pour l'avenir de l'Europe et des valeurs qui constituent sa raison d'être, qu'advient-il de la civilisation juridique humaniste qui lui est propre et dont les fondements, y compris dans le domaine de la répression pénale, ont été posés depuis l'après-guerre ? Quelles sont les tendances structurelles et normatives à l'œuvre dans la construction, sans précédent, d'un espace judiciaire pénal européen ? Cet article tente d'en dégager les grandes lignes qui affectent les conditions de possibilité de la clémence démocratique et en particulier de l'amnistie.
      Abstract At the present time, questions concerning appropriate responses to political violence are sharper than ever given the significant changes in terror and force worldwide. The inception of « total war » has clear implications for international law. The European union is experimenting with a kind of postnational political institution-making and it will be seen if the juridical and humanitarian culture in gestation during the post-war period will be sufficiant to the task. In this regard, it is important to identify the structural and normative trends present in the European penal and judicial space and, in addition, those which condition the possibilities for democratic clemency and, in particular, amnesty.
    • L'extradition des réfugiés italiens indique-t-elle un abandon du principe d'amnistie en France ? - Maria Grazia Sangalli p. 131-147 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nous nous interrogerons sur la nature du lien possible entre féminisme et art contemporain. Entre frottements et glissements, crispations et engouements, depuis les années soixante, cette rencontre d'influences s'énonce clairement. Notre réflexion pourrait se construire suivant deux axes à la fois proches et distincts, à savoir l'apport du féminisme dans l'art contemporain, et l'apport de l'art contemporain dans le féminisme. Nous choisirons le premier, tout en gardant à l'esprit que les échanges sont multiples et se rencontrent en de nombreux points.Nous souhaitons diriger notre pensée et nos interrogations, dans un contexte français volontairement flou et nous nous demanderons s'il est possible que la France demeure l'un des derniers pays à regarder encore le féminisme comme une « option » exotique dans le panorama de la pratique artistique, critique et pédagogique contemporaine ?
      Abstract The nature of the possible link between feminism and contempory art since the 1960s can be studied in terms of the contribution of feminism to contemporary art and that of contemporary art to feminism. In the French context, the major question is whether France is the last country to consider feminism as an « exotic » choice in artistic, critical and educational practices.
    • Veto entrecroisés : l'épineuse question de l'amnistie en Italie - Hervé Rayner p. 150-164 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Italie, la question de l'amnistie des crimes et délits des « années de plomb » (1969-1982) reste à la fois controversée et verrouillée. Cette période fut marquée par des actes terroristes perpétrés par des membres de l'extrême gauche, de l'extrême droite et de l'État. À l'exception d'anciens activistes et de quelques figures isolées, la plupart des différents intervenants (parlementaires, magistrats, avocats, juristes, porte-parole des victimes, journalistes, etc.) sont persuadés, pour des raisons multiples et variées, de l'impossibilité d'une clémence collective (« les conditions politiques ne sont pas réunies »), autosuggestion qui, en retour, complique toute solution en la matière. Si la grâce présidentielle au bénéfice de quelques-uns, dont Adriano Sofri, semble plus envisageable, elle ne s'est toujours pas concrétisée. Ces veto entrecroisés dépendent et participent fortement du contexte, à savoir de ce que les protagonistes perçoivent comme (im)possible de faire.
      Abstract In Italy, the issue of a possible amnesty for the crimes and offences committed during the « years of lead » (1969–1982) is both controversial and deadlocked. The acts of terrorism that marked that period were perpetrated by both left- and right-wing extremists and by the State itself. Apart from former militants and a few isolated personalities, for many and various reasons the majority of those involved (MPs, judges, barristers, lawyers, spokesmen for the victims and journalists) are convinced that a collective pardon is out of the question (« politically unacceptable »). In its turn, this exercise in self-hypnosis further complicates any hope of finding a solution. Although the granting of a presidential pardon to specific individuals, such as Adriano Sofri, appears a more likely possibility, it has yet to materialize. The result is a system of interlocking vetoes that shapes, as much as it depends on, the context, i. e. protagonists' views of what is possible or impossible.
    • Amnisties et conscience historique - Sophie Wahnich p. 165-173 accès libre
  • Hors dossier

    • Gouvernance démocratique, État et ONG en Roumanie : quelques éléments de clarification autour de l'introduction d'une loi de transparence - Antoine Heemeryck p. 175-190 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article tente de mettre en lumière les limites de la démocratisation par l'imposition de normes globales et plus particulièrement en Roumanie. Sont avancés, en premier lieu, quelques traits saillants de la notion de transparence telle qu'elle est prescrite au niveau international pour les pays postcommunistes. Ensuite, le propos se concentre sur l'analyse des résultats d'une opération de monitoring d'une loi de transparence par une ONG que nous comparerons à une affaire de détournement d'argent mettant en cause une ministre en place. Ainsi, les limites et conséquences inattendues d'une telle politique pour divers acteurs impliqués dans la politique (ONG, État, parti politique) apparaîtront de manière un peu plus lisible. Relevant d'une technologie politique de démocratisation, le respect de ces lois (de transparence) s'inscrit dans un jeu de standardisation international plus que dans une préoccupation orientée vers des problématiques locales.
      Abstract This article try to shedlight several elements concerning the limits of the democratisation by the prescription of global norms and, more particularly, in Romania. First of all, the article aims to show some salient aspects of the notion of governance and transparency as it is prescripted from the international level to the post-communist countries. Then, the result of a monitoring operation about a law on transparency realized by an NGO is analysed and, after, it is compared to an affair of corruption concerning the government. The limits and the consequences of this policy (democratisation) for the actors such as NGO, the state and political parties, appear more clearly. Similar to a political technology of democratisation, the respect of this law (transparency) is more oriented to inter-national standardisation and legitimation than to a locals problematic.
  • Note critique