Contenu du sommaire : L'économie hétérodoxe en crise et en critique

Revue L'Homme et la société Mir@bel
Numéro 170-171, 4e trimestre 2008 et 1er trimestre 2009
Titre du numéro L'économie hétérodoxe en crise et en critique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • L'économie hétérodoxe en crise et en critique

    • L'hétérodoxie, quelle hétérodoxie ? - Thierry Pouch, Richard Sobel p. 9 accès libre
    • Causalité, holisme méthodologique et modélisation « critique » en économie - Gilles Raveaud p. 15-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans ce texte, je montre comment il est possible de produire des modèles alternatifs convaincants en économie. Je commence par identifier deux critères de pertinence : l'identification des causes des phénomènes (Lawson), et le renoncement à l'individualisme méthodologique (Combemale). Pour trouver des modèles correspondant à ces deux critères, je reviens aux « idéaltypes » de Weber, qui sont à mon sens trop souvent mal interprétés. Je conclus en illustrant la richesse de cette méthode en faisant référence aux deux principales écoles hétérodoxes françaises, l'École de la Régulation et l'Économie des Conventions.
      Abstract« Causality, methodological holism and “ critical ” models in economics »In this article, I show how it is possible to create convincing alternative models in economics. I identify two criteria of relevance : the identification of the causes of the studied phenomena (Lawson) and the dropping out of methodological individualism (Combemale). To find models which match these two criteria, I use Weber's « idealtypes » which, I think, are often misunderstood. I conclude by illustrating the fruitfulness of this method by mentioning two current French heterodox schools, the Regulation School and the Convention School.
    • L'opium des économistes (Sont-ils encore des intellectuels ?) - Thierry Pouch p. 47-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les économistes appartiennent à un champ scientifique au sein duquel ils produisent des travaux, des modèles, échangent des idées, débattent des mesures de politique économique prises par l'État... En ce sens, leurs productions scientifiques, leurs savoirs, constituent un des maillons de la vie intellectuelle. Cela est d'autant plus vérifié que les débats, souvent passionnés, sont des révélateurs de tensions paradigmatiques traversant la science économique. Cette effervescence autour des concepts, des méthodes et des recommandations de politique économique attestent de l'implication des économistes dans la vie intellectuelle. Mais le seul fait que la portée critique du système économique s'est progressivement érodée au cours des trente cinq dernières années, les économistes laissant espérer que ce système est perfectible, indique qu'ils ne sont plus des intellectuels, qu'ils sont de moins en moins capables de produire une vision critique du monde économique. Ils sont devenus des intellectuels organiques.
      Abstract« The opium of economists (Are they still intellectuals ?) »Economists pertain to a scientific field within which they produce articles, models, exchange ideas, debate about economic policies implemented by governments. In this regard, their scientific productions, their knowledge constitute one link in the intellectual chain. Their often passionate debates show at the same time how true that is and also reveal the paradigmatic tensions that Economics is going through. The turmoil around concepts, methods and economic policy recommendations account for the involvement of economists in the intellectual arena. But since the critical significance of their analyses of the system has been fading throughout at last 35 years, economists maintain the hope that the system is perfectible. This indicates that they are no longer intellectuals and less capable of producing a critical vision of the economic world. Hereafter they became organic intellectuals.
    • Les lois naturelles en économie. Émergence d'un débat - Gilles Dostaler p. 71-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le concept de loi naturelle joue un rôle essentiel dans l'émergence de l'économie politique comme discipline autonome aux dix-septième et dix-huitième siècles. Fascinés par la physique newtonienne, les fondateurs de la nouvelle science conçoivent l'économie comme un mécanisme naturel régi par des lois universelles, valables en tout temps et en tout lieu, dans lequel les pouvoirs publics ne doivent pas intervenir. C'est avec François Quesnay et la physiocratie que cette vision atteint sa formulation la plus développée et dogmatique. À la même époque s'affirme une vision alternative, qu'on peut qualifier de relativiste, selon laquelle les lois économiques, si elles existent, varient selon les époques, les pays, les institutions auxquelles elles s'appliquent. Les critiques des physiocrates sont ainsi les précurseurs de divers courants hétérodoxes s'opposant à la vision universaliste toujours dominante dans la discipline. Notre texte fait l'histoire de la première phase de ce débat.
      Abstract« The natural laws in economics - Emergence of a debate »The concept of natural law plays a key role in the emergence of political economy as an autonomous disciple in the XVIIth and XVIIIth centuries. Fascinated by Newtonian physics, the founders of the new science see the economy as a natural mechanism ruled by natural, valid in all times and all places laws, in which governements must not intervene. It is with François Quesnay and the physiocrats confer on this vision its most developed and dogmatic formulation. At the same time an alternative view, which we can call relativist, asserts itself. According to this view, economic laws, if they exist, varie according to times, places, institutions. The critiques of the physiocratic vision are thus the precursors of various heterodox currents of thought opposed to the universalist and still dominant vision in economics. Our paper proposes a history of the first phase of this debate.
    • Une vision institutionnaliste, historique et pragmatique de l'objet de la science économique - Bernard Billaudot p. 93 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Deux délimitations a priori de l'économie comme discipline sont en concurrence depuis que cette science sociale particulière s'est détachée de la philosophie (politique) à la fin du dix-huitième siècle : sa délimitation formelle, selon laquelle l'économiste traite du choix rationnel, et sa délimitation substantielle, retenue par presque tous les courants hétérodoxes, selon laquelle il existerait dans tout genre de société un objet de la science économique qui serait le domaine de la production et de la distribution des richesses. Sans revenir sur la première, l'objet de cet article est de critiquer la seconde, dans la mesure où elle ne délimite qu'un aspect de la vie sociale. Un objet spécifique pour une science économique ne peut être délimité qu'au sein d'un socle unidisciplinaire, relevant d'une problématique historique, institutionnaliste-structuraliste et pragmatique. Cet objet est l'ordre économique de la société moderne, qui ne doit pas être identifié au capitalisme pensé par Marx.
      Abstract« An institutionalist, historical and pragmatic view of the subject of economics »Since economics was separated from (political) philosophy at the end of XVIII th century, two a priori delimitations of economics as a discipline are in competition : a formal delimitation according to which the economist deals with rational choice and a substantial delimitation which is that of almost all heterodox streams according to which in all kinds of societies there is a subject of economics which is the field of production and distribution of wealth. Without examining more the first one, this paper criticizes the second one as it deals with only one subject of the social life. For a science as economics, a specific subject must be delimitated inside a one-disciplinary basis, within an historical, institutionalist-structuralist and pragmatic approach. This subject is the economic order of the modern society, which must not be identified with capitalism, as thought by Marx.
    • Travail, valeur et monnaie : dépoussiérage des catégories marxiennes appliquées à la sphère non marchande - Jean-Marie Harribey p. 127-150 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le contexte de délégitimation dont sont victimes les dépenses publiques pour cause de mondialisation de l'économie, le présent texte propose une réfutation logique de l'idée selon laquelle les services non marchands seraient financés par un prélèvement effectué sur une base existant préalablement. Il s'écarte donc tant de la vision libérale que de la vision marxiste traditionnelle, l'une expliquant que les prélèvements obligatoires se font au prix d'une ponction sur l'activité privée, l'autre sur une part de la plus-value produite dans le secteur marchand. En partant d'une définition du travail productif en relation avec les rapports sociaux et d'une généralisation de la notion keynésienne d'anticipation, il s'agit de montrer que les services publics non marchands ont une valeur monétaire non marchande qui n'est pas ponctionnée et détournée mais qui est produite. Le travail effectué au sein des services publics ne s'échange pas contre du capital, mais il s'échange contre du revenu qui est produit à la suite d'une décision collective anticipant l'existence de besoins collectifs. En somme, c'est la dépense publique qui contribue à engendrer l'impôt via le revenu que l'activité publique crée et non l'inverse. Nous en déduisons une nouvelle conception de la richesse sociale.
      Abstract« Work, value and currency : renewal of marxian categories applied to the non-saleable market sphere »As globalization has brought increasing discredit on public expenses, this paper proposes a logical refutation of the idea that non-saleable services should be financed by levy of already existing activities. As such, it diverges from liberalism according to which compulsory levies are charged on private activities. It also differs from classical marxist theory for which taxation is partly based on the surplus-value generated in the private sector. Starting from a social definition of productive work coupled with a generalization of the keynesian conception of anticipation, we try to show that non-saleable services have a non-saleable monetary value which is not extracted from the private sector and redirected to the public sector but produced by the latter. Work done in non-saleable services is not exchanged for capital. Instead, it is exchanged for income that is produced following a collective decision on the anticipation of collective needs. In short, public expenses are the ones which contribute to engender taxation thanks to the income created by public activity, and not the reverse. We deduce a new conception of social wealth.
    • Conventions de travail, mondes de production et institutions : un parcours de recherche - Robert Salais p. 151-174 accès libre
    • Travail salarié et « société salariale » : de Marx à Marx, en passant par la sécurité sociale - Richard Sobel p. 175-194 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le débat sur « la fin du travail », on peut se demander si l'on problématise suffisamment le « contexte » capitaliste dans lequel se trouve saisi ce « travail » dont on s'interroge précisément sur la « fin ». S'agissant de la situation française contemporaine qui sert de cadre à cet article, notre hypothèse est précisément que non. Pour l'étayer, nous construisons une typologie de trois scénarios imaginant les reconfigurations possibles de nos « sociétés salariales » en crise : le scénario libéral, dual et assistanciel ; le scénario utopique et le scénario travailliste.
      Abstract« Paid work and “ salary society ” : from Marx to Marx by the Social Security »In the debate on “ the end of labour ”, one can wonder whether is sufficiently questioned the capitalist “ context ” in which is seized this “ labour ” which one wonders precisely about the “ end ”. Our point of view is precisely that not. To support it, we build a typology of three scenarios imagining possible reconfigurations of our “ societies of wage-earners ” in crisis : The liberal, dual and assistanciel scenario ; the utopian scenario and the Labour scenario.
    • Où va l'hétérodoxie ? - Liêm Hoang-Ngoc p. 195-218 accès libre
  • Hors dossier

    • Guerres, transformation du capitalisme et croissance économique - Éric Bosserelle p. 219-250 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si, rétrospectivement, la période des Trente Glorieuses (1945-1975) apparaît comme tout à fait exceptionnelle dans le cours du développement du capitalisme, au point, qu'à bien des égards, elle fait même figure d'anomalie historique, le rôle que les deux guerres mondiales du XXe siècle et les transformations durables dont elles ont été à l'origine ont joué sur cette phase de croissance demeurent, aujourd'hui encore, fortement sous-estimés par les économistes. La thèse défendue dans cet article est que les deux conflits mondiaux ont joué un rôle tout à fait déterminant dans la transformation du capitalisme et dans la genèse et la mise en place du nouveau cadre institutionnel qui a piloté les régimes de croissance après 1945.
      Abstract« Wars, transformation of capitalism and economic growth »In retrospect, the thirty-year boom period after World War II (1945-1975) sounds quite exceptional in the course of the development of capitalism, so that in many respects, it can be looked as a historical abnormality. The two world wars in the 20 th century and the lasting changes that they originated have played a major role in that growth period, but this role has been, until now, highly underestimated by the economists. This paper advocates the thesis that the two world conflicts were an absolutely deciding factor in the transformation of capitalism and in the birth and implementation of the new institutional background which has surrounded the growth regimes after 1945.
  • Notes critiques