Contenu du sommaire : Simone de Beauvoir et la psychanalyse
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 179-180, 1er et 2e trimestre 2011 |
Titre du numéro | Simone de Beauvoir et la psychanalyse |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Conflictualiser la référence à la résistance - Sophie Wahnich p. 7
Simone de Beauvoir et la psychanalyse
- Présentation - p. 11-12
- Les trois vies de Simone de Beauvoir - Pierre Bras, Michel Kail p. 15-24
- Simone de Beauvoir et la psychanalyse - Danièle Brun p. 25-27
- Le Deuxième Sexe à l'épreuve de la psychanalyse - Élisabeth Roudinesco p. 28-45 Soudain, Le Deuxième Sexe, qui redonne vigueur à la grande peur du sexe féminin et de sa prétendue sauvagerie. Beauvoir est insultée pour les mêmes raisons que Freud l'a été. Beauvoir est l'introductrice en France, dix ans avant Lacan, du débat psychanalytique sur la sexualité féminine durant l'entre-deux-guerres entre Vienne et Londres.Suddenly The Second Sex that increases once more time the fear of the female sex and of its so-called savagery. Beauvoir is insulted for the same reasons than Freud has been. In France, she is the initiator to the psychoanalytical debate on the feminine sexuality between Vienna and London during the interwar period, ten years before Lacan introduced it.
- Simone de Beauvoir et Hélène Deutsch - Éliane Lecarme-Tabone p. 47-61 Simone de Beauvoir s'est beaucoup inspirée, dans Le Deuxième Sexe, de The Psychology of Women d'Hélène Deutsch, malgré les différences théoriques qui l'opposent à la psychanalyse. La possibilité de ces emprunts s'explique d'abord par la complexité de la pensée d'Hélène Deutsch, qui nuance ses présupposés « naturalistes », parfois jusqu'à la contradiction. Surtout, l'auteur du Deuxième Sexe a su intégrer à son argumentation les observations de la psychanalyste en leur donnant une interprétation culturaliste, et en les enrichissant par d'autres apports.In The Second Sex, Simone de Beauvoir has been largely inspired by Helene Deutsch's The Psychology of Women in spite of her objections to the psychoanalysis. This borrowings are possible because of the complexity of the Helene Deutsch's thought that qualifies the naturalist presuppositions, sometimes to the contradiction. Above all Beauvoir has succeeded in integrating the observations of the psychoanalyst by interpreting them in a culturalist meaning.
- Simone de Beauvoir et la psychanalyse : repères bibliographiques - Pierre Bras p. 63-80 Cet article présente la bibliographie sur le thème « Simone de Beauvoir et la psychanalyse ». Il montre que certains ouvrages critiques permettent de retracer l'intérêt constant de Simone de Beauvoir pour la psychanalyse, alors que d'autres développent la question de la concurrence entre psychanalyse et existentialisme. Certains auteurs montrent ce que la philosophie de Beauvoir apporte à la réflexion des psychanalystes, et d'autres insistent sur l'intérêt d'avoir introduit dans le féminisme la réflexion sur la psychanalyse. Enfin, quelques ouvrages relèvent que Beauvoir utilise elle-même, dans ses mémoires et ses romans, les grilles d'interprétation de la psychanalyse, et plusieurs critiques se servent des outils de la psychanalyse pour analyser l'œuvre de Simone de Beauvoir.This article presents the bibliography on the theme : « Simone de Beauvoir and Psychoanalysis ». It shows that some critical works recount Beauvoir's constant interest in psychoanalysis, while others explicate in depth the competition between psychoanalysis and existentialism. Some authors show in what way Beauvoir's philosophy contributes to psychoanalytic thought ; others stress the importance of having introduced a critical thinking on psychoanalysis in the feminist thought. Last but not least, some critical works point out that Beauvoir, in her memoirs and her novels, uses psychoanalytical models of interpretation ; and several critics apply psychoanalytical tools to the works of Simone de Beauvoir.
- Beauvoir et la psychanalyse : un défi réciproque - Julia Kristeva p. 81-98 Bien que critique de Freud à partir d'une lecture existentialiste et tout compte fait sommaire de son œuvre, Simone de Beauvoir signale dans Le Deuxième Sexe sa dette envers la psychanalyse et ceci dès sa conception du « Sexe » comme une « expérience subjective ». Pour la première fois, le texte de Julia Kristeva propose une lecture des récits de rêve que Simone de Beauvoir a publié dans Tout compte fait. Elle examine aussi bien le rôle du couple Sarte/Beauvoir, que la place de l'écriture romanesque dans l'itinéraire de la philosophe et la militante. Elle suggère enfin l'intérêt de ses avancées comme de ses échecs personnels pour la théorie et la clinique psychanalytique.Although critical in her existentialist and essentially cursory reading of Freud, Simone de Beauvoir acknowledged her debt to psychoanalysis in The Second Sex when she introduced her conception of « Sex » as a « subjective experience ». For the first time, Julia Kristeva offers her reading of Simone de Beauvoir's dream narratives published in All Said and Done. She examines both the role of the Sartre/Beauvoir couple and the place of fiction in the philosopher and political activist's life. Lastly, she discusses the importance of both de Beauvoir's advances and personal failures for psychoanalytic theory and clinical practice.
- Un rêve de Simone de Beauvoir « très différent des autres » - Marie-Jo Bonnet p. 99 Le lendemain de la manifestation du 20 novembre 1971 organisée par le MLF pour la libre maternité, Simone de Beauvoir fait un rêve « très différent des autres ». Et pour cause ! C'est une histoire de « fille stupide » qui habite dans un palais, d'un homme barbu, d'un plat rempli d'œufs crus sortis de leur coquille et d'une fourchette menaçant les « embryons ». Ce rêve en écho à la manifestation pour l'avortement libre manifeste-t-il un retour du refoulé d'une autre histoire d'œufs survenue quelque vingt ans plus tôt ? En reliant le récit du rêve à certaines lettres échangées avec Nelson Algren en 1948, où il est question d'œuf cassé, et même « tué », nous nous demanderons si Beauvoir n'est pas confrontée ici aux traces d'un possible avortement qu'elle aurait fait à Mexico en compagnie d'Algren.« A “ Very Different of the Others ” Simone de Beauvoir's Dream » The day after the demonstration held the 20th of november 1971 by the MLF to claim the free maternity, Simone de Beauvoir has a very different dream of the others she is used to have. Indeed. It is a story of a « stupid girl » living in a palace, a bearded man, a dish of uncooked eggs out of their shell and a fork threatening the « embryos ». In relation with the demonstration to claim the free abortion, does this dream indicate the return of the repressed of a twenty ago story of eggs ? In 1948, some of the letters between Simone de Beauvoir and Nelson Algren refer to a broken egg, even to a « killed » egg. One may well wonder if Beauvoir is not confronted with a possible abortion she could have in Mexico in company of Algren.
- La part du rêve chez Simone de Beauvoir - Danièle Brun p. 109-115 À partir d'une comparaison entre le rêve et la création littéraire, l'article s'intéresse à la place de la femme dans l'écriture de Simone de Beauvoir. Son œuvre comme sa vie laissent entrevoir deux images de la femme : la femme enflammée et la femme réfléchie, l'une comme l'envers de l'autre. Ce thème est traité à partir de la question de l'autre et de la mort, en suivant l'indication de la phrase de Hegel, placée en exergue de L'Invitée : « chaque conscience poursuit la mort de l'autre ».« The Part of Dream in the Simone de Beauvoir's Works »From a comparison between dream and litterary creation, this analysis determines the status of woman in the Beauvoir's writing. Her work as her life let to guess two images of woman : the passionate one and the thoughtful one, the first being the other of the second. This theme is treated from the question of the other and of the death, according to the indication of the Hegel's quotation, bore in epigraph of She Came to Stay : « any consciousness pursues the death of the other ».
- Étude, souffrance, jouissance - Geneviève Fraisse p. 118-127 Une intellectuelle « privilégiée » se révèle une femme dotée, quasi en son origine, d'une force de jouissance de vivre, de lire et d'écrire assez stupéfiante. En un mot, il semblerait que chez Simone de Beauvoir, la jouissance prime sur l'effort de l'étude comme sur le traitement de la souffrance. En bref, le trio ou triangle humain entre le désir de savoir, l'élaboration de la souffrance et l'irruption de la jouissance se présente à notre lecture d'une manière inhabituelle pour l'histoire de la création littéraire, notamment celle des femmes.« Study, Suffering, Enjoyment »An intellectual woman, with « privileges », seems to be, from the starting point of her life, able to enjoy life, reading and writing in a very remarquable way. In one word, it seems that enjoyment goes first for Simone de Beauvoir, before the effort to study and before the treatment of suffering. Then the trio or human triangle between desire of knowledge, elaboration of suffering and irruption of enjoyment is facing us in a not ordinary way for the story of literary creation, specially these of women.
- Simone de Beauvoir et les impasses de la vie amoureuse - Françoise Gorog p. 129-145 Il s'agit de voir comment du mode de relation amoureuse que Sartre avait créé avec elle, Simone de Beauvoir fait un principe, par l'écriture.This paper examines how does Simone de Beauvoir make of the love relation that Sartre has created with her a principle by the writing.
- Retour sur Le Deuxième Sexe : « Les limitations du Deuxième Sexe sont celles de son époque » - Françoise Barret-Ducrocq p. 148-155 Le Deuxième Sexe a été en grande partie écrit contre les théories des Américaines qui suivent aveuglément les partisans des Lumières, et mettent en avant la catégorie universelle d'être humain. La femme est, comme l'homme, un être humain, mais n'en est pas moins « singulièrement située ». En réduisant la situation à une sorte d'emballage social, Beauvoir laisse de côté les caractéristiques propres à chaque sexe. Cependant, dans les sixties et les seventies, pour qui conteste les idées reçues et participe à la cause des femmes la référence au livre de Beauvoir est un passage obligé.« Once more The Second Sex : « The Limits of The Second Sex are these ones of its Time... »Largely The Second Sex has been written against the theories of the American who follow blindly the partisans of the Enlightenment, and emphasize on the universal category of human being. The woman is as an human being as the man, but nevertheless she is « originally situated ». By limiting the situation to a kind of social packaging, Beauvoir is neglectful of the specific features of each sex. However during the sixties and the seventies for these ones that protest against the generally accepted ideas and support the women cause, the Beauvoir's book is an obliged reference.
- Maternité et aliénation - Monique Schneider p. 157-170 La dualité à partir de laquelle s'organise l'aliénation féminine, portée à son comble dans la maternité, n'est pas celle du masculin et du féminin, comme dans nombre de pensées féministes, mais celle de l'« espèce » et du couple homme-femme : pour Simone de Beauvoir, les deux partenaires se trouvent « dévorés » par cette entité anonyme, dont l'emprise est toutefois plus forte chez la femme que chez l'homme.Dans cette pensée, la prise en compte de l'« histoire » nous contraint à infléchir le rapport entre maternité et aliénation : alors que, dans les temps primitifs, la maternité, par le risque d'abondance qu'elle entraîne, ne peut qu'entraver la puissance affirmative de l'humain guerrier, l'accès à l'agriculture provoque une assimilation de la femme à la terre et fait apparaître un rapport à l'activité qui déborde l'antithèse du passif et de l'actif.« Motherhood and Alienation »The duality from which the feminine alienation is organized, at its highest level as motherhood, is not the duality masculine/feminine, as a lot of feminist thoughts argue, but the duality of the species/the couple man-woman : according to Simone de Beauvoir, this anonymous entity is « consuming » the two partners, but more voraciously the woman than the man. From the historical standpoint, the analysis of the relation motherhood/alienation should be qualified : originally, because motherhood could be abundant, it threatens the affirmative power of the warrior ; once women farmed the land, they were compared to the land and their activity was no more represented as the passive side of the antithesis of activity/passivity.
- Maternité et aliénation (Réponse à Monique Schneider) - Juliet Mitchell p. 171-178 En tant que psychanalyste et spécialiste des études de genre, Juliet Mitchell répond à Monique Schneider sur trois points :la femme alourdie par tout ce qui la signifie ;prévention de la grossesse, avortement, infanticide ;Beauvoir en tant que crypto-psychanalyste.« Motherhood and Alienation (Answer to Monique Schneider) »As psychoanalyst and specialist of gender studies, Juliet Mitchell replies to Monique Schneider about three points :the woman weighted by everything gives to her a meaning ;prevention of pregnancy, abortion, infanticide ;Beauvoir as crypto-psychoanalyst.
- La maternité : une aliénation ? (Réponse à Monique Schneider) - Jacqueline Rose p. 179-186 Si la maternité semble représenter, pour Beauvoir et même pour l'existentialisme en tant que philosophie, la suprême aliénation de la femme, cet article s'attache à montrer que c'est dans son discours sur la maternité que la pensée de Beauvoir révèle sa dimension psychanalytique dans la mesure où le nouveau-né et l'enfant prennent la place de l'inconscient. Par quoi la maternité offre au projet de l'être en soi, au cœur de l'existentialisme, une contre-éthique psychanalytique.« The Maternity : an Alienation ? (Answer to Monique Schneider) »If maternity seems for de Beauvoir, and indeed for existentialism as philosophy, to represent the ultimate alienation of the woman, this article argues that it is in her discourse on maternity that de Beauvoir's thought reveals its psychoanalytic dimension as the new-born and infant take up the place of the unconscious. In doing so, maternity in her thinking offers a psychoanalytic counter-ethics to the project of « l'être en soi », at the heart of existentialism.
- Question à Juliet Mitchell sur sa première rencontre avec Simone de Beauvoir - p. 187-188
- L'argument de Simone de Beauvoir contre le naturalisme - Ulrika Björk p. 190-203 Dans cet article, j'expose la critique que Simone de Beauvoir fait du naturalisme, à l'occasion de l'explication de son attitude ambivalente vis-à-vis de la psychanalyse freudienne. Dans Le Deuxième Sexe, Beauvoir critique les implications naturalistes, réductionnistes et déterministes de la théorie freudienne des pulsions et du développement psycho-sexuel de l'enfant. Elle est cependant favorable à la dimension interprétative de la psychanalyse et tire parti des concepts psychanalytiques pour sa propre analyse de la féminité. Beauvoir reprend l'analyse de l'émergence de la différence sexuelle durant l'enfance dans la perspective de la phénoménologie et de la philosophie existentialiste. Je soutiens que ce faisant elle procède à une reformulation importante du concept de narcissisme féminin.In this article I outline Simone de Beauvoir's critique of naturalism through an explication of her ambivalent attitude to Freudian psychoanalysis. In Le Deuxième Sexe Beauvoir criticises the naturalist, reductionist and determinist implications of Freud's theory of the instinctual drives and early psychosexual development. However, she also welcomes the interpretative dimensions of psychoanalysis and draws on psychoanalytical concepts in her own analysis of femininity. Beauvoir re-therorizes the emergence of sexual difference in childhood from the perspective of phenomenology and existential philosophy. In so doing, I argue, she provides an important reformulation of the concept of feminine narcissism.
- Beauvoir - Merleau-Ponty : la psychanalyse comme chiasme - Cécile Decousu p. 205-211 La question de la subjectivité nous semble traverser et travailler toute l'œuvre de Beauvoir, et c'est aussi autour d'elle que s'articule sans doute le dialogue avec la philosophie de Merleau-Ponty. De « l'empiètement » à la « chair », l'être-au-monde est sans cesse projet d'une coïncidence, qui ne parvient peut-être jamais à se réaliser.C'est en ce sens que nous envisageons la subjectivité chez Beauvoir au travers du concept husserlien de « Fiktion », et à partir duquel il nous semble possible de montrer des liens avec la théorie Lacanienne du stade du miroir. Mais si, comme nous le verrons, il y a bien une sorte de parenté descriptive et peut-être interprétative entre Le Stade du miroir et Le Deuxième Sexe, il nous semble pourtant que le regard de Beauvoir sur la psychanalyse reste un regard critique, en particulier pour ce qui relève de sa méthode.Il ne s'agit pas pour Beauvoir de décrire théoriquement les moments systémiques du chemin de la subjectivité vers elle-même, mais bien plutôt de dévoiler l'ambiguïté d'une subjectivité qui est perpétuel horizon.En ce sens, s'il y a bien une écriture analytique chez Beauvoir, elle sera écriture du chiasme, comme espace mixte d'identité et d'altérité, cette sorte de « fiktion » imminente, comme nous le disions, et qui ne peut s'exprimer qu'au travers d'une écriture anonyme de l'imaginaire.« Beauvoir-Merleau-Ponty : the Psychoanalysis as Chiasmus »The question of subjectivity seems to cross all of Beauvoir's work, and perhaps, also revolves the dialogue with Merleau-Ponty's philosophy. Of « empiètement » on « chair », being-in-the-world is ever project of coincidence that perhaps ever fails to be realized. Therefore, we would consider the issue of subjectivity in Beauvoir's work through the husserlian concept of « Fiktion », from which it seems possible also to show links with the theory of the lacanian « stade du miroir ».As we shall see, there might be indeed a descriptive and interpretative connection between Le Stade du miroir et Le Deuxième Sexe, nevertheless, it seems that the look of Beauvoir on psychoanalysis remains a critical eye, especially about its method. According to Beauvoir, psychoanalysis describes theoretically systemic moments of subjectivity's way to itself, when in her work, she'd rather uncover the ambiguity of subjectivity as its own perpetual horizon. Thus, if we assume there is an analytical writing in Beauvoir's work, we also assume it is about subjectivity defined as « chiasmus », or as we said, as « Fiktion » : this mixed space of identity and otherness, that can not be expressed only through the ghostwriting of imagination.
- Le point de vue psychanalytique du Deuxième Sexe : un point de vue éthique et philosophique oublié - David Risse p. 213-233 Le second chapitre sur le point de vue psychanalytique dans lequel s'origine Le Deuxième Sexe amène Simone de Beauvoir à entreprendre la déconstruction de la naturalisation freudienne de l'oppression féminine, puisque Freud (parcourant la neurologie vers la psychanalyse) annonce que l'autonomie morale correspond à un rapport de l'individu à lui-même et non à la société. Comme Freud, Beauvoir écrit pour se comprendre et pour arriver à une universalité concrète. Elle sort ainsi d'une certaine utopie idéaliste, du sexisme sartrien (en ce que Sartre évoque les femmes pour parler de sexualité, de frigidité) pour philosopher, phénoménologiquement, sur l'oppression des femmes. Si Beauvoir s'attaque néanmoins au causalisme sexuel freudien en montrant qu'il est « phallocentré », elle refuse de crier pour autant au scandale devant l'idée d'une castration originelle de la femme dans la psychanalyse. Elle la ré-envisage comme un « destin » en repartant du naturalisme biologique, de la maternité comme occultation de la sexualité féminine et mise au service de la reproduction du mâle. C'est parce que l'affectivité féminine est dérivée de la naturalisation de cette oppression que la reprise du point de vue psychanalytique permet de passer d'un « hétéro-érotisme » à un « auto-érotisme », celui de la sexualité comme corps vécu de la femme.The second chapter on the psychoanalytic point of view, from which stems Simone de Beauvoir's The Second Sex brings her to undertake the deconstruction of the Freudian natiralization of women's oppression, since Freud (going from neurology towards psychoanalysis) announces that moral autonomy corresponds to the individual's relation to himself and not to society. Like Freud, Beauvoir writes to understand herself and to reach a concrete universality. By doing so, she steps out of a certain form of idealistic utopia, out of the Sartrian sexism (insofar as Sartre refers to women as a way to talk about sex, end frigidity) in order to reflect philosophically, phenomenologically, upon the oppression of women. While Beauvoir tackles the Freudian sexual causality by showing that it is « phallocentric », she refuses however to treat the original idea of castration of women in psychoanalysis as a scandal. Rather, she looks at it as « fate » by going back to organic naturalism, to maternity understood as a concealment of female sexuality, in the service of male's reproduction. It is because woman emotions are derived from the naturalization of this oppression that the reinstatement of the psychoanalytical point of view makes it possible to switch from a certain form of « hetero-erotism », that is, sexuality conceived as the lived body of women.
- Simone de Beauvoir et la psychanalyse : haine, attraits, résistances ? - Laurie Laufer p. 236-247 Résumé« Ce n'est pas une entreprise facile que de discuter la psychanalyse. Comme toutes les religions — christianisme, marxisme — elle se montre, sur un fond de concepts rigides, d'une souplesse gênante... » écrit Simone de Beauvoir. Les rapports entre Beauvoir et la psychanalyse sont faits d'attraction/répulsion. Dans Les Mandarins, Beauvoir soulève la question du rapport de la psychanalyse à la politique et à l'histoire. Par cette mise en scène de personnages psychanalyste et intellectuel qu'elle qualifie de gauche, Beauvoir pose les questions suivantes : peut-on être psychanalyste et penser le politique ? Peut-on être psychanalyste et intellectuel de gauche ? Peut-on être psychanalyste et engagé dans une pratique sociale et non pas étouffé par une idéologie normative ? En somme, l'une des questions que pose Les Mandarins est la suivante : que faire face aux idéologies et au dogmatisme de tout système théorique ?« Simone de Beauvoir and Psychoanalysis : Hate, Attractions, Resistances ? »« Discussing psychoanalysis as such is not an easy undertaking. Like all religions — Christianity or Marxism — it displays an unsettling flexibility against a background of rigid concepts » Simone de Beauvoir wrote. In her novel, Les Mandarins, Simone de Beauvoir raises the question about the relation between psychoanalysis and politics and psychoanalysis and history. By introducing characters such the psychoanalyst and the intellectual she describes as a man of the left, Beauvoir brings up the following questions : is it possible to be at the same time a psychoanalyst and to think the politics? Is it possible to be at once a psychoanalyst and an intellectual of the left? Is it possible to be at the same time an psychoanalyst and to be involved in a social practice, and not to be embarrassed by a normative ideology ? Finally the question is this one : what to do in front of the ideologies and the dogmatism of any theoretical sytem ?
- Beauvoir et l'écriture autobiographique - Lisa Appignanesi p. 249-255 Dans cet article, je soutiens que Beauvoir joue au chat et à la souris avec la psychanalyse. C'est particulièrement le cas dans ses nombreux ouvrages autobiographiques, dans lesquels le « Je » n'est, à l'évidence, pas simplement le fruit d'une réflexion immédiate sur soi. En fait, les quatre volumes de son autobiographie constituent, à certains égards, une tentative de construire un soi public, insensible aux psychanalystes et plus lucide qu'ils ne le sont ; psychanalystes qu'elle aime couvrir de sarcasmes, bien que ce ne soit jamais de manière aussi agressive que Nabokov. Sa résistance à l'endroit de la psychanalyse va de pair avec sa propre réticence à s'exposer elle-même : son œuvre romanesque nous en dit souvent plus sur la dynamique de sa vie intime que son autobiographie. Cependant, la prise en compte simultanée de ces deux versants de son œuvre nous montre combien Beauvoir est au fait du discours psychanalytique. Elle peut choisir de le critiquer, elle peut souhaiter résister aux éventuelles interprétations psychanalytiques, il n'en reste pas moins qu'elle en use elle-même de plusieurs manières fascinantes.« Beauvoir and the Autobiographical Writing »In this article, I contend that Beauvoir plays what could be called a game of hide and seek with psychoanalysis. This is particularly the case in her many autobiographical writings, where, of course, the « I » is in no simple way a direct reflection of herself. In fact, the four volumes of her autobiography are in some ways her attempt to construct a public self which is impervious to and knows better than the psychoanalysts, whom she likes to taunt - though never quite as aggressively as Nabokov. Her resistance to psychoanalysis parallels her own resistance to self-exposure : her fiction often tells us more about the dynamics of her intimate life than her Autobiography. Taken together, however, Beauvoir shows us just how familiar she is with psychoanalytic discourse. She may choose to be critical of it ; she may wish to resist possible psychoanalytic interpretations, but she uses them herself in fascinating ways.
Simone de Beauvoir en traduction
- Présentation - Ulrika Björk, Michel Kail p. 256-257
- Chapitre 6 : Syndrome de la pâte d'amandes et vieux schémas de vie conjugale - Åsa Moberg p. 261-272
- Quelques réflexions sur la nouvelle traduction anglaise du Deuxième Sexe - Constance Borde, Sheila Malovany-Chevallier p. 273-277
Hors dossier
- Sémiotique matérialiste, sémiotique surréaliste, sémiotique révolutionnaire. : Entre Breton et Rossi-Landi - Andrea D'urso p. 279-299 Ce papier reprend le discours sur la théorie sémiotique de l'homologie de la production linguistique et matérielle avancée par Ferruccio Rossi-Landi pendant les années 1960, que cette revue a fait connaître aux lecteurs français en 1973, grâce à une traduction partielle d'un de ses textes les plus importants à ce sujet, et que la réimpression récente des Grundrisse rend de toute actualité, cette œuvre-là et d'autres de Marx lui ayant permis de saisir le rôle que joue le langage dans le passage de la structure (économique) aux superstructures (idéologiques). Il ne s'agit pas seulement de chercher à donner un aperçu plus rigoureux de la pensée de Rossi-Landi que ce qu'on peut en lire par les interprétations hâtives des commentateurs distraits ; mais aussi d'en révéler des développements inédits, notamment dans ses convergences possibles, et restées inexplorées jusqu'à présent, à l'intuition sémiotique de Breton et d'autres surréalistes oubliés. Car c'est aussi dans les enjeux d'une sémiotique révolutionnaire que le marxisme et le surréalisme se recoupent.This paper restarts the discussion on the semiotic theory of the homology of linguistic and material production proposed by Ferruccio Rossi-Landi during the 60's, that this review revealed to French readers in 1973 through a partial translation of one of his most important texts and that the recent French reprint of the Grundrisse makes really actual, since that very work and others by Marx allowed Rossi-Landi to seize the role language plays in the passage from (economical) structure to (ideological) superstructures. The aim is not only to try to give a more rigorous insight of Rossi-Landi's thought than what can be read in hasty interpreters' commentaries ; but also to reveal some original developments, particularly in the possible convergences, which remained unexplored till nowadays, on Breton's and other forgotten surrealists' semiotic intuition. For it is also at the stakes of revolutionary semiotics that Marxism and Surrealism meet.
- Sémiotique matérialiste, sémiotique surréaliste, sémiotique révolutionnaire. : Entre Breton et Rossi-Landi - Andrea D'urso p. 279-299
Notes critiques
- Le pouvoir, la vie, la mort - Pierre Lantz p. 301-306
- Retour sur Pierre Naville, à propos d'un livre posthume - Pierre Rolle p. 307-312
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 313-333