Contenu du sommaire : Penser la controverse
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 47, octobre 2012 |
Titre du numéro | Penser la controverse |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- La boîte noire de la controverse - David Smadja p. 5-11
Dossier
- Les controverses autour du travail en 1848 - Samuel Hayat p. 13-34 En 1848, l'affrontement politique sur le contenu de la République nouvelle passe notamment par un ensemble de controverses autour du concept de travail, au cours desquelles le socialisme et le républicanisme modéré se trouvent constitués comme idéologies antagonistes. Parmi l'ensemble de ces controverses, ancrées dans l'histoire du mouvement ouvrier et du concept de travail, on peut en retenir trois. La première, au printemps 1848, porte sur les liens entre le travail et la citoyenneté, autour de la question des candidatures ouvrières. La seconde controverse, qui commence en juin 1848, oppose Proudhon au National à propos du rôle du travail dans la création de valeur économique. La dernière, qui se confond avec le processus constituant de 1848, porte sur le droit au travail. Lorsqu'elle s'achève, la République et le socialisme sont devenus deux idéologies séparées par un ensemble de positions antagonistes sur le concept de travail.In 1848, the political struggles about the content of the new Republic lead to a series of controversies about the concept of work. During these controversies, socialism and moderate republicanism are constituted as antagonistic ideologies. We consider three of these controversies, which take their origin in the history of the workers' movement and of the concept of work. The first, in the Spring of 1848, is about the links between work and citizenship, around the question of workers' candidacies. The second controversy, starting in June 1848, opposes Proudhon to the National about the role of work in the creation of economic value. The last one, that takes place during the whole constituent process of 1848, is about the right to work. When it ends, Republic and socialism have become two distinct ideologies, separated by several antagonistic positions about the concept of work.
- Controverses savantes et débats militants : mises en abîmes épistémologiques autour de la notion de sens commun - Irène Pereira p. 35-56 Résume> L'article se propose à partir de la sociologie et de la philosophie pragmatiste d'analyser la question du rapport épistémologique savant et militant au sens commun. Il montre tout d'abord comment il est possible, en prenant l'exemple du syndicalisme révolutionnaire, de dégager une épistémologie pragmatiste des rapports entre discours ordinaires dominants et discours militants. L'article met ensuite en valeur l'existence de trois épistémologies implicites à l'oeuvre dans les débats militants qui peuvent être mises en parallèle avec des épistémologies savantes : une épistémologie rationaliste universaliste, une autre épistémologie rationaliste de la rupture et enfin une dernière épistémologie du point de vue situé. La dernière partie met en évidence une dernière dimension épistémologique, celle selon laquelle le point de vue situé des militants qui peut être qualifié de non-neutre et donc de partial ne constitue néanmoins pas un obstacle absolu à une prétention à l'objectivité.Scholarly controversies and activist debates: epistemic “mises en abyme” about the notion of common sense Using pragmatic philosophy and sociology, I analyse in this article the epistemics of common sense from activist and scholarly points of view. Considering revolutionary trade unionism, it is possible to make out a pragmatist epistemology of relations between dominant ordinary discourses and activist discourses. Activist disputes imply three implicit epistemologies which can be paralelled to scholarly ones. First, the universal rationalist epistemolgy, next the rationalist epistemology of rupture and last a standpoint theory. Eventually, the article enhances one last epistemological dimension : although the standpoint activist point of view is non-neutral and partial it is not an absolute obstacle to objectivity.
- Entre dialogisme et antagonisme : le Parlement comme espace de résolution des controverses - Clément Viktorovitch p. 57-82 Cet article interroge le rôle du Parlement dans la résolution des controverses, à travers l'analyse de l'examen en séance publique de la première loi de finances rectificative pour 2011. Celle-ci comprend des mesures liées à deux sujets controversés : la réforme de la fiscalité du patrimoine et l'indemnisation des victimes du Mediator. Dans le premier cas, les débats ont été antagonistes : le gouvernement et l'opposition se sont affrontés pour emporter la conviction des citoyens auditeurs. Dans le second cas, la discussion s'est révélée dialogique : les parlementaires ont cherché une solution consensuelle à la controverse opposant le laboratoire Servier aux associations de victimes. Le Parlement apparaît ainsi à la fois comme un espace de publicisation et comme un lieu d'arbitrage des controverses. Plus généralement, ces résultats amènent à poser la question de la temporalité de la décision politique, qui est susceptible de clore la controverse, de la trancher en laissant subsister le désaccord, mais également de l'élargir à un public plus vaste. Cette étude met par ailleurs en lumière la nécessité de repenser la place de l'argumentation dans la notion de controverse, dont elle semble constituer une dimension constitutive.Between dialogism and antagonism : Parliament as a space of controversies resolution This article examines the role of Parliament in the resolution of controversies, through the analysis of the floor debates of the “première loi de finances rectificative” for 2011. It includes measures related to two controversial topics : the reform of the taxation of wealth and the compensation for victims of Mediator. In the first case, the debates are antagonistic : the government and the opposition battle in order to persuade the listening citizens. In the second case, the debates are dialogical : parliamentarians seek a consensual solution to the controversy opposing the Servier Laboratory and the victims' associations. Parliament thus appears as a space where controversies are both made public and arbitrated. More generally, these results lead to question the issue of the temporality of the political decision, which may end the disagreement and/or the controversy, but which may also extend it to a wider audience. Moreover, this study highlights the need to rethink the place of argumentation in the notion of controversy, of which it appears to be a constitutive dimension.
- Durkheim versus Lang. La controverse scientifique comme démonstration de force - Matthieu Béra p. 83-113 Dans cet article, nous avons isolé une controverse entre Andrew Lang (anthropologue anglais) et Émile Durkheim (sociologue français), qui s'est étendue sur plusieurs années à propos de questions afférents au totémisme, qui intéressait les deux auteurs. Cette analyse a pour but de restituer quels ont pu être les arguments échangés et de souligner l'importance du dispositif des comptes-rendus d'ouvrages mis en place par Durkheim et L'Année sociologique entre 1898 et 1913 (12 volumes). On a tenté de montrer que la controverse est la démonstration d'une compétence publique à discuter, argument contre argument avec des spécialistes internationaux. En soi, elle constitue une véritable démonstration de force, qui a sans doute contribué pour une part essentielle (négligée jusqu'à présent), à assoir la renommée de Durkheim.Durkheim against Lang: Scientific controversy as a proof of authority The foregoing article retraces a controversy over various aspects of totemism that went on for years between English anthropologist Andrew Lang and French sociologist Émile Durkheim. The object is to reconstitute their main arguments and underscore the seminal importance of the book reviews in Durkheim's journal Année sociologique, in which 5,000 reviews by 50 scholars were published annually from 1898 to 1913 (12 volumes all told). The controversy with Lang demonstrated Durkheim's ability to debate with a number of his peers in France and abroad, and it established his international reputation in academic circles.
- Les controverses autour du travail en 1848 - Samuel Hayat p. 13-34
Parcours de recherche : Bruno Latour
- L'?uvre de Bruno Latour : une pensée politique exégétique - Laurent Godmer, David Smadja, Bruno Latour p. 115-148
Varia
- L'éducation civique libérale et le fondamentalisme religieux : L'affaire Dieu contre John Rawls - Stephen Macedo, Marc-Antoine Dilhac p. 149-188 Avec la montée des revendications féministes et culturelles, on a reproché au libéralisme politique de ne pas prendre au sérieux la diversité en faisant la promotion d'une neutralité publique qui marginalise les minorités sexuelles, religieuses et culturelles. Aussi la « politique de la différence » s'est-elle présentée comme une alternative démocratique crédible à un libéralisme hostile à la diversité. Stephen Macedo entend montrer que le libéralisme politique respecte au contraire une large gamme de conceptions du bien et de modes de vie, mais ne saurait accommoder des minorités qui refusent le pluralisme afin de maintenir leur identité collective et dont les revendications et les pratiques entravent l'éducation publique à la citoyenneté démocratique, en particulier à la vertu de tolérance.Liberal Civic Education and Religious Fundamentalism : The Case of God v. John Rawls ? With the rise of feminist and cultural protests, political liberalism has been criticized for promoting a version of public neutrality that does not take diversity seriously and marginalizes sexual, religious and cultural minorities. Thus, the “politics of difference” has been seen as a legitimate democratic alternative to a kind of liberalism hostile to diversity. Stephen Macedo aims to show that political liberalism respects a broad range of conceptions of the good and of ways of life, but cannot accommodate minorities who reject pluralism itself in order to maintain their group identity and whose claims and practises impede civic education and undermine toleration.
- Le refus d'interdire : éléments pour une analyse de la liberté d'expression sur Internet aux États-Unis - Viviane Serfaty p. 189-202 En s'appuyant sur l'étude de l'évolution des positions de la Cour Suprême des États-Unis en matière de liberté d'expression, cet article tente d'élucider les raisons qui fondent son refus d'interdire tout contenu sur Internet au cours des dix dernières années. La relation de cette jurisprudence à certains aspects de la démocratie délibérative américaine est également analysée.A ban on banning : Elements towards the analysis of Internet free speech in the USA This study examines the evolution of the Supreme Court's free speech doctrine in order to elucidate the reasons why it has consistently refused to ban Internet content over the past ten years. Some aspects of US deliberative democracy are shown to relate to this jurisprudence.
- L'éducation civique libérale et le fondamentalisme religieux : L'affaire Dieu contre John Rawls - Stephen Macedo, Marc-Antoine Dilhac p. 149-188
lectures critiques
- Lectures critiques - p. 203-207