Contenu du sommaire : Les sociétés dans l'espace urbain en Afrique

Revue Le Mouvement social Mir@bel
Numéro no 204, juillet-septembre 2003
Titre du numéro Les sociétés dans l'espace urbain en Afrique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Construction de sociétés urbaines en Afrique - Odile Goerg p. 3-16 accès libre
  • Histoire urbaine de l'Afrique du Sud : nouveaux axes de réflexion - Patrick Harries p. 17-33 accès libre avec résumé
    Cet article offre une esquisse bibliographique des principales directions de l'histoire urbaine récente de l'Afrique du Sud. L'histoire de la population noire dans les villes est apparue dans les années 1970 en réponse aux proclamations des partisans de l'apartheid, déclarant que les villes étaient les lieux naturels de la population blanche. Depuis 1994 les historiens se sont concentrés sur des sujets importants pour l'ère post-apartheid. Cela comprend l'histoire des déplacements forcés des citadins, dont les résultats peuvent être utilisés dans les tribunaux en faveur des plaignants. La croissance du tourisme et le besoin de rénover la mémoire populaire ont encouragé le développement d'un nouvel intérêt pour l'histoire du patrimoine (architecture urbaine, monuments, musées et rituels de commémoration). On constate aussi une volonté d'expliquer la chute de l'apartheid en ville et d'analyser le démantèlement des espaces urbains ségrégués. Plusieurs chercheurs ont examiné la croissance rapide des établissements de squatters et ont étudié les méthodes utilisées pour contrôler ces lieux. D'autres se sont concentrés sur la violence politique et la criminalité grandissante qui frappent les villes. Des chercheurs français sont particulièrement actifs, de concert avec leurs collègues sud-africains, dans l'étude des communautés africaines francophones qui se sont déplacées vers les villes du sous-continent après la chute de l'apartheid.
  • L'apprentissage de la ville en Afrique sud-saharienne - Jean-Luc Piermay p. 35-46 accès libre avec résumé
    Très faiblement pourvue en villes jusqu'à la première moitié du XXe siècle, l'Afrique sudsaharienne connaît depuis quatre décennies les taux de croissance urbaine les plus élevés du monde. Au-delà des graves crises dont le continent est familier, cette véritable « transition urbaine » ? qui ne se fait pas aux mêmes rythmes partout ? traduit une adoption spectaculaire et générale de la ville par les sociétés africaines. Loin d'être le réceptacle de toutes les misères, la ville est une opportunité saisie dans le cadre de stratégies, notamment familiales, qui jouent également sur d'autres lieux. Un exemple de fonctionnement de la ville est pris dans la question foncière. Mais les difficultés les plus grandes sont d'ordre gestionnaire, du fait de l'ampleur des besoins et de la modicité des ressources. Le défi est immense, pour des acteurs désormais multiples et non plus limités au seul État. L'apprentissage de la ville continue, donnant naissance à des processus d'invention, prometteurs malgré les immenses difficultés.
  • De la résidence lignagère à la rente immobilière : cours et compounds en Afrique Occidentale Française et au Nigeria, fin XIXe siècle-1960 - Laurent Fourchard p. 47-64 accès libre avec résumé
    La cour en Afrique Occidentale Française et le compound au Nigeria qui constituaient au XIXe siècle les unités résidentielles de base du lignage furent entièrement bouleversés dans la première moitié du siècle sous l'effet conjugué de la monétarisation des rapports sociaux, de l'augmentation de la valeur du sol urbain et de l'introduction de nouvelles réglementations foncières. Simultanément à la croissance et à la densification urbaines, de nouvelles pratiques rentières se diffusèrent généralement des cités côtières vers les villes de l'intérieur et du quartier européen vers les nouveaux lotissements africains. La densification des espaces et la pression foncière accentuèrent presque partout l'hétérogénéité ethnique, professionnelle et religieuse des quartiers et accélérèrent la diffusion des segments de lignages à l'échelle de toute la ville.
  • Prestige et métier dans la société malgache. : A Tananarive aux XIXe - XXe siècles - Faranirina V. Rajaonah p. 65-79 accès libre avec résumé
    L'annexion de Madagascar par la France en 1896 s'accompagne de mesures censées instaurer un ordre social en rupture avec la répartition des sujets des souverains merina entre des nobles, des esclaves et des roturiers libres. En fait, après avoir officiellement aboli la hiérarchie des statuts, l'administration française continue à prendre en considération un système de références essentiel pour les Malgaches. Dans Tananarive, la capitale du royaume merina, devenue celle de la colonie, l'honorabilité tient d'abord au rang. Toutefois des mutations amorcées au XIXe siècle s'accélèrent durant la période coloniale avec la valorisation d'activités qui se transforment en professions, comme le commerce, ou celle de métiers exigeant de nouvelles compétences, acquises en particulier grâce à l'instruction. Cependant, sans négliger les innovations dans leur art, des nobles restent attachés à des métiers de famille donnant une visibilité au rang et permettant d'entretenir le prestige dû à l'ascendance. Ainsi la colonisation a certes entraîné des recompositions sociales à Tananarive, mais dans cette ville restée profondément merina, marquée par l'héritage de la royauté et l'empreinte du christianisme depuis le XIXe siècle, les permanences ont autant d'importance que les ruptures.
  • « A xikomo xa lomu, iku tira ». : Citadines africaines à Lourenço Marques (Mozambique), 1945-1975 - Jeanne-Marie Penvenne p. 81-92 accès libre avec résumé
    En sciences sociales, les modèles de l'urbanisation et des migrations de travail pour l'Afrique australe coloniale partent de l'idée que les hommes ainsi que la politique coloniale tout autant que les normes sociales locales décourageaient vivement les femmes de migrer et de vivre dans les « villes de l'homme blanc ». Cependant le nombre de femmes mozambicaines légalement enregistrées dans et aux environs de Lourenço Marques (l'actuelle Maputo) augmenta rapidement dans les dernières décennies de la période coloniale (1945-1975). Les femmes qui voyaient leur accès aux formes habituelles de la production et des ressources compromis à la campagne étaient de plus en plus conscientes des possibilités que leur donnait l'industrie en croissance de la noix de cajou, localisée à Lourenço Marques. Comme ouvrières, elles pouvaient subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Des femmes qui ne pouvaient pas produire dans les champs avec leur houe pouvaient ainsi faire face à leurs besoins par le travail en usine. Elles disaient : « a xikomo xa lomu, iku tira ? la houe en ville, c'est un emploi ». Cet article confirme l'existence de l'hostilité et des stéréotypes auxquels étaient confrontées les femmes à la recherche d'un emploi en ville. Il se concentre toutefois sur la façon dont les femmes mozambicaines comprenaient ou donnaient un sens à leurs expériences de la migration et de la vie en ville. Contrastant avec les discours coloniaux et masculins qui véhiculaient une image de la femme urbaine débauchée, qui n'est pas à sa place en ville, invisible, ceux des femmes reconnaissent leur caractère incongru tout en adaptant leur langage et leurs anciens idéaux de la vie rurale à leur nouvelle situation urbaine. Les femmes devenaient fières de leurs innovations et de leur capacité de vivre avec la « houe de la ville ».
  • Les marginaux et l'État à Dakar - Ousseynou Faye, Ibrahima Thioub p. 93-108 accès libre avec résumé
    La réinvention de la citoyenneté et la construction d'une ville sécuritaire sont à l'origine de la répression quasi systématique des marginaux de Dakar par l'État sénégalais. Confronté à une forte crise de croissance à partir de 1979 et contraint de promouvoir la démocratie, il initie, parallèlement à la politique du gros bâton, un jeu de séduction et d'assistance de ces acteurs sociaux.
  • Ô, Kisasa makambo ! : Métamorphoses et représentations urbaines de Kinshasa à travers le discours musical des années 1950-1960 - Charles Didier Gondola p. 109-129 accès libre avec résumé
    Cet article est le fruit d'une passion pour la musique populaire congolaise. Les longues heures d'écoute de la rumba congolaise, dont l'émergence remonte aux années 1950 à Kinshasa, ont élargi mon horizon historique et permis de saisir l'identité complexe d'une ville en devenir. Le discours musical des années 1950 et 1960 fournit aux chercheurs une abondance de sources qui éclairent la naissance de la modernité urbaine à Kinshasa et les représentations des citadins dans une période charnière entre l'expansion démographique des années d'après-guerre et l'urbanisation à outrance des années suivant l'indépendance. Durant cette période, les musiciens congolais ont utilisé la musique populaire non seulement pour décrire comment Kinshasa s'est métamorphosée en l'espace de quelques décennies d'un point d'ancrage de l'effort colonial belge en une mégalopole, mais aussi pour témoigner de sa position centrale comme fabrique et théâtre de modernité. Leur musique a rempli plusieurs fonctions : espace récréatif, commentaire social, vade-mecum à l'usage des jeunes migrants aux prises avec la modernité urbaine, et surtout baromètre des moindres changements d'humeur qui se produisent au sein d'un paysage urbain en trompe-l'?il. Cet article fait non seulement l'inventaire de ces multiples fonctions, mais analyse également les thèmes dont cette musique a été productrice, de l'invention du quotidien et de nouvelles attitudes urbaines face à la mort et l'amour au développement d'une jungle urbaine.
  • Une société urbaine « moderne » et ses représentations : la peinture populaire à Kinshasa (Congo) (1960-2000) - Bogumil Jewsiewicki p. 131-148 accès libre avec résumé
    A travers l'analyse des tableaux ornant les salons de la bourgeoisie de Kinshasa, l'auteur met en évidence les caractéristiques et les mutations de la représentation de soi et de la société qu'ils mettent en scène. Intrinsèquement masculines, ces représentations évoluent en fonction du contexte économique, politique et social dans lequel elles sont produites. Ainsi, les thèmes historicisants céderaient de plus en plus la place à une célébration ouverte de l'individu ou à la mise en scène de faits bruts d'un quotidien bouleversé par la violence tandis que par ailleurs l'espace public extérieur (bars, places, lieux de culte) détrônerait le salon privé comme lieu d'expression de soi.
  • Notes de lecture - p. 149-174 accès libre