Contenu du sommaire : L'eau urbaine en Europe et en Amérique du Nord : origines et développements
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Numéro | no 97-98, juillet-décembre 2014 |
Titre du numéro | L'eau urbaine en Europe et en Amérique du Nord : origines et développements |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
L'eau urbaine en Europe et en Amérique du Nord : origines et développements
- Pour une histoire des services d'eau et d'assainissement en Europe et en Amérique du Nord - Bernard Barraqué p. 4-15
- Les services publics d'eau en Grande-Bretagne et en Allemagne : origine commune, trajectoires différentes - Bernard Barraqué, R. Andreas Kraemer p. 16-29 Aujourd'hui, les services d'eau et d'assainissement sont organisés de façon très différente en Grande-Bretagne et en Allemagne : régionalisation et privatisation d'un côté, entreprises municipales chargées de fournir plusieurs services publics de l'autre. Mais les villes des deux pays ont au départ partagé la même expérience, ne serait-ce qu'à cause du rôle de premier plan joué par les ingénieurs de l'eau britanniques dans le concept de réseau étanche fournissant de l'eau traitée.Les réseaux d'eau se sont multipliés plus tôt en Grande-Bretagne que sur le continent, grâce à l'initiative de sociétés privées qui pompaient leur eau à proximité par le moyen des nouvelles machines à vapeur. Dès le XVIIe siècle, le Parlement leur accorda parfois un monopole. Mais dans la deuxième moitié du XIXe siècle, ces sociétés furent rachetées par les collectivités locales ou supplantées par des régies directes. Le gouvernement et les bourgeoisies industrielles s'étaient rangés à cette solution pour des raisons de santé publique et de bien-être. Pourtant dès la crise économique de 1929, le gouvernement britannique conduisit une politique de reprise en mains du welfare et de réorganisation des services publics à une échelle régionale ; dans le domaine de l'eau, cela a abouti à concentrer la gestion des ressources et des services publics à la fois à l'échelle de dix autorités régionales de rivières regroupant des bassins versants. Et, quinze ans plus tard, la privatisation de la partie services d'eau et d'assainissement s'est accompagnée d'une centralisation accrue de la planification des ressources et de la régulation des usages.En Allemagne, Berlin fait figure d'exception puisque l'Empereur passa outre l'opposition du conseil de la ville et imposa une entreprise privée, cotée à la bourse de Londres. Toutes les autres villes optèrent directement pour une gestion publique, appuyée sur la préférence pour les eaux souterraines ou la filtration par les berges. La disponibilité de cette ressource, a contrario du cas britannique, favorisait le maintien d'une gestion locale. Mais le pragmatisme allemand s'est vite traduit pas une autonomisation des services en réseau par rapport au budget général, puis par la création d'entreprises privées à capitaux entièrement publics, auxquelles on a confié plusieurs services publics : l'eau, le gaz, l'électricité, les réseaux de chaleur et les transports urbains... Ces entreprises municipales ont dans l'ensemble résisté à la centralisation et à la privatisation, et leur modèle a même été imposé aux nouveaux Länder de l'Est après la réunification.En définitive, on peut souligner le contraste des deux expériences issues du débat public-privé qui ont abouti à la centralisation dans une Grande-Bretagne libérale d'un côté et au maintien du principe de subsidiarité en Allemagne de l'autre. Une discussion en fin d'article propose quelques pistes d'explication.Public Water Supply in Great Britain and Germany: Common origin, different trajectories
Today, water and sanitation services are organised very differently in Britain and Germany, with privatization at regional level in Britain, and municipal companies in charge of several public services in Germany. But cities in both countries shared the same initial experience, due to the prominent role of British engineers in the initial conception of sealed piped water supply systems and water treatment.In Britain, water services were developed earlier than on the continent, by private companies which pumped the water close to cities with the newly invented steam engine. As soon as the end of the XVIIth century, Parliament made some companies statutory, which protected them from competition. But in the second half of the XIXth century, many of these companies were bought by local authorities or replaced by direct public management entities. Both the government and business communities supported this development for hygienic and welfare reasons. After the 1929 financial crisis, the British government initiated a reorganisation of public services at regional level, which resulted in a consolidation at river basin level of water resources and service management. Fifteen years later, full privatisation of water and wastewater services was accompanied by increased centralisation in the planning of resources and regulation of users. In Germany, Berlin was a notable exception, since the Emperor overrode the opposition of the local council and imposed a water service run by a private company listed on the London stock exchange. All other cities directly chose public management, together with a preference for groundwater or Uferfiltrazion. But pragmatism led to network services becoming autonomous from general budgets, and to the creation of mixed economy companies under private law but with 100% public capital, grouping together water, gas, electricity, district heating and public transport. These municipal companies have generally resisted movements towards centralisation and privatisation, and the model was imposed in the new eastern Länder after re-unification. In the end, we can contrast the histories of Britain where the public versus private debate ended up in centralisation, and Germany where the principle of subsidiarity prevailed, and we provide some explanations at the end of the article. - Alimenter en eau et assainir les immeubles parisiens, 1850-1930 : la généralisation du « système Belgrand » - Konstantinos Chatzis p. 30-36 La Révolution française n'a pas aboli pour Paris l'« Ancien Régime » des eaux. Dans les années 1830, comme au XVIIIe siècle, c'est la fontaine publique au puisage gratuit et le puits privé qui restent les dispositifs centraux de l'alimentation en eau des parisiens, bien qui constitue encore à l'époque une denrée rare et de qualité souvent médiocre. Le réseau d'égouts existant essaie d'évacuer les seules eaux pluviales, alors que les eaux vannes sont toujours recueillies dans les fosses d'aisance bâties sous les maisons ou dans les cours des immeubles ; quand une fosse est pleine, le propriétaire fait appel à une entreprise de vidange qui se charge de l'extraction et du transport du contenu de la fosse, transformée par des entreprises spécialisées en engrais commercialisé. Grâce aux travaux entrepris entre 1855 et 1870 par les services techniques de la ville sous l'impulsion du Préfet Haussmann, de facto maire de Paris, le paysage hydraulique de la ville change de fond en comble. Mais, à la sortie du Second Empire, la situation reste encore dans un état largement critique. Ainsi, en 1874, la moitié des immeubles d'habitation n'est toujours pas connectée au réseau d'eau potable. Malgré une modernisation incontestable du système d'assainissement, il faut attendre l'année 1894 pour que le « tout-à-égout » devienne obligatoire. En attendant, des épidémies hydriques continuent à frapper la ville. Le réseau d'eau potable n'atteindra la quasi-totalité des habitations parisiennes que dans les années 1910, alors que pour le réseau d'égouts il faudra attendre deux décennies supplémentaires pour que le processus d'« universalisation » soit complété.Le présent article traite de l'évolution des réseaux d'eau et d'assainissement à Paris durant la période 1850-1930. Centrée sur les différents acteurs – ingénieurs de la ville, édiles, propriétaires, sociétés privées exploitant à des fins économiques les eaux-vannes des immeubles, hygiénistes... – ayant joué un rôle important dans la trajectoire historique de ces deux réseaux, l'analyse vise à identifier les principaux mécanismes ainsi que les multiples formes d'action à travers lesquels la population parisienne a pu se raccorder dans sa (quasi) totalité, lentement et au prix d'efforts et de conflits importants, aux réseaux d'eau et d'assainissement de la ville.Water supply and wastewater management in Paris, 1850-1930: the generalisation of the “Belgrand system”The French Revolution did not bring to a close the Ancien Régime as far as the water supply and sewerage systems serving Paris were concerned. As late as in the 1830s, Parisians continued to be provided with small quantities of water of questionable quality through private wells and a dearth of public fountains, while the then existing network of storm drains proved repeatedly ineffective. Domestic liquid and solid waste was still being gathered in backyard cesspools, which were occasionally emptied and whose contents were transformed into fertilizer by specialized firms. A series of large projects undertaken under the aegis of the Prefect Haussmann over the period 1855-1870 thoroughly reshaped the water landscape of the city. However, a number of important problems remained unresolved. For instance, in 1874, half of the buildings of the French capital were still not connected to the water supply network of the city. If the storm drain system had undergone significant improvements, domestic waste was still treated much the same way as it was in the past. Indeed, legislation compelling landlords to connect their buildings to the sewers of the city came into effect only in 1894. Epidemics of cholera and typhoid fever represented a persistent scourge for the city up to the end of 19th century. Connecting the entire population of Paris to a modern water supply network proved to be a difficult endeavor for the municipal government, and a long and conflict-ridden process that was completed only in the 1910s, while “universalization” of the sewerage system took two further decades to become reality. This article mainly concerns the period stretching from 1850 to 1930, by which time almost all of Paris inhabitants progressively had been connected to the water supply and sewerage networks of the city. Focusing on the various actors – engineers and public authorities, landlords and companies treating domestic waste, hygienists, etc. – involved in the two networks, it aims to account for the main courses of action undertaken by these actors as well as the mechanisms through which Parisians were eventually provided with universal access to water supply and wastewater systems.
- Une concession convoitée : le réseau d'eau potable à Rome entre service public, développement capitaliste, géopolitique et idéologie (1864-1964) - Denis Bocquet p. 37-43 L'objet de cet article est de suivre l'inertie temporelle très forte entre les XIXe et XXe siècles d'une décision politique relative à l'exploitation d'un service en réseau, ainsi que les interactions successives entre cette configuration et les dispositions politiques et idéologiques relatives aux réseaux.Il s'agit ainsi, au travers du cas de l'adduction d'eau à Rome, et d'une concession de cent ans donnée à un opérateur privé en 1865, de voir comment la constitution d'un quasi-monopole privé a servi de refuge à la finance catholique au moment même où celle-ci perdait le contrôle de la « ville éternelle », et la manière avec laquelle les opposants à cette soustraction d'un secteur clé de l'économie urbaine ont tenté de contourner ou de combattre la concession en promouvant une alternative publique.L'idée est aussi de déceler, pour chacune de ces phases, les modalités de médiation possibles entre ces deux mondes, derrière l'apparence d'un antagonisme sans cesse renouvelé.A coveted concession: The water supply network in Rome between public service, capitalist development, geopolitics and ideology (1864-1964)The aim of this paper is to study the historical inertia of a political decision made in 1865 about the provision of water in Rome. In giving a one hundred year concession to a private operator linked to the sphere of Catholic finance, the Papacy aimed at protecting this asset from the consequences of the integration of the city into the Kingdom of Italy. The article follows the various attempts by opponents of this decision to challenge this de facto private monopoly by promoting an alternative development of a municipal company. It also reflects on possible mediations between the spheres behind this appearance of constant antagonism.
- Providing a municipal infrastructure: how did Paris and Milan finance their water and sanitation infrastructure (1853-1925) ? - Olivier Crespi Reghizzi p. 44-59 Les Services Publics d'Eau et d'Assainissement (SPEA) sont fortement capitalistiques, particulièrement dans la phase initiale d'expansion des réseaux. Comment les villes européennes ont-elles financé les infrastructures urbaines d'eau et d'assainissement dans la phase initiale de création de SPEA « modernes »? Quels ont été les instruments financiers mobilisés pour couvrir les importants coûts d'investissement sur le court terme? Qui a été le payeur de long terme? Cet article analyse comparativement l'histoire du financement des SPEA à Paris et à Milan depuis leur création comme services « modernes », au milieu du XIXe à Paris et en 1888 à Milan, jusqu'en 1925. L'analyse est basée à la fois sur la littérature existante et sur des sources primaires de données (en particulier les comptes annuels de chacune des deux municipalités).Dans les deux villes, les SPEA se développèrent sous maîtrise d'ouvrage municipale. Une infrastructure complexe fut réalisée à Paris car l'eau disponible localement n'était pas de qualité suffisante. Cet ensemble d'infrastructures incluait des canaux et des aqueducs gravitaires, des réseaux d'eau et des collecteurs d'assainissement, des stations de potabilisation et des champs d'épandages. Au contraire, la ville de Milan possédait une nappe phréatique abondante et, de ce fait, seule une infrastructure plus basique fut nécessaire.Cet article identifie et décrit la grande variété des modalités de financement qui furent utilisées: budget municipal – impôt général, partenariats publics-privés, obligations municipales et outils de captation de la plus-value foncière. L'équilibre financier du SPEA est analysé. L'allocation des coûts sur le long terme est également discutée. Les caractéristiques des emprunts (taux fixe et longue maturité), l'inflation et les mécanismes de captation de la plus-value foncière ont permis d'absorber une partie significative des coûts d'investissement.Water and sanitation services (WSS) are highly capital intensive, particularly in the networks' expansion phase. How was water and sanitation infrastructure financed in European cities in the early phase of ‘modern' WSS' creation? What were the financing tools implemented to cover the huge short term investment costs? Who were the final end-payers in the long term? This paper analyzes and compares the financing history of WSS in Paris and Milan from their creation as ‘modern' services (mid-19th century in Paris, 1888 in Milan) until 1925. The analysis is based both on existing literature and on primary sources (particularly the annual financial reports of both municipalities).In both cities, WSS were developed by the municipality. In Paris clean water was not easily available locally and so complex infrastructure was built : canals, long-distance aqueducts, water supply networks and sewers, water treatment plants, sewage farms. Conversely Milan lies on an abundant alluvial aquifer and only basic water infrastructure was required. A variety of implemented financing schemes and institutional solutions (municipal budget - fiscal resources, concession, municipal bond and land added value capture schemes) are identified and described. The financial equilibrium of the WSS is analyzed anda discussion of the long term cost allocation is made. It appears that long-term debt, inflation and land added value capture mechanisms played key roles in absorbing a major part of the investment costs.
- Lisbon Water regimes: Politics, Environment, Technology and Capital (1850-2010) - Tiago Saraiva, Luísa Schmidt, João Pato p. 60-79 Prenant le cas de Lisbonne, cet article présente quatre régimes de gestion de l'eau – libéral, républicain, fasciste et démocratique – définis par des combinaisons historiquement différenciées de la politique, de l'environnement, de la technologie, et des capitaux.Partant des propositions de l'écologie politique urbaine, nous soutenons que l'eau doit être considérée comme constitutive de la sphère politique, au lieu de ne voir sa gestion et son infrastructure que comme un reflet du contexte politique général. Le secteur de l'eau a largement contribué à donner le sens de ces régimes politiques: le libéralisme et les entreprises privées, en étroite relation avec l'État, poussant les habitants de Lisbonne à se transformer en consommateurs; la république et l'émergence dans l'espace public d'une contestation de masse et d'un pouvoir biomédical; le fascisme et la juxtaposition de capitaux privés et de l'autoritarisme étatique; la démocratie et l'accès universel à l'infrastructure en lien avec la bureaucratie de l'Union européenne.Nous suggérons que chaque régime de l'eau correspond à un arrangement non prédéterminé échappant aux déterminismes traditionnels du service urbain de l'eau, tels que la séquence linéaire des réseaux pré-modernes, de la ville moderne en réseau, et les valeurs post-matérielles. Le paysage urbain est vu comme un palimpseste dans lequel de nouvelles couches de complexité historique sont ajoutées aux dynamiques historiques précédentes, sans que ces dernières disparaissent totalement.This paper takes the case of Lisbon to explore four different water management regimes – liberal, republican, fascist, and democratic – defined by distinctive historical combinations of politics, environment, technology, and capital. Building on proposals from urban political ecology, it argues that water should be seen as constitutive of the political realm, instead of just considering its management and infrastructure as a reflection of the general political context. The water sector defined in important ways what those political regimes were about: liberalism and private companies with close relations to the state, pushing to convert Lisbon residents into consumers; republicanism and the emergence in the public space of mass protest and biomedical power; fascism and the juxtaposition of private capital and state authoritarianism; democracy and universal access to infrastructure entangled with European Union bureaucracy. We suggest that each water regime corresponds to a non predetermined arrangement that escapes traditional deterministic accounts of urban water supply such as the linear sequence of pre-modern systems, the networked modern city, and post material values. The cityscape is understood as a palimpsest in which new layers of historical complexity are added to previous historical dynamics without total erasing of the latter.
- Water supply and sanitation services in Finland before World War 2 - Petri Juuti, Tapio Katko p. 80-87 Cet article décrit la naissance des systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement dans les villes finlandaises en lien avec l'urbanisation, des années 1870 à la Seconde Guerre mondiale. La demande pour ces services est tout d'abord venue des besoins en eau pour lutter contre les incendies, mais ils ont aussi permis d'assurer une meilleure qualité d'eau et d'améliorer les conditions de santé et d'hygiène.Après que les villes finlandaises ont opté pour la propriété et la responsabilité municipales vers 1880, trois autres options techniques ont été rapidement adoptées: la facturation sur des volumes de consommation au compteur, une interdiction des tuyaux en plomb et l'acceptation de chasses d'eau dans les toilettes. L'éternelle question du choix de la source d'eau brute s'est posée – eau souterraine ou de surface. Certaines villes ont introduit le traitement des eaux usées dès les années 1910, mais sa diffusion n'a pas réellement commencé avant 1962, lorsque le Water Act l'a rendu obligatoire.This paper describes the birth of water supply and sanitation systems in Finnish cities in connection with urbanization from the 1870s until World War II. The demand for these services was created especially by the need for fire fighting water, but also for ensuring better quality water and improved sanitation and hygiene. After Finnish cities opted for municipal ownership and responsibility around 1880, three other technical solutions were rapidly adopted: metering-based billing, a ban on lead pipes, and the acceptance of flush toilets. One of the everlasting questions has been the choice of raw water sources from ground or surface water. Some cities introduced wastewater treatment from the 1910s, but its generalisation only really started with the 1962 Water Act that made it compulsory.
- Savoirs et savoir-faire partagés : l'évolution de l'hydraulique urbaine à Montréal au XIXe siècle - Dany Fougères p. 88-100 Malgré sa taille modeste au XIXe siècle, la ville de Montréal a été choisie par les ingénieurs pour expérimenter un système d'approvisionnement en eau, autorisé par la Couronne britannique dès 1798. À l'époque toutefois, des difficultés liées à l'étanchéité des conduites, à la qualité de l'eau des rivières, aux quantités insuffisantes d'eau de source apportées par le mont Royal et à l'absence de solution appropriée pour l'élimination des déchets solides, laissent le système inaccessible aux populations. Au milieu du siècle, la ville rachète la Montreal Waterworks et, ayant obtenu de la Couronne l'autorisation de financer les coûts du réseau par le biais d'impôts locaux, elle parvient à généraliser le service.Sur le plan technique, l'histoire de Montréal est à la fois spécifique au site lui-même et comparable à celle de l'ensemble des grandes villes de l'époque. Tandis que New York et Boston choisissent d'acheminer l'eau par le biais de sources de plus en plus éloignées, construisant de grands réservoirs et aqueducs, Philadelphie et Montréal choisissent au contraire de tirer partie des eaux de surface de proximité. Les premières influences sont venues d'Angleterre (en particulier avec l'introduction précoce des machines à vapeur) et d'ingénieurs américains, jusqu'à ce que la ville recrute, en 1892, un ingénieur français issu du Corps des Ponts et Chaussées : George Janin. Celui-ci avait connaissance des aqueducs de longue distance déjà adoptés à Paris, mais choisit plutôt de traiter l'eau du Saint-Laurent et, bien qu'il échouât à convaincre la ville de construire les fameux égouts ovoïdes à l'intérieur desquels il était possible de se déplacer, il réussit à mettre en œuvre un réseau d'eaux usées et leur traitement par épandage, à une époque où le traitement par les sols restait rare.À la différence des villes européennes et d'Amérique du Nord, Montréal est en conséquence impliquée dans une diversité d'institutions mises en place en réponse à des problématiques (locales, régionales ou nationales) spécifiques au domaine de l'eau. De l'observation du cas de Montréal et des villes de la côte Est, il ressort qu'il n'existe pas de solution unique à la question de l'eau, ce même si l'approche adoptée par chacune des villes étudiées est à bien des égards partagée par les autres.Shared knowledge and know-how: evolution of urban water in 19th century in Montreal
Despite its moderate size at the beginning of the 19th century, Montreal was chosen by engineers to experiment with a water supply system, authorized by the British Crown in 1798. But the difficulties of the time with sealed pipes, with the quality of the river water, with the insufficient amount of spring water on the mont Royal, and with the absence of proper solid waste disposal, kept the system out of reach of the population. In the middle of the century, the city took over the Montreal Waterworks, and after obtaining from the Crown the authorization to charge the costs of the network through local taxes, it managed to universalize the service. On the technical side, the history of Montreal is both specific to the site, and comparable to all large cities of the time. While New York and Boston chose to bring water from increasingly distant sources, building large reservoirs and aqueducts, Philadelphia and Montreal chose instead to draw on local surface water. Influences came first from England (in particular with the early introduction of steam engines), but also from American engineers, until the city hired in 1892 George Janin, a French engineer from the Corps des Ponts et Chaussées. Janin was aware of the long distance aqueducts adopted in Paris, but opted to treat the water from the Saint-Laurent and, despite not being able to convince the city to build the famous ovoid sewers which can be walked through, managed to implement the networking of waste water and its treatment by sewage farms in a time when treatment plants were rare. Alike European and North American cities, Montreal was therefore involved in this diversity of institutions set up to respond to situations (local, regional or national) specific to water. By observing Montreal's case and those of East Coast cities, it emerged that there is no single solution to the issue of water, although the approach taken by each city is in many ways shared by others. - Des ressources conventionnelles aux ressources non conventionnelles : l'approvisionnement moderne en eau de la ville de Barcelone - David Saurí, Hug March, Santiago Gorostiza p. 101-109 L'histoire de l'approvisionnement en eau de la ville de Barcelone se fait parallèlement à l'histoire de son processus d'urbanisation. À Barcelone, le stockage d'eau à distance au moyen de barrages, et l'extension du réseau d'adduction vers des ressources de plus en plus lointaines, ont été de règle pendant plusieurs décennies.Dans cet article, nous montrons comment la capitale catalane et son agglomération ont essayé de résoudre la question des besoins croissants en eau, liés au développement urbain et économique. Cette quête d'eau a fini par conduire à se tourner vers des ressources locales. Mais désormais, il s'agit de ressources « non-conventionnelles » : une usine de dessalement de l'eau de mer à proximité du port, ainsi qu'une station d'épuration des eaux usées équipée d'un système de traitement moderne.L'article est organisé en trois parties suivant un ordre chronologique. Dans la première partie, nous retraçons l'histoire de l'approvisionnement en eau de la ville depuis la fin de la guerre civile espagnole jusqu'aux années 1950. Cette période se caractérise surtout par le passage de l'utilisation des eaux souterraines aux eaux superficielles du fleuve Llobregat comme ressource principale de la ville. La deuxième étape s'étend de la fin des années 1950 au début du XXIe siècle et peut être divisée en deux phases : jusqu'à la mort du Général Franco (1975), l'âge d'or des barrages permet de transférer l'eau depuis d'autres bassins proches, situés à l'intérieur de la Catalogne orientale ; puis la crise de cette politique de barrages, voire de la politique espagnole de l'eau en général, entraîne l'abandon des projets de transfert depuis l'Ebre et le Rhône. La troisième période commence avec l'abandon en 2004 du projet le plus important du plan national hydrologique : le nouveau transfert d'eau depuis l'Ebre ; les transferts sont remis en cause au profit du recours aux ressources non-conventionnelles, au premier titre desquelles le dessalement de l'eau de mer.From conventional to non conventional resources: the modern water supply of Barcelona
The history of water supply in Barcelona parallels the history of its urbanization. In this city, river regulation and the expansion of the supply network towards increasingly distant sources were the norm for many decades. In the paper we offer a succinct account of how Barcelona and its metropolitan area have attempted to solve the issue of increasing water needs due to population and economic growth, and how the search for this precious resource has, in a way, finally come full circle with a desalination plant built just outside the city, and a large wastewater treatment plant equipped with the most advanced treatment systems. The paper is organized in three parts following a chronological order. In the first part, we trace the history of water supply in Barcelona from the end of the Spanish Civil War to the mid-1950s. This is a period characterized above all by the shift from groundwater to the surface water of the Llobregat River as the main source of water for the city. The second part covers from the late 1950s to the early 2000s and can be broadly divided in two sub periods : the golden age of river regulation and water transfers within the Eastern Catalan basins (until the mid 1970s) and the failure of the large projects during the following decades, such as the Rhône river water transfer. The third part begins with the demise of the Ebro Water transfer in 2004 and is characterized by the abandonment of large-scale water transfers and the preference for non-conventional resources, most notably desalinization of seawater.
Rubriques
Repères bibliographiques
- Notes de lecture - p. 118-121
- Ouvrages - p. 121-122
- Revue des revues - p. 122-130