Contenu du sommaire : Justice et Politique (II)

Les politiques de territorialisation de la fonction de justice ont été traditionnellement soumises, en France, à une tension entre deux conceptions des territoires de justice : l'une où ils sont d'abord territoires de l'État jacobin, l'autre où ils sont principalement « travaillés » par la société, les problèmes qu'elle rencontre, les exigences des citoyens. La réforme du 22 décembre 1958 répond parfaitement à la première conception, mais elle constitue une exception dans la mesure où l'influence de la représentation politique aboutit généralement à des compromis ou à l'immobilisme. La forte inscription de la justice dans des changements structurels de la puissance publique et de ses territoires laisse néanmoins supposer des réformes prenant acte de la déstabilisation actuelle des territoires de justice.

Depuis quelques décennies, l'Union européenne définit de nouvelles stratégies « régionales » de contrôle. Cette nouvelle institutionnalisation du contrôle est mise en œuvre au travers de pactes intergouvernementaux. C'est dans ces conditions qu'ont été ratifiés, en 1985, les accords de Schengen, conçus comme mécanismes compensatoires destinés à atténuer certains effets de la libre circulation des personnes et des biens. Cet article analyse le processus de structuration du système Schengen, et rapporte quelques éléments d'une enquête de terrain dont l'objectif a été de saisir l'impact de ce système sur les acteurs locaux du contrôle et leurs pratiques quotidiennes de part et d'autre de la frontière entre la France et l'Espagne. Cet impact a été évalué en fonction de la conscience pratique et de la conscience discursive des acteurs du contrôle, notamment ceux qui sont le plus directement impliqués.

Avec les crimes des pédophiles, le processus de judiciarisation a pris des formes très spécifiques en Belgique : il fait apparaître un renforcement de la scène judiciaire et une contestation violente du pouvoir judiciaire. Si la stratégie d'indignation morale face à la corruption politique a été conduite par la magistrature, les meurtres d'enfants ont fait surgir un puissant mouvement populaire qui a entraîné une division des élites, politiques et judiciaires, et la création des « comités blancs ». L'explication de cette régulation judiciaire spécifique, regroupant des juges, des associations et des médias, doit être recherchée tant dans la structure d'une « société de piliers » que dans celle du champ judiciaire.

L'important rôle social et politique des tribunaux apparaît de plus en plus comme un des thèmes importants de la science politique contemporaine. Ainsi, une recherche réalisée sur la justice portugaise décrit la nature nouvelle des relations entre les citoyens et les tribunaux, en prenant en compte le niveau de connaissance que ces citoyens ont de leurs droits et leurs opinions sur la justice. Une observation est entreprise des conditions dans lesquelles le recours à la justice est effectué en relation avec le type de conflit. Les tribunaux de première instance constituent le terrain choisi pour cette analyse du traitement judiciaire, au civil et au pénal.

La prise de décision est souvent envisagée comme une procédure dont l'objet est de construire un accord au terme d'une délibération. Cet article défend l'idée que la construction d'un accord suppose l'existence d'une connaissance préalable à la délibération. À partir de l'observation de plusieurs commissions d'attribution d'argent public, il décrit le rôle que joue cette connaissance préalable dans le processus de décision. Il montre comment la situation impose le recours à certaines catégories de jugement et comment les décisions résultent d'un ajustement simultané à un phénomène (élaborer ou annoncer une décision) et à une situation (la structure des attentes imposée à l'action en contexte).

II s'agit dans cet article de décrire les mécanismes de construction et d'élaboration des décisions au sein d'un tribunal pour enfants, en soulignant la manière dont les acteurs professionnels et plus particulièrement le juge des enfants appréhendent ce processus, et comment les justiciables participent ou non à l'élaboration des décisions qui les concernent. À l'aide d'une analyse dramaturgique de l'audience, il est ainsi possible de rendre compte de l'importance des processus de négociation propres à cette juridiction caractérisée notamment par le caractère cyclique et fréquemment révisable de ses décisions.

La loi relative au « surendettement » des particuliers et des familles dite « loi Neiertz » a été mise en œuvre le 1er mars 1990. Cette loi vise à résoudre les situations liées à un endettement excessif, d'en atténuer les effets négatifs et d'éviter l'engrenage de l'exclusion. Elle porte en germe un contentieux important et un rôle novateur pour le juge qui devient gestionnaire de dettes dans un intérêt économique et social. Elle n'a pas été accueillie de manière uniforme par les magistrats. Il convient donc de comprendre et d'expliquer les mécanismes des divergences constatées tout en mettant à jour les incidences que celles-ci ont eues sur le plan de l'application de la loi.