Contenu du sommaire : Festins de femmes
Revue | Clio : Histoires, femmes et société |
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Numéro | no 14, 2001 |
Titre du numéro | Festins de femmes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Claudine VASSAS, Claudine Leduc p. 5-16
Dossier
- Femmes à la fête des Halôa : le secret de l'imaginaire - Ioanna PATERA, Athanassia ZOGRAFOU p. 17-46 L'image que nous avons de la fête des Halôa est influencée par le modèle interprétatif de la fertilité et par la surestimation de l'obscénité rituelle en tant qu'élément de la célébration. Les deux tendances prennent appui sur une scholie à Lucien, source qui ne peut être utilisée sans beaucoup de précaution. La confrontation de ce document avec le reste des témoignages sur les Halôa et la mise en rapport de l'ensemble de nos informations avec ce que nous connaissons d'autres fêtes de Déméter et de Corè permettent de dissiper certains malentendus. Ni fête de la récolte, ni orgie nocturne de courtisanes, les Halôa célébrés à Eleusis offraient sans doute le cadre d'une rencontre entre éléments dionysiaques et démétriaques, rencontre dont les femmes pouvaient particulièrement profiter.Our view of the Haloa is very often influenced by the interpretative model of fertility and by the exaggeration of the ritual obscenity as an element of the celebration. Each of these directions found support in a scholion of Lucian, which is however a document to be used with the utmost precaution. The confrontation of the scholion with the rest of our sources concerning the festival of the Haloa, and the comparison of all our information with what we know about Demeter's and Core's festivals allow us to dissolve some misunderstandings. Neither a harvest festival nor a courtesans' night orgy, the Haloa, celebrated in Eleusis, possibly offered a frame to the meeting of dionysiac and demetriac elements from which women could particularly benefit.
- Le festin d'Assuérus : femmes – et hommes – à table vers la fin du Moyen Âge - Bruno LAURIOUX p. 47-70 Textes comme images laissent penser que la plupart des repas médiévaux faisaient coexister hommes et femmes. Mais de quelle manière ? Le traitement par les enlumineurs de trois motifs iconographiques tirés de la Bible, qui n'impliquent pas toujours cette coexistence des sexes – le festin d'Assuérus, le repas des enfants de Job et le banquet de Balthasar –, révèle la banalité d'une mixité dont les modalités d'organisation se révèlent très souples. Les plans de table des banquets de la cour de Bourgogne confirment l'imbrication des mangeurs et des mangeuses mais suggèrent que leur disposition répond à des considérations politiques et familiales plus qu'au souci de l'alternance des sexes.Both writings and images of the period suggest that men and women could be found together at mot medieval feasts. But what was the etiquette of these shared meals ? The study of three illuminations of iconographical motifs taken from the Bible – Assuerus' feast, Balthazar's banquet and Job's children's shared meal – reveal very casual mixing and flexible forms of organisation – in contrast with other biblical motifs, which do not always demonstrate such coexistence of the sexes. The seating plans of banquets in the Court of Bourgogne confirm the picture of easy mixing between feasting ladies and gentlemen, whose disposition around the table was dictated more by political and family considerations, than by any notion of appropriate sexual mix.
- Les femmes dans les banquets politiques en France (vers 1848) - Jacqueline LALOUETTE p. 71-91 Les banquets politiques – réformistes, républicains, démocratiques – se multiplièrent durant les années 1847-1849. Les sources, trop souvent silencieuses sur l'importance respective des hommes et des femmes dans ces manifestations, permettent malgré tout de percevoir la très nette prédominance masculine. Quand une présence féminine était tolérée, ces convives exceptionnelles, considérées comme des fleurs éminemment décoratives, pouvaient se trouver reléguées en marge du banquet, à la lisière des tables. Quelques cas de banquets de femmes sont attestés, parfois organisés par des femmes catholiques et républicaines, qui prenaient soin de rappeler leurs consœurs à leurs devoirs d'épouses et de mères, parfois par des femmes socialistes, dont les initiatives engendraient sarcasmes et pamphlets.The number of political – reformist, republican and democratic – steadily increased during the years 1847-1849. Documentary sources – though too often uninformative about the relative roles of men and women at these occasions – nonetheless give us a picture of marked masculine predominance. On the rare occasions when a feminine presence was tolerated, women were likely to be treated like highly decorative flowers, finding themselves relegated to the outer borders of the banquet. There are a few authenticated exemples of banquets for women. Sometimes these were organised by catholic and republican women who would take care to remind their sisters of their duties as wives and mothers ; sometimes by Socialist women whose efforts provoked sarcastic comments and pamphlets.
- En Roumanie, l'autre moitié du rite : les cuisinières des morts - Claudine VASSAS p. 119-153 L'ethnographie roumaine est connue pour l'intérêt soutenu qu'elle a porté à la thématique de la mort et à l'ample dispositif mythico-rituel destiné d'une part à écarter le mort individuel en « libérant son âme », de l'autre à ramener les morts ayant accédé au statut « d'ancêtre » par des repas de « commémoration ». Les femmes occupent une place centrale, à chacun de ces moments où elles préparent des nourritures et des offrandes pâtissières « pour les morts ». En s'attachant à suivre les modalités de la confection d'un gâteau de blé, la coliva, dont on dit qu'il est « le corps du mort », sa circulation, sa distribution et sa consommation, en s'arrêtant à d'autres tâches réservées elles aussi aux femmes comme la « préparation des tombes », l'article dessine en filigrane un parcours moins linéaire et moins univoque, fait apparaître des partages moins nets entre catégories – corps et âmes ; morts et vivants – et espaces : ici-bas et au-delà ; mémoire et oubli.
- Femmes à la fête des Halôa : le secret de l'imaginaire - Ioanna PATERA, Athanassia ZOGRAFOU p. 17-46
Regards complémentaires
- Une place pour elles à table : le cas de Rome - Jean-Marie PAILLER p. 119-131 La tradition romaine oppose à la femme étrusque, présente aux spectacles et aux banquets, symbole de toutes les licences, la chaste matrone filant la laine au milieu de ses servantes. Mais l'évolution des mœurs et du droit à Rome – à la différence du monde grec – donne à la femme une place reconnue dans la société, et notamment dans les banquets publics et privés. Cette place de la matrone à table reste subordonnée à la présence du mari, mais des femmes païennes, puis chrétiennes ont l'initiative de fondations funéraires comportant des repas sur les tombes.Roman tradition shows the Etruscan women, who used to attend banquets and spectacles, as symbols of immoral behaviour, whereas the chaste Roman matronae spent their time spinning the wool with their maids. But, with the Law and the mores evolving in Rome (unlike the Greek world), women are given a position in society, especially in public and prived banquets. The matronae may only sit at the table if the husbands are present, but pagan (and, later, Christian) women start funerary foundations involving having meals on the tombs.
- Traces de commensalité féminine en Italie au Moyen Âge - Odile REDON p. 133-138 Les normes somptuaires édictées dans les communes de Bologne, Venise, Pérouse, Sienne font apparaître l'usage aux XIIIe-XVe siècles de banquets réservés aux femmes, particulièrement à l'occasion des fiançailles et des noces. Ces traces confirment d'autres observations sur les solidarités féminines dans ces sociétés mais ne sont guère relayées par les textes littéraires, dont les auteurs sont pratiquement toujours des hommes ; elles suggèrent cependant de poursuivre l'enquête.The sumptuary laws enacted by the City-states of Bologna, Venice, Perugia, Siena bring to light the fact that the banquets reserved to women were not uncommon practice between the XIIIth and the XVth century, particularly on the occasion of engagements or weddings. Such traces confirm other observations concerning solidarity among women in those urban societies, though they are not mentioned in literary texts (authors being practically always men) ; yet encourage scholars to go on investigating.
- Sainte Agathe, les femmes et le chocolat - Deborah PUCCIO p. 139-153 À San Juan de Plan, village des Hautes-Pyrénées espagnoles, le jour de la Sainte-Agathe, trois générations féminines s'affairent autour d'une préparation culinaire : el chocolate, le chocolat. Quelle relation peut-on établir entre la sainte aux seins coupés, les femmes, qui en Espagne lui vouent un culte tout particulier, et la boisson chaude qu'elles élaborent ? Éclairé à la lumière de la biographie de sainte Agathe, ce rite alimentaire nous découvre quelques-unes des propriétés symboliques du chocolat et fait apparaître, dans ses multiples facettes, une capacité propre à l'être féminin : celle de transmettre.On Saint Agatha's feast day at San Juan de Plan, a village in the Upper Spanish Pyrenees, three generations of women occupy themselves with a special dish : el chocolate, cholate. What relationship is the between the saint with the cut-off breasts, women in Spain who have a special devotion to her, and the warm drink they prepare ? Approached in the light of Saint Agatha's biography, among its various facets, this alimentary rite can be shown to possess a particulary signifiance : that the essence of femaleness in one of transmission.
- Une place pour elles à table : le cas de Rome - Jean-Marie PAILLER p. 119-131
Actualité de la recherche
- Les femmes grecques et l'andron - Pauline SCHMITT PANTEL p. 155-181 De nombreuses sources (iconographiques, littéraires, épigraphiques, archéologiques) offrent des documents sur la part prise par les femmes grecques antiques aux banquets dans des contextes très variés : symposion d'hétaïres, repas sacrificiels, repas dans des cultes exclusivement réservés aux femmes, banquets publics ouverts aux femmes, consommation individuelle et journalière. Cet article tente de les rassembler et de les comparer pour dégager les significations multiples de la présence des femmes aux banquets et poser en cours de route quelques questions de méthode et d'histoire.There are many sources of evidence (iconographic, literary, epigraphic, archeological) about ancient greek women's participation in the banquets in a variety of contexts : symposion of hetaeras, sacrificial meals, the meals at the center of exclusively women's cults, publics banquets open to women, as well as individual and every day consumption. This paper seeks to survey and compare them whith one another ; to sift out the multiple meanings attached to the presence of women at banquets ; and along the way to pose some methodological and historical questions.
- Les femmes grecques et l'andron - Pauline SCHMITT PANTEL p. 155-181
Document
- La convive anorexique - Danièle ALEXANDRE-BIDON p. 184-186 Un modèle pour artiste, valide du XIIIe siècle aux XVIe-XVIIe siècle, veut que la mariée, quelle qu'elle soit, soit systématiquement représentée, au banquet du mariage, immobile, yeux baissées, les mains croisées dans son giron, bouche close, alors que tous discutent et consomment autour d'elle. Quelle réalité recouvre ce topos ? Chaque image du mariage est une leçon et un avertissement donnés au deuxième sexe.The Anorexic Guest. From the 13th to the end of the 17th centuries, artistic tradition required painters depicting a wedding scene systematically to portray at the wedding banquet, motionless, her eyes downcast, her hands folded on her lap, her mouth closed, while all around her are talking and eating. What can we say about the reality behind this discourse ? Every portrayal of a wedding is both a lesson and a warning for the second sex.
- Le festin des trois dames de Paris - Danièle ALEXANDRE-BIDON p. 186-188 Les Parisiennes du XIIIe siècle ont mauvaise réputation. Non contentes de mal se tenir à table, elles se gavent et s'enivrent, parlent des vins en professionnelles de l'œnologie, suggérant une longue expérience de beuveries, et, surtout, se passent des hommes pour festoyer. Exclus de la convivialité féminine, ceux-ci se vengent en vers : c'est l'objet d'un poème comique, un fabliau, qui leur promet un sort funeste : le coma éthylique des trois dames de Paris les fait enterrer vives au cimetière des Innocents ! Encore une leçon de morale, sous couvert d'en rire, aux femmes qui ne veulent pas se contenir…A Ladies' Feast. Parisian Ladies of the 13th century have a bad reputation. Not only do they have poor table manners, cramming down their food and getting drunk ; they also speak expertly about wine and oenology, suggesting long experience of drinking sessions, and wost of all they show themselves quite capable of making merry without the presence of men. Excluded from this feminine conviviality, the latter take their revenge in verse. This is the theme of a comic poem, in the form of a « Fabliau », in which the ladies are promised the most grievous fate : discovered in a state of alcoholic coma, the three ladies of Paris end up buried alive in the Cemetery of the Innocents. In comic guise, we have yet another lesson in morality dispensed to these women who knom no self-restraint…
- La convive anorexique - Danièle ALEXANDRE-BIDON p. 184-186
Variations culinaires
- Charlotte fait de la tête de veau - Thérèse MOREAU p. 189-193
Varia
- La fabrique du sexe, Thomas Laqueur et Aristote - Annick JAULIN p. 195-205 La théorie des deux sexes, proposée par Thomas Laqueur dans La fabrique du Sexe, suscite plusieurs questions d'ordre méthodologique ; notamment, Aristote est un contre-exemple pour sa théorie de l'unisexe.Thomas Laqueur's theory of two models raises methodological questions ; especially, Aristotle is contreexample of his unisex theory.
- Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à la Belle Époque - Jean-Yves LE NAOUR, Catherine VALENTI p. 207-229 Depuis longtemps, les médecins se sont intéressés au phénomène de la menstruation, qui renvoie au mystère de l'» éternel féminin ». À la fin du XIXe siècle, le discours médical sur les règles recoupe encore sur bien des points les préjugés populaires, notamment en ce qui concerne l'impureté du sang menstruel. Les médecins toutefois ne sont pas unanimes : perçue par certains comme un garant de l'équilibre féminin, une « saignée naturelle » indispensable à la bonne santé de la femme, la menstruation est stigmatisée par d'autres comme un état pathologique induisant chez la femme indisposée des troubles aussi bien physiologiques que psychologiques. La question des règles est ainsi révélatrice d'a priori qui sont tout autant masculins que médicaux, et le discours des médecins ne fait qu'apporter une caution qui se veut scientifique à la perception de la femme comme une éternelle malade, étroitement soumise à son destin biologique.Physicians have long been interested in menstruation, which bears a tight relation to the mystery of femininity itself. At the end of the XIXth century, physicians were as prejudiced as the rest of the population as far as periods were concerned : they thought for instance that menstrual blood was impure. Physicians however were not unanimous. For some of them, menstruation was essential to the equilibrium of women. For others on the contrary, monthly periods were a time of physical and mental disorders. This opinion reveals the deepness of the prejudice against women : physicians just gave a so-called scientific backing to what was commonly thought, i.e. that women were ill creatures, tightly submissive to their biological fate.
- La fabrique du sexe, Thomas Laqueur et Aristote - Annick JAULIN p. 195-205
CLIO a lu
- John HARVEY, Des hommes en noir. Du costume masculin à travers les siècles, Paris, Abbeville, 1998, 321 p. (traduit de l'anglais, 1995). - Christine BARD p. 231-233
- Dinora CORSI (éd.), Altrove Viaggi di donne dall'antichita al Novecento, Rome, Viella, 1999. - Frédérique VERRIER p. 233-235
- Giulia SISSA, L'âme est un corps de femme, Paris, Editions Odile Jacob, 2000, 213 p. - Claudine Leduc p. 235-238
- Louise BRUIT-ZAIDMAN, Gabrielle HOUBRE, Christine KLAPISCH-ZUBER et Pauline SCHMITT-PANTEL (éd.), Le corps des jeunes filles, de l'Antiquité à nos jours, Paris, Perrin, 2001, 328 p. - Pierre Brulé p. 238-240
- Louise BRUIT-ZAIDMAN, Le commerce des dieux. Eusebeia essai sur la piété en Grèce ancienne, Paris, éditions la découverte, 2001, 240 p. - Claudine Leduc p. 240-242
- Eva CANTARELLA, Les peines de mort en Grèce et à Rome. Origines et fonctions des supplices capitaux dans l'Antiquité classique, 2000, traduction française de Nadine Gallet, Milano, 1991, 1996. - Michèle NOUILHAN p. 242-244
- Anne-Marie VÉRILHAC, Claude VIAL, Le mariage grec du vie siècle avant J.-C. à l'époque d'Auguste, Paris, De Boccard, 1998, 412 p. + 5 p. de planches (École française d'Athènes. Bulletin de Correspondance Hellénique. Suppléments, 32). - Jérôme WILGAUX p. 245-246
- Nannette Lévesque conteuse et chanteuse du pays des sources de la Loire. Édition établie par Marie-Louise TENÈZE et Georges DELARUE. Paris, Gallimard, 2000. 734 p. - Josiane BRU p. 247-250
- Virginie De LUCA, Catherine ROLLET, La pouponnière de Porchefontaine. L'expérience d'une institution sanitaire et sociale, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 210 p. P. DONATI, S. MOLLO, A. NORVEZ, C. ROLLET, Les centres maternels, réali - Agnès Fine p. 250-252
- Marie-Françoise CHARRIER et Élise FELLER (dir.), Aux origines de l'Action sociale. L'invention des services sociaux aux chemins de fer, Éditions Eres, 2001, 276 p. - Yvonne KNIBIEHLER p. 252-256
- Sylvie CHAPERON, Les années Beauvoir (1945-1970), Paris, Fayard, 2000, 430 p. - Mathilde Dubesset p. 256-258
- Geneviève FRAISSE, Les deux gouvernements : la famille et la Cité, Gallimard, Folio/Essais, 2000, 220 pages ; La controverse des sexes, Paris, PUF, Quadrige, 2001, 326 p. - Jacques Guilhaumou p. 258-261
- Réseaux. Volume 18, n° 103, 2000. Le sexe du téléphone, dossier coordonné par Louis QUERE et Zbigniew SMOREDA, Hermes Sciences, 286 p. - Agnès Fine p. 261-264
- Florence TAMAGNE, Histoire de l'homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris. 1919-1939, Paris, 2000, Seuil, 692 p. - Anne-Marie Sohn p. 264-269
- Marie-Jo BONNET, Les deux amies. Essai sur le couple de femmes dans l'art, Paris, Editions Blanche, 2000, 305 p. - Florence Tamagne p. 269-270