Contenu du sommaire : Musiciennes
Revue | Clio : Histoires, femmes et société |
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Numéro | no 25, 2007 |
Titre du numéro | Musiciennes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Agnès Fine p. 9-25
- Madeleine Guilbert (1910-2006) - Marie-Hélène ZYLBERBERG-HOCQUARD p. 5-8
Dossier
- Chanter, enchanter en Grèce ancienne. - Ana Iriarte
- Masculin et féminin dans la musique de la Rome antique - Christophe VENDRIES Dans l'Antiquité romaine, la musique participe à sa façon à la construction du genre en introduisant une division sexuée des notes et des instruments de musique dans la théorie musicale et un partage des sexes lors de la pratique musicale. La question du costume du musicien et du travestissement offre aussi une autre occasion d'explorer le thème du genre. Êtres ambivalents par excellence, le musicien et le danseur se situent parfois en marge du monde masculin à cause de leur allure, de leur habit et de la nature même de leur métier. L'histoire emblématique d'Achille caché dans le gynécée à Skyros ou celle, réelle, du noble Clodius travesti en femme utilisant tous deux les apparences de la musicienne en sont les manifestations les plus abouties qui servent d'exempla pour les Anciens dans la définition des frontières entre féminité et virilité.In Roman society, music can be interpreted in gendered terms. In music one finds a sexual division of notes, musical instruments, musical theory and musical practice.The musician's clothing and transvesticism can also be studied through the lens of gender. The musician and the dancer are ambivalent by nature because of their appearance, and are often positioned on the fringe of masculinity. In the emblematic story of Achilles, hiding in the gynaeceum of Skyros, or the true story of Claudius in Rome disguised as a woman, both men use the appearance of a woman musician. For the Romans, their stories are considered exempla, defining the borders between femininity and virility.
- Dame Musique et ses doubles - Annie PARADIS, Marie BALTAZAR Entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, les allégories picturales de la musique mettent en scène de manière récurrente un couple énigmatique : une jeune femme à l'orgue et un forgeron frappant sur son enclume. Il s'agira, à travers un parcours en quelques images, de questionner les termes, a priori antagonistes, de cet appariement et, ce faisant, de poser les jalons d'une réflexion sur ces représentations qui, sur la longue durée historique, semblent bien former – ou forger – un système.Between the 13th and 18th centuries, pictural allegories of music repeatedly show an enigmatic pair : a young woman with an organ and a blacksmith hitting an anvil. Drawing on some of these images, this article questions this a priori antagonistic pairing and, in the process, suggests the stakes of a reflection on these representations which, over the longue durée, seem to form – or forge – a system.
- Entre Église et théâtre, la fugue de deux musiciennes vénitiennes en 1783 - Caroline GIRON-PANEL p. 93-113 En janvier 1783, deux musiciennes, Bianca Sacchetti et Andrianna Ferrarese, s'enfuirent de l'ospedale des Mendicanti, à Venise, pour tenter leur chance sur les scènes de théâtre. Formées dans l'une des quatre institutions vénitiennes destinées à recueillir les orphelins de Venise, elles étaient devenues des musiciennes hors pair, chantaient chaque jour dans la chapelle de l'ospedale et jouaient de plusieurs instruments. Le dossier consacré à leur fugue, qui se trouve toujours à l'Archivio di Stato de Venise, nous donne les circonstances et les raisons de leur fugue, mais fournit également des informations précieuses et uniques sur les aspirations des « filles du choeur » à une vie meilleure. Des documents inédits illustrent les relations d'amitié qui pouvaient exister entre deux jeunes femmes recueillies par charité et suffisamment talentueuses pour avoir réussi à devenir deux des meilleures musiciennes de Venise. Retrouvées par les autorités, elles poursuivirent d'ailleurs une brillante carrière, l'une à l'opéra, l'autre au sein de l'ospedale, la Ferrarese créant même l'un des rôles du Così fan tutte de Mozart.In January 1783, two women musicians, Bianca Sacchetti and Andrianna Ferrarese, fled from the ospedale of the Mendicanti, in Venice, to try their luck on the opera stage. They had been trained in one of the four Venetian institutions that took in the orphans of the city, and they had become outstanding musicians. They could sing and play several instruments. The file related to the story is still lying in the Archivio di Stato in Venice, and it offers precious information about the circumstances and the reasons for their escape. Reading it, we learn much about the desire of the “choir girls” for a better life. Unpublished documents illustrate the friendship existing between these two orphaned girls who were talented enough to became two of the best women musicians of Venice. When they were found by the authorities, they were able to pursue their brilliant career, at the opera house or in the church; the Ferrarese even created one of the roles in Mozart's Così fan tutte.
- Jeanne d'Arc et ses voix, dans deux opéras, Verdi et Honneger - Julie DERAMOND Dès le début du XIX e siècle, Jeanne d'Arc connaît la célébrité dans toute l'Europe. Élevée au pinacle, installée au panthéon des Français, elle devient un sujet en or pour les compositeurs et leurs librettistes, parce qu'elle permet d'aborder les thèmes les plus divers, de l'héroïque au religieux en passant par le pastoral et le tragique. Elle fait l'objet de nombreuses mises en scène dans des genres musicaux aussi variés que l'opéra, l'opéra-comique, le ballet, la mélodie, la pantomime ou le théâtre en musique. La question centrale qui se pose pour chaque compositeur est la suivante : comment représenter Jeanne d'Arc, cette « figure sublime » ? Comment donner voix à une héroïne que l'on a vue sous tous les jours, tour à tour grandiloquente, simple et pieuse, puis égérie nationale avant de devenir sainte en 1920 ? Au travers d'une étude sur la voix donnée à Jeanne, dans deux œuvres majeures du répertoire qui lui a été consacré, Giovanna d'Arco de Verdi, créée à la Scala de Milan en 1845, et Jeanne d'Arc au Bûcher de Paul Claudel et Arthur Honegger, créée à Bâle en 1938, nous essaierons de déceler l'esprit d'une époque, et par là de mieux distinguer quelques-unes des facettes données à la Pucelle d'Orléans.At the beginning of the nineteenth century, Joan of Arc, the maid of Orléans, is famous throughout Europe. Her image achieves new heights and she becomes a prize subject for composers and librettists, allowing them to treat a wide variety of themes, from the heroic to the religious, by way of the pastoral and the tragic. She is the object of many stage settings in musical genres as varied as opera, ballet, melody, pantomime... Every composer wonders how to represent the “sublime figure” of Joan of Arc, how to give voice to a heroine who is represented in such different fashion: alternatively grandiloquent, simple and pious, then as saint of the Homeland, before becoming a saint in 1920. Through a study of Joan's voice in two major works, Verdi's Giovanna d'Arco and Honegger's Jeanne d'Arc au Bucher, we shall try to reveal the spirit of time, in order to distinguish more clearly some facets in the representation of Joan of Arc.
- Femme, musique et Islam. De l'interdit à la scène - Aline Tauzin p. 133-153 L'article montre tout d'abord, à travers l'étude de deux corpus de contes et de la gestion de faits récents de transsexualisme, en quoi la musique est constitutive de l'identité féminine dans l'ethnie maure de Mauritanie. La problématique est élargie au champ du religieux de l'aire arabo-musulmane, qui voit dans ce lien une menace pour l'ordre social et symbolique qu'il défend, avant d'être explicitée par le recours à des concepts issus de la psychanalyse. Puis il est question, à travers la description d'un orchestre de musique confrérique uniquement composé de femmes, de l'ébranlement de ce schéma dans le Maroc contemporain, sous l'effet des idées féministes et de la généralisation de pratiques d'égalité entre les sexes.This article begins with the study of two collections of tales and the recent treatment of transsexualism to show how music constitutes an essential aspect of feminine identity for the Moors of Mauritania. It then considers how in Islamic, particularly Sunni, dogma, the link between women and music is considered a threat to the social and symbolic order; psychoanalytic concepts are then drawn on to explain this perception. Finally, it uses the description of the recent formation of a feminine orchestra of mystical music in Morocco to show how feminist ideas and the spread of greater equality between the sexes has affected the traditional islamic model.
Regard complémentaire
- Images de Trobairitz - Martine Jullian La tradition manuscrite de la lyrique occitane nous a transmis quatre recueils, tous réalisés en Vénétie à la fin du XIIIe siècle, qui sont décorés de miniatures évoquant chaque troubadour en tête des poèmes qui lui sont attribués. Parmi eux se sont glissées quelques femmes trobairitz. Huit d'entre elles sont ainsi représentées en train de chanter, mais dénuées de tout caractère individuel. À défaut de pouvoir révéler qui ont été ces poétesses-musiciennes dont l'identité souvent incertaine laisse planer un doute quant à leur existence réelle, ces images témoignent d'abord de la célébrité dont elles bénéficiaient plusieurs décennies après leur disparition dans les milieux lettrés italiens. Images stéréotypées, rehaussées par l'éclat des fonds d'or et le chatoiement des couleurs, elles relèvent avant tout d'une fiction destinée à mettre en évidence la « noblesse », tant morale que sociale, des personnages. De telles représentations ne pouvaient mieux répondre à l'idéal même de la fin'amor, l'amour courtois : en elles se cristallise une vision idéale de la dame inaccessible et parfaite, la domna, chantée par les troubadours.The manuscript tradition of Occitan lyrics has left us four collections of poems, all composed in Venetia at the end of the XIIIth century, decorated with miniatures evoking each troubadour at the beginning of the poems attributed to him. Some lady trobairitz have slipped in among them. Eight such women are portrayed singing, but devoid of any individual character. Although it is not possible to trace the identity of these musicianpoetesses, whose veritable existence is itself in doubt, these images testify above all to the fame they enjoyed several decades after their disappearance from cultured Italian circles. These stereotyped images, highlighted by the brilliance of the gilded backgrounds and the iridescence of the colours, are first and foremost a fiction intended to reveal both the moral and social « nobility » of the figures. Such representations portray the very ideal of the fin'amor, courtly love; they epitomise the crystallisation of an ideal vision of the inaccessible and perfect lady, the donna, sung by the troubadours.
- Images de Trobairitz - Martine Jullian
Actualité de la recherche
- Musique et genre en sociologie - Cécile Prévost-Thomas, Hyacinthe Ravet p. 175-198 Cet article recense et présente brièvement les recherches et publications sociologiques francophones les plus récentes consacrées aux rapports entre genre et musique selon trois grandes thématiques : celle de la création musicale au féminin, celle de la condition des musiciennes, et celle de la voix des femmes qui, plus étoffée, est également abordée sous l'angle des disciplines anthropologique et musicologique. Chacune de ces thématiques est traversée par la question des enjeux symboliques des catégories de sexe et leur lecture sociohistorique.This article briefly presents the most recent sociological publications in French about gender and music in three areas: feminine musical creation, the position of female musicians, and women voices. This last theme is most fully developed and is also considered from an anthropological and a musicological point of view. This set of themes allows one to issues of gendered symbolic significances and their sociohistorical reading.
- Musique et genre en sociologie - Cécile Prévost-Thomas, Hyacinthe Ravet p. 175-198
Témoignage
- Beatriz Ferreyra, - Mathilde Dubesset, Florence ROCHEFORT p. 199-215
Varia
- Eros et labor - Laurence Mall p. 217-247 Dans son immense Tableau de Paris (1781-1788), Mercier accorde une place inhabituelle au travail des femmes, surtout des femmes du peuple. Or ce ne sont pas les conditions de travail en soi ou la production des travailleuses mais leur corps sexué, leur moralité et leur identité sociale qu'il situe au premier plan. Ses esquisses et descriptions sont fortement érotisées: le travail est envisagé comme mise à l'épreuve physique et morale du (beau) sexe. C'est au travail que peuvent se tisser des liens inquiétants et un peu trop visibles entre l'érotisme et l'argent ; c'est le travail , en particulier le travail sexuel ou prostitution, qui révèle le plus puissamment, peut-être, les inégalités sociales entre les femmes ; c'est encore à partir du travail que se renouvelle l'anxiété sur le rôle des femmes dans la famille et la vie privée. La tension demeure intacte tout au long du texte entre un discours normatif sur la féminité (séduction et dépendance) et une réalité sociale qui le contient mais surtout le déborde de toutes parts.In Mercier's lengthy Tableau de Paris (1781-1788), women's work, especially lower-class women's work, occupies an unusually large place. What figures prominently in Mercier's description are not working conditions or production, but the female worker's sexualized body, her morality and her social identity. His sketches and descriptions are strongly eroticized: work is considered as a moral and physical testing ground for the fair sex. At work, disturbing and too obvious links are forged between eroticism and money ; social inequalities between women are revealed with particular acuity in sexual work or prostitution ; female work also arouses old anxieties concerning women's role in the family and the private life. Tensions remain between a normative discourse on femininity (women must please and serve) and a social reality it is incapable of dominating.
- Eros et labor - Laurence Mall p. 217-247
CLIO a lu
- Catherine CESSAC, Elisabeth Jacquet De La Guerre, Une femme compositeur sous le règne de Louis XIV, Arles, Actes Sud, 1995, 213 p. - Claire Bernard p. 249-290
- Lucy GREEN, Music, Gender, Education, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, 289 p. - Catherine Monnot p. 249-290
- Danielle ROSTER, Les femmes et la création musicale. Les compositrices européennes du Moyen Âge au milieu du XXe siècle, Paris, L'Harmattan, 1998, 372 p. - Catherine Monnot p. 249-290
- Françoise ESCAL et Jacqueline ROUSSEAU-DUJARDIN, Musique et différence des sexes, Paris, L'Harmattan, 1999, 209 p. - Catherine Monnot p. 249-290
- Jacqueline LETZER et Robert ADELSON, Women writing opera, Creativity and Controversy in the age of the French Revolution, Berkeley and London, University of California press, 2001, 339 p. - Catherine Monnot p. 249-290
- Brigitte FRANCOIS-SAPPEY, Clara Schumann ou l'oeuvre et l'amour d'une femme, Genève, Editions Papillon, 2002, 156 p. - Mathilde Dubesset p. 249-290
- Anne-Marie GREEN et Hyacinthe RAVET (dir.), L'accès des femmes à l'expression musicale, apprentissage, création, interprétation. Les musiciennes dans la société, Paris, L'Harmattan, 2005, 279 p. - Catherine Monnot p. 249-290
- Loredana MANCINI, Il rovinoso incanto. Storie di Sirene antiche, Bologna, Il Mulino, 2005, 296 p. - Montserrat JUFRESA p. 249-290
- Florence LAUNAY, Les compositrices en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2006, 544 p. - Mathilde Dubesset p. 249-290
- Claire Thielet, Femmes, reines et saintes (Ve-XIe siècles), Cultures et Civilisations Médiévales n° 28, Paris, Presses de l'Université Paris Sorbonne, - Soazick KERNEIS p. 249-290
- Véronique ALEMANY, Monique COTTRET et Bernard COTTRET (dir.), Saintes ou sorcières ? L'héroïsme chrétien au féminin, Paris, Les Éditions de Paris, 2006, 268 pages. - Marcel BERNOS p. 249-290
- Gabrielle HOUBRE, Histoire des mères et filles, Paris, Éditions de La Martinière, 2006, 223 p. - Yvonne KNIBIEHLER p. 249-290
- Georges Apitzsch, Lettres d'un inverti allemand au Docteur Lacassagne. 1903-1908 - Muriel Salle
- Stéphanie WILLIAMS, L'histoire d'Olga. L'extraordinaire destin d'une jeune femme emportée dans la tourmente de l'Histoire entre la Russie et la Chine au début du XXe siècle. (t - Yvonne KNIBIEHLER p. 249-290
- Marie-Françoise CHARRIER et Elise FELLER (coord.), L'Action sociale à la SNCF, 1945-1985. L'affirmation d'une identité, Ramonville-St-Agne, Érès, 2006, 277 p. - Yvonne KNIBIEHLER p. 249-290