Contenu du sommaire : Barrières frontalières

Revue L'Espace Politique Mir@bel
Numéro no 20, juillet 2013
Titre du numéro Barrières frontalières
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Laetitia Rouvière accès libre
  • Les barrières frontalières : archaïsmes inadaptés ou renforts du pouvoir étatique? - Marie Didiot accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis une vingtaine d'années, des barrières frontalières fleurissent le long des discontinuités religieuses, politiques et socio-économiques les plus marquées de la planète. Elles ont pour objectif de filtrer les flux que les gouvernements bâtisseurs considèrent comme dangereux ou indésirables. Cependant, leur matérialité et leur ancrage territorial contrastent avec les flux intenses et déterritorialisés qui caractérisent la mondialisation. Les barrières frontalières ont ainsi une mission paradoxale : contrôler des flux dont l'existence remet en question la légitimité des frontières. Les barrières frontalières, dont l'efficacité est contestée, seraient donc inadaptées. On remarque malgré tout que, dans les grandes démocraties, elles ont un rôle plus subjectif de politique intérieure, rempli par leur pure existence physique et les symboles qu'elles incarnent.
    Since the early 2000s about twenty border barriers were built along the most important political, religious and socioeconomic discontinuities around the world. The aim of such edifices is to screen the flows that builder governments regard as harmful or undesirable. However the materiality and territorial anchorage of border barriers contrast with globalization. Indeed the latter is characterized by intense and deterritorialized flows. So the border barriers mission is paradoxical : They have to control some flows whose reality calls borders legitimacy into question. Are border barriers, whose effectiveness is controversial, inappropriate for securing a territory and its population ? But in the greatest contemporary democracies border barriers also have a subjective role of domestic policy carried out by their physical presence.
  • Le blindage des frontières selon les théories des Relations Internationales : contribution et dialogue - Philippe Beaulieu-Brossard, Charles-Philippe David accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article met en lumière les possibilités de théoriser le blindage des frontières au 21e siècle selon les théories des Relations Internationales : le réalisme, le libéralisme, le constructivisme conventionnel et les perspectives critiques. Il vise également à jeter les ponts pour un dialogue entre les RI et les approches géopolitiques, une discipline spécialisée dans la compréhension de l'espace et des frontières. Malgré une prolifération exponentielle de frontières blindées, le phénomène demeure pourtant sous-théorisé en général et d'autant plus par les Relations Internationales. En s'inspirant des postulats des théories des Relations Internationales et de la Géopolitique, l'article propose une cartographie de concepts catégorisés selon deux objectifs possibles qu'universitaires et étudiants aimeraient atteindre dans leurs recherches sur le blindage des frontières : expliquer les causes du blindage des frontières ou mettre en lumière les conditions de possibilité du phénomène.
    This article inquires how International Relations theories – realism, liberalism, conventional constructivism and critical perspectives – understand the resurgence of walls and fences in the 21st century. This article seeks also to bridge the gap for a dialogue between International Relations theories and geopolitical approaches which are devoted to understand space and borders. Despite the increasing proliferation of walls and fences in international relations, this phenomenon remains theoretically overlooked in general and especially with regards to International Relations. Building on International Relations theories and geopolitics' assumptions, this article offers a conceptual map divided by two possible objectives that scholars and students could endeavor in their research: explaining causes or critique walls and fences.
  • Illusion cartographique au Nord, barrière de sable à l'Est : les frontières mouvantes du Sahara occidental - Karine BENNAFLA accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le Sahara occidental est un territoire revendiqué par le Front Polisario mais administré de fait depuis 1976 par le Maroc sous le nom de Provinces du Sud du royaume. Les cartes et les observations de terrain révèlent la difficulté à cerner, au Nord, une frontière sahraouie du fait du gommage de la ligne onusienne par les autorités marocaines. Celles-ci ont entrepris une politique de développement du territoire contesté, axé ces dix dernières années sur sa promotion culturelle et son ouverture touristique visant à dépolitiser la question sahraouie. Sur le terrain, la frontière est marquée par son déplacement du Nord vers l'Est, le long de la frontière algéro-mauritanienne, avec l'érection d'une barrière de sable relativement perméable et contournable, le berm. La question de la délimitation du territoire sahraoui reste ouverte, en partie à cause de la mouvance de l'identité collective sahraouie. Cependant, son énonciation, côté marocain, est de plus en plus cristallisée par les migrations de travailleurs marocains extérieurs à la région.
    Moroccan Western Sahara, to use the UN's terms, is a territory claimed by the Polisario Front movement, but administered and controlled since 1976 by the Moroccan authorities as “Southern Provinces of the kingdom”. Maps and personal observations based on fieldwork underscore the challenge of localizing the Moroccan Western Sahara border in the North, due to the erasing of the UN's line by the Moroccan authorities. They have espoused a policy of developing the contested area, focused during the last ten years on promoting tourism and culture, which has contributed to depoliticizing the Sahrawi issue. On the ground, the real border has been moved (from an E-W line, it now runs roughly NE-SW along the Algerian and Mauritanian territories), and transformed into a permeable barrier of sand, the so-called ‘Berm', which can be bypassed. Delimiting a Sahrawi territory is not obvious, in part because of the indefinite Sahrawi collective identity. However this identity is increasingly cristallised by the arrival of Moroccan migrant labourers coming from the North, in opposition to whom it is formulated.
  • «Le 38e parallèle nord et la dyade coréenne : origines et mutations d'une barrière frontalière» - Laurent Quisefit accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    « La guerre de Corée, déclenchée par la Corée du Nord contre la Corée du Sud en 1950, est un épisode important qui illustre la politique des Etats-tampons lorsque l'une des grandes puissances qui l'encadrent veut se servir d'un tampon comme d'une ‘marche extérieure'. » (Gottman, 2007, p. 141) La démarcation du 38e parallèle nord, imposée par les vainqueurs du Japon en 1945, s'est progressivement muée en véritable frontière. Après la fondation de deux Etats coréens en 1948, cette ligne de séparation devient une véritable frontière, contrôlée militairement, et théâtre d'affrontements. Niée par les deux Etats coréens de 1948 à 1953, elle se transforme en une véritable barrière frontalière, militarisée et fortifiée. Pourtant, les incidents y sont nombreux, le long du tracé, ou plus souvent, à Panmunjom, étroit point de contact où trois armées se font face. Malgré une vingtaine d'incident par an, on doit considérer que, dans une perspective de longue durée, ces épisodes témoignent d'une résorption progressive des tensions observables depuis les pics des années 1960. A l'heure où la frontière coréenne entame une révolution technologique marquée par une robotisation partielle, la création en Corée du Nord d'une zone économique spéciale financée par la Corée du Sud semble une avancée significative, de nature à atténuer la méfiance mutuelle.
    The démarcation line of the 38th parallel north, set up by the Allied Powers in 1945, had been gradually transformed into a true border. After the Foundation of the two Korean States in 1948, this line separating Soviet and American competences became a real border wall, under military control, and the place of incidents. Many border incidents occurred there, along the line, or often, at Panmunjom, a small place where three armies are facing.   In spite of about twenty border incidents or infiltration each year, it is worth to note, , looking backto the 60's, the reduction of tensions there. Nowadays, the South Part of the Line is the theater of a new revolution in military affairs, through the installation of automatic gun-sentries and other semi-robot. However, the creation of a Special Economic Zone in Gaeseong, north of the Line, with South Korean Investments, seems to be a significant step, able to appease a little the mutual distrust existing.
  • Ferghana : les étapes d'une matérialisation frontalière entre intention et réalité - Isabella Damiani accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La vallée du Ferghana partagée entre l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan, est l'une des régions les plus peuplées et disputées d'Asie centrale. Dans cette région transfrontalière, les frontières ont fait l'objet d'une lente matérialisation au cours de l'ère post-soviétique. Cet article vise à dresser un bilan actualisé de leur évolution, entre matérialisation effective et simples démonstrations de force de la part d'acteurs nationaux en quête de stabilité et de légitimité, dans un territoire dont l'unité historique a longtemps reposé sur la multi-ethnicité et le multilinguisme.
    The Fergana Valley is one of the most populated, disputed and discussed region of Central Asia that is divided between Uzbekistan, Tajikistan and Kyrgyzstan. The borders of this transborder region, which undergoes a slow process of materialization since the beginning of the post-soviet era, have been the subject of all types of discourses. This brief article aims to draw a precise picture of their current state, between effective materialisation and demonstrations of power from the part of national actors that still seek stability and legitimacy in a region whose unity was long based on multi-ethnicity and multilingualism.
  • Les journalistes français face au « mur » de Cisjordanie: Quelles représentations dans les journaux télévisés de 20h ? (TF1 et France 2, 2002-2007)  - Amandine KERVELLA accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Ce texte s'intéresse aux représentations du « mur » de Cisjordanie dans journaux télévisés de 20h des deux premières chaînes de télévision françaises : TF1 et France 2. Postulant que le travail journalistique s'apparente à une mise en forme sociale du réel, il cherche à mettre au jour certains des cadres (Goffman, 1991) mobilisés pour représenter une construction particulièrement polémique. Quelle nature les discours médiatiques traitant du « mur » lui prêtent-ils ? S'agit-il d'un « mur » ? D'une « barrière » ? Ses objectifs, ou conséquences, relèvent-ils de la « séparation » ? De la « protection » ? De l' « annexion » ? Etc. Le travail présenté repose sur l'étude d'un corpus regroupant l'ensemble des reportageset brèves abordant la question du « mur », diffusés du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2007, dans les journaux télévisés de 20h, de TF1 et France 2. Il propose tout d'abord une analyse de la mise en mot du « mur », à travers une analyse terminologique et énonciative de l'ensemble des termes proposés pour dénommer cette construction. Il présente ensuite une analyse de sa mise en image par l'étude de la composition des reportages sélectionnés en identifiant les différents « domaines scéniques »(Charaudeau, Lochard, Soulages, 2001) leurs donnant corps.
    This text focuses on the representation of the West Bank wall in 8 o'clock TV news of the two major French television channels: TF1 and France 2. Assuming that the journalistic work is similar to a social shaping of the reality, it tries to cast a light on some of the frames (Goffman, 1991) gathered to represent a particularly polemical construction. What nature do the media speeches reporting on the "wall" give to it ? Are we dealing with a "wall"? a "barrier"? Do their objectives or consequences fall under a type of "separation", "protection", "annexation"? The work presented is based on the study of a compilation of reports and news briefs broadcasted on TF1 and France 2 8 o'clock news, between January 1st, 2002 and December 31st, 2007, which dealt with the wall issues. It begins with an analysis of the use of the word "wall" through a terminological and enunciative analysis of the totality of denominations advanced to name this construction. It presents afterward a review of the composition of the reports selected by identifying the different "scenic areas" (Charaudeau, Lochard, Soulages, 2001) giving their substance.
  • La gestion de la perméabilité - Olivier Razac accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les réflexions sur l'évolution de l'exercice spatial du pouvoir risquent toujours d'être rabattues sur une opposition binaire entre deux options, à la fois réelles et exclusives : la fortification des délimitations et la gestion des circulations. Pour dépasser cette antinomie, cet article propose une modélisation plus complexe des phénomènes de virtualisation des délimitations centrée sur la figure du checkpoint. L'enjeu de cette modélisation est aussi directement politique dans la mesure où cette « gestion de la perméabilité » implique des formes de résistance spécifiques, qui ne correspondent pas au geste classique de la transgression de la limite.
    Theories on current developments of spatial power tend to oppose two conceptions, both actual and contradictory. On the one hand, boundaries seem to be more and more fortified. But, on the other hand, there seems to be faster and freer circulation. To overcome this antinomy, this paper suggests a more complex apprehension of spatial power based on the model / figure of the checkpoint. This model shows that what is at stake is not the opening or the closing of social space, but the management of permeability.  There is a direct political meaning to our study, because the management of permeability implies specific forms of resistance, far from the classic transgression of the limit / boundary.
  • Regards sur les migrants de longue distance en Grèce - Cristina DEL BIAGGIO, Alberto CAMPI accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La décision de la Grèce de construire une clôture à sa frontière orientale a fait la une sur Internet et dans les journaux, mais la matérialisation de la frontière par la construction d'une clôture n'est, en Grèce comme ailleurs, qu'un élément d'un système et d'un dispositif frontalier (Bigo et al., 2009). Cet article est le fruit de sept semaines d'enquêtes passées le long de la frontière gréco-turque, afin de comprendre les dynamiques frontalières là où, selon les statistiques, l'on compte le plus grand afflux de migrants dits illégaux vers l'Europe. Les observations sur le terrain nous permettent de dire que la clôture, qui a été achevée en décembre 2012, ne peut être considérée que dans la totalité du dispositif frontalier, non linéaire, mis en place par la Grèce et par l'Union Européenne pour empêcher les migrants de pénétrer dans la forteresse européenne. Ce sont également ces autres barrières, indirectement visibles car souvent non-matérielles, que nous essayons d'analyser.
    The decision taken by Greece to build a wall on its eastern border was on the front pages of newspapers and hit the headlines in Internet. However, the materialization of borders by the construction of a wall is, in Greece as everywhere else, only one element of the "border apparatus" (Bigo et al., 2009). This article is the result of seven weeks of recent enquires made along the Greek-Turkish border with the aim of understanding the border dynamics in a region where, following statistics, Europe counts the highest number of illegal entries. Observations allow us to say that the wall, which has been finished in December 2012, should be considered as a part of a non-linear border apparatus, put into place by Greece and by the European Union to stop migrants outside the European fortress.