Contenu du sommaire : Vers un bien commun européen
Revue | L'Europe en formation |
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Numéro | no 376, été 2015 |
Titre du numéro | Vers un bien commun européen |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Vers un bien commun européen
- Foreword - Hartmut Marhold p. 3-6
- A European Common Good ? - Hartmut Marhold p. 9-24 Cet article poursuit deux lignes de réflexion principales. D'abord, il revient sur les causes et origines du renouveau de ce débat sur le « bien commun » européen – la crise financière, économique et sociétale actuelle. Il examine la relation compliquée entre néolibéralisme et « bien commun », notamment sur la base de la pensée de Milton Friedman, dont l'individualisme extrême et l'orientation exclusive vers des valeurs matérielles rendent pratiquement sa théorie incompatible avec l'idée même du « bien commun ». Ensuite, l'article essaie de jeter des bases terminologiques communes, en se servant des instruments analytiques (dans le sens philosophique) pour élucider la question de ce que « bien commun » veut dire par rapport à des concepts voisins ou opposés, tels que « bien publics », « intérêts individuels » ou « valeurs individuelles ».This article goes back to the causes and origins of the revival of the debate around the idea of a European ‘Common Good'—the current financial, economic and societal crisis. It examines the difficult relationship between neo-liberalism and the concept of ‘Common Good', in particular by analysing Milton Friedman's thought. The principal finding will be, that a ‘Common Good' is incompatible with his extreme individualism and orientation towards material goods. Second, the article tries to pave the way for a common terminological ground, by means of an analytical (in the philosophical sense) reflection of what ‘Common Good' might mean, in relation to competing or opposite terms, like ‘public goods', ‘individual interest', or ‘individual values'.
- Que veut dire européen ? - Jean Baechler p. 25-45 L'Europe est éventuellement une civilisation, c'est-à-dire un mode particulier d'humanisation, au même titre que les civilisations asiatiques, indienne et chinoise. Les particularités européennes sont dominées par le fait que la civilisation n'a jamais été intégrée à un empire. Cette circonstance fortuite s'exprime, dans tous les domaines, par une propension marquée à la diversité, à l'innovation, à la recherche de l'originalité et à l'ouverture sur le monde extérieur. La réalisation historique la plus marquante a été l'émergence de la modernité.Europe can be considered as a civilization, which means a specific pattern of humanization, like Asian civilizations are in India or China. European specificities are dominated by the fact that the civilization has never been integrated as an empire. This fortuitous condition finds its expression in all domains by a propensity to diversity, to innovation, to the search for originality and to openness to the external world. The most remarkable historic achievement was the emergence of modernity.
- Pédagogies critiques du bien commun dans une Europe en crise - Catherine Guisan p. 46-60 Les dirigeants de l'Union européenne (UE) invoquent fréquemment la réconciliation comme un « bien commun » des Européens, tant et si bien que le terme réconciliation en est presque devenu un cliché. Mais les pratiques concrètes qui ont facilité l'établissement de la paix en Europe restent peu explorées. L'UE soutient des programmes d'enseignement sur l'histoire de l'intégration au niveau universitaire, et prône une mémoire basée sur la Shoah plutôt que les réconciliations d'après 1945, alors les États membres de l'Europe de l'Est insistent plutôt sur une mémoire collective qui prenne en compte leur expérience du stalinisme. En outres, les chercheurs ont négligé l'apport de la société civile aux réconciliations européennes de même qu'une analyse critique du contenu des témoignages des fondateurs. Cependant quelques jeunes universitaires, des enseignants du niveau secondaire et l'Office franco-allemand pour la Jeunesse se tournent vers le passé et ses témoins. Leurs démarches pédagogiques révèlent des pratiques et des idées qui pourraient aider à raviver une solidarité européenne propre à construire la paix aujourd'hui.European Union (EU) leaders frequently invoke reconciliation as a “common good” of the European people, to such an extent that the term reconciliation has become like a cliché. But there has been little exploration of the concrete practices that facilitated the establishment of peace in Europe after WWII. The EU has supported academic programs on European integration history at the university level and has promoted a collective memory based on the Shoah rather than the post-1945 reconciliations, whereas EU member states from Central and Eastern Europe stress their collective memory of the Stalinist years of oppression. Moreover researchers have overlooked the contributions of civil society to European reconciliations and the critical analysis of the content of the founders' accounts. However, some young researchers, high school teachers and the Office for Franco-German Youth are recalling past reconciliations and their witnesses. These new pedagogical approaches reveal practices and ideas that could help revive European solidarity and its capacity to build peace today.
- Des biens collectifs aux biens communs en Europe : Quelles réglementations ? - Jean-Claude Vérez p. 61-74 Si les défauts de marché existent bien, la désignation de biens comme biens collectifs, biens publics ou biens communs n'est pas aisée. Elle pose de multiples interrogations, dont leur réglementation, leur financement, leur contrôle, leur efficacité. L'UE à 28 se heurte à des défis majeurs en la matière dans un contexte mondial instable.If the shortcommings of the market clearly exist, the designation of goods as colective public goods, public goods or common goods is not easy. It raises many questions including their regulation, their funding, their control effectiveness. The EU of 28 faces major challenges in this area in an unstable global context.
- Litmus Test of Economic Asymmetries : from General Interest to Common Good - Paul H. Dembinski p. 75-91
- Les biens collectifs européens : une perspective économique - Laurent Baechler p. 92-107 Que faut-il entendre par « biens collectifs européens » ? Cet article propose une réponse en trois temps. Premièrement les biens collectifs européens émanent de processus de prises de décision politique. Deuxièmement le processus d'intégration européenne fait apparaître un éventail croissant de biens collectifs, dont une part croissante appartient à la catégorie des ressources communes, et non plus des biens de club, rendant les problèmes d'action collective européenne de plus en plus compliqués à gérer. Enfin la construction européenne se trouve à un point clé où les procédures de décision doivent tenir compte de ces complications, la crise de la zone euro étant l'illustration des limites de la gouvernance européenne tant qu'elle ne sait pas traiter convenablement ces questions de gestion de biens collectifs.What are “European collective goods” ? This article proposes an answer in three parts. First European collective goods are created by political decisions. Second the European integration process has created a growing spectrum of collective goods, the biggest part of them belonging to the category of common resources instead of club goods, and are making European collective action problems more and more complex. Finally, the European integration process is in a key situation where these complexities need to be taken into account, and the eurozone crisis is the illustration of the limits of European governance that cannot be overtaken so long as collective goods issues are not properly handled.
- The European common good : an economist's perspective - Jacques Le Cacheux p. 108-115 La notion de bien commun n'est pas familière pour les économistes, qui utilisent plus volontiers les concepts de biens collectifs ou de « biens club ». Dans le contexte de l'Union européenne, les progrès accomplis en matière d'intégration des marchés et d'unification monétaire ont renforcé les interdépendances entre États membres, rendant ainsi plus impératif le besoin d'institutions communes, pas seulement pour contraindre les gouvernements nationaux à ne pas nuire à leurs partenaires, mais pour pouvoir décider de ce qu'est le bien commun européen, de ce qu'il convient de faire pour le poursuivre, et des actions qu'il requiert. Comme l'a montré la gestion des crises récentes – la Grande récession de 2009, la crise des dettes souveraines entamée en 2010 et la récente crise des migrants --, le traité de Lisbonne n'a pas institué de procédures de prise de décision collective efficaces et le budget européen est aujourd'hui trop rigide, trop restreint et insuffisamment financé pour permettre de faire face aux défis que pose le bien commun européen.Economists tend to ignore the notion of common good, and focus instead on collective or club goods. In the European Union context, the progress made in the market integration and the monetary union has strengthened interdependencies amongst member states, thus reinforcing the need for common institutions, not only to constrain national governments not to do things that may harm partner countries, but also to decide on what the common good is, what actions it requires and how to collectively act for its further development. As shown with the management of the recent crises—the Great Recession of 2009, the sovereign debt crisis starting in 2010, and the more recent migrant crisis—the Lisbon Treaty did not introduce appropriate and efficient collective decision-making procedures, while the European budget is clearly too rigid, too small and insufficiently funded to face the challenges posed by the European common good.
Tribunes
- L'identité européenne de défense : illusions et réalités - Claude Nigoul p. 117-135
- Something Important Escapes Us - Ryszard Piasecki, Jan Woroniecki p. 136-160 Jusqu'à aujourd'hui, nous avons l'Union européenne sans les Européens. La majorité des citoyens de l'UE traite l'adhésion d'une manière instrumentale (Schengen, Erasmus, fonds européens, etc.). L'attachement à l'UE doit être établi et consolidé. Il va acquérir une importance clé si nous voulons que l'UE joue un rôle important et affirmé sur la scène internationale. En fait, l'UE attire des gens de l'extérieur et se soucie peu de son image auprès de ses propres habitants. De nombreux experts perçoivent ce problème en ce qui concerne l'avenir de l'UE. Une avancée pourrait peut-être venir d'un progrès dans le sens d'une union politique, comme aux États-Unis après la proclamation de l'indépendance, et simultanément d'une union sociale fondée sur des obligations communes qui découleraient de la citoyenneté européenne.Till today we have the European Union without Europeans. The majority of EU citizens take membership in an instrumental manner (Schengen, Erasmus, European funds etc.). Attachment to the EU needs to be established—and consolidated. It is going to acquire key significance if we want the EU to play an important and assertive role on the international scene. In fact, EU attracts people from the outside and cares little for its image among its own inhabitants. Many experts perceive this problem in regard to the EU future : perhaps in order to make a breakthrough EU should go in the direction of a political union—just like the USA after the proclamation of independence—and simultaneously towards a social union based on common obligations which stem from the European citizenship.
Chronique
- La vie politique en Europe et dans le monde - Jean-Pierre Gouzy p. 161-185
Note de lecture
- Note de lecture - Hartmut Marhold p. 187-191