Contenu du sommaire : La Tunisie
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 156, janvier 2016 |
Titre du numéro | La Tunisie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Entre fidélité et réconciliation, quelle place pour la politique dans la Tunisie révolutionnaire ? - Leyla Dakhli p. 7-16 Cet article se propose d'explorer la situation de la Tunisie révolutionnaire de 2015, en prenant pour point de départ les discussions relatives à la loi sur la réconciliation économique proposée par le gouvernement d'Habib Essid. Ces discussions mettent en relief les jeux politiques et les tensions sur l'interprétation du changement en cours depuis 2010-2011. Ils permettent de qualifier la séquence actuelle de « restauration » au sein du processus révolutionnaire.The article explores the situation of Revolutionary Tunisia in 2015 on the basis of the debates regarding the law for economic reconciliation drafted by the current government. The debates highlight the political games and tensions concerning the interpretation of the changes that have occurred since 2010-2011. They allow us to characterize the current period as one of “restoration” within the revolutionary process.
- Retour vers le futur : Les origines économiques de la révolution tunisienne - Amin Allal p. 17-29 Si on les a souvent citées, et parfois même ânonnées, les « origines économiques » de la révolution en restent pourtant le plus grand impensé. Pourquoi donc ? C'est à la compréhension de cette étrange ellipse que cet article tente d'œuvrer. La focalisation sur les enjeux des « règles du jeu démocratique » a pernicieusement détourné le regard de l'objectif des luttes économiques quotidiennes, des (non-)régulations qu'elles connaissent et des contradictions qu'elles produisent en termes politiques. Pourtant, avec la fin du « guichet unique » du rcd, le parti tentaculaire de Ben Ali, la question de la protection sociale, et les chocs qu'elle connaît, est toujours vivace.Whilst often mentioned and sometimes hammered out, the “economic origins” of the revolution have mostly been ignored. Why is that so ? The article attempts to explain this surprising oversight. The emphasis on what was at stake with “the democratic ground rules” has perniciously diverted attention away from the daily economic struggles and their (lack of) regulations as well as the political contradictions they entail. Yet, with the end of the “single window approach” of the Democratic Constitutional Rally (Ben Ali's all-pervasive party), the question of welfare protection and the various shocks it has received remains acute.
- La constitution : élaboration et contenu - Mouldi Riahi p. 31-53 Issue des élections du 23 octobre 2011, l'Assemblée nationale constituante a exprimé dans la nouvelle Constitution la volonté du peuple tunisien de rompre avec l'injustice, l'iniquité et la corruption, et de fonder un État de droit sur les valeurs de la liberté, de la dignité et de la justice. Une Tunisie attachée à son identité et à sa culture dans un esprit d'ouverture et de tolérance, aux valeurs humaines et aux principes universels des droits de l'homme ; un régime républicain démocratique et participatif dans le cadre d'un État civil ; un système politique mixte et un gouvernement responsable devant l'Assemblée des représentants du peuple ; un pouvoir judiciaire indépendant garanti ; un pouvoir local fondé sur une véritable décentralisation ; cinq instances constitutionnelles qui veillent à la mise en œuvre de tous ces choix, à leur pérennité et aux droits des générations futures. Tels sont les fondements de la nouvelle Constitution.The National Constituent Assembly that came out of the 23 October 2011 elections has expressed in the new Constitution the desire of the Tunisian people to break with injustice, iniquity and corruption, and to found a state based on the rule of law and the values of liberty, dignity and justice. A country attached to its identity and its culture while embracing a spirit of openness and tolerance, human values and the universal principles of the rights of man ; a democratic and participatory republican regime within the framework of a civil state ; a mixed political system with a government accountable to the Assembly of the representatives of the people ; the guarantee of an independent judiciary ; local powers based on genuine decentralisation ; five constitutional bodies to watch over the implementation of these choices, to ensure their persistence and the rights of future generations. Such are the cornerstones of the new Constitution.
- Un État « civil » peut-il être religieux ? Débats tunisiens - Jean-Philippe Bras p. 55-70 La place de l'islam dans la Constitution a été au centre des débats constitutionnels tunisiens entre 2011 et 2013. Pour surmonter les incompatibilités entre le programme constitutionnel d'Ennahdha se proposant d'islamiser les institutions et le droit, et celui des partis séculiers qui visait à garantir une nette séparation entre État et religion, les constituants ont eu recours à deux principaux procédés : l'incertitude sémantique, en reconduisant l'article 1er de la Constitution de 1959 dans ses ambiguïtés rédactionnelles ; la créativité conceptuelle, à travers l'émergence d'une nouvelle notion, l'« État civil », que les deux camps pouvaient s'approprier, mais dans des significations qui pouvaient tantôt converger, tantôt diverger.The place of Islam within the Constitution polarised the constitutional debates in Tunisia between 2011 and 2013. In order to overcome incompatibilities between Ennahdha's constitutional programme, which proposed to islamize the institutions and the law, and the proposals of the secular parties, which intended to guarantee a clear separation between the State and religion, the constituents used two main methods. On the one hand, “semantic uncertainty” which meant keeping article 1 of the 1959 Constitution with all its linguistic ambiguities ; on the other hand, “conceptual creativity” through the emergence of the new notion of a “civil State” that both camps could appropriate while giving it either convergent or divergent meanings.
- Système électoral et révolution : la voie tunisienne - Éric Gobe p. 71-82 La volonté affichée par les acteurs de la « révolution » tunisienne de trouver la meilleure adéquation entre « peuple révolutionnaire » et « peuple électeur » les a incités à choisir un mode de scrutin proportionnel au plus fort reste et sans seuil électoral pour élire une assemblée nationale constituante. À l'usage, cette option, en interdisant au parti islamiste Ennahdha d'emporter la majorité des sièges au sein de cette assemblée, est apparue comme un facteur d'équilibre entre forces politiques, ce qui a poussé les députés à reconduire le même mode de scrutin pour les élections législatives d'octobre 2014.The determination of the actors of the Tunisian “revolution” to find the best possible match between the “revolutionary people” and the “voting people” has led them to choose a proportional voting system with highest remainders and without electoral threshold to elect the national constituent Assembly. In practice, by preventing the islamist party Ennahdha from winning the majority of seats in the Assembly, this choice has been seen as a balancing factor between the different political forces, and this has led the members of Parliament to renew the same ballot system for the October 2014 general election.
- La transition tunisienne : du compromis démocratique à la réconciliation forcée - Nadia Marzouki p. 83-94 Célébrée comme le seul succès du Printemps arabe, la Tunisie a réussi à faire face à de nombreux défis de la période post-révolutionnaire grâce à la capacité des principaux acteurs politiques et sociaux à formuler des compromis. Il faut toutefois examiner de façon critique les multiples formes de compromis qui caractérisent la transition tunisienne et leurs implications pour le pluralisme démocratique. Cet article analyse les transactions politiques institutionnelles qui ont eu lieu depuis 2011 en montrant qu'elles ont été marquées par deux façons d'envisager le compromis, l'affrontement raisonné et l'endiguement. Ce faisant, il cherche à montrer comment, entre 2011 et 2015, l'opposition tant débattue entre islamistes et sécularistes a été remplacée par une autre opposition, plus déterminante, entre adeptes du pluralisme démocratique et partisans du consensus forcé.Celebrated as the only success of the Arab Spring, Tunisia has managed to deal with numerous challenges in the post-revolutionary period, thanks to the ability of the main political and social actors to frame compromises. However, the numerous forms of compromises that have characterized the Tunisian transition as well as their implications for democratic pluralism should be examined critically. The article analyses the institutional political transactions that have occurred since 2011 and shows that they have been marked by two different ways of envisaging compromise : reasoned confrontation or containment. It shows how, between 2011 and 2015, the much debated opposition between islamists and secularists has been replaced by a different, more decisive opposition between the partisans of democratic pluralism and the supporters of forced consensus.
- Ennahdha : démocratie et pluralisme - Fayçal Amrani p. 95-106 Cet article s'intéresse à deux éléments centraux de la doctrine politique d'Ennahdha : le pluralisme et la démocratie. Il montre, en s'appuyant sur les documents officiels du mouvement et les écrits de son leader, que la conception d'Ennahdha concernant ces deux concepts souffre de multiples ambiguïtés. Ils sont, à certains égards, vidés de leur substance et ne servent parfois qu'à justifier, auprès de la base militante notamment, des positions politiques compromettantes.The article examines two central elements of the political doctrine of Ennahdha : pluralism and democracy. By using the official documents of the party and the writings of its leader, it shows that Ennahdha's understanding of these two concepts is full of ambiguities. In certain respects, they have been deprived of their substance and serve only to justify certain compromising political positions to the party grassroots.
- Armée, police et justice dans la Tunisie contemporaine - Malik Boumediene p. 107-118 L'armée, la justice et la police constituent ce que l'on peut appeler le pouvoir sécuritaire, garant de l'ordre public et de la sécurité. Or, en Tunisie, le pouvoir sécuritaire fut, jusqu'à la fin du régime Ben Ali, avant tout un instrument au service du pouvoir politique. La chute du président Ben Ali va alors avoir pour conséquence un mouvement de démocratisation de ce pouvoir. Cependant, certains éléments poussent à s'interroger sur ce mouvement qui risque fort d'être remis en cause ou sérieusement ralenti.The army, the police and the judiciary represent what we can call the security forces, in charge of guaranteeing public order and security. Yet, in Tunisia, until the end of the previous regime, the security forces were essentially at the service of the political power. Consequently, the fall of President Ben Ali entailed a process of democratisation of these forces. However, certain factors raise questions about this process which might be challenged or significantly slowed down.
- Les rapports de genre au cœur de la révolution - Abir Kréfa p. 119-136 Rompant avec les tropismes médiatiques et déplaçant la focale des « femmes » vers les rapports de genre et de sexualité, l'article explique la distribution des places et des postes par les cultures et structures organisationnelles. Il met en évidence les renouvellements générationnels chez les féministes et montre que la focalisation sur les droits juridiques a éclipsé la question sociale, dont les effets sont fortement genrés.Breaking with the usual media tropisms and shifting the focus from “women” to gender and sexual relations, the article explains the distribution of positions and jobs on the basis of organisational cultures and structures. It illustrates the generational renewal among feminists and shows that the emphasis on legal rights has eclipsed the social question, whose effects are strongly gendered.
- Au-delà de l'exception tunisienne : les failles et les risques du processus révolutionnaire - Choukri Hmed p. 137-147 L'exceptionnalité de la révolution tunisienne est célébrée dans le monde occidental et attestée par le pacifisme relatif de sa transition comme par les succès accumulés dans le champ politique. Cet article montre cependant qu'au-delà de ce constat quatre enjeux menacent le processus révolutionnaire et entravent la dynamique de transition : le terrorisme et les défis sécuritaires, le modèle économique, la démocratie sociale et la justice transitionnelle.The exceptionalism of the Tunisian revolution has been celebrated in the Western world and evidenced by the relatively peaceful nature of the transition and the many achievements in the political domain. The article shows that, beyond that, four challenges threaten the revolutionary process and hinder the transitional dynamics : terrorism and security challenges, the economic model, social democracy and transitional justice.
Chroniques
- Les élections israéliennes du 17 mars 2015 : vote de classe, vote ethnique et vote identitaire - Philippe Velilla p. 149-158
Repères étrangers
- Repères étrangers : (1er juillet – 30 septembre 2015) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 159-170
Chronique constitutionnelle française
- Chronique constitutionnelle française : (1er juillet – 30 septembre 2015) - Pierre Avril, Jean Gicquel p. 171-195