Contenu du sommaire : Controverses et communication
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
---|---|
Numéro | no 73, 2015/3 |
Titre du numéro | Controverses et communication |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Romain Badouard, Clément Mabi p. 11-14
- Sélection bibliographique - p. 15-17
I. La mise en public des controverses
- La médecine et le « tribunal du public » au XVIIIe siècle - Jean-Baptiste Fressoz p. 21-30 Cet article étudie la figure du « tribunal du public » dans le champ médical du XVIIIe siècle. En se centrant sur la controverse de l'inoculation variolique, il montre que le « public » possède des fonctions multiples : établir les réputations médicales, produire et certifier des faits et juger les innovations. En annonçant l'entrée dans une ère nouvelle de réflexivité technologique et en promouvant l'heuristique des controverses sociotechniques, la littérature contemporaine sur la démocratie technique réactive, à deux siècles d'écart, présente la vision d'une sphère publique dont la fonction critique s'étendrait aux sciences et aux techniques.Medicine and the “public tribunal” in 18th century France
This article investigates the role of the “public tribunal” in the medical field in 18th century France. Focusing on the controversy surrounding smallpox inoculations, we show that the “public” played multiple roles : it established medical reputations, produced and certified facts and made judgments about innovations. Two hundred years later, as it heralded the advent of a new era of technological reflexivity and began to promote the heuristics of socio-technical controversies, our contemporary literature on reactive technical democracy offers a view in which the critical function of the public sphere extends to science and technology. - Controverse et disqualification médiatique des « climato-sceptiques » en France - Jean-Baptiste Comby p. 31-38 Les controverses rythmant la carrière des problèmes publics mettent souvent en jeu des principes de légitimation concurrents. Les scientifiques n'étant pas en surplomb des batailles normatives qui agitent le monde social, ils participent à, et constituent même une ressource majeure dans cette compétition dont l'enjeu est de définir ce qui est audible, crédible et important. L'analyse sociologique de la fabrique d'un consensus climatique dans les médias généralistes français suggère ainsi que, même si elle est généralement présentée comme neutre, la parole publique des climatologues n'est pas apolitique. Celle-ci résulte en effet de logiques sociales qui l'amènent à servir certaines visions du problème plus que d'autres. Les scientifiques gagneraient alors à prêter attention aux éclairages des sciences sociales afin de maîtriser davantage les relations « science-société », c'est-à-dire, aussi, le sens politique de leurs participations aux débats publics.Controversy and the disqualification of “climate sceptics” in the French media
The controversies that regularly surround public issues often bring in competing principles of legitimacy. Scientists are not an Olympian presence far above the normative battles being waged in society : they take part, and are even a leading resource, in the competition to define what is audible, credible and important. Sociological analysis of the way consensus is built up in the mainstream media in France suggests that, even though what scientists say in public is usually presented as neutral, it is not apolitical, because it stems from patterns of social logic that prompt them into serving certain views more than others. Scientists could therefore benefit from findings in the social sciences to gain a better grasp of relationships between science and society, in other words of the political significance of their participation in public debates. - L'art narratif dans les controverses globales - Mathieu Quet p. 39-44 Cet article étudie la dimension narrative des analyses de controverse. Ce faisant, il s'intéresse à la « mise en récit » du monde social opérée dans ces analyses. La globalisation croissante des controverses analysées par les STS (OGM, changement climatique, accès aux médicaments) et « l'extension du domaine de la controverse » qui en résulte confrontent les analystes à de nouveaux enjeux, ou exacerbent des enjeux préexistants : comment tenir compte des multiples espaces de déroulement des débats ? Comment intégrer les différents acteurs de la controverse ? Comment rendre compte de l'évolution argumentative et thématique permanente des conflits ? Comment faire justice à l'hétérogénéité temporelle de ces controverses ? La réponse à ces questions impose de prendre au sérieux l'intrication du méthodologique et du narratif dans la pratique contemporaine de l'analyse des controverses globales.The art of narrative in global controversies
This article investigates the narrative dimension in analyses of controversy, in other words, the way these analyses create a narrative of society. With the increasing globalisation of controversies analysed by the STS (e.g. GMOs, climate change or access to medication) and the “widening field of controversy” that results, analysts are having to deal with issues that are either new or intensifying : how, then, can we take all the multiple spheres where debates occur into consideration, and all of the different parties to a controversy ? How should we handle the way arguments evolve and the recurrent themes of disputes ? How can the sheer heterogeneity of debates over time be treated in all fairness ? To answer these questions, serious attention needs to be given to the interweaving of methodology and narrative in contemporary analyses of global controversies. - Les controverses comme apprentissage - Cecile Meadel p. 45-50 Les controverses sont devenues un outil heuristique particulièrement puissant pour la compréhension du monde contemporain dont la pédagogie se développe et s'affine depuis plus de trente ans. L'article explique les quatre grands axes de réflexion explorés par le cours dispensé à l'École des mines de Paris, pionnier en la matière. Ce cours opère une sorte de traduction pratique entre les grands principes de la sociologie de la traduction et leurs applications à des cas spécifiques.Controversy as a means of learning
Controversy has become a powerful heuristic tool to understand the contemporary world, for which teaching methods have been developed and refined for over thirty years. This article sets out the four main lines of thought explored in the pioneering course offered at the École des Mines in Paris. This course effectively translates the major principles of the sociology of translation into practical applications to specific cases. - Enseigner les controverses en école de journalisme - Romain Badouard p. 51-54
- « On raconte des histoires aux gens sur la science ». Le journalisme scientifique à l'épreuve des controverses : Entretien - Sylvestre Huet p. 55-59
- Les musées des sciences comme lieux politiques : la représentation des nanotechnologies en Europe - Brice Laurent p. 60-67 Les musées des sciences produisent des représentations de la science et de ses publics. Ils ont été invités à intervenir dans les nanotechnologies dans le cadre de programmes de politique publique d'ampleur mondiale censés développer ce domaine. Cet article examine la situation des musées des sciences européens. Il commence par examiner le cas d'un projet européen dans lequel étaient impliqués des musées des sciences travaillant sur les nanotechnologies. Cet exemple illustre un « impératif démocratique » auquel se retrouvent confrontés les musées des sciences européens, et qui implique une transformation de leur rôle public. Il offre une piste pour analyser l'évolution actuelle de la perspective de la communication scientifique européenne – qui passe d'« une compréhension de la science par le public » à « une compréhension scientifique du public » – et de la construction politique qu'implique cette évolution.Representing nanotechnologies: science museums as political spaces
Science museums, which produce representations of both science and the public, are being asked to become involved in nanotechnologies under public policies at the global scale that aim to develop this field. This article focuses the situation for science museums in Europe, beginning with a discussion on a European project that involved museums working on nanotechnologies. This example illustrates a “democratic imperative” that European museums are required to address, and which implies a major change in their public role. It puts forward a different approach to analyses of current shifts in perspectives on scientific communication in Europe – which is moving from “scientific understanding among the public” to “scientific understanding of the public” – and of the political construction these changes imply.
- La médecine et le « tribunal du public » au XVIIIe siècle - Jean-Baptiste Fressoz p. 21-30
II. Communication et rapports de pouvoir dans les controverses
- La communication publique sanitaire à l'épreuve des controverses - Caroline Ollivier-Yaniv p. 69-80 À partir d'une conception intégrative de la communication et des médiations dans l'action publique, l'article interroge les transformations du travail de gouvernement sous l'emprise des controverses, autrement dit de la critique ou de la contestation publiques, dans des arènes diversifiées, des modalités de l'action publique française en matière de santé. L'analyse de la spécialisation de la « communication de crise » et du développement interministériel de la « gestion de crise » permet de mettre en évidence comment et pourquoi les acteurs publics se dotent progressivement d'instruments renouvelés. L'article souligne également les limites de ce phénomène : la contradiction temporelle entre la complexité des circuits de validation de la communication institutionnelle et la réactivité consubstantielle au fonctionnement des réseaux sociaux ; les difficultés d'élaboration de discours unifiés compte tenu de la complexité des sujets et de l'instabilité des savoirs scientifiques ; les frottements, et parfois même l'irréductibilité, entre les socialisations administratives, politiques mais aussi scientifiques, médicales et communicationnelles des acteurs impliqués dans l'identification et le traitement des controverses. Dans la saisie et le traitement des controverses par les acteurs publics, les principes et les compétences caractéristiques de la fonction communication apparaissent en définitive subordonnés aux décisions politiques et aux savoirs biomédicaux.Controversies over public communication on health
Based on an integrative conception of communication and mediation in public policy delivery, this article discusses the changing patterns of French government action in situations of controversy, in other words of public criticism or protest, in many different arenas, of public policy delivery in the field of health. In our analysis of the increasing specialisation of “crisis communication” and the development of “crisis management” among ministries, we show how and why public players are gradually adopting new instruments. We also show the factors that limit these changes : the time factor that produces a contradiction between the complexity of validation processes for institutional communication and the concomitant reactivity to social networks ; the difficulty of producing a unified discourse given the complexity of the topics concerned and the instability of scientific knowledge ; the friction, and sometimes the irreducible difference, between patterns of administrative, political but also scientific, medical and communicational socialisation among those involved in identifying and treating controversies. From the analysis of the way public players grasp and treat controversies, the principles and competences characteristic of communication functions emerge as ultimately subordinate to political decision- making and biomedical knowledge. - Lobbying et corruption, les deux faces de la capture du pouvoir - Benjamin Sourice p. 81-82
- La participation publique, nouvelle servitude volontaire ? - Guillaume Gourgues p. 83-89 La participation publique est-elle en mesure de canaliser les débordements conflictuels liés aux controverses publiques ? C'est l'éternelle question que semblent avoir remis au gout du jour les évènements de Notre-Dame-des-Landes ou de Sivens, presque quarante ans après l'apparition des premières procédures légales de débat public. Pour comprendre la persistance paradoxale d'une participation cherchant à étouffer la violence, nous proposons de revenir brièvement sur la manière dont la production de dispositifs participatifs confronte les individus « participants » à un dilemme caractéristique de la gouvernementalité contemporaine : pouvoir participer affaiblit-il ma capacité d'être entendu ? Enchâssé dans ce dilemme, et confronté à la vigueur protestataire de la démocratie, le projet de pacification participative ne peut être qu'aporétique, et sans cesse « redécouvert » par les gouvernants.Public participation, a new kind of voluntary servitude?
Does public participation have the capacity to channel excesses when controversy boils over into conflict ? This is a recurrent question that has come back onto the agenda with the events around Notre-Dame-des-Landes and the Sivens dam, almost forty years after the first legal procedures appeared for public debates. To understand the paradoxical persistence of a form of participation that tries to keep the lid down on violence, we return briefly to the way in which the production of participatory systems brings “participating” individuals up against a characteristic dilemma of contemporary ideas on governance : does the fact that participation is possible weaken my ability to make my voice heard ? Ideas of participatory pacification, embedded as they are in this dilemma and confronted with the vigour of protest in a democracy, can only be aporetic and constantly “rediscovered” by those who govern. - De la quête d'efficacité en contexte participatif : la démocratie technique et ses contestations - Sara Angeli Aguiton p. 90-97 Ces deux dernières décennies, à l'échelle européenne, les technologies émergentes ont fait l'objet d'une profusion de dispositifs participatifs. Cette tendance a contribué à la diffusion de la « démocratie technique » dans les institutions et les industries de pointe, ainsi qu'à la professionnalisation des chercheur.se.s en sciences sociales, dont le rôle social nouveau est d'organiser les débats « sciences-société ». Prenant la biologie synthétique comme cas d'étude, cet article propose une analyse réaliste de l'efficacité poursuivie par ces différent.e.s acteur.rice.s, considérant que s'ils.elles s'investissent dans un effort participatif, c'est moins par idéal démocratique que par intérêt. L'entrée par les intérêts permet d'identifier les militant.e.s du participatif, ceux. elles qui instrumentalisent la démocratie technique pour voir la biologie synthétique être développée sans protestation, et les institutions pour qui les dispositifs participatifs ne constituent qu'une ressource stratégique parmi d'autres instruments. Ainsi, nous verrons que loin d'être aplanis et symétrisés, les rapports de force traversent et englobent la démocratie participative, ruinant sa promesse constituante : la démocratie technique n'épuise ni les inégalités de pouvoir ni les conflits, ce qui constituait pourtant ses deux horizons politiques.On the quest for effectiveness in participatory contexts: a discussion on technical democracy in the light of protestIn the last twenty years, participatory schemes in the field of emerging technologies have proliferated throughout Europe. This has contributed to the dissemination of the “technical democracy” idea among institutions and hi-tech industries, and also to the professionalization of social science researchers in their new social role as organisers of “science and society” debates. Taking synthetic biology as a case study, this article offers a realistic analysis of the quest for effectiveness pursued by the different players, on the assumption that their involvement in a participatory effort is motivated more by interest than by the pursuit of a democratic ideal. By taking interest rather than ideals as a starting point, it becomes possible to identify, among those involved, the activists, the players who instrumentalise technical democracy to ensure that synthetic biology can develop without protest, and the institutions for which participatory schemes are simply one strategic resource among other instruments. We then find that instead of evening out the balance of power, participatory democracy is pervaded and encompassed by relationships of power that destroy its constituent promise : technical democracy thus achieves neither of its political goals of abolishing conflict and doing away with the unequal distribution of power.
- Le confinement des controverses comme objet d'étude - Morgan Meyer p. 98-100
- Le fleuve et ses berges : la sociologie des controverses, ou la négation de l'existence - Romain Huet, Olivier Sarrouy p. 101-108 Ce texte vise à une critique de la sociologie des controverses au nom de son incapacité à rendre compte des enjeux existentiels des luttes contemporaines (ZAD, mouvements antifas, etc.). Il invitera ainsi à recentrer le regard de l'ethnographe ou du sociologue sur la dimension sensible de l'expérience politique plutôt que sur ses enjeux stratégiques.A river and its banks: the sociology of controversy, or the denial of existence
This text offers a critique of the sociology of controversy in response to its inability to chart the existential issues at stake in contemporary battlefields such as antifascist movements. We suggest that ethnography or sociology should shift its focus from strategic issues to political experience as it is sensed.
- La communication publique sanitaire à l'épreuve des controverses - Caroline Ollivier-Yaniv p. 69-80
III. La pratique scientifique à l'épreuve des controverses
- La dimension communicationnelle des controverses - Joëlle Le Marec, Igor Babou p. 111-121 Il nous semble que les recherches en communication peuvent entrer en dialogue avec les travaux sur les controverses de deux manières différentes. En premier lieu, on peut prêter une attention particulière à la circulation des discours et aux pratiques médiatiques, et tenter de discuter les conceptions de l'espace social qui les sous-tendent. On peut aussi, c'est ce que nous défendons ici, s'appuyer sur le fait que ces phénomènes ne sont pas extérieurs à nos propres pratiques de recherche, et profiter de l'occasion pour nous rendre plus sensibles à nos propres conceptions de ce que sont des espaces sociaux. Il s'agirait d'une part de renforcer la théorisation et l'analyse empirique d'une politique des textes et des documents déjà présente dans l'analyse des médias en sciences de l'information et de la communication, grâce à l'héritage littéraire et linguistique de notre discipline. Il s'agirait d'autre part de s'inscrire plus, d'un point de vue sociologique, dans la théorisation et l'analyse empirique de la signification des présences et des engagements physiques (saisis grâce à l'enquête) au sein et entre les espaces sociauxThe communicational dimension of controversy
We believe that research on communication and research on controversy should engage in a dialogue in two different ways. First, through a particular focus on the circulation of discourse and practice in the media, with discussions of the underlying conceptions of the social sphere. Secondly, and this is the main thrust of our article, given that these phenomena lie within the scope of our own research practices, such a dialogue should be taken as an opportunity to strengthen our awareness of our own conceptions of what constitutes social space. The aim would be, firstly, to strengthen both theory and empirical analysis of a policy for texts and documents that is already addressed in analyses of the media and the information and communication sciences, thanks to the literary and linguistic heritage of our discipline. Secondly, the idea would be to delve more deeply, from the sociological angle, into theoretical discussions and empirical analyses of the meaning of physical presence and involvement (recorded through surveys) within and between social spaces. - Comment faire preuve en régime de controverse ? Retour sur l'histoire de l'évaluation des OGM - David Demortain p. 122-128 Comment les tests animaux sont-ils devenus aussi controversés que les OGM qu'ils servent à évaluer ? Ils le sont car ils ont été conçus par des acteurs engagés dans la controverse sur les OGM pour peser sur celle-ci. L'histoire des méthodes d'évaluation des OGM retracée ici renseigne sur la limite du langage scientifique, celui de la preuve et du modèle, lorsque l'objet en question est publiquement et durablement investi d'hypothèses hétérogènes, par volonté de le valoriser ou de dévaloriser autant que de l'évaluer.The problem of proof in a context of controversy: an example from the history of GMO evaluations
How has animal testing become as controversial as the GMOs that are evaluated by testing them on animals ? This has happened because the tests are designed by players involved in the GMO controversy in order to influence its outcome. The history of GMO evaluation methods outlined here tells us much about the limitations of the scientific language of proof and model, when its objet is publicly and durably pervaded by very different assumptions that are deliberately used to promote or undermine as much as to evaluate. - Ce que parler des controverses climatiques veut dire - Lionel Scotto D'Apollonia p. 129-136 Cet article analyse l'influence de l'expertise du Giec sur les processus communicationnels régissant les trajectoires des controverses dans les différents espaces de médiation, scientifiques et publics. Il y a d'un côté l'existence de points de controverse nourrissant la recherche et d'un autre côté la façon dont les scientifiques en parlent : qu'est-ce que parler des controverses veut dire ? Partant d'une conceptualisation des controverses climatiques comme un espace social multidimensionnel, un « mille-feuille discursif », cet article analyse les difficultés de régulation de l'expertise climatique et aborde les stratégies discursives des climatologues porteurs de l'alerte climatique dans l'espace public se traduisant par à une forme de « dissonance communicationnelle » conséquence du caractère résolument moderne du GIEC d'une science parlant au pouvoir.What talking about the climate controversy really means
This article analyses the influence that IPCC experts have on the communication processes governing the pathways taken by controversies through the various scientific and public areas of mediation. On the one hand we have points of controversy that provide material for research, and on the other hand, we have the way scientists talk about them. What does talking about a controversy really mean ? Starting from a conceptualisation of climate controversies as a multi-dimensional social space, a “layer-cake” of many kinds of discourse, this article analyses the difficulty of regulating expertise on climate and discusses the discursive strategies of climatologists who become climate whistle-blowers in the public sphere, strategies that, as a result of the unprecedented modernity of “science talking to power” that characterises the IPCC, translate into a kind of “communicational dissonance”. - Les nanotechnologies : genèse, vie et destin d'une controverse - Jean Caune p. 137-145 Les nanosciences et les nanotechnologies (NST) se situent à deux niveaux : comme domaine de recherches et de pratiques scientifiques et comme fait de discours. Avant de devenir un domaine particulièrement dynamique de la microélectronique, les nanotechnologies ont été l'objet de controverses sur trois plans distincts : celui de leur définition scientifico-technique ; celui du financement de la R&D par les collectivités locales et enfin celui d'une « société du risque ». Mon propos ici se développe à propos des logiques et des discours d'acteurs et des débats qu'ils ont suscités. Les « formations discursives », sur les « nanos », pour reprendre une formulation de Michel Foucault, seront examinées à partir des objets de discours, de leurs conditions d'existence et de communication ; des thématiques qu'elles développent et des concepts qui les éclairent.Nanotechnologies: the origins, life and future of a controversy
Nanoscience and nanotechnologies (NST) operate on two levels : as a field of scientific research and practice, and as a discursive fact. Before they became a particularly dynamic field of micro-electronics, nanotechnologies were already raising controversy in three distinct areas : their scientific and technical definition, local government financing of R&D and the “risk-taking society”. My argument here develops around the different kinds of logic and discourse of the players involved and the debates they raise. “Discursive formations” on “nanos”, to quote Michel Foucault, are explored from the angle of the objects of discourse, the conditions of their existence and communication about them, the themes they develop and the concepts that enable us to grasp them. - Figure du lanceur d'alerte : le cas du Mediator : Entretien - Irène Frachon p. 146-150
- Consommation et controverse : le cas de l'obsolescence programmée - Thierry Libaert p. 151-158 Si le sujet de l'obsolescence programmée est apparu dans les années 1930, ce n'est que depuis le début des années 2010 qu'il s'est installé dans l'espace public. Il s'agit ici d'une controverse tant environnementale que sociale et économique faisant intervenir une multiplicité d'acteurs émanant de catégories bien différentes. L'auteur décrit ici une expérience liée à la conduite d'un projet relatif à la lutte contre l'obsolescence programmée qu'il a piloté au sein du Comité économique et social européen.Controversies over consumption: the example of planned obsolescence
Although the topic of planned obsolescence first emerged in the 1930s, it did not become firmly established in the public mind until around 2010. The controversy in this case is at once environmental, social and economic and involves a very wide array of players from very different backgrounds. In this article, the author describes his experience of conducting a project, through the European Economic and Social Committee, to fight planned obsolescence. - L'engagement du chercheur à l'heure de la fabrication numérique personnelle - Laurence Allard p. 159-167 Cet article déplie le pourquoi et le comment d'un engagement de chercheure qui tente de rompre avec la posture équilibriste du sociologue se devant, d'une part, de décrire en toute neutralité les logiques des acteurs du champ d'innovation des objets connectés, en observer les codes, les scènes et les rites, en cartographier les controverses et d'autre part, qui souhaite éviter de se complaire plus avant dans un discours techno-critique surplombant qui n'a pas de réelle portée sur faits et concepts analysés. À mesure que se développe l'extension de la connexion et du calcul à toute chose avec l'internet des choses et le Big Data, il nous a semblé nécessaire de contribuer à fabriquer un autre monde connecté possible autour des capteurs communicants et des données de mesures environnementales. En pendant au paradigme de la controverse, nous invitons à explorer la voie du contre-faire, conçu comme un « faire autrement » qui viendrait prolonger la capacitation apportée dans l'Internet de l'expression au profit d'une citoyenneté data-informed à l'heure du tournant post-digital.A researcher's commitment in the age of individual digital creation
This article dissects the how and why of a researcher's commitment when s/he attempts to break away from the balancing act that sociologists have to perform in order to produce neutral descriptions of the logic obeyed by those involved in producing innovation in the field of connected objects, observe the codes, scenes and rituals used and map out the controversies that arise, while also trying not to indulge themselves in an overweening form of techno-critical discourse that is actually irrelevant to the concepts and the realities being analysed. As connectedness and calculation become all-pervasive with Big Data and the “internet of things”, we believe there is a need to help bring a different connected world into being, based on communication-capable sensors and environmental measurement data. To counterbalance the paradigm of controversy, we suggest, now that a post-digital turning point is upon us, the need to explore the idea of counter-action, in the sense of “doing things differently”, as a way of furthering the power of expression built into the internet to the benefit of data-informed citizenship. - Les chercheurs au cœur de l'expertise - Laura Maxim, Gérard Arnold p. 168-169
- La dimension communicationnelle des controverses - Joëlle Le Marec, Igor Babou p. 111-121
IV. Les technologies de communication comme terrain et objet de controverses
- Des controverses sociotechniques aux discours métajournalistiques - Juliette de Maeyer, Sylvain Malcorps p. 171-180 Désirant mieux comprendre ce que le journalisme est et devient dans un contexte socio-temporel donné, nous proposons de récolter et d'analyser les discours portés sur le journalisme (les discours métajournalistiques). Dans cet article, nous avançons que ces discours peuvent être compris comme des « matières à préoccupation », et étudiés grâce à l'analyse des controverses. En profitant de la matérialité nativement numérique des discours en ligne et en suivant les traces laissées par les liens hypertextes, l'analyse de controverses permet de montrer comment des réseaux d'enjeux se déploient sur le web. De cette manière, il est donc possible de rendre compte de l'hétérogénéité des acteurs qui façonnent les discours métajournalistiques.From socio-technical controversy to metajournalistic discourse
In an attempt to gain a deeper understanding of what journalism is, and where it may be heading, in a given socio-temporal context, the aim of our study is to collect and analyse types of discourse on journalism (metajournalistic discourse). In this article, we argue that this kind of discourse can be understood as “a topic for concern” and investigated through analyses of controversy. Thanks to the natively digital substance of online discourse and by following up the traces left by hyperlinks, analyses of controversies can show how networks around issues become deployed over the web. This makes it possible to identify the diversity of those who shape metajournalistic discourse. - Interactions en ligne sur les changements climatiques. Dynamiques d'échanges et affordances des dispositifs - Baptiste Campion, Laurent Tessier, Michaël Bourgatte p. 181-190 Internet en tant que lieu de circulation des connaissances offre au grand public des opportunités de prise de parole et d'interaction entre experts et non-experts. On y observe de nombreuses controverses sur le réchauffement climatique, prenant des formes différentes en fonction des dispositifs sociotechniques dans lesquelles elles s'inscrivent. Cet article se focalise sur trois dispositifs d'interaction en ligne (forums, espace de commentaire d'articles, discussions entre contributeurs sur Wikipedia). Les forums et les espaces de commentaires se distinguent par leurs modalités d'identification de l'expertise des participants, mais l'absence d'objectif commun et de procédure de régulation ne permet pas de produire un savoir partagé. Sur Wikipedia, les modalités de régulation humaines et automatisées permettent aux contributeurs experts et non-experts d'interagir en vue de la production de connaissance.Dynamics and affordances of interactive online discussion systems : the example of climate change
As a space for circulating knowledge, the Internet provides the public at large with opportunities for voicing their ideas and for interactions between experts and non-specialists. Online controversies over global warming abound, taking on different forms according to the socio-technical systems through which they evolve. This article focuses on three online interaction systems : forums, comments pages on press articles and discussions between Wikipedia contributors. Although forums and comments pages have rules that can identify levels of knowledge among participants, the lack of common aims and rules prevents the production of shared knowledge. Wikipedia uses rules, both human and automated, that allow experts and non-specialists to interact with a view to producing knowledge. - Les apports de la techno-sémiotique à l'analyse des controverses sur Twitter - Virginie Julliard p. 191-200 Cet article défend l'intérêt d'une démarche relevant de la techno-sémiotique dans le cadre de l'étude des controverses qui se déroulent sur Twitter. M'appuyant sur le cas de la « théorie du genre », je présente une méthode qui allie une approche qualitative telle que la sémiotique à une approche plus quantitative des corpus pour analyser la façon dont une controverse se déploie dans ce dispositif d'écriture numérique singulier. J'expose certains résultats qu'une telle démarche permet d'obtenir.Contributions of techno-semiotics to analyses of controversies on Twitter
This article argues that techno-semiotics offer a relevant approach to analyses of controversies on Twitter. Taking the example of the “gender theory” controversy, it presents a method in which a qualitative approach, semiotics in this case, is combined with a more quantitative corpus-based approach to analyse how controversies spread through this very specific system of digital writing. Several results are described to show what this approach can achieve. - Cinq questions auxquelles Google n'aura jamais fini de répondre - Guillaume Sire p. 201-208 Nous nous intéressons à cinq débats concernant le traitement de l'information effectué par le moteur Google : neutralité éditoriale, intervention manuelle, transparence de l'algorithme, incitations au favoritisme, personnalisation des résultats. Nous ne prétendons pas que ces controverses constituent des problèmes qu'il serait nécessaire et urgent de résoudre. Au contraire, nous expliquons pourquoi elles sont consubstantielles au moteur de recherche, en cela qu'elles contribuent à en faire ce qu'il est, c'est-à-dire un dispositif sociotechnique d'information et de communication qui n'est pas, et ne sera jamais, parfaitement satisfaisant du point de vue de tous. Connaître ces controverses permet au chercheur d'avoir à l'esprit certaines des limites inhérentes à l'outil qu'il utilise, et de se faire sa propre idée quant à ce qui doit/peut être fait de l'information à laquelle il accède par ce biais. Il évitera à la fois le piège qui consisterait à prétendre que « le moteur Google est irréprochable, il faut l'utiliser les yeux fermés » et celui qui consisterait à dire qu'il ne faut plus jamais l'utiliser sous prétexte qu'il existe des controverses le concernant.Five questions that Google will never really answer
Our focus here is on five debates concerning the treatment of information by the Google search engine : editorial neutrality, manual intervention, algorithm transparency, incitement to favouritism and the personalisation of results. The point we wish to make is not that these are controversies over problems that urgently require a solution : rather, we explain why they are consubstantial to the search engine itself, in that they help to make it what it is, in other words a socio-technical information and communication system that is not, and never will be, entirely satisfactory from every point of view. Knowledge about these controversies enables researchers to keep some of the inherent limitations of their tools in mind and to develop their own ideas about what should or can be done with the information they find through a search engine. They thus avoid the pitfalls of saying either that “the Google search engine is perfect and can be used without a second thought”, or that it should never be used again because it is controversial. - Edward Snowden, l'« homme-controverse » de la vie privée sur les réseaux - Francesca Musiani p. 209-215 Cet article donne un aperçu des différents enjeux et débats qui contribuent, depuis juin 2013, à qualifier Edward Snowden d'« homme-controverse » des questions de surveillance et vie privée sur les réseaux. À la fois révélateur de pratiques à la légalité pour le moins douteuse et catalyseur de l'indignation citoyenne, Snowden a été capable de mobiliser des publics entiers sur des enjeux en apparence technique, et de remettre en discussion des notions telles que « lanceur d'alerte » et « sécurité nationale ».Edward Snowden, the catalyst of controversy over privacy on the Web
This article outlines the different issues and debates that, since June 2012, have helped to make Edward Snowden the man who catalysed controversy over the question of surveillance and privacy on the Web. By revealing practices of more than dubious legality and catalysing public indignation, Snowden succeeded in arousing the interest of whole sections of the population in a seemingly technical issue and in re-opening debates on “whistle-blowing” and “national security”. - Nos lignes de fractures numériques : un air de déjà-vu - Valérie Schafer p. 216-218
- Du pragmatisme et des technologies numériques - Fabien Granjon p. 219-224 Le « tournant numérique » (digital turn) a conduit à une reconfiguration partielle mais conséquente des sociabilités et a contribué au renouvellement des manières de faire collectif, tendanciellement plus éloignées du modèle de la communauté de destin, d'identité ou d'appartenance. Cette extension du domaine du faire vers le « technologique » est supposée permettre la création de « chaînes d'équivalences » constituées de fragments d'engagement et de subjectivités dont la mise au travail ne nécessiterait pas forcément d'accord préparatoire, si ce n'est quant à l'action à mener. Autrement dit, la présence accrue des technologies d'information et de communication conduirait à ce que se développe un pente plus pragmatique et plus opportuniste de l'action collective.On pragmatism and digital technologies
The “digital turning-point” triggered a partial but significant reconfiguration of sociability patterns and contributed to new ways of “doing things” collectively that have generally tended to move away from the model of communities shaped by a common sense of destiny, identity or belonging. The extension of the sphere of doing to technological fields is assumed here to bring a “chain of equivalences” into being, which links up fragments of involvement and subjectivity that do not necessarily require any prior agreement in order to function, except as regards the action aimed at. In other words, the increasing hold of information and communication technologies appears to be producing a more pragmatic and opportunistic tendency in collective action. - Controverses et débat public : nouvelles perspectives de recherche - Romain Badouard, Clément Mabi p. 225-231
- Des controverses sociotechniques aux discours métajournalistiques - Juliette de Maeyer, Sylvain Malcorps p. 171-180
Diagonales
- OGM : un terme polysémique à l'épreuve de la communication et de l'évaluation - Virginie Tournay, Jean-Christophe Pagès p. 233-243 L'histoire de l'ingénierie génétique est indissociable de la mise en place d'une politique de gestion des risques. Aussi, les premières normes d'encadrement des manipulations génétiques furent-elles posées dès la fin des années soixante-dix. La notion d'organismes génétiquement modifiés (OGM), à l'origine de débats publics animés depuis plus d'une vingtaine d'années, reste extrêmement polysémique. En effet, l'expression « génétiquement modifié » est moins un terme scientifique qu'une qualification simplificatrice de modifications opérées sur les systèmes biologiques. C'est principalement une catégorie juridique, passée dans le langage courant, qui se superpose mal à la complexité biologique et à la diversité des processus technologiques mis en œuvre. La banalisation de son usage altère la compréhension publique de la pluralité de ses formes et de la proportionnalité qui devrait prévaloir pour l'évaluation des éventuels risques associés aux produits de l'ingénierie génétique. De cela découle des enjeux forts en terme d'information, puis de communication. Le terme OGM devrait reposer sur une définition extrêmement fine et évolutive suivant les techniques. Ainsi, les enjeux communicationnels sont aujourd'hui d'autant plus prégnants que de nouvelles techniques de modification biologique sont susceptibles d'être considérées selon le modèle socio-juridique actuel des OGM, alors que, pour certaines, elles génèrent des organismes qui ne sont pas distinguables de variants naturels. Dès lors, ces pratiques interrogent l'actualité de la définition juridique et les stratégies communicationnelles. Elles mettent également en exergue la polysémie de la notion du « génétiquement modifié » qui recouvre des acceptions différentes selon son usage juridique, biologique ou de sens commun.GMO: Pitfalls of communication and evaluation around a multivalent term
The history of genetic engineering is inseparable from the development of risk management policies, and the first standards regulating genetic manipulation were established towards the end of the 1970s. However, although the idea of genetically modified organisms (GMOs) has been a topic of heated public debate for more than twenty years, the term itself is multivalent in the extreme. The expression “genetically modified” is not so much a scientific term as an oversimplified description of modifications made to biological systems. It is mainly a category used for legal purposes that has come into common parlance, but scarcely reflects the biological complexity involved or the diversity of the technological processes used. Its widespread use among the public has masked its multivalency as well as the need for a sense of proportion in assessing the potential risks of products manufactured by genetic engineering. This has raised serious issues in terms of information and communication, in that order. Uses of the term GMO should be based on very exact definitions that will vary depending on techniques. The communicational issue is becoming increasingly acute with the emergence of new techniques for biological modification that are likely to be assessed according to the current socio-legal model for GMOs, even though some are producing organisms that cannot be distinguished from natural variants. These practices therefore call both current legal definitions and communication strategies into question. They also underline the multivalency of the term “genetically modified”, which has different meanings depending on whether it used as a legal or biological term or in common parlance. - L'affrontement au tennis comme terrain favorable à l'apprentissage du « vivre ensemble » - Charlotte Duthu p. 244-251 Le bien-être relationnel peut-il exister entre des personnes placées en situation d'affrontement ? Jürgen Habermas soutient l'idée selon laquelle certaines formes de confrontation ont une éthique en ce qu'elles favorisent le « vivre ensemble ». Il s'agit dès lors pour nous de démontrer qu'il existe des affrontements sportifs comme le tennis professionnel, qui sont des terrains favorables à l'apprentissage du « vivre ensemble » de J. Habermas.Tennis as a way of learning to live together
Are harmonious relations possible between opponents in a given situation ? Jürgen Habermas argued that some kinds of confrontation have their own ethics in the sense that they help people learn to live together. Our aim here is to show that this is indeed the case in some fields of sport, such as professional tennis.
- OGM : un terme polysémique à l'épreuve de la communication et de l'évaluation - Virginie Tournay, Jean-Christophe Pagès p. 233-243
Hommage
- Jack Goody (1919-2015) : La domestication de l'écrit - Jean-Marie Privat p. 253-258
Lectures
- Lectures - Brigitte Chapelain p. 259-270