Contenu du sommaire : Économie des quartiers prioritaires
Revue | Revue économique |
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Numéro | vol. 67, no 3, mai 2016 |
Titre du numéro | Économie des quartiers prioritaires |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Économie des quartiers prioritaires : une introduction - Yannick L'Horty, Pierre Morin p. 373-389 La politique des quartiers prioritaires s'est développée par à-coups, le plus souvent en réaction aux mouvements sociaux localisés dans les quartiers dits sensibles. Vingt ans après la création des zones urbaines sensibles, des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaine, et dix ans après la mise en place des contrats urbains de cohésion sociale, la Revue économique consacre un numéro spécial aux quartiers prioritaires. Définis de façon systématique à l'aide de critères explicites, ces territoires dérogent aux règles de droit commun en matière d'aide publique ou de réglementation fiscale ou sociale. Les douze articles de ce numéro explicitent les enjeux de la politique des quartiers prioritaires, mettent en évidence les effets de territoire qui motivent cette politique et proposent d'évaluer son impact avec des méthodes quasi expérimentales.Economics of priority neighborhoods : an introduction Targeted policies on deprived neighborhoods have grown usually in response to social movements located in the deprived areas. Twenty years after the creation of zones urbaines sensibles, zones franches urbaines and zones de redynamisation urbaine, and ten years after the establishment of contrats urbains de cohésion sociale, the Revue économique devote a special issue to these priority areas. Systematically defined using explicit criteria, these territories derogate from the common law rules on public aid or tax or social regulations. The twelve articles in this special volume make explicit the issues of political priority neighborhoods, highlighting the effects of territories that motivate this policy and propose to assess its impact with quasi-experimental methods. Classification JEL : I24, I28, C21.
Enjeux
- Transformer les quartiers défavorisés : Les enjeux des politiques publiques zonées - Catherine Baumont, Rachel Guillain p. 391-414 Cet article analyse les politiques publiques urbaines en direction des quartiers en difficulté à la lumière des théories de l'économie urbaine et de leurs enseignements sur l'organisation socio-économique des villes. Si l'amélioration des conditions d'habitat est effectivement un facteur d'accroissement du statut socio-économique des quartiers, il agit par attraction de nouveaux habitants plus riches et fuite des habitants pauvres. Nous soulignons que l'économie urbaine peine à démontrer l'émergence de configurations urbaines mixtes stables. Il faut, pour cela, soit considérer celles-ci comme des étapes transitoires entre deux équilibres de ségrégation, soit viser à l'instauration d'interactions sociales durables et positives, au sein des quartiers, entre les ménages favorisés et les ménages défavorisés. Enfin, l'action publique en matière de renouvellement urbain, bien qu'assujettie à des critères d'équité, produit une valorisation immobilière des quartiers et peut rechercher des effets de levier du côté des acteurs privés. La question importante nous semble bien être celle de la transformation globale de la ville : il n'est pas pertinent de ne raisonner qu'à l'échelle des quartiers en difficulté comme s'ils étaient isolés. L'enclavement géographique est un facteur de friction pour la réussite des politiques zonées. En retour, le désenclavement social n'est pas neutre géographiquement, car les politiques ne peuvent transformer que la géographie de la ségrégation dans la ville.Transforming deprived districts This paper examines urban public policies for deprived areas in the light of urban economics theories and their lessons for the socio-economic organization of cities. While improving living conditions is indeed a factor in enhancing the socio-economic standing of urban neighbourhoods, the process operates by attracting wealthier new inhabitants and driving out the existing poorer ones. We emphasize that urban economics struggles to demonstrate the emergence of stable mixed urban patterns. Either such patterns must be considered as transitional stages between two states of equilibrium in terms of segregation or attempts must be made to establish sustainable positive social interaction between privileged and deprived households within neighbourhoods. Lastly, public action to promote urban regeneration, although subject to criteria of equity, enhances neighbourhood property values and may seek out leverage effects from private actors. The final question seems to be that of city-wide transformation : it is pointless reasoning on the scale of deprived neighbourhoods as if they were isolated. Geographical “lock-in” causes friction that detracts from the success of area-specific policies. And conversely, social opening-up is not geographically neutral because policies can only transform the geography of urban segregation. Classification JEL : H31, R2, R31, R38, R58.
- La question des quartiers dits « sensibles » à l'épreuve du ghetto : Débats sociologiques - Cyprien Avenel p. 415-441 Dans cet article, nous discutons la notion de ghetto et son utilisation dans les travaux sociologiques en France pour caractériser l'évolution de certains quartiers d'habitat populaire. Nous proposons une mise en perspective critique des principaux courants de la littérature sociologique, notamment ceux qui se réfèrent à une analyse comparative avec le ghetto américain. Nous procédons dans cette optique à un examen des débats et des enjeux en les ordonnant autour de trois grands axes : le premier interroge la nature des mécanismes de ségrégation et ses dimensions « sociale », « urbaine » et « ethnique », afin d'évaluer la pertinence de l'application du terme « ghetto » ; le second concerne les conséquences de la ségrégation sur les modes de vie et les types de lien sociaux à l'œuvre ; enfin, le troisième analyse la place et le rôle des interventions publiques dans les dynamiques de ségrégation. La notion de ghetto pose en définitive beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en résout. Elle se focalise sur les situations extrêmes et masque une réalité hétérogène et dynamique, là où d'autres pistes scientifiques plus sensibles aux contrastes et aux possibilités d'initiative et de construction des parcours de vie invitent à renouveler l'objet d'étude.The question of so-called sensitive neighborhoods from a “ghetto” perspective In this article, we discuss the concept of “ghetto” and its use in the sociological research in France in order to characterize the evolution of some popular housing areas. We propose a critical perspective of the main currents of sociological literature, including those that refer to a comparative analysis with the American ghetto. In this perspective, we examine the debates and issues by ordering them around three main axes. The first examines the nature of segregation mechanisms and its dimensions : “social,” “urban” and “ethnic,” to evaluate the relevance of applying the term “ghetto.” The second concerns the consequences of segregation on the lifestyles and types of social relationship at work. The third analyzes the place and role of public interventions in the segregation's dynamics. Ultimately, the concept of “ghetto” poses many more problems than it solves. Thus, it focuses on extreme situations and destroys a heterogeneous and dynamic reality, while other scientific works are more attentive to the contrasts and to the possibilities of initiative and of constructing life courses. These works invite to renew the questions about the term “ghetto.” Classification JEL : I38, J15, J71, Z13.
- Politique de la ville : le zonage comme outil d'identification de la fracture sociale - Pierre Madec, Christine Rifflart p. 443-462 La récente réforme de la géographie de la politique de la ville, instaurée par la Loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, se fixe pour but de mieux identifier les quartiers les plus en difficulté à travers la mise en place d'un zonage plus simple et plus objectif reposant sur la concentration de ménages à bas revenus. S'il permet effectivement de gagner en cohérence et aboutit à une carte prioritaire plus homogène – le critère unique de revenu parvenant à capter relativement bien les autres caractéristiques socio-économiques des quartiers – ce nouveau zonage ne peut constituer, compte tenu de l'existence de divergences territoriales trop importantes, le seul outil de résorption de la « fracture sociale » française. Ainsi, la nouvelle géographie prioritaire continue-t-elle de cibler des quartiers aux écarts de développement économique importants. De même, les degrés d'enclavement des quartiers dans les agglomérations qui les abritent, bien que rendus plus homogènes, restent disparates. Étant donné les différences importantes qui persistent donc entre quartiers, l'établissement de critères de priorisation et de différenciation plus fins semble indispensable en vue d'une meilleure efficacité de l'action publique.Urban policy : zoning as an identification tool for the social divide The recent reform of the geography of the urban policy, established by the “Loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine,” aims for better identifying the most deprived areas by putting in place a simpler and more objective zoning based on the concentration of low-income households. It actually saves consistency and results in a more homogeneous priority card because the single criterion of income managing captures relatively well the other socioeconomic characteristics of neighborhoods. But, due to the existence of too great territorial differences, this new zoning can't be the only tool to solve the French “social divide.” The new priority geography continues thus to target areas with important economic development gaps. Similarly, the degrees of remoteness of neighborhoods in cities, although made more homogeneous, remain various. Therefore, given the significant differences that persist between areas, the establishment of criteria for prioritization and finer differentiation seems essential in order to improve the effectiveness of public action. Classification JEL : R00, R23, R28, R58.
- Transformer les quartiers défavorisés : Les enjeux des politiques publiques zonées - Catherine Baumont, Rachel Guillain p. 391-414
Effets de territoires
- Insertion des jeunes sur le marché du travail, diplôme et quartier d'origine : une modélisation dynamique - Thierry Kamionka, Xavier Vu Ngoc p. 463-494 Nous étudions l'impact de la localisation géographique à la fin des études sur les transitions entre les états du marché du travail au cours d'une période suffisamment longue pour rendre compte du processus d'insertion des jeunes dans la vie active. Les trajectoires des jeunes ayant tous quitté le système éducatif en 1998 passent par cinq états du marché du travail : cdi, cdd, emplois aidés, chômage, non-participation. Le modèle utilisé permet de dissocier la dépendance d'état vraie de la dépendance d'état apparente, ce qui permet de comparer l'insertion de jeunes avec des caractéristiques observées ou non différentes. Nos principaux résultats montrent que les emplois aidés n'améliorent pas significativement l'insertion en emploi stable. Le quartier d'origine de ces jeunes a un impact important et négatif sur leur insertion sur le marché du travail. Cet effet du quartier d'origine perdure sur toute la période d'observation et concerne, plus particulièrement, l'accès aux emplois précaires.Youth insertion on the labor market, diploma and original neighborhood : a dynamic modeling We study the impact of the initial localization at the end of studies on the transitions between the states of the labor market. We consider a sufficiently long period to account for the insertion process of young people into working life. The trajectories of youth who all left school in 1998 go through five states of the labour market : permanent employment contracts, temporary employment contracts, subsidized employments, unemployment, non-participation. The model we use allows to disentangle true from spurious state dependence. This allows to compare the insertion of young people with different observed or unobserved characteristics. Our main results show that the subsidized jobs do not significantly improve the insertion into stable employment. The original neighborhood of these young people has a significant negative impact on their insertion on the labor market. More specifically, the original neighborhood has a negative impact on access to unstable jobs. Classification JEL : C33, C34, J60, C53, R23.
- Le niveau de chômage dans le voisinage affecte-t-il l'entrée sur le marché du travail ? - Matthieu Solignac, Maxime To p. 495-524 Au cours des dernières décennies, le taux de chômage moyen des jeunes s'est maintenu à un niveau élevé tout en étant sujet à des variations locales importantes en milieu urbain. Cet article se propose d'analyser l'impact du niveau d'emploi dans le voisinage sur l'entrée dans la vie active. Afin d'identifier cet effet d'interaction sociale, nous proposons une stratégie exploitant la variation infraquartier du taux d'emploi qui permet de neutraliser les biais éventuels liés à l'endogénéité du lieu de résidence. Elle est appliquée à un échantillon représentatif des jeunes hommes sortant du système éducatif français en 1998 et 2004. Un effet positif du niveau d'emploi local sur l'accès à l'emploi est mis en évidence, suggérant l'influence de l'exposition aux personnes du voisinage en emploi sur la probabilité d'en décrocher un. L'ampleur de cet effet social varie selon la durée d'exposition au voisinage, le niveau de diplôme et le statut d'immigré des parents. Cet effet disparaît lorsque le niveau local de chômage des jeunes est élevé : un changement marginal du taux d'emploi local s'accompagne d'une augmentation des chances de trouver un emploi uniquement dans les quartiers dans lesquels la proportion de jeunes actifs en emploi est supérieure à 75 %.Does unemployment in the neighbourhood affect the labour market integration of youth ? Over the last decades, youth unemployment rate has remained high, and wide local variations have been observed in urban areas. This article analyses the impact of the employment rate in the neighbourhood where individuals live on the integration of young entrants to the labour market. To disentangle this social interaction effect from sorting, we propose a neighbourhood-fixed-effect strategy using very local variation of the employment rate. Using a representative sample of the young men leaving the French educational system in 1998 and 2004, we find a positive effect of the local level of employment on the probability to get a job three years after leaving school, suggesting the existence of interactions between new entrants and other workers in the neighbourhood. The extent of the effect depends on the time spent in the neighbourhood by the new entrant to the labour market, her level of education and her immigrant origin. This effect vanishes in areas where the employment rate is low : a marginal change in the local employment rate only increases chances to get a job for youth located in neighbourhoods where the initial rate is higher than 75%. Classification JEL : R23, Z13.
- Effets de quartier, effet de département : discrimination liée au lieu de résidence et accès à l'emploi - Pascale Petit, Mathieu Bunel, Emilia Ene, Yannick L'Horty p. 525-550 L'objet de cette étude est de mesurer la discrimination à l'embauche à l'encontre de jeunes en Île-de-France, du fait de leur lieu de résidence, en distinguant les effets de la réputation du département (Paris et Seine-Saint-Denis), de la localité et du quartier. Des données expérimentales autoconstruites de testing permettent d'identifier les effets sur l'accès à l'emploi propres à chacune de ces trois échelles ainsi que leur cumul. Le lieu de résidence exerce bien un effet sur les chances d'accéder à l'emploi. Il existe au niveau du département de résidence et est très marqué dans le cas de la Seine-Saint-Denis. Il existe aussi, dans une moindre mesure, du fait de la réputation du quartier de résidence. Ces effets sont de grande ampleur : une bonne adresse peut aller jusqu'à tripler les chances d'être invité à un entretien d'embauche. On note qu'habiter un quartier défavorisé est moins préjudiciable lorsque l'on réside dans un département lui-même défavorisé.Effects of local neighbourhood, effects of administrative department : hiring discrimination based on place of residence The aim of this study is to measure hiring discrimination based on place of residence against young people in Paris area, distinguishing the effects of department's (Paris and Seine-Saint-Denis), town's and neighborhood's reputation. Field experiment data are used to identify the specific impact on access to employment for each of these three spatial levels as well as their combined effects. The place of residence affects the chances of being invited to a job interview. There is a dramatic effect at the department's level in the case of Seine-Saint-Denis department. To a lesser extent, there is also an effect at the neighborhood's level, according to his reputation. These effects are far-reaching : a good address can triple the chances of being invited to a job interview. Living in a deprived area is less harmful when one lives in a disadvantaged department itself. Classification JEL : C81, C93, J15, J71.
- Résider en zus influe-t-il sur la mobilité quotidienne des actifs ? : Une analyse économétrique à partir de l'enquête Ménages déplacements de Lyon (2006) - Louafi Bouzouina, Nathalie Havet, Pascal Pochet p. 551-580 Cet article s'intéresse à la question de l'enclavement des zones urbaines sensibles, que la politique de la ville a pour objectif de réduire. Il propose une évaluation de l'impact du lieu de résidence des actifs occupés de l'aire urbaine de Lyon sur l'ensemble de leur mobilité quotidienne et sur celle liée au travail, en tentant en particulier d'isoler l'impact propre du fait de résider en zus. L'analyse repose sur la dernière enquête Ménages déplacements lyonnaise de 2006 enrichie d'autres sources de données spatialisées. À une résidence dans un quartier zus correspondent un nombre total de déplacements plus faible, des distances et des durées de mobilité quotidienne plus courtes. La contribution de l'effet propre du lieu de résidence, net de l'influence de toute autre caractéristique, est de l'ordre de 2 km et de 7 minutes de moins par jour. En revanche, pour les seuls allers-retours domicile-travail, l'effet propre « zus » opère dans le sens opposé : toutes choses égales par ailleurs, les actifs résidant dans un quartier avec zus parcourent 1,5 km de plus par jour que les actifs résidant dans d'autres quartiers, soit 10 % de temps en plus. Ces différences, modérées mais statistiquement significatives, corroborent plutôt les hypothèses d'enclavement et de mauvais appariement spatial des actifs des quartiers défavorisés et incitent à poursuivre ce type d'analyses sur d'autres contextes urbains.Does living in deprived urban areas impact the daily mobility of workers ? This article addresses the issue of the lack of access in deprived urban zones (« zus » for « sensitive urban zones ») that the French urban policy aims to reduce. This study evaluates the impact of the place of residence of the entire employed active persons of Lyon metropolitan area on their whole daily mobility and on their commuting, by identifying the specific effect of living in a neighborhood with or without a zus. The analysis is based on the Household Travel Survey conducted in the Lyon urban area in 2006, enhanced with contextual indicators extracted from geographical databases. Results of multivariate models show that living in a neighborhood with a zus reduces not only the number of workers' trips but also their daily travel distance and travel time. The own contribution of the effect of living in a neighborhood with a zus is in the order of minus 2 km and 7 min per day. By contrast, when we restrict our analysis to commuting trips, we observe an opposite effect : all other things being equal, the workers living in a neighborhood with a zus travel longer distances than their counterparts living in a neighborhood without zus (1.5 km more, for 10% more travel time). These differences are moderate but statistically significant. They rather confirm the hypotheses of lack of access and of spatial mismatch faced by the active population of deprived urban zones and are an incentive to carry out such analyses in other urban contexts. Classification JEL : R41, J48, R12.
- Insertion des jeunes sur le marché du travail, diplôme et quartier d'origine : une modélisation dynamique - Thierry Kamionka, Xavier Vu Ngoc p. 463-494
Évaluations d'impact
- Les dispositifs d'exonérations géographiquement ciblées bénéficient-ils aux résidents de ces zones ? : État des lieux de la littérature américaine et française - Clément Malgouyres, Loriane Py p. 581-614 Cet article propose un état des lieux de la littérature empirique relative à l'évaluation des dispositifs de type zones franches urbaines, aux États-Unis et en France, en portant une attention particulière à leurs effets sur les résidents des quartiers ciblés. Les conclusions des études d'impact divergent quant à la capacité de ces programmes à atteindre leurs objectifs de développement de l'activité locale et d'amélioration du bien-être des résidents. Aux États-Unis, les résultats varient considérablement selon les programmes évalués : l'incapacité des State Enterprise Zones à stimuler l'activité économique locale et l'emploi des résidents contraste avec l'efficacité des programmes fédéraux, qui ont un effet significatif pour les résidents de ces zones, en termes d'emplois, de salaire et de qualité de vie. Les conclusions qui concernent le programme français sont plus homogènes : elles suggèrent un impact positif sur l'activité locale en termes de localisation et d'emploi mais qui se fait néanmoins aux dépens des zones adjacentes. Par ailleurs, l'effet du programme français pour les résidents des quartiers ciblés apparaît quant à lui mitigé. Mieux comprendre l'influence des spécificités des dispositifs, aussi bien en termes de montant financier et de critères d'éligibilité que de types d'avantages accordés, pourrait être important pour améliorer l'efficacité des programmes de zones franches urbaines.Do geographically targeted tax incentive benefit to zone residents ? This paper provides a survey of the empirical literature on enterprise zones evaluation, in the US and in France. It focuses on the impact of such programs on zone residents. Results of studies differ regarding the ability of enterprise zones programs to promote the development of economic activity and to improve the welfare of zone residents. In the US, the effects vary considerably depending on the program assessed : the incapacity of State Enterprise Zones to stimulate local activity and employment of zone residents contrasts with the efficiency of Federal Empowerment Zones, which have had a positive impact on zones residents in terms of employment, wage and quality of life. The conclusions regarding the effect of the French program are more homogeneous : they suggest a positive impact on business location and employment in targeted zones which occurs however at the expense of neighboring areas. Moreover, the effect of the French program for zones residents is limited. Better understanding the role of the design of these policies in terms of financial amount, eligibility criteria or types of incentives could be an important area of improvement in the implementation of urban enterprise zones programs. Classification JEL : R12, R38, H25.
- Évaluation de l'effet d'une politique spatialisée d'accès au logement : La loi sru - Laurent Gobillon, Benjamin Vignolles p. 615-637 La Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi sru, votée en décembre 2000, impose aux communes moyennes et grandes de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux sous peine d'amende. Nous en évaluons les effets pour les communes dont la population est voisine du seuil d'application de la loi. Les estimations sont menées en différences de différences. La loi sru aurait eu un effet positif significatif sur la construction de logements sociaux, croissant au cours du temps. Dans les communes de notre échantillon ayant initialement un parc de logements sociaux, la loi aurait augmenté le taux de croissance annuel du nombre de logements sociaux de 1,25 point en moyenne durant la période 2000-2008. L'effet se serait concentré sur les communes initialement les plus éloignées de l'objectif de la loi, dont la proportion de logements sociaux est inférieure à 5 % en 2000. Nous trouvons aussi que la loi aurait entraîné une baisse de la ségrégation intracommunale des logements selon le type (social ou privé), peut-être à cause d'un développement plus éparpillé des logements sociaux. Nous ne mettons pas en évidence d'effet de la loi sur les prix de l'immobilier dans l'ancien.Evaluating the effect of a spatialized policy for access to housing A French law on solidarity and urban renewal, called the sru law, was voted in December 2000 and imposes medium and large municipalities to have at least 20% of social housing, otherwise they are liable to a fine. We evaluate its effects for municipalities which population is close to the eligibility threshold. The sru law would have had a significant positive effect on the construction of social housing which is increasing over time. For the municipalities in our sample which initially contain social housing, the law would have increased the annual growth rate of the number of social dwellings by 1.25 point on average over the 2000-2008 period. The effect would have concentrated on municipalities which are initially the furthest from the target of the law, with a proportion of social housing lower than 5% in 2000. We also find that the law would have led to a decrease in the within-municipality segregation of dwellings according to their type (social or private), maybe because of a more scattered development of social housing. We are unable to find any effect of the law on housing prices in the resale real estate market. Classification JEL : R31, R38.
- Les résultats scolaires des collégiens bénéficient-ils des réseaux ambition réussite ? : Une analyse par régression sur discontinuité - Jean-Paul Caille, Laurent Davezies, Manon Garrouste p. 639-666 Les réseaux ambition réussite (rar) sont un dispositif d'éducation prioritaire mis en place en France entre 2006 et 2011. Pour y être éligible, un collège devait scolariser au moins 67 % de ses élèves issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées et au moins 10 % d'élèves ayant redoublé au moins deux fois à la rentrée de sixième. Près de 3 % des collégiens bénéficient des rar. L'évaluation d'un tel dispositif se heurte à deux biais. D'une part, le mode de sélection des établissements dans le programme fait que les élèves scolarisés en rar réussiraient moins bien, en moyenne, que les autres, y compris en l'absence du dispositif. D'autre part, le collège n'est pas le niveau d'analyse adéquat, dans la mesure où les élèves peuvent s'autosélectionner dans le dispositif. Pour évaluer au niveau de l'élève l'effet causal du programme rar sur les résultats et les trajectoires scolaires à la fin du collège, nous utilisons une méthode de régression sur discontinuité et une base de données exhaustive et originale. Nous ne trouvons pas d'effet global de la scolarisation en rar sur les performances scolaires à la fin du collège. Cette absence d'effet moyen pourrait être due à des effets différenciés selon les caractéristiques des élèves.Does the Réseaux ambition réussite program improve pupils' academic achievement ? “Réseaux ambition réussite” (rar), or “ambition success networks,” are a compensatory education policy that took place in France between 2006 and 2011. To be eligible, a collège (equivalent to junior high school) had to enroll at least 67% of pupils from a disadvantaged background, and at least 10% of pupils having repeated twice or more when entering junior high school. About 3% of junior high school pupils were enrolled in a rar. Evaluating the impact of such a policy is complicated by two types of bias. First, the selection of schools into the program makes that the pupils enrolled in a rar school would have lower academic achievement than the other pupils on average, even in the absence of the program. Second, the school is not the good level of analysis, since pupils may select themselves into the program. To analyze the causal effect of the program on individual academic achievement at the end of junior high school, we use a regression discontinuity method and an original exhaustive data set. Overall, we do not find any significant effect of enrollment in a rar on individual educational outcomes at the end of junior high school. The absence of average effect may be due to differentiated effects according to pupils' characteristics. Classification JEL : I24, I28, C21.
- Les dispositifs d'exonérations géographiquement ciblées bénéficient-ils aux résidents de ces zones ? : État des lieux de la littérature américaine et française - Clément Malgouyres, Loriane Py p. 581-614
Point de vue
- Des politiques urbaines nationales : un oxymore ? - Etienne Wasmer p. 667-678 Le partage de la valeur entre le capital productif, le travail et la terre est une des grandes et anciennes questions de l'économie politique. Cet article reprend ces catégories pour discuter de la façon dont les politiques publiques locales favorisent l'un ou l'autre de ces trois facteurs sans que ce ne soit jamais explicité. À l'issue, il prend parti en faveur d'une combinaison d'aides nationales à la personne (essentiellement des politiques de revenu, d'incitation au travail et de mobilité), et de policy mix définis et financés localement sur péréquation de budgets fongibles. Ces policy mix incluent notamment l'école, les transports et la rénovation urbaine. L'article plaide en faveur de l'interdiction d'aides directes ou indirectes (via des allègements de charges) aux entreprises sur des critères de localisation, au nom des effets d'éviction et de distorsion de concurrence.National urban policies : an oxymoron ? The national value added is shared between productive capital, labor and land. This is one of the oldest and most important questions of political economy. This article uses this grid of analysis to discuss how local public policies benefit one or the other of these three factors, either explicitly or implicitly and silently. We favour a policy mix based on national policies targeted to national aid to individuals (mostly income support, work incentives and mobility) and fungible budgets defined at the local level, after national transfers to the local level. The policy mix at the local level may include schooling policy, transportation policies and urban renewal policies. Instead, direct or indirect transfers to local firms such as geographically-targeted tax reliefs should be banned : they interfere with fair competition and lead to displacement of jobs with little net employment effects. Classification JEL : H7, I38, J48, R5.
- Des politiques urbaines nationales : un oxymore ? - Etienne Wasmer p. 667-678