Contenu du sommaire : Dossier : L'influence de la loi du 20 août 2008 sur les relations sociales dans les entreprises
Revue | La Revue de l'IRES |
---|---|
Numéro | no 87, 2015/4 |
Titre du numéro | Dossier : L'influence de la loi du 20 août 2008 sur les relations sociales dans les entreprises |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Exonérations, exemptions et dépenses fiscales : quels coûts pour la protection sociale ? - Michaël Zemmour p. 3-34 Cet article vise à rendre visible le coût pour la protection sociale des « dépenses socio-fiscales » : modulations ou dérogations aux prélèvements obligatoires. Après avoir présenté une typologie chiffrée des dépenses socio-fiscales ayant trait à la protection sociale pour l'année 2011, l'article se penchera particulièrement sur les dispositifs qui grèvent les ressources des assurances sociales (Sécurité sociale, chômage, retraites complémentaires...). En effet, à côté des « exonérations » de cotisations sociales, bien repérées et dont les pertes occasionnées sont largement compensées, des dispositifs d'« exemptions » diminuent sensiblement les recettes sociales par un effet d'assiette : environ 9 % de la masse salariale du secteur privé échappe ainsi aux cotisations sociales ordinaires. La perte de recettes occasionnée par les exemptions non compensées de cotisations sociale représente environ 24 milliards d'euros pour 2015. Elle contribue au déficit de la Sécurité sociale mais plus encore à ceux de l'assurance chômage et des retraites complémentaires. Dans le même temps, les salariés concernés voient leurs droits contributifs (retraite, chômage) en partie réduits par ces dispositifs. Nous montrons qu'une partie de ces exemptions peut s'interpréter comme un renoncement partiel aux assurances sociales, en faveur de contrats collectifs privés.Exonerations, Exemptions and Tax Expenditure: The True Cost of Social Protection?
The article aims to shed light on the cost to social protection of social and tax expenditure in the form of changes to and exemptions from mandatory contributions. The article begins with a cost-based typology of social and tax expenditures on social protection in 2011, before turning to the forms of protection that represent a significant cost to social insurance, such as social security, unemployment, and supplementary pensions. Above and beyond the clearly identified exonerations from social contributions, losses arising from which are broadly compensated for, a series of exemptions also significantly lower social revenues due to the broad nature of the tax base in question: around 9% of the total private sector payroll is not subjected to the customary social contributions. The loss of income due to exemptions which social contributions fail to make up amounted to some 24 billion euros in 2015, contributing not only to the country's social security deficit but even more markedly to the deficits in unemployment insurance and supplementary pensions. At the same time, employees saw their contributory rights to a pension and unemployment benefits partially reduced by the same systems. The article demonstrates that a proportion of the exemptions can be interpreted as a partial renunciation of social insurance in favour of private collective contracts. - Inégalités de retraite entre les hommes et les femmes dans le privé et le public : une analyse des distributions - Carole Bonnet, Dominique Meurs, Benoît Rapoport p. 35-61 Les retraites de droit direct des femmes représentent en moyenne un peu plus de la moitié de celles des hommes dans le secteur privé, les quatre cinquièmes dans la fonction publique. À partir de l'échantillon interrégimes des retraités 2008, nous montrons que les différences de salaires de référence et de durées expliquent ces écarts, avec un poids variable le long de la distribution. Les plus faibles durées de carrière des femmes jouent pour les revenus les plus faibles, les salaires pour les deux tiers des plus hauts revenus. Les dispositifs de minimum de pension atténuent les écarts de retraites pour le cinquième des revenus les plus faibles. Nous étudions ensuite les inégalités de retraite parmi les hommes et parmi les femmes. Les dispersions des retraites sont plus fortes dans le privé que dans le public, et du même ordre de grandeur dans chaque secteur pour les hommes et les femmes. La dispersion des retraites des femmes est expliquée à la fois par la diversité des salaires de référence et des durées validées, tandis que ce sont principalement les salaires qui comptent pour les hommes.Gender-based Pension Inequality in the Public and Private Sectors: A Distribution Analysis
Women's pensions by direct entitlement represent on average a little over half of those of men in the private sector and four-fifths in the public sector. The article draws on the all-regime pensioner sample for 2008 to demonstrate that the gap can be explained in terms of differences in reference wages and length of contribution, with variable weighting along the distribution. The shorter career spans of women have the most significant impact on the lowest incomes, while their lower wages account for the differential among the upper two-thirds of the wage scale. Minimum pensions reduce the pension gap for the lowest fifth of female earners. The article then turns to gender-based pension inequalities. The dispersion in pensions is greater in the private sector than in the public sector and is comparable in scale for both men and women. The dispersion of pensions for women can be explained both by the wide range of reference wages and lengths of career counting towards a pension, while wages are the main factor for men. - Les origines de l'OIT (1890-1950) : élaboration et premières expérimentations d'un modèle d'« Europe sociale » - Nadjib Souamaa p. 63-88 Dès la fin du XIXe siècle, les puissances européennes ont tenté d'instaurer une concurrence loyale et de lutter contre le « dumping social » à l'échelle internationale. Très vite, ces États se sont rejoints sur la nécessité d'élaborer un cadre social pour y parvenir. Il devait être composé de conventions sociales expérimentées dans l'Europe de l'Ouest en pointe sur la question ouvrière, pour ensuite être diffusées dans le monde. L'OIT, qui apparaît de ce fait comme l'aboutissement de ces travaux, poursuivit ces réflexions, notamment celles relatives à une « Europe sociale ». En fait, derrière cet espace marqué par une législation sociale commune aux puissances européennes et prôné par des membres de l'institution, il y avait un modèle démocratique et productiviste, soucieux de préserver tant les intérêts des ouvriers que ceux du patronat. Il s'agit donc de s'interroger sur ce modèle et sur les évolutions qu'il a connues, notamment sous l'impulsion de l'OIT, donc sur ce qu'est l'« Europe sociale ».The Origins of the ILO (1890-1950): Early Experiments in Modelling a “Social Europe”From the late XIXth century on, the major European powers made attempts to promote fair competition and combat social dumping at an international level. Governments soon agreed on the need for a social framework to achieve their objective. It was to consist of social conventions experimented in Western Europe, then at the cutting edge of labour issues, then exported to the rest of the world. The ILO, which can be seen as the culmination of these efforts, further developed thinking on such issues, particularly those related to Europe as a social entity. In fact the body recommended by members of the institution and marked by social legislation common to the European powers masked a democratic, productivist model keen to protect the interests not only of workers but also of employers. The article sets out to explore this model and its various stages of development, particularly as driven by the ILO, thereby seeking to shed light on the nature of « social Europe ».
- Introduction - Christian Dufour, Adelheid Hege, Marcus Kahmann, Josépha Dirringer p. 89-93
- La loi du 20 août 2008 et les fondements de la représentation syndicale - Adelheid Hege, Christian Dufour, Marcus Kahmann p. 95-123 Comment la loi de 2008 sur la représentativité syndicale intervient-elle dans l'activité des représentants salariés en entreprises ? Une enquête sociologique menée cinq ans après l'introduction de la loi montre qu'elle a accéléré la disparition de délégués mal implantés. Mais elle n'a pas consolidé les délégués restants. Ces derniers intègrent l'élimination des plus faibles dans l'histoire longue de la perte d'influence du syndicalisme. Les lieux de négociation se centralisent loin des zones d'influence des délégués élus. La performance négociatrice des délégués syndicaux centraux est peu lisible localement. Les délégués locaux, comme les responsables des ressources humaines, considèrent avec scepticisme la pérennité des équipes de représentants. L'institutionnalisation par la loi ne remplace pas la dynamique syndicale, pour susciter des vocations représentatives ou pour refonder la représentativité syndicale.The Law of 20 August 2008 and the Bases of Trade Union Representation
What effect has the 2008 law on trade union representativeness had on the role of employee representatives within companies? A sociological study conducted five years after the law came into effect demonstrated that it hastened the loss of those union delegates who had little support, while failing to consolidate the position of delegates who remained in place. Rather, the latter attributed the loss of their colleagues with weaker support to a longstanding process of weakening union influence. Bargaining sites have become centralised at some remove from the zones of influence of elected delegates. The bargaining performance of union delegates is hard to decipher at the local level. Local delegates and HR staff take a sceptical view of the sustainability of teams of representatives. Legal institutionalisation is no substitute for trade union dynamics in cultivating vocations for union activity or in forging a new basis for union representativeness. - L'esprit du dialogue social : de la loi du 20 août 2008 aux accords collectifs relatifs au droit syndical et à la représentation des salariés - Josépha Dirringer p. 125-151 La loi du 20 août 2008 a entendu renforcer la légitimité des syndicats de salariés, notamment en fondant leur représentativité sur l'audience électorale recueillie au niveau de l'entreprise. Il est difficile de dire aujourd'hui si le pari est gagné, mais il n'en demeure pas moins que cette loi a largement reconfiguré les relations collectives de travail au niveau des entreprises et des groupes. Assurément, l'étude des accords collectifs de groupe et d'entreprise ayant pour objet la représentation collective des salariés montre que les interlocuteurs sociaux ont pris la mesure des changements intervenus. Elle fait aussi apparaître comment, bien souvent, la loi est venue donner un écho plus grand à ce que les accords collectifs avaient déjà eux-mêmes entrepris à une échelle plus modeste. Sans doute la recherche que le présent article retrace invite-t-elle à une réflexion plus importante. Le sceau législatif ainsi donné au dialogue social a-t-il profité aux organisations syndicales ou n'a-t-il pas plutôt posé un jalon supplémentaire sur le chemin de l'entreprise autoréglementée ?The Spirit of Social Dialogue: From the Law of 20 August 2008 to Collective Agreements on Trade Union Rights and Workforce Representation
The law of 20 August 2008 was intended to strengthen the legitimacy of employee unions, notably by basing their representativeness on the profile of voters across the company. While it is difficult to tell at this point whether this aim has been achieved, it remains the case that the law has had a significant impact in reshaping collective relations in the workplace at both company and group level. The study of collective group and company agreements on collective employee representation clearly demonstrates that partners in social dialogue have taken the measure of these changes. It also shows how in many cases the law amplified an effect that many collective agreements had already brought in on a smaller scale. The research presented in this paper probably invites to a broader reflection. Has the legislative stamp of approval for social dialogue been of benefit for union organisations or does it rather represent a further step along the path to self-regulation in the workplace?