Contenu du sommaire : Mémoire de l'esclavage au Bénin
Revue | Gradhiva : revue d'anthropologie et de muséologie |
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Numéro | no 8, 2008 |
Titre du numéro | Mémoire de l'esclavage au Bénin |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier. Mémoire de l'esclavage au Bénin
- Mémoire de l'esclavage au Bénin. Le passé à venir - Gaetano Ciarcia p. 4-9
- Commémoration de la Traite Atlantique à Ouidah - Robin Law p. 10-27 Ce texte porte sur la mémoire locale et la commémoration de la traite transatlantique à Ouidah. À l'origine, le commerce d'esclaves à Ouidah était associé à une mémoire positive, appréhendé comme source de profits matériels, et le rôle des autochtones dans l'organisation de ce commerce était clairement reconnu. Le Musée d'Histoire créé en 1967 mit l'accent sur les échanges culturels avec les Amériques (en particulier le Brésil) occasionnés par la traite, tout en continuant à la célébrer. Mais avec le projet de la «Route de l'Esclave» lancé en 1992/3, l'attention s'est recentrée sur les souffrances des victimes de l'esclavage, et donc sur une vision plus négative de la traite. On continue cependant à reconnaître la place de l'Afrique et de son intérêt pour les relations entre l'Afrique et sa diaspora américaine.This paper considers local memory and commemoration of the trans-Atlantic slave trade in Ouidah. It is shown that originally the slave trade was remembered in Ouidah essentially positively, as a source of material benefits, and there was open acknowledgement of the role of local agency in the operation of the trade. The Musée d'Histoire established in 1967 shifted the emphasis to the cultural interactions with the Americas (especially Brazil) which resulted from the slave trade, but still maintained an essentially celebratory attitude. The ‘Slave Route' project initiated in 1992/3, however, again shifted the focus to the sufferings of the enslaved victims, and hence to a more negative view of the trade. There remained elements of continuity, however, in the continued acknowledgement of African agency and interest in Africa's relationship with its American Diaspora.
- Rhétoriques et pratiques de l'inculturation - Gaetano Ciarcia p. 28-47 Au Bénin, depuis le début des années 1990, on assiste au «renouveau» des cultes dits vodun. Le festival Ouidah 92 et le lancement de l'itinéraire de La Route de l'Esclave, sous l'égide de l'Unesco, ont été des événements significatifs visant la connexion du vodun avec les commémorations de la traite négrière. À partir de l'examen des actes et des écrits de l'anthropologie missionnaire, le texte esquisse la généalogie d'un héritage culturel affecté par l'altérité morale d'une époque révolue. De nos jours, auprès d'une partie des élites intellectuelles du pays, la remémoration de l'histoire esclavagiste intègre la matrice chrétienne par la reconnaissance des qualités éthiques et esthétiques de la religion populaire. À travers l'analyse de situations ethnographiques observées principalement dans les villes de Ouidah et d'Abomey, cet article montre comment, au fil des décennies et au gré des conjonctures, on assiste au Bénin à la transformation discursive du passé «païen». Un tel processus d'altération patrimoniale de ce passé et de ses origines ne date pas d'aujourd'hui: il s'inscrit dans une longue durée ethnologique ayant agi aussi comme une pédagogie implicite.In Benin, since the beginning of the 1990s, there has been a “renewal” of the cults known as vodun. The Ouidah 92 festival and the launch of the itinerary of The Slave Route, under the aegis of Unesco, have been significant events aimed at connecting vodun with the commemorations of the slave trade. Starting with an examination of accounts and writings of missionary anthropology, the text sketches the genealogy of a cultural heritage affected by the moral alterity of a bygone era. Today, among part of the intellectual elite of the country, the commemoration of the history of slavery integrates the Christian matrix through the recognition of ethical and aesthetic qualities of popular religion. Through the analysis of ethnographic situations observed mainly in the towns of Ouidah and Abomey, this article shows how, through the decades and according to circumstances, Benin is seeing a discursive transformation of the “pagan” past. Such a process of alteration of the heritage of this past and of its origins is not just a recent phenomenon: it belongs in an ethnological longue durée which has also implicitly fulfilled a pedagogical role.
- Mémoire de l'esclavage et capital religieux - Joël Noret p. 48-63 Cet article porte sur les mémoires de l'esclavage dans la région d'Abomey, au cœur du pays fon et du royaume précolonial du Dahomey, telles qu'elles se donnent à voir à travers le culte egun, une forme yoruba de culte aux ancêtres. En effet, dans les débats qui ont entouré l'apparition puis le développement de ce culte, porté à ses débuts surtout par des Yoruba d'origine servile, on peut repérer des persistances et des glissements dans la place faite à l'esclavage dans la société aboméenne. On y lit simultanément l'émergence, dans les lignages se réclamant d'une origine yoruba, de tentatives d'affranchissement du stigmate de l'esclavage et d'une revendication d'authenticité yoruba. L'investissement dans le culte egun, d'abord toléré puis approprié par les Fon, est au cœur de ces processus.This article concerns memories of slavery in the Abomey region, in the heart of Fon country and of the pre-colonial kingdom of Dahomey, such as they are revealed through the Egun cult, a Yoruba form of ancestor cult. In the debates which have surrounded the apparition and then the development of this cult, which began principally among Yoruba with slave origins, there are noticeable continuities and slippages in the place made for slavery in Abomey society. One discerns simultaneously the emergence, in the lineages claiming Yoruba origins, of attempts at liberation from the stigma of slavery and at a claim of Yoruba authenticity. Involvement in the Egun cult, at first tolerated and later appropriated by the Fon, is at the centre of this process.
- « Nos grands-pères achetaient des esclaves… » - Alessandra Brivio p. 64-79 L'article se propose d'aborder, à travers l'analyse du vodun Tchamba, la mémoire de l'esclavage partagée par les adeptes du culte, chez les populations de langue ewe et mina des aires côtières du Ghana sud-oriental, du Togo et du Bénin. Tchamba est le lieu ou les esprits des esclaves et ceux des maîtres se rencontrent. Sur l'autel, on célèbre soit les ancêtres impliqués dans le commerce d'esclaves, soit leurs victimes, les esclaves intégrées dans la famille. Les cérémonies collectives, au-delà de la sphère familiale, consacrent les esprits de tous les esclaves et de tous ceux qui sont morts loin de leurs terres. En suivant l'ambiguïté éthique de la pratique du vodun, cet article présente une enquête sur les imaginaires opaques à l'intérieur desquels agissent les fidèles de Tchamba; sur des lieux du sacré remémorant un passé de mort et de privation, mais aussi de passion et de désir de richesse.Through the analysis of the Tchamba vodun, this article considers the memory of slavery shared by cult members, among the Ewe- and Mina-speaking populations of the coastal regions of southeast Ghana, Togo and Benin.Tchamba is the place in which the spirits of the slaves and those of the masters meet. Either the ancestors involved in the slave trade, or their victims, slaves integrated into the family, are celebrated on the altar. The collective ceremonies, beyond the family circle, consacrate the spirits of all the slaves and of all those who died far from their homeland. By following the ethical ambiguity of the practice of vodun, this article presents an investigation into the opaque imaginaries within which the Tchamba faithful act; on places of the sacred commemorating a past of death and privation, but also of passion and the desire for riches.
Documents et matériaux
- Tours et détours des mémoires familiales à Ouidah - Émile-Désiré Ologoudou p. 80-86
- Le reflux de la traite négrière : les agudas du Bénin - Milton Guran p. 87-95
Etudes et essais
- Stonehenge d'Orient - Raphaël Rousseleau p. 96-111 Le présent article retrace l'évolution du regard savant britannique sur un «cliché» peu connu pour l'Inde: les mégalithes ou monuments de «grandes pierres». L'image du célèbre cercle de pierres de Stonehenge (sud de l'Angleterre), en particulier, a constitué une référence comparative constante dans les jeux identitaires entre les Britanniques et l'Inde, en même temps qu'elle «illustrait» une histoire évolutionniste de l'architecture. Nous suivons le développement de ces usages sur deux siècles, en nous concentrant sur les années 1800-1870. Les premiers érudits entrecroisent les sources archéologiques, philologiques et ethnologiques dans une description romantique de l'Inde, où les «nobles» tribus indiennes évoluent parmi des ruines «celto-scythiques». Les synthèses évolutionnistes, puis la spécialisation des tâches scientifiques vont scinder cet imaginaire unitaire, mais ce type de monuments «sans écriture» est encore parfois mis au service d'enjeux identitaires indiens.This article retraces the evolution of the British intellectual gaze on a “cliché” little known in India: the megaliths or monuments of “big stones”. The image of the famous stone circle at Stonehenge (southern England) in particular has constituted a constant comparative reference in the games of identity between the British and India, at the same time as “illustrating” an evolutionist history of architecture. I follow the development of these usages over two centuries, while concentrating on the years 1800-1870. The earliest scholars weave the archeological, philological and ethnological sources in a romantic description of India, in which the “noble” Indian tribes evolve among “Celto-Scythian” ruins. The evolutionist syntheses, followed by scientific specialisation, divide up this unifying imaginary, but this type of monuments “without writing” is still sometimes put to use in the service of Indian identity politics.
- Choses (in)visibles et (im)périssables - Aristóteles Barcelos Neto p. 112-129 Les spécialistes des Andes et de l'Amazonie s'intéressent vivement, depuis peu, au renouvellement des études comparatives entre ces deux régions. Construites à partir de traditions intellectuelles distinctes, il manque encore à l'anthropologie des Andes et de l'Amazonie un langage commun permettant de poser un ensemble de questions transversales plus vaste. De plus, il est important de réfléchir à des perspectives analytiques et thématiques alternatives qui échappent au fort antagonisme, légué par les études antérieures, entre les hautes et les basses terres. À travers une approche ethnographique des mondes visuel et matériel andins et amazoniens, cet article propose une incursion sur un terrain de recherche encore peu exploré du point de vue de la comparaison entre ces deux régions. Ce texte aborde la double question de la longévité/temporalité et celle de la rétention du statut de personne par les objets rituels.Specialists in the Andes and Amazonia have recently developed a lively interest in the renewal of comparative studies between these two regions. Because they grew in different intellectual traditions, the anthropology of the Andes and of Amazonia still lack a common language allowing the consideration of a series of broader transversal questions. Moreover, it is important to reflect on alternative analytical and thematic perspectives which escape the deep antagonism, inherited from previous studies, between the highlands and the lowlands. Through an ethnographic approach to Andean and Amazonian visual and material worlds, this article offers an incursion into a field of research as yet little explored from the point of view of a comparison between these two regions. The text tackles the double question of longevity and temporality and that of the retention of the status of personhood by ritual objects.
- Stonehenge d'Orient - Raphaël Rousseleau p. 96-111
Chroniques scientifiques
- Claude Lévi-Strauss, Œuvres - Eduardo Viveiros de Castro p. 130-135
- L'objet dans tous ses états - Mondher Kilani p. 136-139
- Nicole-Claude Mathieu (éd.), Une maison sans fille est une maison morte. La personne et le genre en sociétés matrilinéaires et/ou uxorilocales - Jeanne Favret-Saada p. 139-140
- Emmanuel Désveaux, Spectres de l'anthropologie. Suite nord-américaine - Gildas Salmon p. 141-142
- L'Histoire assiégée par les noms - Francis Affergan p. 143-145
- Festival de la vidéo de recherche : Patrimoine et mémoire de l'esclavage et de la traite - Silvina Testa p. 145-147
- André-Georges Haudricourt / Jean-François Bert, Essai sur l'origine des différences de mentalité entre Occident et Extrême-Orient / Un certain sens du concret - Jack Goody p. 148
- Élisabeth Gessat-Anstett, Une Atlantide russe. Anthropologie de la mémoire en Russie post-soviétique - Alain Blum p. 148-150
- Emma Aubin-Boltanski, Pèlerinages et Nationalisme en Palestine : prophètes, héros et ancêtres - Falestin Naïli p. 150-151
- Adam Jones, Peter Sebald (éd.), An African Family Archive. The Lawsons of Little Popo/Aneho (Togo), 1841-1938 - Olivier Pétré-Grenouilleau p. 151-153
- Edna G. Bay Asen, Ancestors and Vodun. Tracing Change in African Art - Emmanuelle Kadya Tall p. 153-154