Contenu du sommaire : Les greffes d'organes : le don nécessaire

Revue Sciences Sociales et Santé Mir@bel
Numéro vol. 15, no 1, mars 1997
Titre du numéro Les greffes d'organes : le don nécessaire
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation - Renée Waissman p. 5-8 accès libre
  • Introduction : justice et respect - Patrick Pharo p. 9-19 accès libre
  • Ethnographie d'un prélèvement d'organes - Claire Boileau p. 21-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé. Thérapeutique extrême et particulière, la greffe d'organes nécessite une compatibilité tissulaire parfaite entre le donneur et le receveur, le savoir faire d'une équipe médico-chirurgicale de pointe et un dispositif logistique adapté au transport des organes. Cependant, ces conditions techniques et scientifiques ne suffisent pas pour que la greffe d'organes aboutisse. Le préalable primordial et incontournable est constitué par le prélèvement des organes. Comment les greffons sont-ils obtenus ? De quelle manière et par qui la famille est-elle abordée ? Comment l'équipe biomédicale gère-t-elle un contexte aussi difficile ? La méthode retenue pour cette enquête fut celle de l'observation participante, soit le fait de suivre les différentes étapes mises en place pour aboutir à un prélèvement d'organes dans un service d'urgence et de réanimation. Le travail de terrain a duré six mois durant lesquels, outre l'observation hospitalière, des entretiens eurent lieu auprès d'interlocuteurs impliqués personnellement ou professionnellement dans cette procédure. Cette recherche a permis de mettre en évidence les multiples enjeux psychosociaux émaillant ce processus souvent tenu secret, d'un aspect pourtant important de nos pratiques biomédicales.
    Ethnography of a removal of organ The grafting of human organs is an extreme and particular form of therapeutics. It requires a perfect tissular compatibility between donor and receiver, the how-know of a highly specialized medico-surgical team and logistics adapted to the transport of the organs. However, these technical conditions are not sufficient for the graft to be successfull. The primordial, inevitable preliminary requirement is the removal of the organs from the body of the donor. How are these organs obtained? How and by whom are the families of the deceased contacted? How does the biomédical team manage such a difficult context? Our study was carried out through observant participation, that is by following all the various steps established to lead to a removal of organs from a donor in an emergency and reanimation unit. Field work lasted six months during which, besides observation of the hospital context, interviews were carried out with persons personnally or professionally involved in the procedure. This research has allowed us to point out the various psychosocial factors present in the procedure, often kept secret, but however a very important part of our biomedical practice.
  • Solliciter l'inconcevable ou le consentement des morts. Prélèvement d'organes, formes de circulation des greffons et normes de compétence - Florence Paterson p. 35-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé. Dans quelle mesure peut on parler de « don » d'organes et de consentement des « donneurs »? À cette question nous tentons de répondre en portant notre attention sur les formes de circulation des organes et sur les normes de compétence (ou d'appropriation) qui, à la fin des années quatre-vingt, sous-tendent les relations d'échange. Les donneurs, les receveurs et leurs familles prennent part à la circulation des organes au travers de la médiation des institutions médicales et de l'État. Il s'agit d'un échange redistributif, et non pas de don au sens maussien, c'est-à-dire une relation d'échange à réciprocité différée. Les relations de réciprocité ne sont pourtant pas absentes mais sont circonscrites à une sphère d'échange particulière : « la communauté des transplanteurs ». La réciprocité, qui s'exerce entre équipes médicales, est liée à la mise en place d'une forme d'organisation sociale qui leur permet d'être relativement autonomes dans le choix des procédures qu'elles emploient pour prélever et répartir localement les greffons. Leurs réponses à l'incertitude, notamment celle liée au statut des familles et à leur participation au processus de décision conduisant à réaliser ou non un prélèvement, aboutissent à des choix de procédures variés. En présentant une typologie des normes de compétence sur lesquelles se fondent ces diverses procédures locales, notre objectif est de souligner les effets de la médiation institutionnelle sur la manière de concevoir la contribution des « donneurs » et des familles à la mise en circulation des organes.
    «Donors» consent Removing organs, circulation and norms of competence To what extent is it appropriate to speak of organ «donation» and of «donors» consent? We attempt to answer this question by focusing both on the forms of organ circulation and on competence (or appropriation) norms, which, at the end of the eighties, involved exchange relationships. Donors, recipients and their families take part in the circulation of organs through the mediation of the medical institutions and the State. It appears clearly as a redistributive exchange process, rather than an exchange relationship with delayed reciprocity. However reciprocal relationships exist, but are limited to one particular sphere of exchange: the «tranplantors community». Reciprocity practised between medical teams relates to the development of one particular form of social organization allowing relative autonomy as concerns it's choice of procedures which locall serve in removing and distributing grafts. Their response to uncertainty leads toward choosing between various procedures, notably when the status of families is implied and their ability to participate in the process of deciding whether or not organ removal is to be performed. By putting forward a typology of norms of competence on which these various local procedures are founded, our goal is to stress the effect of institutional mediation on the way «donors» and their families' contribution is to be conceived concerning organ circulation.
  • Don et/ou prélèvement d'organes - Dominique Thouvenin p. 75-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé. Cet article cherche à montrer comment les lois bioéthiques du 29 juillet 1994 ont entendu permettre le prélèvement d'organes sur une personne décédée tout en sauvegardant le respect de la personne sur laquelle ils sont prélevés. D'une part, les besoins de ceux qui sont en attente de greffe sont considérés comme légitimes, mais sans pour autant justifier n'importe quel moyen d'obtention des organes nécessaires ; aussi, d'autre part, afin d'écarter tout soupçon de commerce, les organes ne peuvent être obtenus que grâce à un don. Mais la référence au don, si elle évite d'assimiler les organes à des objets potentiellement commercialisables, implique l'expression du consentement et limite, par voie de conséquence, l'obtention des organes à ceux qui souhaitent donner leurs organes. En réalité, le don n'est présent qu'en tant que finalité autorisant l'intervention sur le corps d'une personne décédée. La loi a confié la tâche du prélèvement aux médecins, ces derniers ne pouvant intervenir sur le corps de la personne qu'en respectant un certain nombre de conditions. Ils doivent notamment vérifier que la personne n'était pas opposée au prélèvement, ce qui ne manque pas d'entraîner de nombreuses difficultés lorsque la personne décédée n'a, de son vivant, exprimé aucun point de vue. Ceci explique pourquoi le témoignage des membres de la famille est central, car ils sont susceptibles de connaître l'opinion du défunt sur le prélèvement d'organes.
    Donation and/or organ removal This article looks at how the bio-ethical laws dated 29 July 1994 were intented to allow organ removal from a deceased person while at the same time ensuring that the respect due to that person was maintened. On the one hand, the needs of those on the transplant waiting list are considered to be legitimate, but are not, however, enough to justify obtaining organs by any means whatsoever; and on the other, to avoid any suspicion of commercial interest, organs can only be obtained via a donation. However, the use of the term donation, while it ensures that organs are not considered as potentially commercial items, implies an expression of consent and consequently limits the organs available to those who have specifically expressed their approval. In practice, a donation only represents a finality authorising an opération on a deceased person. The law stipulates that physicians are responsible for organ removal and that they must respect a number of conditions when doing so. They must, first and foremost, check that the person was not opposed to removal, which is not easy to do in cases where the deceased person did not take any particular stand while alive. For this reason, the contribution of family members is crucial, as they are best placed to know how the deceased person felt about organ donation prior to death.
  • Débats autour de la transplantation d'organes - Catherine Déchamp-Le Roux p. 99-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé. La solidarité entre les vivants et les morts, matérialisée par la circulation des organes et des tissus, est à la fois cause et conséquence de transformations sociales. Les conditions d'émergence et de développement de ce paradigme technico-social du corps sont analysées à partir de l'étude des controverses scientifiques et profanes au sujet des greffes. Dans les pays occidentaux, l'État a légiféré et organisé, au nom d'une solidarité universelle la gestion sociale du corps humain mort. La pénurie des organes a été à l'origine de la définition de la mort cérébrale, en 1 968, et ainsi l'idée d'un corps humain distinct de la personne s'est imposée, avec pour conséquence, le développement des transplantations. L'essor de cette technologie médicale a contraint l'État à intervenir pour que l'on admette désormais le corps humain mort comme un bien public. L'État, garant de la solidarité, est aussi au service de techniciens qui gèrent l'offre et la demande.
    Controversies about transplants Solidarity between the living and the dead as materialised by the circulation of organs and tissues has been both the cause and the consequence of social change. The emergence of conditions favourable to that technico-social paradigm are analysed through a study of the scientific and lay controversies about transplants. In western countries, the State has legislated and organised the social transfer of the dead human body, considered as an element of the solidarity between strangers. The death of organs led to the definition of brain death - in 1968 - that in turn led to the idea of a human body distinct from the person with a consequent increase in transplantation. The rapid development of this medical technology forced the State to intervene and ensure that the human body be henceforth considered as a national resource. The State, in its capacity as guarantor of organic solidarity, also works for the technicians who manage the supply and demand.
  • La rédaction a reçu - p. 129-130 accès libre