Contenu du sommaire : Syntaxe et sémantique des marqueurs modaux
Revue | Langages |
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Numéro | no 193, mars 2014 |
Titre du numéro | Syntaxe et sémantique des marqueurs modaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Syntaxe et sémantique des marqueurs modaux : présentation - Nelly Flaux, Véronique Lagae p. 3-15
- La théorie modale de la polyphonie et les constructions conditionnelles prédictives en si - Hans Kronning p. 17-31 Dans cet article, nous étudions les constructions conditionnelles prédictives en Si P, Q dans le cadre de la théorie modale de la polyphonie (la TMP). L'idée fondamentale de cette théorie est que les contenus sémantiques constitutifs de la polyphonie – les « points de vue » – sont articulés en un modus « montré » et un dictum véridicible. La TMP nous permet d'expliquer la recevabilité variable d'un certain nombre d'enchaînements dialogiques auxquels pourraient donner lieu les conditionnelles prédictives. Ainsi, nous pouvons repérer certaines propriétés rarement ou jamais observées ou théorisées des constructions conditionnelles prédictives.The Modal Theory of Polyphony and Predictive Si-conditionals. In this paper predictive conditional constructions of the type Si P, Q are studied in the framework of the modal theory of polyphony (MTP). The main idea of this theory is that the constituent semantic contents of linguistic polyphony – the points of view – are divisible into a “shown” modus and a veridictional dictum. The MTP makes it possible to explain the variable acceptability of certain linkages to conditional constructions in dialogical exchanges. By the same token, it becomes possible to pinpoint certain rarely or never observed or theorized properties of predictive conditional constructions.
- Aux origines des emplois modaux de l'imparfait. Le cas de l'emploi hypothétique et de l'emploi contrefactuel - Adeline Patard, Walter De Mulder p. 33-47 Le présent article porte sur l'origine diachronique de deux emplois modaux de l'imparfait : l'emploi hypothétique dans les constructions en si et l'emploi contrefactuel. Après avoir établi que ces deux tours existaient dès l'ancien français où ils correspondaient à deux emplois distincts de l'imparfait dans la protase et l'apodose de constructions hypothétiques, nous retraçons le développement de ces deux tours en latin. Il apparaît alors que l'introduction de l'imparfait dans les hypothétiques est étroitement liée à l'érosion sémantique des formes subjonctives. Il semble aussi que l'association croissante de l'imparfait avec les valeurs de contrefactualité et de distanciation a entraîné un affaiblissement progressif de sa valeur aspectuo-temporelle. Enfin, nous suggérons d'analyser cette évolution comme illustrant le passage du stade des « bridging contexts » à celui des « switch contexts » décrit dans le modèle du changement sémantique de Heine (2002).To the roots of the modal uses of the imparfait. The case of the hypothetical use and counterfactual use The present paper deals with the diachronic origin of two modal uses of the imparfait : the hypothetical use in si-constructions and the counterfactual use. After establishing that the two uses already existed in Old French where they corresponded to two distinct uses of the imparfait in the protasis and in the apodosis of hypothetical constructions, we trace the development of both uses in Latin. It then appears that the introduction of the imparfait in hypotheticals is intimately connected to the semantic erosion of subjunctive forms. It also seems that the growing association of the imparfait with values such as counterfactuality and distanciation led to a progressive weakening of its aspectuo-temporal value. We finally suggest that this evolution illustrates the transition between the stage of “bridging contexts” and that of “switch contexts” described in Heine's model (2002) for semantic change.
- Byt' INF ‘être' + SNDAT : le cas particulier de l'infinitif modal en russe - Katia Paykin p. 49-62 La présente étude examine la structure byt'INF ‘être' + SNDAT du russe moderne qui dénote le surgissement inévitable d'un événement. Cette structure manifeste un certain nombre de particularités par rapport à d'autres structures à SNDAT ou à infinitif modal. Parmi ses caractéristiques propres on trouve notamment la présence obligatoire du SNDAT qui porte le trait non-animé, l'impossibilité d'insérer la copule ‘être' temporelle, ses propres contraintes de distribution aspectuelle et la structure informationnelle réduite au rhème seul. L'ensemble de ces propriétés justifie l'élargissement de la catégorie des propositions à infinitif modal pour inclure, à côté des propositions infinitives de fatalité ou d'inéluctabilité, une structure à infinitif de surgissement inévitable.Byt'INF ‘be' + NPDAT : a special case of modal infinitive in Russian. The goal of the present study is to examine the structure byt'INF ‘be' + NPDAT of Modern Russian, which denotes an inevitable coming into existence of an event. This structure has a number of properties that sets it apart both from other structures with a dative subject and from other structures with a modal infinitive, i.e. the mandatory presence of the dative inanimate NP, the impossibility of inserting a temporal copula ‘be', its own aspectual constraints and the information structure of a thetic judgement. All of these properties justify the introduction of a separate category inside modal infinitive constructions called “the infinitive of inevitable coming into existence”.
- Sémantique des jugements épistémiques : degré de croyance et prise en charge - Laurent Gosselin p. 63-81 Cet article propose une nouvelle analyse des jugements épistémiques (X croire/savoir/s'imaginer que p) dans le cadre de la Théorie Modulaire des Modalités (Gosselin 2010). Après avoir critiqué l'application à la sémantique linguistique de certains principes de la logique épistémique (comme celui de l'objectivité du savoir), nous proposons une analyse énonciative de la factivité, qui se trouve nettement distinguée à la fois du degré de croyance et de la factualité. Dans ce cadre, nous traitons de la factivité dans le discours rapporté et de la projection des présuppositions. Nous montrons enfin que cette analyse syntactico-sémantique de la modalité peut servir de base à une approche pragmatique de la modalisation dans le discours.On epistemic statements : degree of belief and commitment. In this paper, we propose a new analysis of epistemic statements (X croire/savoir/s'imaginer que p) in the framework of the Modular Theory of Modalities (Gosselin 2010). First, we criticize the use, in the field of linguistic semantics, of some principles of epistemic logic (as the principle of objectivity of knowledge). Then, we argue in favor of an enunciative approach of factivity, which is clearly distinguished both from the belief's degree and from factuality. In this framework, we deal with classical problems of factivity in reported speech and of projection of presuppositions. Finally, we show that this semantic analysis of modality can be taken as a base for a pragmatic approach of modalization in discourse.
- La modalité et le marquage différentiel de l'objet : le cas du verbe alta en coréen - Injoo Choi-Jonin p. 83-97 Le verbe coréen alta, précédé d'une proposition nominalisée à l'aide du nom dépendant cwul, peut être interprété aussi bien comme un verbe modal dynamique exprimant une habileté que comme un verbe à modalité épistémique factive, contre-factive ou non-factive. Dans les cas de modalité dynamique ou factive, le nom dépendant cwul peut être suivi de la marque accusative, alors que celle-ci n'est pas admise dans les cas de modalité contre-/non-factive. L'absence de la marque accusative n'entraîne cependant pas systématiquement une interprétation contre- /non-factive. Cette étude met en évidence les paramètres syntaxiques et sémantiques associés à chaque modalité du verbe alta. L'hypothèse défendue est que l'interprétation contre-/non-factive du verbe alta est liée à la grammaticalisation de ce dernier, qui perd son autonomie syntaxique et entraîne une réanalyse syntaxique et interprétative.Modality and differential object marking : the case of the verb alta in Korean. The Korean verb alta, preceded by a proposition nominalized by means of the dependant noun cwul, can be interpreted as a dynamic modal verb expressing an ability as well as an epistemic modal verb expressing factivity, counter-factivity or non-factivity. In the cases of dynamic and factive modality, the dependent noun cwul can be followed by the accusative mark, while in the cases of counter-/non-factive modality, it cannot. However, the absence of the accusative mark does not lead systematically to a counter-/non-factive interpretation. This study identifies syntactic and semantic features associated with each modality expressed by the verb alta. The hypothesis defended is that the counter-/non-factive interpretation of the verb alta is due to the grammaticalization of this verb, which loses its syntactic autonomy and triggers a syntactic and interpretative reanalysis.
- La construction à datif épistémique : une structure modale ou évidentielle ? - Marleen Van Peteghem p. 99-112 La « construction à datif épistémique » (cf. Je lui trouve du charme) est généralement décrite comme une structure de la prédication seconde. Cet article examine si les verbes qui entrent dans cette structure fonctionnent par rapport à la prédication seconde comme des marqueurs modaux épistémiques, comme le suggère le terme proposé par N. Ruwet (1982), ou plutôt comme des évidentiels. Une étude de corpus de six verbes représentatifs montre que la prédication première tend à jouer un rôle secondaire au niveau discursif. Elle fonctionne alors comme un marqueur évidentiel plutôt que modal exprimant la source d'un jugement subjectif ou d'une perception personnelle, qui est souvent le locuteur mais pas nécessairement. Néanmoins, dans beaucoup d'autres cas, la prédication première est également discursivement première et ne fonctionne alors pas comme un marqueur modal ou évidentiel.Epistemic dative construction : a modal or evidential structure ? The epistemic dative construction (cf. Je lui trouve du charme ‘I find him charming') is generally described as a structure of secondary predication. This paper examines whether the verbs used in this structure function as epistemic modalizers, as the term proposed by Ruwet (1982) suggests, or rather as evidential markers of the secondary predication. A corpus study of six representative verbs, four cognition verbs and two perception verbs, shows that the primary predication is often not the main predication of the clause. In these cases it functions as an evidential rather than a modal marker in that it expresses the source of a subjective judgment or a personal perception, mostly on the part of the speaker, but not necessarily. However, in many other cases, the primary predication is also the main predicate of the clause from a discourse point of view and does not function as a modal or evidential marker.
- Verbes modaux et enrichissement pragmatique - Louis de Saussure p. 113-126 Cet article envisage les verbes modaux pouvoir et devoir comme conceptuels et non procéduraux-grammaticaux d'une part, mais surtout comme sous-déterminés sémantiquement et comme non polysémiques d'autre part, dans le sens de polysémique qui suppose une conventionnalisation des significations. Nous tentons de montrer que les effets de sens de ces verbes, qui ne peuvent pas se réduire à un des cas canoniques évoqués par la littérature, sont analysables par le biais d'inférences pragmatiques à partir d'une notion sous-déterminée de possibilité ou de nécessité.Modal verbs and pragmatic enrichment. This paper aims at explaining the semantic behaviour of French modal verbs devoir (‘must') and pouvoir (‘can', ‘may') with the hypothesis that they are conceptual, not procedural, and semantically under-determined. We suggest that these verbs are not polysemous if considering polysemy in the technical sense implying a conventionalization of several meanings in the lexicon. We try to show that the various meanings of these verbs are not all reducible to one of the canonical cases usually considered in the literature. We suggest that all meanings of these verbs emerge as pragmatic enrichments on the basis of an underspecified notion of possibility or necessity.
- Les noms d'idéalités et la modalité : marquage d'une opposition - Nelly Flaux, Dejan Stosic p. 127-142 Prise au sens originel du terme, comme évaluation d'un objet selon les catégories du vrai/faux, du beau/laid ou du bon/mauvais, la notion de modalité est appliquée ici à la classe nominale. Nous utilisons en effet la modalité comme un des critères de sous-classification d'un type particulier de noms, que nous appelons à la suite de Husserl « noms d'idéalités » (NId) (ex. sonate, poème, gravure, théorème). Peu étudiés jusqu'à présent, les NId renvoient à des objets très particuliers, ceux qui sont dotés d'un contenu spirituel destiné à être appréhendé par autrui. Les trois oppositions modales retenues, en combinaison avec d'autres paramètres linguistiques, permettent non seulement d'asseoir la distinction entre les NId « libres » (ex. théorème, nombre, triangle) et « liées » (ex. symphonie, roman, tableau), mais aussi d'affiner considérablement la typologie de l'ensemble de la classe. La modalité aléthique (vrai/faux) est étroitement liée aux NId libres logiques (ex. hypothèse) et discursives (ex. phrase), susceptibles d'une complémentation propositionnelle.Ideality nouns and modality In this paper, we apply the category of modality to the class of nouns. Understood in its original sense, i.e. as an evaluation of objects in terms of true/false, beautiful/ugly or good/bad, modality is used here as one of a series of criteria for classifying a particular kind of nouns, which we call “ideality nouns” (IdN) following Husserl (e.g. sonata, poem, engraving, theorem). Such nouns refer to those objects that are endowed with a spiritual content supposed to be interpreted by humans. The three modal oppositions mentioned above, combined with other linguistic parameters, allow us both to well establish the distinction between IdNs denoting “free idealities” (e.g. theorem, number, triangle) and IdNs denoting “bound idealities” (e.g. symphony, novel, painting), and to refine the classification of the class itself.