Contenu du sommaire : La gouvernance entre promesses de futur et aliénation présente

La bonne gouvernance semble se présenter aujourd'hui comme le principal projet global pour les sociétés. Elle se mesure en termes de performances économiques autant que de qualités morales. Cette notion est ici analysée sous 3 angles : le marché de plus en plus souverain, l'interdépendance globale et la gestion des risques qu'elle impose, enfin la communauté morale présumée à la fois sujet et objet de la bonne gouvernance. Cette communauté morale qui se substitue aux diverses sociétés soumises aux normes de bonne gouvernance est en proie à la terreur sécuritaire comme à la violence du marché.

La bonne gouvernance semble se présenter aujourd'hui comme le principal projet global pour les sociétés. Elle se mesure en termes de performances économiques autant que de qualités morales. Cette notion est ici analysée sous 3 angles : le marché de plus en plus souverain, l'interdépendance globale et la gestion des risques qu'elle impose, enfin la communauté morale présumée à la fois sujet et objet de la bonne gouvernance. Cette communauté morale qui se substitue aux diverses sociétés soumises aux normes de bonne gouvernance est en proie à la terreur sécuritaire comme à la violence du marché.

La gouvernance, généralement louée dans les milieux politiques et dans les médias comme réponse raisonnable aux défaillances du monde politique et à l'inexistence d'une régulation mondiale, est analysée dans cet article comme une stratégie servant à imposer un nouveau « dispositif » (Foucault) qui peut fonctionner partout : aussi bien sur le plan mondial que local, aussi bien dans les entreprises que dans les universités etc. Nous caractérisons la gouvernance comme une stratégie post-étatique et développons cinq exemples de la gouvernance pour ensuite montrer que la gouvernance a comme finalité de maintenir ou de rétablir l'ordre dans le monde selon ses critères, un ordre qui est porté par la raison instrumentale. Elle est également l'expression d'une nouvelle qualité du politique, des institutions et, in fine, de l'organisation de la vie sociale qui reforme ou établit la sérialité des sociétés.

L'édification permanente de nouvelles identités et appartenances constitue un ressort de plus en plus puissant de la gouvernance globale scruté ici à partir de quatre de ses tremplins : sexe, parenté, origine, religion ; dans ces champs sociaux et politiques, imaginaires et symboliques, qui se présentent comme des marchés idéels, se constatent avec particulièrement d'acuité les doubles processus constants de dissolution et de récréation des modes d'identification intrinsèques à la globalisation idéologique. Ces phénomènes de scissiparité identitaire mettent en scène la liquidité et la fluidité des productions de subjectivités dans la configuration présente et désignent des formes de gouvernance inédites qui s'extirpent de l'entreprise de soi, bien repérée par les sociologues au XXe siècle.

Les acteurs qui défendent l'éthique, les normes sociales et environnementales cherchent à réguler le système capitaliste, notamment par une régulation participative. Cependant, on observe des conflits de légitimité entre les acteurs de la régulation (pouvoirs publics, acteurs économiques, associations de travailleurs, de citoyens). De plus, il existe plusieurs formes de régulation normative. Aussi, on observe les limites de la régulation privée, par exemple avec labels forestiers ou les codes de conduites en matière sociale. Concernant la fiabilité des labels, on relève un conflit entre la logique procédurale et la logique de communication marketing. C'est pourquoi la gouvernance globale peut favoriser la démocratisation, mais aussi privatiser la régulation sociale au détriment de la démocratie.

Depuis le premier Sommet de la Terre de Rio (1992), un processus multilatéral s'est mis en place pour essayer de répondre au problème du changement climatique, sur lequel les scientifiques lançaient l'alerte depuis plusieurs années. Cette gouvernance onusienne a longtemps paru dans l'impasse. Les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, responsables du réchauffement et des dérèglements climatiques qui en résultent, n'ont cessé de croître et ont atteint un niveau record en 2013. Selon le cinquième rapport du GIEC, il est fort probable que le réchauffement climatique dépassera le seuil critique dangereux des 2 °C supplémentaires. Mais à Paris, en décembre 2015, un texte d'Accord universel a été signé par les 198 États ou Parties de la Convention climatique, ce succès étant salué comme un Momentum historique par de nombreux acteurs et observateurs. Cet article s'interroge sur le passé, le présent et l'avenir de cette « gouvernance ».

Lorsqu'il s'agit d'analyser l'échange international de marchandises, un clivage oppose deux courants de pensée. Le premier voit dans l'échange une source possible d'accroissement de la richesse des nations et un vecteur de la pacification des sociétés. L'autre courant montre au contraire que, dès lors que des marchandises sont échangées, elles battent nécessairement pavillon et que, nécessairement, un jeu de rivalités s'instaure pour capter des parts de marché. Les produits agricoles constituent l'une des manifestations de ces rapports de force dans l'économie mondiale.

Cet article porte sur l'autorité éducative telle qu'elle est exercée par des enseignants ou des animateurs sociaux, en considérant que sa définition résulte de la prime socialisation et d'expériences ultérieures. En interrogeant des manières de définir l'autorité, il s'agit d'élaborer un questionnement sur sa construction dans le temps, notamment pour éclairer ce qu'on appelle la part inspirée et comprendre comment se forge une autolégitimation qui ne saurait suffire à elle seule, mais qui acquiert plus d'importance aujourd'hui. C'est dans cette perspective qu'elle est mise en question dans un même contexte urbain pour des enseignants et des animateurs et approchée à partir d'une enquête menée de février 2006 à juin 2010 dans l'agglomération lyonnaise. Les uns et les autres se situent en continuité avec ce qu'ils ont vécu dans leur enfance et la distinction entre enseignants et animateurs n'est guère pertinente. On propose de rendre compte de ce qui fonde leurs positionnements par une typologie qui fasse ressortir la structuration de l'apprentissage d'une forme d'autorité. Dans cette typologie, la matrice se forge dans la famille et dans les rapports à l'environnement que constitue le quartier, soit pour que s'affirme une prépondérance constante de l'adulte (les « vigilants »), soit sur la volonté première d'emporter l'adhésion par le dialogue (les « empathiques »).

L'Agence mondiale antidopage réunit, depuis sa création en 1999, des représentants du mouvement olympique et des pouvoirs publics. Entrant par les critiques formulées à l'égard du fonctionnement de ce modèle paritaire inédit dans le sport, cet article analyse l'articulation difficile des piliers de la gouvernance, des dispositifs standardisés et des pratiques dans la lutte contre le dopage. Ainsi, les objets de dénonciation que sont l'ingérence, le défaut d'expertise et de transparence mais également le milieu insaisissable rendent compte d'une chaîne longue de délégation qui met en cause la prise en considération du local dans un processus normatif globalisant.

Assimiler le financement du terrorisme au blanchiment de capitaux soulève de nombreuses interrogations sur la pertinence de cette relation en raison du faible coût de préparation des attentats et de divergences profondes entre les profils des terroristes par nature reclus et des criminels financiers par essence inclus dans la société. Faut-il voir dans cette association une manipulation utilitariste visant à instaurer une démarche sécuritaire préventive ou le moyen d'annihiler tout esprit critique d'un capitalisme criminogène inducteur de fraude fiscale ?

La « guerre à la drogue » est un domaine qui a particulièrement sécrété, depuis les années 1970, des hypothèses « complotistes » censées dévoiler les buts implicites des politiques publiques ou les véritables acteurs que le « système » aurait souhaité dissimuler. Ces accusations se rejoignent dans le schéma d'un État faible avec les forts (grands trafiquants) et fort avec les faibles (usagers). Cet article se propose de questionner quelques-unes de ces accusations dans le cas français, en les reprenant dans l'ordre chronologique de leur formulation, au fur et à mesure de l'évolution du problème drogue dans la France contemporaine : l'implication de « l'État profond » gaulliste dans le trafic d'héroïne de la French Connection, la protection politique offerte aux grands trafiquants de drogue, la lutte contre la drogue comme prétexte pour s'en prendre aux jeunes protestataires post-1968 ou aux minorités ethniques, le pourrissement volontaire des scènes urbaines de la drogue pour favoriser des opérations immobilières dans les années 1980, la diffusion de la drogue dans les banlieues comme stratégie de contrôle politique. Il s'agit de partir de ces lectures pour réfléchir aux véritables logiques institutionnelles, politiques et sociales qu'elles dissimulent, portant sur la nature même de l'État, du crime organisé ou de la diffusion de la toxicomanie. Elles apparaissent finalement comme le reflet déformé d'une analyse incomplète des réseaux et des pouvoirs qui est à mener de façon plus approfondie.

Cet article s'interroge sur la « mise en fabrique » d'une œuvre d'art à partir du suivi ethnographique d'un projet élaboré par l'artiste Meschac Gaba dans le cadre de la Biennale Benin (Cotonou, novembre 2012-janvier 2013) exposé par la suite à la FIAC de 2013, alors que ce projet, réalisé au Bénin, faisait son apparition sur le marché de l'art international.Par la mise en place d'une anthropologie multi-sites qui nous a conduite à varier échelles et angles d'observation (des objets aux situations, puis à une multiplicité d'acteurs), nous avons suivi les étapes de la production de Bibliothèque roulante, qui a pris la forme d'une performance consistant à faire circuler dans la ville des extraits de textes sur l'art, affichés sur les plaques minéralogiques des zémidjans (taxis-motos). En analysant les différents modes d'existence de ce projet, et en suivant sa trajectoire globale – depuis sa production dans le contexte d'une biennale d'art en Afrique jusqu'à son devenir dans le monde de l'art international – nous montrons comment une production artistique locale est influencée par le monde de l'art global et dans quelle mesure le changement du contexte d'exposition peut entraîner des acclimatations du concept et de la perception de l'œuvre.