Contenu du sommaire : Qu'est-ce qu'un dieu ? sous la direction de Antoine Guillaumont et Charles Amiel.
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 205, n°4, 1988 |
Titre du numéro | Qu'est-ce qu'un dieu ? sous la direction de Antoine Guillaumont et Charles Amiel. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Qu'est-ce qu'un Dieu ? Présentation - Marcel Detienne p. 339-344
- En quête des dieux bugis : entre mythe et rituel, entre silence et parole - Gilbert Hamonic, Christian Pelras p. 345-365 Au travers des importantes survivances héritées de la religion préislamique des Bugis de Célèbes-Sud (Indonésie), les auteurs tentent ici de cerner la figure revêtue par les dieux en une société dont l'univers religieux apparaît d'emblée très polarisé. Chacun parcourt donc à son tour, et en sens inverse, le chemin qui mène du mythe au rituel. Et la catégorie d'« intermédiaire » (comme le sont « les ancêtres » et les esprits éthérés entre dieux et humains, comme l'est « le langage secret » entre mutisme et parole, comme le sont les prêtres entre homme et femme...) de venir se placer au cœur d'un tel univers.In quest of Bugis gods : between myth and ritual, silence and speech From numerous vestiges inherited from the pre-Islamic religion of the Bugis in the South Celebes (Indonesia), the authors attempt here to define the figure assumed by the gods in a society whose religious universe appears from the start to be very polarized. Each author in turn, and starting from the opposite pole, follows the path that runs from myth to ritual. The « intermediary » category (like that of « the ancestors » and ethereal spirits between the gods and man, « secret language » between mutism and speech, priests between man and woman) takes its place within the heart of such an universe.
- Un nom, une forme, un lieu. L'invention hindoue de l'autre et du même - Marie-Louise Reiniche p. 367-383 L'exemple d'une déesse d'un village sud-indien et ses mythes offrent une définition de la divinité hindoue comme forme nommée de l'universel inscrite dans le particulier. D'une part, cette définition rend compte de la hiérarchie de la multiplicité divine et de l'inversion relative des valeurs qu'elle permet. D'autre part, les récits et la parole du prêtre construisent la présence divine sur un mode comparable à celui du rituel. Ce constat renvoie au spécialiste intermédiaire obligé du rituel dans son opposition au possédé ou au dévot directement identifiés à la divinité. De fait, l'hindouisme propose deux formules de la relation au divin auxquelles s'articulent les processus sociaux d'identification et de différenciation.A name, a shape, a location. The Hindu pattern of the one and the other Through the example of a South Indian village goddess and through her myths, the Hindu deity is defined as a universal being locally embodied with a particular name and shape. This definition enables to understand the divine manifoldness and hierarchy as well as the latter comparative reversal. Moreover, the narrative by the priest makes the deity to be present in a way similar to what he ritually does in a temple. If the priest appears to be a specialist indispensable to anyone who has to worship a god, at the same time man is somehow directly identified with a deity through possession or devotion. The social processes of identification and differentiation are given impulsion by both Hindu ways of men' relationship with gods.
- Dieux fugueurs, dieux captés chez les Hittites - Hatice Gonnet p. 385-398 Un des traits remarquables de la religion hittite est la mobilité des dieux : ils sont en effet moins attachés à un lieu que liés à un culte. Ils sont toujours susceptibles de partir, en cas de manquements, ou, en sens inverse, d'être importés de l'étranger au cœur du pays hittite grâce à une stratégie religieuse qui peut avoir des implications politiques. Le pays hittite n'était pas considéré comme une terre par essence propice au séjour des dieux, mais son caractère sacré était intimement lié à la présence de nombreuses divinités. Maintenir les dieux locaux et attirer les puissances divines étrangères était le principal objectif du roi et du clergé hittites, d'où probablement la création d'un panthéon interculturel au cours des siècles.Runaway gods and captured gods by the Hittites One of the most remarkable features of Hittite religion is the mobility of Gods. It seems that they are more attached to a cult than to a place. They can always be expected to leave if they are not respected. Also they can be imported from a foreign land straight into the heart of the Hittite land thanks to a religious strategy which can also have political implications. The Hittite country was not considered as a land which was essentially dedicated to the gods but its sacred character was closely linked up with the presence of gods. Keeping the local gods on the spot and attracting foreign godly powers was one of the essential preoccupations of the king and clergy — which probably explains the creation of an intercultural pantheon through the centuries.
- Du panthéisme japonais - Patrick Beillevaire p. 399-413 L'idée d'une relation consubstantielle entre le territoire national et les dieux est au fondement même du particularisme japonais. Bien qu'aujourd'hui elle se pare souvent d'arguments scientifiques, cette croyance tenace dans le caractère unique du Japon se révèle n'avoir d'autre modèle que la référence à soi contenue dans le mythe d'origine du pays, support idéologique de l'institution impériale. Quant au bouddhisme, c'est par l'assimilation de ses divers personnages et dieux au panthéon indigène qu'il s'est véritablement intégré à la culture populaire, en grande partie au détriment de sa dimension universaliste initiale.On Japanese Pantheism The idea of a consubstantial relation between the national territory and the gods lies at the very basis of Japanese particularism. Though today it is often adorned with scientific arguments, that tenacious belief in Japanese uniqueness proves to have no other model but the self-reference contained in the myth of origin of the country which is also the ideological support of the imperial institution. As for Buddhism, it was through the assimilation of its diverse personages and gods to the native pantheon that it really became part of popular culture, much to the detriment of its initial universalistic perspective.
- Dieu de la tribu ou seigneur du lieu ? Aspects de la divinité chez les Sémites de l'Ouest - Javier Teixidor p. 415-424 Quelques textes épigraphiques ouest-sémitiques du Ier millénaire avant notre ère permettent de déceler chez les Sémites deux notions différentes de la divinité : ou bien dieu est adoré comme le dieu de la tribu, c'est-à-dire le dieu de la maison des pères dont le culte renferme ses adorateurs dans un enclos paroissial hors du temps, ou bien dieu est le seigneur du lieu et son pouvoir s'insérant dans l'histoire locale, devient le fondement du bien-être de ses habitants ; on ne doit pourtant pas en conclure à une évolution de la pensée du croyant conditionnée par un passage du nomadisme à la vie sédentaire. En fait, les deux notions interfèrent souvent et c'est l'image d'un rapport de confiance entre le dieu et son adorateur qui s'impose.God of the tribe or Lord of the place. Aspects of the divinity among Western Semites From some of the West-Semitic inscriptions dated to the First Millennium B. C. it can be inferred that the Semites held a double notion of the deity : God was believed to be the God of the Father, namely the eponymous ancestor of the tribe with which he was associated, and God would also be acknowledged the Lord of the land wherein the faithful lived. Neither notion, however, is exclusive.
- Notion de « dieu » et structure du panthéon dans l'Egypte ancienne - Dimitri Meeks p. 425-446 Pour définir la notion de « dieu » en Egypte la présente étude se limite à l'aspect sémantique, donc formel, du concept. Le mot "nétjer" « dieu » appartient à une famille de mots dont le dénominateur commun est le rite. Est « dieu » tout ce qui a été introduit et/ou maintenu dans cet état par le rite. Cette approche, dont il est admis qu'elle est réductrice permet, pourtant, de délimiter le champ du divin. En examinant l'instant où le divin s'actualise par le rite, on peut esquisser les grandes lignes d'une structure du panthéon, qui sont autant de frontières : entre ce qui est dieu depuis la création et ce qui devient dieu à la suite d'un rite ; entre ce qui accède à l'état divin de son vivant et ce qui n'y accède qu'après la mortThe notion of « God » and pantheon structure in Ancient Egypt The present study confines itself to the semantic, formal, aspect of the « god » concept. The term "netjer" « god » belongs to a set of words which share rite in common. Is a « god » whatever is introduced and/or kept in this status by the rite. This approach, admitedly reductive allows, however, to set down the limits of the field of the divine. When taking into consideration the moment when the divine is actualized through the rite, one can sketch the broad lines of a structure of pantheon which represent as many borders : between what is god since creation and what becomes god through rite ; between what reaches the divine status when alive and what reaches it after death.
- Identité et bureaucratie divines en Chine ancienne - Jean Levi p. 447-465 Dans la Chine classique le modèle du pouvoir bureaucratique a joui d'une telle force de structuration de la pensée qu'il a contaminé la sphère du divin, la fonction d'un dieu se dissociant de son identité. Dans la religion populaire, la dichotomie a conduit à réduire l'opposition des hommes et des dieux à celles des morts et des vivants. Le schéma s'est étendu aux élaborations savantes échafaudées en réaction contre le modèle populaire. Le travail de cosmologisation des ritualistes lettrés aboutit, par le vide qu'il opère dans la texture divine, à assimiler dieux, offices et sacrifices, tandis que la personne royale a été déifiée après avoir été vidée de toute individualité en tant qu'hypostase historique des quartiers du ciel. Dans le taoïsme, l'immortalité finit par ne plus être qu'une voie prestigieuse de recrutement de fonctionnaires célestes.Divine identity and bureaucracy in Ancient China In classical China the model of bureaucratie power exercised so much influence on structuring thought that it contamined the divine sphere, the function of a god being dissociated from its identity. In popular religion, the dichotomy was to reduce the opposition between man and the gods to that of the dead and the living. The schema was extended to learned developments constructed in reaction to the popular model. Through the void it effected in the divine texture, the cosmologization work of learned ritualists resulted in the assimilation of gods, services and sacrifices, whereas the royal figure was deified after being emptied of all individuality as a historical hypostasis of the quarters of the sky. In Taoism, immortality ends up as no more than a prestigious path for the recruitment of celestial civil servants.