Contenu du sommaire : Le dialogue Asie-Europe (XIXe-XXIe siècles) - I
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 167, octobre-décembre 2016 |
Titre du numéro | Le dialogue Asie-Europe (XIXe-XXIe siècles) - I |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le Dialogue Asie-Europe (XIX e-XXI e siècle) (1)
- Le Dialogue Asie-Europe en perspective (XIXe-XXe siècle) - Laurence Badel, Pierre Singaravélou p. 3-8
- Fausses continuités, interrelations complexes : l'Europe et l'Asie méridionale depuis le XVe siècle - Claude Markovits, Jean-Louis Margolin p. 9-22 Europe et Asie méridionale étaient connectées indirectement depuis le XIIe siècle à travers un actif commerce d'épices dominé par les Vénitiens. L'établissement d'une route maritime directe par le Cap de Bonne-Espérance fut le fait des Portugais, avec le voyage de Vasco de Gama en 1497-98. Entre 1500 et 1750, la présence européenne, élargie après 1600 aux Européens du Nord, resta essentiellement commerciale. Une transition s'effectua à partir de 1750 vers une domination coloniale qui, vers 1880, englobait la totalité de cette immense région. La colonisation européenne ne fut cependant jamais en mesure d'établir une maîtrise absolue sur ces espaces, et dut toujours composer avec des élites indigènes, qui finirent par se retourner contre les puissances coloniales.Europe and Southern Asia were indirectly connected from the twelth century through an active spice trade dominated by the Venetians. A direct maritime route via the Cape was opened up by the Portuguese with Vasco de Gama's voyage of 1497-98. Between 1500 and 1750, the European presence, inclusive after 1600 of Northern Europeans, was mostly of a commercial nature. A transition started circa 1750 towards colonial domination, which was complete by 1880. Europeans however never acquired total mastery over that huge region, and had to seek compromises with local élites, which eventually turned against them.
- Tagore et l'Europe. Tiers médiateurs, destinataires multiples et changements d'échelle - Guillaume Bridet p. 23-36 Dans les années 1910-1930, l'Indien Rabindranath Tagore est le premier écrivain asiatique vivant à jouir d'une renommée littéraire mondiale au point d'obtenir le prix Nobel de littérature en 1913. La circulation de son œuvre en Europe opère en deux temps : de l'Inde à l'Angleterre puis de l'Angleterre aux autres pays ; du bengali à l'anglais puis à une autre langue européenne ; des années qui précèdent la Première Guerre mondiale à celles qui la suivent. Ces médiations multiples et ces changements d'époque ne sont pas sans conséquence. D'un autre côté, Tagore n'est pas simplement lu en Europe et lui-même destine aussi sa réflexion à l'Inde, à l'Asie et, plus encore, à l'humanité comme entité globale. Cet article s'efforce de saisir la façon dont l'écrivain envisage l'Europe et sa réception sur le continent.In the years 1910-1930, the Indian Rabindranath Tagore was the first living Asian writer to enjoy a world literary fame, which led him to be awarded the Nobel Prize for Literature in 1913. In the years preceding World War One and in the early 1920s, the circulation of his work in Europe was a two-phase process. First, in terms of location, his work circulated from India to England, and then from England to the other countries. Second, his books were translated from Bengalese to English, before being translated into other European languages. These multiple mediations and these period changes were not without consequences. As a result, Tagore's work was not only read in Europe, but in India, Asia, and across the global world. This article tries to seize the way in which the writer viewed Europe as well as his reception on the continent.
- La géographie, un outil diplomatique ? Rivalités impériales et collaborations internationales dans le nord de la péninsule indochinoise (fin XIXe – début XXe siècles) - Marie de Rugy p. 37-52 Si l'antagonisme franco-anglais dans la péninsule indochinoise est bien connu, les coopérations internationales et particulièrement les collaborations entre les différents services géographiques n'ont guère été étudiées. Elles constituent l'objet de cet article, dont l'enjeu est de montrer que la cartographie n'est pas seulement un ferment de discorde mais peut être un véritable instrument diplomatique. Les nécessités scientifiques de la géodésie produisent des échanges bilatéraux, tandis que la présence d'un Britannique à la tête du Service géographique siamois interpelle sur la réalité de la mainmise anglaise au Siam. Les échanges institutionnels entre les services géographiques pourraient enfin constituer les prémices d'une diplomatie culturelle. La géographie ne sert donc pas qu'à faire la guerre.As opposed to the well-known Anglo-French rivalry in the Indochinese Peninsula, international co-operation and especially collaborations between the different geographical services have not been studied yet. This article focuses on the latter and aims at proving that cartography does not only foster division but can be seen as a true diplomatic instrument. First, scientific challenges such as geodesy produced bilateral exchanges. Second, the presence of a British person at the head of the Siamese geographical service raises the issue of the nature of English control over Siam. Finally, the institutional exchanges between the geographical services may be seen as the early beginnings of a cultural diplomacy. Hence, geography does not only serve to wage war.
- Les caricaturistes européens et le dragon chinois au XIXe siècle : l'évolution d'une représentation de l'ennemi - Ariane Knüsel p. 53-72 Cet article analyse l'émergence du dragon comme symbole de la Chine dans la caricature européenne du xix e siècle. Les caricaturistes européens se mirent, à cette époque, à dessiner la Chine sous les traits d'un dragon lorsqu'il s'agissait de la représenter comme une menace ou un danger afin de justifier l'impérialisme ou l'usage de la force en Chine. Cependant, se servir du dragon, dans les dessins humoristiques, comme d'un symbole de la Chine procède toujours d'une culture propre : les dessins naissent sous l'influence des intérêts nationaux et de la construction discursive de l'identité nationale. Ainsi les dessinateurs britanniques étaient-ils beaucoup plus portés à cet usage du dragon que leurs homologues français, et les dessinateurs allemands ne commencèrent-ils à recourir au motif du dragon que lorsque l'Allemagne se positionna comme une puissance impériale en Chine. La révolte des Boxers en 1900 installa le dragon comme le symbole de la Chine dans toute l'Europe. En dépit de la circulation transnationale de l'image en question, sa popularité est restée différente cependant d'une nation à l'autre.This article analyses the emergence of the dragon as a symbol for China in European cartoons in the nineteenth century. During this time, European cartoonists began drawing China as a dragon when they wanted to portray it as a threat or menace in order to justify imperialism or the use of force action in China. However, the use of the dragon as a symbol for China in cartoons has always been culture-specific because cartoons are influenced by national interests and the discursive construction of nationhood. Thus, British cartoonists were much more likely to use the dragon as a symbol for China than French cartoonists, and German cartoonists only began to use the dragon once Germany established itself as an imperial power in China. The Boxer Rebellion in 1900 established the dragon across Europe as a symbol for China. Despite the transnational circulation of images, however, popularity still differed from one nation to another.
- Transporter de la main-d'œuvre chinoise à Panama : enjeux économiques et représentations d'un jeune ingénieur suisse à la fin du xix e siècle - Laurent Tissot p. 73-86 À côté de ressortissants d'autres régions asiatiques et des Antilles, le recrutement de main-d'œuvre chinoise a connu au xix e siècle un essor considérable. À l'origine des nombreuses Chinatowns, il intensifie un mouvement d'implantation de la Chine en Occident, notamment en Amérique. L'engagement en 1886 d'un jeune ingénieur suisse par une société chargée de construire le canal de Panama présente l'intérêt de lier les enjeux économiques attachés à sa mission aux représentations suscitées par sa vision extérieure de la Chine et la connaissance qu'il en acquiert sur le terrain. Sur la base des correspondances entretenues avec ses parents par cet ingénieur, cet article vise à mieux comprendre comment il voit la Chine dans ce qu'elle a produit à l'extérieur et dans la façon dont l'Occident l'intègre dans son imaginaire.Besides immigrants from Asia and the West Indies, Chinese labour recruitment experienced a boom in the nineteenth century. This movement gave birth to many Chinatowns, and intensified a Chinese settlement movement to the West, especially in the Americas. The hiring in 1886 of a young Swiss engineer by a company in charge of building the Panama Canal demonstrated the connections between the economic issues attached to his mission and the representations emanating from his external view of China and his encounter with the Chinese there. Based on the correspondence of this young engineer with his parents, this article aims to better understand how he perceived China through its emigrants and the Western representations of the latter.
- L'idéologie dans les relations sino-européennes. L'ambassadeur Guo aux pays de Yi (1877-1879) - Xiaoquan Chu p. 87-94 L'héritage culturel dévoile le ressort idéologique des comportements peu rationnels dans les relations entre la Chine et l'Occident. De ce point de vue, le cas de Songtao Guo n'est pas sans pertinence aujourd'hui. Les tribulations du premier ambassadeur chinois en Occident au xix e siècle s'expliquent par le profond enracinement de la distinction entre Xia et Yi, désignations de deux identités ethnoculturelles, présentes dans la mentalité chinoise depuis deux millénaires. La crispation de la classe des fonctionnaires-lettrés de l'époque vis-à-vis de l'ouverture forcée de la Chine impériale a été provoquée non par la prise en compte des intérêts réels de la Chine mais par une perception des relations internationales faussée par cette vision idéologique. On peut encore se demander si, de nos jours, les relations entre la Chine et l'Occident restent influencées par ce type de considérations.Cultural legacies accounted for certain irrational acts in the relations between China and the West. In this respect, the case of M. Songtao Guo, the first Chinese ambassador in the West, is not without relevance. The tribulations suffered by Songtao Guo were largely due to his cultural belief in the fundamental distinction between Xia and Yi, designations of two ethno-cultural identities, rooted in the Chinese consciousness since two millennia. The hostile reactions of the mandarin class against China's forced opening-up in the 19th century were triggered more by a perception of the world according to this antagonism than by a calculation of real interests at stake. Today one can wonder whether the same kind of ideological considerations still shape the relations between China and the West.
- Redéfinir la relation de l'Europe et de la Chine après 1945 : les organisations économiques britanniques à la recherche d'échanges commerciaux « politiquement corrects » (1952-1963) - Valéria Zanier p. 95-112 L'image de la Chine dans les années 1950-1960 est celle d'un pays qui ne se montre actif sur les plans diplomatique et économique que dans le bloc soviétique, étant ostracisé par les États-Unis et ses alliés du fait de la dynamique de Guerre froide. En fait, cet article montre que la Chine de Mao n'a jamais été totalement fermée et que le commerce demeurait un lien important avec l'Europe non-communiste. Le commerce extérieur jouissait d'une relative indépendance par rapport à la politique intérieure grâce à l'approche pragmatique de plusieurs leaders et aux opérations quotidiennes réalisées par des responsables possédant une expertise en matière d'économie de marché. L'article décrit aussi les difficultés auxquelles se heurtaient les sociétés d'Europe occidentale désireuses de faire du commerce avec la Chine rouge. Dans le cas britannique, il est établi que les organisations professionnelles unissaient leurs efforts à ceux du gouvernement pour éviter une implication politique excessive.The image of China in the 1950s – 1960s is that of a country only active within the diplomatic and economic framework of the Soviet Bloc, ousted by the US and its allies because of Cold War dynamics. In fact, this article shows that Mao's China was never completely closed, one important medium being trade with non-Communist Europe. Foreign commerce enjoyed relative independence from domestic politics thanks to the pragmatic view of several leaders and to the day-to-day operations performed by officials who had an expertise in market economics. The article further describes the complexities met by Western European companies desiring to trade with Red China. In the British case, evidence shows that business associations joined hands with the government to avoid excessive political involvement.
- Au cœur des réseaux d'affaires français en Asie du Nord-Est : Roger Chambard, premier ambassadeur de France en Corée du Sud (années 1950-1980) - Anne Fauvet p. 113-126 En 1959, Roger Chambard devient le premier ambassadeur de France à Séoul, quelques années avant que la Corée du Sud entame un spectaculaire développement économique. Rapidement, il s'impose au centre des réseaux d'affaires en Asie du Nord-Est et se fait l'artisan de l'établissement d'un courant d'affaires avec la Corée du Sud fondé sur les ventes de biens d'équipement français. Après avoir quitté son poste d'ambassadeur et le Quai d'Orsay en 1969, Chambard poursuit son engagement en faveur des échanges franco-coréens, d'abord au sein du grand groupe industriel Pechiney-Ugine-Kuhlmann puis du Conseil national du patronat français (CNPF). Pendant vingt ans, il impose sa marque au développement des relations économiques franco-coréennes, dont il est l'un des principaux instigateurs.In 1959, Roger Chambard became the first French ambassador to South Korea, a few years before the country began its spectacular economic development. Chambard quickly became closely acquainted with business circles in Northeast Asia. It thus enabled him to play a key role in creating for the first time a substantial business trend between France and the Republic of Korea, which mostly relied on the exports of French capital goods. Even after his retirement from the Ministry of Foreign Affairs in 1969, he remained deeply involved in French-Korean business, as a member of the Pechiney-Ugine-Kuhlmann group and of the Conseil national du patronat français (CNPF), the largest employers' organization in France. For twenty years, Chambard helped shape French-Korean economic relations.
- Chercher, construire et combattre l'ennemi. Pour une nouvelle historicité de la guerre contre la terreur - Boris Le Chaffotec p. 127-152 La littérature scientifique semble s'accorder sur le rôle déclencheur des attentats du 11 septembre 2001 dans la guerre menée par les États-Unis contre la terreur. Les discours de George W. Bush des 12 et 20 septembre ainsi que l'autorisation législative de l'usage de la force armée à l'encontre des responsables des attentats de New York, de Washington et de Pennsylvanie le 18 septembre vont dans ce sens. Cette lecture offre une temporalité binaire consacrant la rupture historique que constitueraient ces évènements. Pourtant, ni l'identification de la terreur, ni la militarisation de la lutte antiterroriste ne furent le fait de l'administration républicaine. Aussi, nous proposons-nous d'établir une nouvelle historicité de la guerre contre la terreur en adoptant une approche à plus long terme. À travers les archives des administrations de George Bush, Bill Clinton et George W. Bush ainsi que celles du Congrès, nous la replacerons dans une histoire de la politique étrangère américaine d'après-Guerre froide.Current academic literature admits the central role of the 9/11 terrorist attacks in the start of the war led by the United States against terror. The speeches delivered by George W. Bush on September 12 and 20 and the legislative authorisation on September 18 to use military force against those who committed or aided the terrorist attacks on New York, Washington and Pennsylvania support this idea. Yet this interpretation establishes a binary temporality focused on the supposed rupture created by these events. However neither the identification of terror, nor the militarisation of antiterrorist policy were implemented by the Republican administration alone. This article intends to determine a new historicity of the War on Terror through the adoption of a long-term approach. The analysis of the executive archives of the George Bush, Bill Clinton and George W. Bush administrations and the legislative archives of the 1990s and 2000s will help to integrate this approach into the history of the post-Cold War US foreign policy.
Notes de lectures
- Notes de lectures - p. 153-161