Contenu du sommaire : Géographie politique des temps urbains + extension du numéro 29
Revue | L'Espace Politique |
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Numéro | no 30, 2016/3 |
Titre du numéro | Géographie politique des temps urbains + extension du numéro 29 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Géographie politique des temps urbains
- Géographie politique des temps urbains - Catherine Fournet-Guérin, Sandra Mallet Article introductif du numéro 30 (2016-3) de la revue L'Espace politique intitulé « Géographie politique des temps urbains »Introductory article of the issue 30 (2016-3) of the journal L'Espace politique entitled "Political Geography of Urban Times"
- Au parc par temps de fête : Fêtes étatiques et performances publiques à Pékin aujourd'hui - Lisa Richaud A travers une approche interdisciplinaire, cet article s'intéresse aux fêtes étatiques et à leur mise en espace dans la capitale de la République Populaire de Chine. Après sa prise du pouvoir en 1949, le Parti communiste chinois s'est attelé à une redéfinition de l'ordre temporel en instaurant les fêtes du Premier mai (fête du travail) et du Premier octobre (fête nationale). Si, durant la période maoïste, ces temporalités donnaient lieu à des célébrations de masse dans les lieux emblématiques de la ville – sur la place Tian'anmen et dans les parcs –, le tournant de la Réforme (1978) a entraîné des transformations dans les modes de spatialisation de la fête et dans les modalités d'expérience de celle-ci par les citadins. Dans ce contexte où le pouvoir politique cesse de coordonner les expériences des citadins vers ces événements, les performances de retraités dans les parcs de la ville ces jours-là méritent une attention toute particulière. Issus des générations qui ont vécu la Révolution culturelle (1966-1976) puis le passage à la Réforme, leur expérience de ces temporalités a largement été marquée par la théâtralité propre à la culture maoïste. En m'appuyant sur des données ethnographiques récentes, je montrerai comment les retraités contribuent à redonner aux lieux et aux temps leur sensorialité festive, tout en se réappropriant à leur fin ces temporalités symboliques du pouvoir. Routinières et légitimes les autres jours de l'année, ces présences sont néanmoins contestées durant les congés d'octobre et de mai. Ces dissensions ne donnent pas lieu à des formes ouvertes de contestation, mais témoignent de perceptions divergentes quant aux modes légitimes d'être en public par temps de fête.Through an interdisciplinary approach, this paper explores the spatialization of state festivals in contemporary Beijing. Soon after the People's Republic of China was proclaimed in 1949, Party leaders redefined the temporal order by establishing May Day and October 1st (national day) as the main socialist holidays. During the Mao ear, these temporalities entailed mass festivities which were loudly celebrated in the capital's most emblematic open spaces: in Tian'anmen, as well as in the former imperial domains that were converted into public parks during the Republican era (1911-1949). Since the launching of the Reform in 1978, mass mobilizations have largely declined, and the State has mostly ceased to coordinate popular celebrations. In this context, the informal public performances of retirees in the city's parks on these particular days deserve careful attention. As individuals who came of age or grew up during the Cultural Revolution (1966-1976), their experience of these temporalities has been marked by the culture of visual and sonorous display typical of the Mao era. Drawing on recent ethnographic material, I show how these gatherings tend to sensorially recreate, in some of the former sites of celebration, a festive time-space, while the retirees I observed reappropriate these temporalities for their own ends. These activities, albeit unproblematically recurring during the rest of the year, increasingly encounter regulations that limit the possibility for these performances to take place on these specific days. Interactions between retirees and park authorities reveal diverging perceptions regarding which modes of presence are deemed appropriate during festivals.
- La domination spatiale et temporelle du capital : un siècle de gouvernement de l'espace et du temps à Clermont-Ferrand - Thomas Zanetti De la Révolution Industrielle à la finance globale, le système capitaliste a révolutionné le rapport des sociétés au temps, en le dominant selon ses propres intérêts. La question temporelle constitue donc un enjeu de pouvoir, au même titre que la maîtrise de l'espace. A Clermont-Ferrand, ville située dans le centre de la France, les intérêts du capital, représentés par l'entreprise Michelin, ont fortement structuré, à partir de la fin du XIXe siècle, l'organisation de l'espace urbain et de l'économie locale mais aussi le fonctionnement des rapports sociaux et politiques, y compris sur le plan temporel. Les initiatives du patronat industriel rencontrent donc les attributions des institutions politiques locales, et de cette confrontation va naître un gouvernement collectif de l'espace et du temps. L'analyse de ce gouvernement de l'espace et du temps permet alors de repérer les formes localisées de domination du capital.From the Industrial Revolution to global finance, the capitalist system has revolutionized the social's relation to time, ruling it in his own interests. The time issue is thus a stake of power, as well as the control of space. In Clermont-Ferrand, a city located in the middle of France, the interests of capital, represented by the Michelin Company, strongly shaped, from the late nineteenth century, the organization of urban space and local economy but also social and political relations. The initiatives of the industrial company meet the responsibilities of local political institutions, and from this confrontation is born a collective government of space and time. Analysis of this government the space and time lead to identify localized forms of domination of capital.
- Conflits autour de la « pacification » du trafic automobile - Sylvanie Godillon Alors que les mesures de modération de la vitesse en France étaient localisées dans des quartiers résidentiels ou dans des rues commerçantes jusqu'à la fin des années 2000, ces mesures s'étendent spatialement jusqu'aux axes structurants qui accueillent un trafic de transit. Cette extension génère des conflits de valeurs en lien avec la conception du temps en ville. Dans quelles mesures les conflits face à la généralisation de la modération de la vitesse font-ils évoluer les stratégies politiques d'aménagement ? À partir d'un corpus documentaire et d'entretiens auprès d'acteurs techniques parisiens, les analyses montrent que les réflexions autour de la généralisation du 30 km/h à Paris témoignent de valeurs différentes de la conception du temps de déplacement en ville.In France while traffic calming measures were concentrated in residential neighbourhoods or in commercial streets until the end of the 2000s, these measures spread to the main roads receiving major transit traffic. To what extent do the conflicts created by traffic calming measures change planning policy strategies? The method is based on a corpus of documents and several interviews with expert stakeholders (planners, engineers) in Paris. This study highlights that the discussion on the generalization of 20 mph is driven by different values on urban travel time.
- La nuit à Maboneng (Johannesburg, Afrique du Sud) : un front urbain entre sécurisation, marchandisation et contestation - Chrystel Oloukoï, Pauline Guinard Espace-temps à la fois craint et désiré, la nuit est un terrain conflictuel à Johannesburg en général et à Maboneng en particulier. Dans cet espace en cours de gentrification au sein du quartier populaire Jeppestown, les pratiques nocturnes des classes populaires tendent en effet à être invisibilisées, dévalorisées, voire criminalisées par des classes dominantes qui entendent réinvestir les espaces nocturnes centraux. Ce réinvestissement symbolique et matériel de ces espaces et temps urbains s'accompagne également d'un versant économique : la night-time economy est ainsi pensée comme moyen de revitaliser et de sécuriser les espaces nocturnes centraux. Cependant, son extension se heurte à des contestations. Sur fond de discours et de transformations matérielles des espaces centraux nocturnes, enjeux politiques et économiques contribuent à ériger la nuit en un objet politique, en un véritable front urbain.Simultaneously feared and desired, night is a polemic field in Johannesburg in general and in Maboneng in particular. In this space which is undergoing a process of gentrification in the lower-class neighbourhood of Jeppestown, the nocturnal practices of the lower classes are indeed invisibilized, devalorized and criminalized by the dominant classes who are reinvesting nocturnal spaces. This symbolic and material reinvestment of space and time has also an economic dimension: the night-time economy is thought as a way to revitalize and securize nocturnal urban spaces. However, the extension of the night-time economy encounters contestations. Through discourses and material transformations of nocturnal urban spaces, political and economic issues turn the night into a political object, into an urban frontier.
- Politique de revitalisation et nuits urbaines : le cas de Bordeaux - Cécilia Comelli Cet article s'intéresse aux liens entre les politiques urbaines et la temporalité nocturne dans le cadre de la ville de Bordeaux. Il présente la politique de revitalisation du centre-ville menée depuis l'élection en qualité de maire d'Alain Juppé en 1995 et ses conséquences sur les espaces et les temps pour les différents résidents et usagers. Cette politique a pour conséquence une mutation profonde des espaces concernés tant sur les plans morphologiques que sociologiques, tout en étant également productrice de temporalités spécifiques. Les rénovations ont entraîné une forte attractivité dans ces quartiers, y compris dans la temporalité nocturne. L'approche choisie postule que les mutations socio-spatio-temporelles induites par les projets urbains sont à l'origine de tensions liées à un partage conflictuel des espaces et des temps, principalement entre les résidents, les sortants nocturnes et les établissements de loisirs dont l'offre s'est fortement développée ces dernières années. De ce fait, le présent article s'intéresse plus particulièrement à l'impact des projets urbains sur la dimension festive de la ville nocturne. Ces nouvelles pratiques ne semblent pas être perçues comme une possibilité de développement économique par la mairie qui tente de les limiter.This paper focuses on the links between urban policies and the night in Bordeaux. It shows the policy of revitalization of the city-center conducted since 1995 when Alain Juppé was elected as Mayor, and its consequences on spaces and times for the different users. This policy is responsible of a deep change on the areas targeted, morphologically and sociologically, and produces specific temporalities. The approach taken postulated that socio-spatio-temporal changes cause a conflicting sharing of spaces and times, especially between inhabitants, night people and entertainment institutions, which offer has strongly increased since the last few years. Therefore, this paper focuses on the impact of urban projects on the festive dimension of the urban night. These new practices do not seem to be taken as an economic opportunity by the local authorities who try to limit them.
- Un quartier « éphémère » de l'aire métropolitaine de Jakarta : lire les conflits au prisme des temps urbains - Judicaëlle Dietrich L'article analyse les modalités d'occupation et d'existence d'espaces d'habitations précaires, de quartiers que l'on peut qualifier d'éphémères dans la métropole de Jakarta en lien avec la multiplicité des temps urbains. Il s'agit de montrer en quoi des logiques temporelles, diverses selon les acteurs, peuvent s'avérer opportunes ou concurrentes à l'échelle d'un quartier en interrogeant plus spécifiquement la production de la précarité pour les occupants. La réflexion s'appuie sur une étude de terrain localisée dans une ville périphérique de la métropole indonésienne afin de lire les conséquences des transformations urbaines. L'approche s'entend en termes politiques, incluant les orientations des actions des pouvoirs publics et le rôle d'acteurs privés. Cela permet de montrer comment se construit l'incertitude de l'implantation de populations précaires par la fragilisation de leurs perspectives d'avenir dans le lieu.This paper presents the ways of occupation of ephemeral areas into Jakarta's metropolis related to urban temporalities. It shows how the differential between stakeholder's timings can turn out as opportunities or turn out as competitions. It focuses on the production of precariousness for the inhabitants. It is based on a field study in margins of the metropolis in order to read the local consequences of urban transformations. A political approach takes into account the intentions of urban planners and the role of private stakeholders. So it shows the production of uncertainty for precarious urban population through the destabilization of their future possibilities into the place.
- Anticipation foncière et planification urbaine à Chennai en Inde : quand le temps devient une stratégie - E. Roxane de Flore En 15 ans, les périphéries de Chennai (capitale du Tamil Nadu, Inde) se sont transformées au profit de corridors d'activités : des routes élargies, au bord desquelles des activités commerciales, résidentielles et des parcs d'activités s'étendent sur plus de quarante kilomètres. Cet article expose les stratégies temporelles des acteurs impliqués dans les processus de transferts et de conversions des sols afin de rendre compte de la flexibilité des phases de planification et de conception du montage des projets immobiliers. En plus de renseigner les jeux d'acteurs et la pluralité des échelles d'action, cette analyse dévoile les mécanismes de prise de pouvoir des acteurs locaux dans le temps. Elle donne à voir les capacités d'action et d'anticipation des habitants, qui ne sont pas simplement soumis aux décisions publiques. Ce travail décrit les spécificités du contexte historique et économique tamoul afin de déconstruire les enjeux et les modalités de l'action privée au regard de la planification publique. Instrument de négociation, le foncier, analysé dans le détail des processus sociaux qu'il induit, s'avère explicatif de la localisation des projets et de la production de la ville.In 15 years, the peripheral areas of Chennai, the capital of Tamil Nadu State in India, have turned into corridors: widened roads which cover more than 40 km each with commercial and residential buildings as well as industrial and information technologies parks. This article examines the temporal strategies of inhabitants involved in land transactions and conversions to highlight the flexibility of urban planning and construction phases of real estate projects. It identifies a variety of stakeholders and a multiplicity of level of action in order to reveals local existing powers and their arrangements in time. In contrast with current research, the demonstration concludes on the capability of inhabitants to act and anticipate regarding these projects. This analysis goes in depth on historic and economic contexts in Tamil Nadu to point out private stakes and appropriations of public policies. Land is an instrument to negotiate and it is connected to social processes that should be studied in detail to explain the location and production of those projects.
- Géographie politique des temps urbains - Catherine Fournet-Guérin, Sandra Mallet
Informalité, pouvoir et envers des espaces urbains (suite du précédent numéro)
- En quête de leaders locaux à Jakarta – regards croisés depuis Johannesburg - Claire Bénit-Gbaffou, Jérôme Tadié Cet article part de débats animés, engagés entre deux géographes intéressés par la ville et le politique, pour définir les contours du concept d'informel politique, notamment sur la question de la place de l'Etat, de ses règles et pratiques dans le façonnement des jeux de pouvoirs en milieu urbain. Leur entrée, fondée sur la discussion de l'objet de recherche de Claire à Johannesburg, remobilise un terrain plus ancien de Jérôme à Jakarta. Ils partent de la recherche des figures du leadership de quartier à Jakarta, comme révélateur de pratiques politiques locales mais aussi de contextes urbains, politiques et institutionnels. Le dialogue montre un processus de construction intellectuelle où les concepts sont éminemment liés aux contextes de terrain qu'ils servent à décrypter, et construits de manière itérative et dialogique. Il se conclut sur une définition opératoire du concept d'« informel politique », mais aussi, pour chacun des interlocuteurs, par une relecture de leur propre terrain, face à celui de l'autre.This paper stems from deep debates engaged by to geographers working on politics in the city, and attempting to define the concept of « political informality ». They dispute in particular the place of the State in this definition – public norms, rules and practices in the shaping of power dynamics in the city. The conceptual debate is based on joint empirical fieldwork: based on Claire's research in Johannesburg on local leadership, Jerome revisits with her his research sites in Jakarta – in quest of figures of local leaders in the city. The nature of these figures in Jakarta (and their differences with Johannesburg's) reveals locally embedded political practices, and illuminates the specificities of each institutional, urban and socio-political contexts. The paper, constructed as a dialogue, illustrates the process of constructing academic thought – where concepts are eminently related to the local sites they aim at deciphering, and are constructed in iterative and dialogical ways. Its conclusion proposes an operational definition of the concept of “political informality” but also opens, for each author, to a different way of reading their own research sites, shaped by the encounter with the other.
- Autoritarisme, hybridation et pratiques du pouvoir dans le Grand Khartoum : une étude des services de l'eau et du commerce de rue - Laure Crombé, Guillaume Sauloup Cet article propose une étude croisée des évolutions du commerce de rue et de l'approvisionnement en eau à Khartoum. Ces deux secteurs sont envisagés comme des révélateurs des restructurations de la gestion urbaine de l'agglomération. L'objectif de ce texte est d'interroger l'hybridation des réformes néolibérales, accrues depuis la moitié des années 2000, et des logiques de contrôle autoritaires. Cette approche s'appuie sur des enquêtes qualitatives auprès des acteurs quotidiens du service de l'eau et de la vente de rue, dans différents quartiers de la capitale soudanaise. La première partie revient brièvement sur l'évolution du régime autoritaire au Soudan, marquée par une adaptation à des modèles néolibéraux internationaux, et en interroge de possibles déclinaisons à Khartoum. Inspirés de ces modèles, les réformes de décentralisation et de privatisation génèrent un redéploiement de la bureaucratie de l'État à des niveaux intermédiaires, ainsi qu'une redistribution des prérogatives d'aménagement de l'espace urbain auprès de partenaires privés sélectionnés. D'autre part, dans les quartiers, l'intégration des récentes normes de gestion au sein des deux secteurs d'approvisionnement urbain conduit à l'imbrication de plusieurs logiques de contrôle, anciennes et nouvelles, qui redéfinissent les rapports d'autorité entre l'État et les citadins.This article offers a crossed cases study of the evolutions of street trading and water supply in Khartoum. These two sectors are taken as indicators of the reorganization of the urban management. Our objective is to question how increasing neoliberal reforms, since the 2000's, and dynamics of authoritarian control are embedded and hybridized in this management. Our approach leans on two qualitative fieldworks among daily workers of the two sectors and inside several district of the Sudanese capital city. The first part briefly outlines the context of the Sudanese authoritarian political regime in order to question its possible urban declinations. Then the integration of mechanisms of control is analysed at two levels. Decentralization and privatization reforms fit with international models of urban management. In on hand, these reforms are the place of a redeployment of the state bureaucracy at intermediary levels, as well as they involve the redistribution of urban planning responsibilities to selected private partners. In the other hand, among the districts, the integration of new norms of management in both of the urban supply sectors underlines the diffusion of logics of old and new logics of control and relationship of authority in daily life.
- En quête de leaders locaux à Jakarta – regards croisés depuis Johannesburg - Claire Bénit-Gbaffou, Jérôme Tadié