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Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | vol. 69, no 4, octobre-décembre 2016 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- « Ce n'est plus thym ni marjolaine » As You Like It, ou l'atelier de la réécriture - Gisèle Venet p. 387-409 Pour écrire As You Like It, Shakespeare pratique plus que jamais le plagiat, au même titre qu'un Montaigne qui écrit de « larcins » mais en fait un miel qui « n'est plus thym ni marjolaine ». L'intrigue et les personnages de la comédie proviennent jusque dans des détails infimes d'un roman de Thomas Lodge, Rosalynde or, Euphues' Golden Legacy, célèbre à juste titre avec ses récits en méandres déterminés par le seul hasard et sa psychologie des profondeurs où l'on découvre le mal au bien mêlé. Lodge, lui-même, connu pour ses plagiats, dont nombre des poèmes qu'il incorpore à son roman, emprunte une longue ballade en vers du xive siècle, The Tale of Gamelyn, dont il fait le corps de son récit. Shakespeare garde tout du récit et des personnages, avec parfois un art de la litote inattendu là où Lodge était prolixe. Surtout, il mêle à ces personnages de roman deux personnages de théâtre, le bouffon Touchstone et le mélancolique Jaques, qui, sur le mode parodique, pourraient être chargés d'écrire entre les lignes un « art poétique », montrant un Shakespeare peu enclin à suivre les préceptes d'Horace, absorbé qu'il est par la poétique d'Ovide.Shakespeare relied more than ever on “plagiarism” to write As You Like It, like Montaigne who had excused himself for doing so with the image of the bees gathering honey. The plots and characters of the comedy, even in their minutest details, are all derived from a novel by Thomas Lodge, Rosalynde or, Euphues' Golden Legacy, famous for its meandering narratives occurring haphazardly and its deep psychological inquiry which revealed good and evil all intertwined. Lodge himself was famous for plagiarism, including many of the poems he wove into his novel, such as the fourteenth-century verse ballad, The Tale of Gamelyn, which he turned into the main body of his narrative. Shakespeare retained every detail of the story as well as all the characters from Lodge, sometimes remaining elusive in a humourous way where Lodge had been verbose. Above all, he introduced among the characters from the novel two theatrical characters, Touchstone the “clown” and Jaques the “humourist.” They compose an ars poetica between the lines and reveal that Shakespeare was little inclined to follow the classical principles of Horace, since he was immersed in Ovid's poetics.
- “I drink to thee”: Female agency and female authority as gender reversal in “The Unfortunate Happy Lady” - Juan de Dios Torralbo Caballero p. 410-426 Ayant constaté que « The Unfortunate Happy Lady » a été jusqu'à présent très peu étudié, on analysera comment l'héroïne Philadelphia rompt les conventions sociales de façon graduelle en se révoltant contre sa situation tragique. Philadelphia dévoile finalement l'identité de son mari mais avant d'arriver à ce moment heureux, la « malchanceuse heureuse dame » agit d'après les mœurs traditionnelles en contractant un mariage orchestré par d'autres. On étudiera différents épisodes montrant le rôle actif de l'héroïne, et son évolution de l'oppression exercée par une figure autoritaire masculine, jusqu'à la rédemption et la liberté, en présentant Philadelphia comme une femme résolue, indépendante et capable de garder intactes sa vertu et sa morale. On analysera également l'emploi de l'ironie introduite par l'auteur. On constatera également l'influence de la tradition littéraire, à travers l'empreinte laissée par un poème de Ben Jonson dans un épisode clé de la narration.Having first established that “The Unfortunate Happy Lady: A True History” has been subject to very little critical analysis, this article discusses how the protagonist, Philadelphia, breaks the conventions of society in incremental steps, through rebelling against the situation in which she finds herself. Philadelphia ultimately decides who she will marry; however, before reaching this peak moment the “unfortunate happy lady” follows traditional customs, contracting a marriage orchestrated by other people. Several episodes of female agency will be explored, following the evolution of the protagonist from oppression by a male authority figure towards redemption, presenting Philadelphia as an independent and decisive woman, capable of maintaining her virtue and her moral integrity. The article will examine the writer's use of irony. Literary influences on the text will also be examined, such as the parallel between a poem by Ben Jonson and a key episode in the narrative.
- “Knight Errantry Run Wild,” or Chivalry Revisited in Fenimore Cooper's and Washington Irving's Narratives - Pauline Pilote p. 427-442 La publication d'Ivanhoe par Walter Scott en 1819 cristallise une vision romantique et idéalisée de la chevalerie qui croît depuis plusieurs années, et son succès immense et rapide provoque l'enthousiasme des lecteurs, des éditeurs et des écrivains américains. Ces derniers, en particulier Irving et James Fenimore Cooper, utilisent la notion de chevalerie pour dresser un portrait des personnages amérindiens de leurs fictions. Cependant, la tournure dégradée qu'ils donnent à cette atmosphère médiévale, alors qu'ils la transposent dans la wilderness du Nouveau Monde, se charge d'une tonalité politique pour la Jeune République, présentant cette influence britannique comme appartenant au passé, destinée à laisser place à des valeurs plus modernes. Ce passage annonce l'avènement des héros américains alors que toute relique de la Vieille Europe se voit reléguée dans un passé révolu.The publication of Walter Scott's Ivanhoe (1819) crystallised a romantic and idealised vision of chivalry that had been growing for some time and its tremendous popularity fostered a general enthusiasm among American readers, publishers, and writers alike. The latter, and in particular Washington Irving and James Fenimore Cooper, used the notion of chivalry to portray Native Americans in their fictions. However, the degenerate turn that they impart to medieval trappings, as they transfer them onto the New World wilderness, is loaded with the political concerns of the Early Republic, recasting this British imprint as a thing of the past, bound to fade away in the face of more modern values. American heroes are now fit to take over, as this relic of the Old Europe is placed in an irrecoverable past.
- W.H. Auden and the Poetics of Transport - Aurélien Saby p. 443-462 Cet article examine la poétique des transports, essentiellement rattachée au train et à l'avion, dans l'œuvre de W.H. Auden. Ses textes des années 1930 remettent en question les critiques sévères de certains poètes romantiques à l'encontre du chemin de fer en faisant de la locomotive une muse moderne célébrée dans des vers inspirés à la fois de la matérialité des trains et du jazz, ainsi que cubisme ou du futurisme. Par ailleurs, la montée du nazisme voit se multiplier les trains de déportés qui hantent les poèmes dramatiques des années 1940. Auden fut l'un des premiers poètes britanniques à aborder le thème des camps de concentration, les wagons bondés étant une métonymie de l'univers concentrationnaire affleurant dans The Age of Anxiety (1944-46). En outre, les descriptions des transports en commun qui émaillent certains textes plus tardifs profilent un monde à la dérive, l'art n'offrant qu'une éphémère échappée aux âmes errantes déshumanisées qui peuplent les salles d'attente des gares et des aéroports.This article investigates W.
H. Auden's interest in transport, and how transport—mainly trains and airplanes—influenced his work. On the one hand, the poetry of the 1930s questions romantic prejudices against the railway, praising the locomotive as the modern muse in verse inspired by the very materiality of trains, as well as by Cubism, Futurism, and jazz music. On the other hand, the rise of Nazism coincided with the increasing use of deportation and death trains, which haunt the dramatic poems of the 1940s. Auden was one of the first British poets to allude to concentration camps in his work, with the packed wagons of The Age of Anxiety (1944-46) acting as metonymies for the camps themselves. In his later texts, descriptions of public transport often portray a world on the brink of ruin, where art can only afford a few transient escapes from waiting rooms peopled by dehumanized, erring souls. - The Uncomely Comedy: Celebrating the Divided Subject in Contemporary British Drama - Julien Alliot p. 463-475 Dans le théâtre britannique traditionnel, la comédie, qu'elle se donne comme comédie de mœurs ou plus tard comme pièce « bien faite », se caractérise par son aspect divertissant allié à une légèreté de ton. Péripéties et rires francs se succèdent pour culminer en un dénouement heureux et festif (bien souvent un mariage). Mais la Seconde Guerre mondiale a constitué un tournant décisif pour le genre comique, confrontant les dramaturges à un questionnement éthique autour de la possibilité même de rire dans ces nouvelles conditions. La comédie n'est pas sortie indemne de l'épisode de l'Holocauste, comme le révèlent les mises en scène de fêtes, devenues de pâles reflets spectraux voire lugubres de cette légèreté qui caractérisait jadis le genre. Les rassemblements festifs, désormais mornes voire inquiétants, n'ont plus vocation à célébrer le dénouement heureux de la pièce ni à faire valoir un quelconque retour à l'équilibre. En nous intéressant à un corpus de pièces contemporaines britanniques mettant en scène des fêtes de Noël (Absurd Person Singular d'Alan Ayckbourn, Harry's Christmas de Steven Berkoff et In the Republic of Happiness de Martin Crimp), nous analyserons le statut du comique dans ces festivités bien particulières où l'épuisement et la destruction ne sont jamais loin, où l'excès vient paradoxalement célébrer le rien. Nous nous attacherons à montrer que ces fêtes (part-ies) paradoxales s'efforcent de faire advenir sur scène un nouveau sujet contemporain, essentiellement divisé. L'exaltation et la célébration de cette division contribuent dès lors à un renouvellement de la forme dramatique et engendrent un nouveau type de comédies.In traditional British drama, comedies were usually characterised by their light and entertaining manner, be they comedies of manners or later “well-made” plays. After various twists and turns allowing for peals of good-hearted laughter, the comic denouement, oftentimes a wedding, was usually happy and festive. However, the Second World War proved to be a significant turning point for comedy, as playwrights were confronted with the ethical question of the very possibility of laughter. Indeed, contemporary comedy still bears the scars of the Holocaust, as exemplified by festive occasions on stage, which have become mere spectral or gruesome reflections of this light-heartedness that once defined the genre. Now dreary, uncanny and at times bloody, festive reunions no longer bring closure nor renewed equilibrium. By focusing on a corpus of contemporary British plays staging Christmas parties, Alan Ayckbourn's Absurd Person Singular, Steven Berkoff's Harry's Christmas and Martin Crimp's In the Republic of Happiness, I propose to analyse the status of the comic element in these peculiar festivities that verge on utter disruption and whose excess paradoxically celebrates nothingness. I contend that these part-ies highlight the advent of a new, contemporary subject that is essentially split. Exposing and celebrating this division thus paves the way for the collapse of traditional theatrical mechanisms and for the birth of a new type of “uncomely comedies.”
- « There was a case once— » : L'écriture du cas chez Kipling - Alexis Tadié p. 476-487 Cet article part du concept de « cas » pour montrer son intérêt pour une analyse du recueil de Rudyard Kipling, Plain Tales from the Hills. Il s'appuie sur une lecture précise de la nouvelle « The Bronckhorst Divorce-Case », en s'interrogeant sur le sens du mot « cas ». Après un détour historique visant à expliciter les acceptions du terme, et en s'appuyant en particulier sur l'ouvrage d'André Jolles, Formes simples, l'analyse montre que l'approche par le cas permet de construire la nouvelle, et pour finir, le recueil tout entier.This article starts from the concept of “case” in order to analyse Kipling's collection of short stories, Plain Tales from the Hills. Specifically, it offers a precise reading of the short story “The Bronckhorst Divorce-Case”, questioning the plurality of meanings attached to the word case. After a historical analysis whose aim is to detail the different meanings of the word, and through a reading of André Jolles's book, Einfache Formen, the essay aims at showing how the concept of case enables a construction of the short story, and ultimately, of the collection as a whole.
- « Ce n'est plus thym ni marjolaine » As You Like It, ou l'atelier de la réécriture - Gisèle Venet p. 387-409
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 488-504
- Notes for Contributors - p. 505-507