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Revue | Futuribles |
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Numéro | no 418, mai-juin 2017 |
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- Changer de paradigme - Hugues de Jouvenel p. 3
- Une nouvelle grammaire de l'intérêt général - Yannick Blanc p. 5 L'année 2017 étant une année d'élections importantes dans divers pays occidentaux, Futuribles a décidé de se pencher sur le manque de vision régulièrement dénoncé dans les commentaires de la vie politique, en publiant une série d'articles sur le sujet. Ce déficit est-il réel, quelles en sont les raisons et comment pourrait-on y remédier ? Après deux premiers articles publiés dans le numéro de mars-avril 2017, nous poursuivons l'exercice avec cette analyse de Yannick Blanc montrant combien le système institutionnel tel qu'il s'est construit en France au fil du temps, est aujourd'hui dépassé et inadapté à la façon dont la société fonctionne. Ce que l'auteur appelle « la matrice tutélaire », qui consistait à construire la politique et faire fonctionner les institutions par le haut (en édictant des règles en phase avec les valeurs de la société, pour en réguler les usages), est aujourd'hui en décalage avec la propension croissante des citoyens à s'organiser en communautés d'action selon des modalités très différentes, où l'usage occupe le premier rang. L'État doit-il s'inspirer de cette logique bottom-up pour orchestrer sa vision stratégique et les moyens de la mettre en œuvre ? C'est en tout cas à la mise en place d'une nouvelle grammaire de l'intérêt général autour de ce triptyque règles / valeurs / usages qu'appelle ici de ses vœux Yannick Blanc. S.D.Since 2017 is a year of important elections in various Western countries, Futuribles has decided to look into the lack of vision in political life, so regularly condemned by commentators, by publishing a series of articles on the subject. Is there a real deficit here? If so, what are the reasons for it, and how might it be remedied? After two initial articles published in the March-April 2017 issue, we pursue the theme with this analysis by Yannick Blanc, which shows the extent to which the institutional system, as it has developed in France, is outdated and ill-adapted to the way society operates. What the author terms the “tutelary matrix”, in which politics was made — and institutions made to operate — from the top down (by prescribing rules in phase with society's values to regulate its usages), is at odds today with citizens' growing propensity to organize themselves into action groups along very different lines, in which user requirements are to the fore. Should the state fall in with this “bottom-up” logic to orchestrate its strategic vision and the means of implementing it? However one views that question, it is the establishment of a new grammar of the general interest around this rules/values/forms-of-use triptych that Yannick Blanc is calling for here.
- Pour réformer la Sécurité sociale. Revenir aux principes des assurances sociales - Jacques Bichot p. 17 À chaque échéance électorale nationale, la question de la réforme de la Sécurité sociale tient sa place dans les débats. Il est vrai que les comptes de la Sécurité sociale sont déficitaires depuis bien des années et que trouver un moyen d'en équilibrer le financement constitue un casse-tête pour les instances en charge de sa gestion. Mais si les déficits du régime général régressent de manière continue depuis 2010, cela ne témoigne pas pour autant d'un retour à une bonne santé financière selon Jacques Bichot car, au fil du temps, le système de financement et la gestion de la Sécurité sociale ont été pervertis.Après avoir montré dans quelle « absurdité comptable » se trouve aujourd'hui la Sécurité sociale en France, Jacques Bichot propose ici d'en revoir le fonctionnement en lui rendant le statut d'assurance sociale stricto sensu, qu'elle a perdu au fil du temps et de l'immixtion de l'État-providence dans sa gestion. Il propose ainsi sept principes de base : garantir le caractère assurantiel et financier de la Sécurité sociale ; restaurer son autonomie de gestion et la responsabilité de ceux qui en ont la charge ; abolir les régimes catégoriels au profit d'une couverture universelle ; revoir les règles d'attribution des droits à pension de sorte qu'ils soient en phase avec la réalité ; se laisser la possibilité de recourir aux revenus du capital pour financer l'investissement dans la jeunesse (mais pas les pensions) ; replacer la Sécurité sociale dans une logique d'échange ; rendre explicite le fait que les cotisants / ayants droit sont bien les particuliers et pas les entreprises. Partant de ces principes et de la reprise en charge par des gérants auxquels l'État ne se substituerait plus, la Sécurité sociale pourrait selon lui retrouver les bases d'un fonctionnement juste et financièrement équilibré. S.D.With each new French national election, the question of Social Security reform rears its head. Admittedly, the Social Security account has been in deficit for many years and finding a way to balance its funding is a headache for those responsible for its management. However, though the deficits in the general account have been falling continuously since 2010, Jacques Bichot does not see that as providing evidence of a return to financial health, since the funding and management systems of the French Social Security system have become warped over the years.After demonstrating the “absurd” state into which France's Social Security system's accounts have fallen, Jacques Bichot suggest that its operation should be revised by restoring to it the status of social insurance in the strict sense, a status it has lost over time due to the Welfare State's interference in its management. He proposes seven basic principles: the insurance-style, financial nature of Social Security should be guaranteed; it should be returned to independent management and responsibility should lie with those who run it; the schemes for different categories should be superseded by a system of universal cover; the rules on pension rights should be brought into phase with reality; it should be allowed scope to use revenues from capital to finance investment in youth (though not in pensions); Social Security should be governed by a transactional logic once again; it should be made explicit that the contributors to, and beneficiaries of, the scheme are individuals, not companies. On the basis of these principles and the restoration of the scheme's managers — whom the state would no longer seek to override — Social Security could, as Bichot sees it, recover the foundations of fair and financially balanced operation.
- Comptabilité nationale et mesure de l'économie numérique. Faut-il revoir les outils ? - Didier Blanchet p. 35 Futuribles a engagé, dans son précédent numéro (n° 417, mars-avril 2017), une réflexion sur la question du ralentissement des gains de productivité et ses conséquences dans les pays concernés. Après ce premier volet consistant à faire le point sur l'évolution de la productivité sur longue période dans les pays développés, sur le rôle du progrès technique et des facteurs immatériels, nous poursuivons la réflexion en nous penchant sur les indicateurs : la baisse des gains de productivité est-elle réelle ou résulte-t-elle du fait que les indicateurs statistiques sont inadaptés pour les mesurer correctement ?Didier Blanchet montre ici comment la comptabilité nationale évalue l'économie en France, via le produit intérieur brut (PIB), et comment celui-ci intègre la diffusion du numérique. Les nombreuses innovations issues de la révolution des technologies de l'information et de la communication sont-elles mesurées à la hauteur de leurs apports effectifs à l'économie et au bien-être des consommateurs ? Pour aborder cette question d'un éventuel « mismeasurement », Didier Blanchet examine trois points qui lui paraissent essentiels dans ce débat. Le premier concerne le périmètre du PIB : qu'a-t-il vocation à mesurer et pourquoi ? Le deuxième point porte sur les problèmes de partage volume-prix des biens : comment faire en sorte de mesurer l'évolution des prix à qualité constante dans le contexte actuel de transformation marquée de certaines activités économiques sous l'effet du numérique ? Enfin, l'auteur évoque la question de la prise en compte du bien-être dans les indicateurs économiques, soulignant son importance mais rappelant que la comptabilité nationale ne prétend pas mesurer le bien-être : le débat relatif à cette prise en compte du bien-être dépasse celui relatif au PIB et à l'intégration du numérique dans celui-ci ; c'est un chantier autrement plus complexe dont les comptes nationaux ne sont qu'un élément (certes essentiel) parmi d'autres. S.D.In its last issue (no. 417, March-April 2017), Futuribles initiated discussion on the question of the slowdown in productivity gains and the consequences for the countries concerned. After that first instalment, which assessed long-term productivity trends in the developed countries, the role of technical progress and intangible factors, we are continuing our reflection on this question with an examination of economic indicators — is the decline in productivity gains real or is it the product of statistical indicators that are not well-suited to their accurate measurement ? In this article, Didier Blanchet shows how the national accounts evaluate the French economy by measuring Gross Domestic Product (GDP) and how that particular measure copes with the spread of digital technology. Are the many innovations produced by the ICT revolution adequately measured in terms of their effective contributions to the economy and to the well-being of consumers? To tackle the question of a possible mismeasurement, Blanchet examines three points in the debate that seem essential to him. The first concerns the scope of GDP: what does it aim to measure and why? The second relates to issues around the volume-price split: how can price changes at constant quality be measured in a context where some economic activities are undergoing a marked transformation as a result of the digital revolution? Lastly, he raises the question of factoring well-being into economic indicators, stressing its importance but reminding us that the national accounts make no claim to measure it. The debate on this last issue extends well beyond that around GDP and how GDP takes in the effects of the digital revolution: it is a far more complex area of controversy and the national accounts are just one (admittedly, essential) element in it.
- Signal-prix carbone : où en est-on ? - Alain Grandjean et Mireille Martini p. 45 En décembre 2015, les principaux pays du monde ont signé à Paris un accord les engageant à entreprendre des actions en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter ainsi l'ampleur du réchauffement climatique en cours. Pour ce faire, il faut agir à la fois dans le sens d'une amélioration de l'efficience énergétique, mais aussi engager une réelle « décarbonation » de nos systèmes de production. Or, comme le soulignent très justement ici Alain Grandjean et Mireille Martini, cette transition vers une économie décarbonée a fort peu de chances de se concrétiser tant qu'émettre des gaz à effet de serre ne coûte rien à ceux qui les produisent. D'où l'importance de mettre en place un « signal-prix » du carbone les incitant à revoir leur modèle économique.Après avoir rappelé les différents dispositifs envisageables pour taxer le carbone et la façon dont on pourrait en fixer le prix, les auteurs présentent le cas particulier de la France en la matière, puis celui de l'Europe et du marché européen de quotas d'émission. Ils montrent ainsi le fonctionnement encore imparfait de ce marché et soulignent la nécessité de dispositifs complémentaires. Enfin, ils examinent la problématique du signal-prix carbone à l'échelle internationale, où ce type de dispositif ne peut être envisagé que de manière différenciée. S.D.In December 2015, the world's leading countries signed an agreement in Paris that committed them to action to reduce greenhouse gas emissions, so as to limit the scale of current global warming. If this is to be done, action is required to improve energy efficiency, but also to genuinely “decarbonize” production systems. Now, as Alain Grandjean and Mireille Martini emphasize here, the transition to a decarbonized economy has very little chance of coming about as long as there are no costs attached to emitting greenhouse gases. Hence the importance of establishing a carbon “price-signal” that encourages countries to redesign their economic model.After rehearsing the various conceivable arrangements for taxing carbon and the way its price might be set, Grandjean and Martini look more specifically at France, Europe and the European emissions-trading market. They show how that market is still imperfect in its operation and stress the need for complementary provisions. Lastly, they examine the question of a carbon price-signal at the international level, where such a scheme must necessarily be designed on a differential basis.
- Manifeste pour décarboner l'Europe - The Shift Project p. 63 Un mois avant le premier tour de l'élection présidentielle en France, The Shift Project, groupe de réflexion sur la transition énergétique dirigé par Matthieu Auzanneau, a présenté le 21 mars à Paris un Manifeste pour décarboner l'Europe. Signé fin mars par déjà plus de 2 500 personnes dont une majorité de dirigeants d'entreprises de toutes tailles, d'organisations professionnelles, ainsi que de nombreuses personnalités du monde académique français, ce manifeste appelle les États européens « à lancer dès maintenant les politiques capables d'aboutir en 2050 à des émissions de gaz à effet de serre aussi proches que possible de zéro ». Il invite de fait les candidats à la présidentielle à s'inscrire sur cette trajectoire.Au-delà de la France et alors que le président Donald Trump envoie des signaux plus qu'inquiétants au reste du monde quant à l'implication effective des États-Unis dans la lutte contre le changement climatique, cette initiative a le mérite d'inciter les États européens à faire preuve d'un grand volontarisme pour respecter les engagements de l'accord de Paris signé fin 2015. Ce volontarisme est essentiel pour préserver le climat de notre planète et limiter les désordres auxquels devront faire face les générations futures. C'est également un signal important envoyé aux autres pays signataires de l'accord de Paris, en faveur du respect des engagements pris. C'est pourquoi Futuribles a décidé de relayer ce manifeste auprès de ses lecteurs. S.D.A month before the first round of the French presidential elections, on 21 March in Paris, the Shift Project, a think-tank on energy transition headed by Matthieu Auzanneau, presented a Manifesto for Decarbonizing Europe. The manifesto, signed in late March by more than 2,500 people — the majority being directors of companies of all sizes and professional organizations, though many are personalities from the French academic world — calls on European states “to introduce policies capable, by 2050, of reducing greenhouse gas emissions as near as possible to zero.” It also effectively invites candidates in the presidential elections to commit to this course of action.Beyond the borders of France, at a time when President Donald Trump is sending out more than troubling signals to the rest of the world regarding US involvement in the campaign against climate change, the initiative has the virtue of encouraging European states to take a clearly proactive stance on their commitments to the Paris Agreement of late 2015. That proactive attitude is essential to preserve our planet's climate and limit the disruption future generations will have to face. It is also an important signal to the other signatories of the Paris Agreement to honour the commitments made. This is why Futuribles has taken the decision to carry this manifesto for its readers.
Futurs d'antan
- Vers un revenu universel d'existence ? - Hugues de Jouvenel p. 69 Au-delà du climat délétère qui a entaché la campagne présidentielle française 2017, dont le deuxième tour se tiendra une dizaine de jours après la sortie de ce numéro, quelques sujets de fond ont marqué les débats, parmi lesquels la mise en place d'un revenu universel. Portée par le candidat socialiste à l'élection, Benoît Hamon, cette idée d'une allocation octroyée à tout citoyen sans condition ni contrepartie, afin de lui garantir un revenu minimal chaque mois, n'est pas nouvelle et la revue Futuribles s'en est fait l'écho à de nombreuses reprises depuis une trentaine d'années. Hugues de Jouvenel revient ici sur le cheminement historique de cette idée et sur la place que nous lui avions accordée dans la revue, en particulier à l'occasion d'un numéro spécial sur le sujet publié en février 1994. S.D.Looking beyond the noxious political climate that has tainted the presidential campaign of 2017 (the second round of the election takes place a dozen or so days after this issue appears), we can see that a number of basic subjects have come to the fore in debates, including the question of a universal income. Advocated by the socialist candidate Benoît Hamon, this idea of an allowance paid unconditionally and without obligation to all citizens, so as to guarantee them a minimum income each month, isn't a new one and Futuribles has aired it on many occasions over the last 30 years or so. Hugues de Jouvenel reviews the way the concept has developed historically and the attention it has received in this journal, particularly in a special issue on the subject published in February 1994.
- Vers un revenu universel d'existence ? - Hugues de Jouvenel p. 69
Tribune européenne
- Vers la fin du libre-échange ? - Jean-François Drevet p. 75 Le succès croissant des discours populistes, de gauche comme de droite, très souvent souverainistes, l'enclenchement du Brexit et l'arrivée à la présidence des États-Unis d'un Donald Trump résolu à faire passer les intérêts de son pays devant tout le reste, suscitent depuis quelques mois, à juste titre, de nombreuses inquiétudes. C'est en particulier le cas en matière d'échanges commerciaux, sur fond de remise en cause d'accords existants, de prise de mesures protectionnistes ou de renonciation à des accords commerciaux en cours de discussion. Au-delà de l'écho médiatique donné à ces évolutions, sommes-nous face à un risque réel de retour en arrière en matière de multilatéralisme et de régulation du commerce international ?Jean-François Drevet se penche sur la question, présentant le contexte actuel dans le domaine du libre-échange, notamment du point de vue de l'Union européenne et ses États membres. Il alerte sur les dangers inhérents à un recul du multilatéralisme commercial et à un retour du protectionnisme, tout en soulignant les difficultés techniques des remises en cause en ce domaine. S'il est plus que nécessaire d'instaurer des règles de concurrence équitables et des mesures respectant les citoyens, la démocratie, l'environnement, etc., ces régulations doivent trouver leur place dans le cadre des accords de libre-échange internationaux tels qu'ils se construisent depuis 1945, et non dans un repli sur soi des États. S.D.The growing success of populist — and, very often, sovereignist — rhetoric, both on Left and Right, the triggering of Brexit and the accession to the US presidency of a Donald Trump who is intent on putting the interests of his country above all others, have rightly given cause for anxiety over some months now. There is particular concern with regard to trade, where existing agreements are being cast into doubt, protectionist measures initiated and trade deals currently under negotiation rejected. Above and beyond the media commotion over these developments, are we actually facing a genuine risk to multilateralism and the regulation of international trade ? Jean-François Drevet examines this question through a presentation of the arrangements that currently apply with respect to free trade, particularly from the standpoint of the EU and its member states. He warns of the dangers inherent in any waning of trade multilateralism or return to protectionism, while stressing the technical difficulties of reversing developments in the field. Though it is more than necessary to establish fair competition rules and measures that respect citizens, democracy, the environment etc., those regulations should be achieved within the framework of the international free-trade agreements constructed since 1945, not by states turning their backs on them.
- Vers la fin du libre-échange ? - Jean-François Drevet p. 75