Contenu du sommaire : Sciences du langage et psychologie à la charnière des 19e et 20e siècles

Revue Histoire, Epistémologie, Langage Mir@bel
Numéro vol.32, n°2, 2010
Titre du numéro Sciences du langage et psychologie à la charnière des 19e et 20e siècles
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Sciences du langage et psychologie à la charnière des 19e et 20e siècles

    • Articles
      • Sciences du langage et psychologie à la charnière des 19e et 20e siècles. Présentation - Marina De Palo, Lia Formigari p. 5-8 accès libre
      • Les trois sources de la théorie de l'endophasie: phonologie, psychologie et clinique - Gabriel Bergounioux p. 9-22 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        L'endophasie apparaît comme une conséquence de la séparation créée par la phonétique entre la philologie (études sur l'écrit) et la linguistique. L'autonomie reconnue à la forme sonore des langues a entériné la possibilité d'existence d'une parole sans réalisation acoustique. La philosophie (Egger, Janet), la psychiatrie (Charcot, Freud) et la psychologie (Piaget, Vygotski) ont étudié cette parole intérieure sans cependant intégrer les connaissances linguistiques, donc sans analyser la dimension phonologique. Inversement, les linguistes ont conçu les sons des langues comme structure (Saussure, Troubetzkoy, Sapir) mais ils n'ont pas étudié la parole intérieure. Un historique de la discussion de 1800 à 1950 est présenté.
        Endophasia seems to be a consequence of the separation – as a result of the emergence of phonetics – between philology and linguistics. The specific investigation of the sound structure of language has established the existence of internal speech without audible vocalization. Philosophers (Egger, Janet), psychiatrists (Charcot, Freud) and psychologists (Piaget, Vygotsky) have studied inner speech without taking into account the role of phonology in language ; Other linguists (Saussure, Troubetzkoy, Sapir), on the other hand, have studied the structural nature of the sounds of language, but without taking into account mental utterances. The history of the controversy is presented from 1800 to 1950.
      • La genèse motrice de la parole - Lia Formigari, Mathilde Anquetil [Trad.] p. 23-36 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        L'idée d'une genèse psychomotrice de la parole avait été émise par la psychologie médicale avant même de devenir, à partir des années 1870, un thème central au sein des débats philosophiques sur le langage, sa formation phylo-et ontogénétique, ses pathologies. L'activité motrice fait émerger des représentations latentes au seuil de la conscience, les rendant ainsi manipulables et verbalisables. Elle accompagne ou précède, avec une sorte de mimique intérieure, les représentations verbales. Elle contribue aux processus de compréhension en activant la reconnaissance physiognomonique des mots selon les procesus de simulation intérieure qui accompagnent toujours l'expérience du mouvement d'autrui. L'article retrace les argumentations d'auteurs comme Steinthal, Paul, Wundt, Stricker, Kussmaul et autres, et conclut sur une brève analyse de la contreverse Marty-Wundt à propos de l'origine du langage, où deux modèles théoriques se confrontent : celui de l'action intentionelle et celui du naturalisme évolutif.
        The notion of the psychomotorial origin of speech had already been outlined by medical psychology before it became, from the 1870s on, a central theme in the philosophical debate regarding language, its filogenetic and ontogenetic formation and its pathologies. Motor activity allows latent representations to emerge beyond the level of consciousness, opening them to manipulation and verbalisation. It accompanies, or precedes, verbal representation in a kind of inner mimicry. It contributes to processes of comprehension, activating the physiognomic recognition of words through the inner simulation processes which always occur when experiencing the movement of others. The article discusses the findings of authors such as Steinthal, Paul, Wundt, Stricker and Kussmaul and concludes with a brief analysis of the Marty-Wundt controversy regarding the origin of language, where two different theoretical models are opposed : intentional action and evolutionary naturalism.
      • Sujet cognitif et sujet linguistique - Marina De Palo p. 37-55 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        La sémantique de Bréal critique le modèle organiciste schleicherien en relançant le rapport entre les formes et les fonctions du langage et plus en général le rapport entre linguistique et psychologie. Dans cette rencontre, la vision idéaliste est reconduite de proche en proche au niveau de la voie empirique du sujet. Cela se reflète dans plusieurs questions problématiques : le passage d'une subjectivité transcendantal à une subjectivité empirique, la fondation anthropobiologique du sujet parlant et l'hypothèse d'une faculté universelle et générale du langage indépendante de chaque langue particulière (Broca) ; la reconstruction des rapports entre les fonctions du langage et les structures psychophysiques du sujet locuteur (Bréal), le rôle de la sphère conceptuelle -intentionnelle, l'influence et la crise de la psychologie associationniste et représentationnelle, la dynamique entre l'inconscience et le conscient. Un thème remarquable est celui de la subjectivité des termes déictiques, introduit dans le débat linguistique par Bühler : l'option antipsychologiste qui caractérise les théories du langage entre la fin du 19e et le début du 20e s. aboutit chez Benveniste à la notion de discours et à la sémantique de la personne.
        In refuting Schleicher's organicistic model, Bréal makes clear the importance of the relationship between form and function in language and, more generally, of the relation between linguistics and psychology. In so doing, he brings about a transition from an idealistic point of view to a subject-based empirical method. This is reflected in a number of problems, concerning the transition from a transcendental to an empirical notion of subjectivity, the anthropo-biological definition of the speaking subject and the hypothesis of a faculty of language independent of particular languages (Broca) ; the reconstruction of the relations between the functions of language and the speaker's psychophysical structures (Bréal), the role of the conceptual-intentional sphere, the influence and the crisis of the associationistic and representational psychology, the dynamics between consciousness and the unconscious. A remarkable issue concerns the subjectivity of deictic words, introduced by Bühler. The antipsychologistic option of late 19th-and early 20th-century linguistic theories eventually resulted in Benveniste's notion of discourse-and person-semantics.
      • Theories of the sentence in the psychologistic epoch (and shortly after) - Giorgio Graffi p. 57-73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Le débat sur la notion de phrase qui se déroula dans la deuxième moitié du 19e s. est strictement lié aux critiques envers ce qui peut être appelé le «modèle du jugement » de la Grammaire Générale. Pourtant, les solutions proposées ont été assez diverses l'une de l'autre . La première critique détaillée du modèle du jugement est formulée par F. Miklosich, qui affirme que la phrase n'est pas nécessairement formée d'un sujet et d'un prédicat, et qui pense trouver un soutien pour son analyse dans la conception du jugement chez Brentano. Steinthal, même s'il soutient que la linguistique ne doit pas être fondée sur la logique, mais au contraire sur la psychologie, n'accepte pas l'analyse de Miklosich et considère chaque phrase comme composée d'un sujet et d'un prédicat. Paul et Wundt, quoique dans un cadre psychologique bien différent, partagent au fond l'opinion de Steinthal. D'autres linguistes (comme Wegener, mais aussi bien des néogrammairiens comme Delbrück et Meyer-Lübke) se concentrent sur le rôle de la phrase comme «unité de communication » . D'autres savants (par exemple, Bühler) remarquent le caractère unilatéral de tous ces conceptions de la phrase. Le livre de Ries (1931) est peut-être la dernière tentative pour concilier les différents points de vue, car il cherche à rendre compte à la fois des aspects psychologiques, communicatifs et grammaticaux de la phrase. Toutefois, il n'eut pas de succès (il fut sévèrement critiqué par Bloomfield et Meillet, entre d'autres) ; au contraire, la conception de Jespersen, élaborée dans les mêmes années que celle de Ries, et qui distingue nettement la notion de phrase de celle de prédication, conserve encore une influence aujourd'hui.
        The debate about the notion of sentence which developed during the second half of 19th century is strictly connected with the criticisms of what can be called the “ judgment model” of the General Grammar tradition. However, the proposed solutions were largely different from each other. The first detailed attack against the judgment model came from F. Miklosich, who denied the necessity for the sentence to be formed by a subject and a predicate and believed that he found support in Brentano's views on the nature of the judgment. Steinthal, while maintaining that linguistics must be not based on logic, but on psychology, rejected Miklosich's analysis and analyzed every sentence into a subject and a predicate. Paul and Wundt (although within very different psychological frameworks) essentially followed Steinthal's path. Other linguists (e. g., Wegener, but also Neogrammarians such as Delbrück or Meyer-Lübke) concentrated on the communicative function of the sentence. Still other scholars (e. g., Bühler) observed the “ one-sidedness” of all such approaches to sentence analysis. Ries' (1931) book is possibly the last attempt at reconciling the different points of view, and aims at accounting for the psychological, communicative and grammatical aspects of the sentence. However, it was not very successful (it was sharply criticized by Bloomfield and Meillet, among others) ; in contrast, Jespersen's approach, worked out in the same years as Ries', and which neatly separates the notion of sentence from that of predication, is still influential today.
      • Structure de l'indice et équivocité du signe. A l'origine du partage Anzeigen/Ausdrucken dans les Recherches logiques - Claudio Majolino p. 75-91 accès libre avec résumé en anglais
        In the First Logical Investigation Husserl maintains that in order to achieve a phenomenological, subject-related and yet non psychological theory of meaning, one must begin by drawing an «essential distinction » between expressive and indicative signs. As a consequence, Husserl maintains that «sign » is an equivocal term. In this paper, I will set out and elaborate the historical background of this claim tracing it back to Bolzano's theory of signs and situating it within the broader context of the Brentano's School. This will lead me to (1) flesh out the role of semiotics in Husserl's critique of psychologism and (2) emphasize its meaning and scope in contrast with the widespread contention according to which «sign » is an univocal term whose structure can be captured by the medieval formula «aliquid stat pro aliquo » .
      • Phénomènes psychiques et analyse du langage : la réponse de Bühler et de Stumpf à l'objection de psychologisme - Janette Friedrich p. 93-108 accès libre avec résumé en anglais
        The paper considers two different reactions to the objection of psychologism which were developed by Carl Stumpf and Karl Bühler in the frame of early 20th century psychology. The study will show how Stumpf, by developing a psychology of functions, «delegates » the analysis of the functions' contents either to phenomenology – whose objects are the data of the senses – or to eidology – whose objects are the formations. Bühler's originality consists in his discussion of the dynamic concordance between living beings and the world as the «place » of the psychic ; a concordance which comes about by means of semantic institutions which are the condition for, as well as the result of, psychic phenomena. Through the concept of intention, Bühler demonstrates that psychology cannot possibly grasp the specificity of its object without an analysis of linguistic phenomena.
    • Varia
      • De la grammaire générative à la Grammaire Cognitive : origines et formation de la théorie de Ronald Langacker - Jean-Michel Fortis p. 109-149 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Le présent article retrace l'évolution qui a conduit Langacker de la grammaire transformationnelle à une théorie qu'il présente comme son antithèse, la Grammaire Cognitive. Il concerne donc essentiellement les années 1965-1982. Cette évolution passe par le rejet progressif d'opérateurs et de règles formels, et l'adoption d'analyses qui relèvent de la sémantique générative. Simultanément, Langacker cherche une motivation fonctionnelle à certaines règles de mouvement transformationnelles. Cette contestation de la grammaire transformationnelle de type chomskyen débouche sur un modèle innovant encore marqué par la sémantique générative, et qu'il baptise stratigraphie fonctionnelle. Ce modèle va lui-même évoluer vers une théorie centrée sur le signe et la notion de dépendance, au détriment d'une analyse adéquate de la constituance. Langacker se met ensuite à donner une représentation spatiale des strates de son modèle et à interpréter en termes localistes les verbes modaux. Il propose ensuite une analyse localiste et gestaltiste des relations grammaticales et de la sémantique lexicale. Il systématise cette perspective localiste et gestaltiste, et réintègre la constituance et la notion de tête en les réinterprétant selon cette perspective. Enfin, il va donner un tour empiriste à sa théorie qui, centrée sur le signe et la notion de construction, réduit la grammaire à un inventaire d'unités et de structures plus ou moins schématiques, construites et abstraites à partir du divers de l'expérience linguistique. Ces multiples amendements aboutissent à la version initiale, et largement inaltérée, de la Grammaire Cognitive, celle de la Space Grammar.
        This paper is an account of Langacker's evolution from transformational grammar to a theory which he describes as its antithesis, namely, Cognitive Grammar. It is foccussed on the years 1965-1982. In the first stage of this evolution, Langacker progressively restricts the use of formal rules and operators and increasingly resorts to a descriptive apparatus borrowed from generative semantics. This first stage is also marked by an attempt to offer a functional explanation of transformational movement rules. Langacker's move away from the Chomskyan brand of transformational grammar culminates in a new model, functional stratigraphy, which, however, still retains some key features of generative semantics. In its turn, this model evolves toward a new theory based on the notions of sign and dependency, at the expense of constituency, for which it does not really provide an adequate account. Shortly after, Langacker proposes a spatial representation of the functional strata which had been hypothesized in his stratigraphic model, and submits a localist analysis of modal verbs. This is followed by the introduction of gestaltist notions into his account of grammatical relations and lexical semantics. This localist and gestaltist framework progessively permeates all levels of analysis, and contributes to reintegrate constituency and the notion of head into the theory. In his sign-and construction-based theory, grammar is reduced to an inventory of more or less schematic units and structures. Further, by claiming that schematic units or structures are constructed and abstracted from the manifold of linguistic experience, he adopts a stance that may be characterized as empiricist. This continuous remodeling of the theory ushers into the initial version, and largely unaltered ever since, of Cognitive Grammar, a version which Langacker baptizes Space Grammar.
      • L'écologie du langage d'Einar Haugen - Nadège Lechevrel p. 151-166 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Pour expliquer le fonctionnement et l'évolution des langues et du langage, de nombreux chercheurs s'inspirent des sciences de la vie et en particulier, depuis près de 30 ans, de l'écologie biologique. Les historiographies récentes sur l'émergence d'une ‘ linguistique écologique' font de l'écologie du langage d'Einar Haugen (1971) une pièce fondatrice des approches écologiques en linguistique. Dans cet article, nous proposons de nous arrêter sur cette contribution pour en situer la ligne argumentative dans le champ de la linguistique américaine. Un regard critique sur ces historiographies nous conduira à étudier dans un premier temps les éléments biographiques, institutionnels et textuels permettant de contextualiser l'écologie du langage d'Einar Haugen ; contextualisation nécessaire, dans un deuxième temps, à l'examen de la réception initiale de l'oeuvre et ses liens avec les approches écologiques actuelles en linguistique.
        It is more and more common in linguistics to turn to ecology (a subfield of biology) to build models aiming at explaining evolutionary processes for languages. recent historiographies of ecological linguistics have often described einar haugen's 1971 contribution “ the ecology of language” as the seminal article for ecological approaches in linguistics. in this paper, we propose a critical look at these historiographies. we analyze the content of this article within the context of american linguistics and study the biographical, institutional and textual elements of haugen's ecology of language, so as to analyze its reception and relationships with current ecological approaches in linguistics.
    • Lectures et critiques