Contenu du sommaire : Histoire des idées linguistiques et horizons de rétrospection
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
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Numéro | vol.28, n°1, 2006 |
Titre du numéro | Histoire des idées linguistiques et horizons de rétrospection |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Histoire des idées linguistiques et horizons de rétrospection
Nécrologies
- K. Dutz (1953-2006) P. Schmitter (1943-2006) - Barbara Kaltz p. 5-8
Articles
- Présentation - Christian Puech p. 9-24
- Les références aux anciens et aux modernes chez les grammairiens latins du 16e siècle (Linacre, Scaliger, Ramus, Sanctius) - Bernard Colombat p. 25-50 Cet article a pour objet d'étudier quelle place quatre grammairiens du 16e s. accordent à leurs prédécesseurs, qu'ils soient antiques, médiévaux ou humanistes. Linacre n'inscrit pas d'emblée son De emendata (1524) dans un contexte historique, mais n'hésite pas à citer auteurs antiques et contemporains pour approuver ou discuter leurs textes. Scaliger (De causis, 1540) condamne constamment la tradition antérieure (cf. les 632 erreurs répertoriées dans l'Index errorum), mais en masquant le plus souvent l'identité des personnes derrière des formules générales. En plusieurs endroits des Scholae grammaticae (1569), Ramus dresse un tableau critique d'une genèse des parties du discours, en montrant son incohérence grandissante. Dans sa Minerva (1587), Sanctius revient de façon encore plus critique sur cette genèse, tentant de retrouver dans le Sophiste de Platon un classement des mots en cinq catégories principales et attaquant systématiquement L. Valla. Même si l'on retrouve parfois chez ces quatre grammairiens le souci d'établir une chronologie, leur entreprise relève moins de l'histoire proprement dite que de la doxographie, chacun d'entre eux convoquant ses prédécesseurs comme des contradicteurs avec qui il doit engager une disputatio.This article aims at studying the importance given by four 16th century grammarians to their predecessors, whether from Antiquity, the Middle Ages or the Renaissance. Linacre did not immediately set his work De emendate (1524) in an historical context, but he did not hesitate to quote authors, whether from a previous period or contemporaneous to his work. This is how he discussed their texts and said if he agreed with them. Scaliger (De causis, 1540) constantly condemned the previous heritage (i. e. the 632 errors that he listed in Index errorum). However he hid the identity of the people he criticized behind very general statements. In several parts of Scholae grammaticae (1569), Ramus drew up a list of criticisms when analyzing the genesis of the theory about parts of speech, showing the growing inconsistency of the theory as it expanded. In his Minerva (1587), Sanctius went back over this genesis and was even more critical than Ramus; using Sophist from Plato he attempted to find a distribution of words in 5 main categories and contradicted systematically L. Valla. Even if it is possible to find in these four grammarians the need to establish some chronology, their work consisted more of doxographical treatises than of history per se, each choosing the predecessors he wanted to argue with as in a disputatio.
- Formes et usages du discours historiographique chez les grammairiens français - Jean-Marie Fournier, Valéry Raby p. 51-75 La question de l'horizon de rétrospection des grammairiens français est ici appréhendée par le biais de ses représentations discursives. La référence explicite aux oeuvres grammaticales du passé est considérée sur le long terme, du 16e au début du 19e s., à partir d'un corpus d'ouvrages représentatifs. Trois configurations discursives majeures sont examinées: la mention, allusive ou nominative, des grammairiens du passé inscrite dans le texte même des grammaires; la compilation historiographique, représentée par le genre de la «bibliothèque»; enfin le traité historiographique proprement dit, tel qu'il naît à la fin du 18e s. sous la forme du «discours des progrès». L'examen et la comparaison de ces diverses manières de dire le passé de la discipline permet d'éclairer l'apparition, dans la deuxième moitié du 18e s., d'une conscience de l'historicité des théories linguistiques.In this paper, we examine the range of the perspectives taken on the past of grammatical theory (retrospective horizon [ horizon de rétrospection]). This issue is addressed through a typology of discursive representations which belong to a period extending from the 16th century to the beginning of the 19th. We distinguish three major discursive representations. First, simple mentions, allusive or personal, of previous grammarians, as they can be encountered in grammars. Secondly, historiographical compilations, which fall within the genre of bibliothèques. Thirdly, historiographical essays properly speaking, which, at the end of the 18th century, take the shape of tableaux des progrès (or «sketches of a picture of progress»). These various ways of referring to the past point to a new awareness of the historicity of linguistic theories, which is seen to emerge in the second half of the 18th century.
- L'histoire de la linguistique, un élément d'une culture linguistique nationale - Sylvie Archaimbault p. 77-88 Dans cet article nous réfléchissons sur la propension, assez partagée chez les grammairiens et linguistes russes, à monumentaliser la langue russe. Dans cette vision d'un patrimoine partagé par des locuteurs idéaux, dont la persistance dans la durée ne manque pas de frapper l'observateur, la vénération dont certaines grandes figures sont l'objet vient en bonne place. Le cas de Mixail Lomonosov est emblématique de la construction d'une tradition linguistique qui tend à se confondre avec une tradition nationale.The purpose of this article is to examine the tendency of monumentalising the Russian language which is shared by a large number of Russian grammarians and linguists. Observers have noticed that this vision of a heritage shared by ideal speakers has been persistent over the years, drawing on the veneration of great figures. The case of Mixail Lomonosov is emblematic of the construction of a linguistic tradition which cannot be disentangled from a national tradition.
- Meillet historiographe du comparatisme - Dan Savastovsky p. 89-104 L'article porte sur le type d'histoire des sciences mis en oeuvre par Meillet dans son Aperçu sur le développement de la grammaire comparée, publié en appendice à l'Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes (1903). On situe d'abord la parution de l'Aperçu dans le contexte de la «crise des fondements» à laquelle doit faire face le comparatisme des années 1880-1910. Puis on met ce texte en regard des autres principales synthèses historiographiques produites par les linguistes fin 19e-début 20e s., notamment celles de Delbrück (1880) et de Pedersen (1916). Après avoir examiné la place que Meillet accorde à Schleicher, on s'attache surtout à son interprétation des apports de l'école néogrammairienne. On précise ensuite dans quelle mesure les révisions et les «retouches» des six premières rééditions de l'Introduction ou la «refonte» inaboutie de la septième (1934), elles-mêmes éclairées par les nombreuses remarques d'ordre historiographique figurant dans d'autres travaux de Meillet, prennent en compte les nouvelles découvertes (le hittite) et les nouvelles tendances du comparatisme après 1900. Enfin, on indique à quelles conditions et sous quelles formes l'histoire d'une science comme la grammaire comparée, quand elle est écrite par les praticiens eux-mêmes, participe du franchissement du seuil de disciplinarisation de cette science.This article deals with the history of sciences as typified by Meillet in his Aperçu sur le développement de la grammaire comparée published as an appendix to the Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes (1903). First, the publication of this general survey is tied to the historical context: during the years 1880 to 1910, comparative studies were in a crisis. Secondly, this text is compared with other main historiographical surveys done by linguists at the end of the 19th and beginning of the 20th century; notably by Delbrück (1880) and Pedersen (1916). Having presented Meillet's view of Schleicher's work, the article takes up his interpretation of the contributions of the neo-grammarian school to the study of Indo-European languages. Then it examines the impact of new discoveries (such as Hittite) and new tendencies in comparative literature after 1900 on the various editions of the Introduction, the six first editions and the unachieved seventh, each of them enriched with numerous historiographical comments drawn from other works of Meillet. Finally, some indications are given concerning the conditions under which writing the history of a discipline (such as comparative grammar), when it is accomplished by insiders, partakes in its ambition to become more scientific.
- Les modes d'historicisation - Sylvain Auroux p. 105-116 Etre historien des sciences c'est être capable d'établir des chronologies et des lignes causales (ce dernier point est ce qui distingue l'historien de l'historiographe qui ne fait que raconter, encore que le récit soit en lui-même une trame explicative); plus encore, c'est être capable de se construire des représentations et des explications.To be an historian of Science is to be able to build chronologies and causal links, (the latter in fact is what distinguishes the historian from the historiographer who only tells stories, even though a narrative is an intrinsic explanatory structure); moreover to be an historian of Science is to be able to build representations and explanations.
Varia
- Pour une philosophie de la linguistique - Lia Formigari p. 117-125 Une philosophie de la linguistique, ou philosophie des langues, est l'ensemble des programmes de recherche qui opèrent soit au niveau de la méthodologie des science du langage à travers l'analyse conceptuelle des leurs procédures, soit par l'étude des dispositifs qui rendent possibles les pratiques linguistiques. Elle se définit par sa contiguïté avec l'étude des conditions psychiques de la parole et la description des langues naturelles. Dans cet article, on cherche à définir l'espace épistémologique de la discipline par rapport aux deux courants qui ont dominé la philosophie du langage au tournant du 20e s.: l'école chomskyenne et l'école herméneutique. La thèse qu'on propose est que les deux écoles, malgré leur diversité, partagent une même présupposition idéaliste selon laquelle les réalisations empiriques et historiques des structures seraient déjà contenues dans les structures mêmes et en seraient l'actualisation spontanée. On interdit par là à la philosophie du langage l'étude de ce terrain épistémologique intermédiaire où, à partir des structures et des compétences, se produisent les fonctions; l'étude des techniques à travers lesquelles ces fonctions sont élaborées, adaptées et modifiées par l'interaction communicative et les aléas de l'anthropogenèse.Philosophy of linguistics is the sum of research programs concerned both with the methodology of the language sciences and the study of the conditions of verbal performances. Its area is defined by contiguity with the study of the abstract prerequisites of speech and the description of natural languages. The aim of this paper is the demarcation of the epistemological ground of the discipline against the two main trends of language philosophy at the turn of 20th century, Chomsky's rationalism and hermeneutics. In spite of their differences, they share a common idealistic presupposition: the idea of historicoempirical realizations of language as spontaneous actualizations of transcendental structures. Such a premise rejects the consideration of the technologies through which structures adjust to the complexities of symbolic interaction and anthropogenesis, thus hindering all philosophical investigations of the ways functions develop from structures and competences.
- La phonologie diachronique générative : du formalisme initial à la réappropriation de la tradition - Stijn Verleyen p. 127-159 Cet article traite du modèle de phonologie diachronique, développé au sein de la grammaire générative au cours des années '60 et '70 du 20e s. (cf. Halle 1962, Kiparsky 1965, King 1969), et de l'évolution qu'a connue ce modèle après la publication du Sound Pattern of English (Chomsky -Halle 1968; désormais SPE). Nous essayerons de montrer que le modèle 'formaliste' initial, greffé entièrement sur la théorie synchronique proposée dans SPE, évolue vers une conception plus 'réaliste' du changement linguistique dans des publications ultérieures, et qu'on peut discerner une revalorisation des notions et de concepts explicatifs plus traditionnels en linguistique diachronique, reformulés dans le cadre formel propre à la grammaire générative. Nous esquissons d'abord les caractéristiques essentielles du modèle phonologique esquissé dans SPE [ 1.], et son application à la diachronie [ 2.], pour passer en revue ensuite l'essentiel des développements qui témoignent d'un retrait vers une position plus nuancée, réservant une place plus importante aux facteurs fonctionnels et aux facteurs liés à la substance phonique [ 3.].This article examines the model of diachronic phonology developed in generative grammar during the 1960' s ands 1970' s (cf. Halle 1962, Kiparsky 1965, King 1969a), and the evolution that this model underwent after the publication of the Sound Pattern of English (Chomsky - Halle 1968; henceforth SPE). We show that - in later publication - the initial, highly formalist model, entirely determined by the synchronic theory proposed in SPE, evolves towards a more 'realist' conception of linguistic change, and that there is clearly a revalorization of more traditional notions and concepts in diachronic linguistics, couched in generative formalism. We begin by reviewing the essential characteristics of the synchronic model [ 1.], and its application to diachrony [ 2.]. Under [ 3.], we analyze the developments that led to a return to a more traditional position, with more room for functional factors and factors linked to phonetic substance.
- Pour une philosophie de la linguistique - Lia Formigari p. 117-125
Lectures et critiques
Comptes rendus
- Formigari Lia. A History of Language Philosophies, 2004 - Guilhaumou Jacques p. 161-162
- Ayres-Bennett Wendy. Sociolinguistic Variation in Seventeenth-Century France: Methodology and Case Studies, 2004 - Raby Valérie p. 162-164
- Nodier Charles. Notions élémentaires de Linguistique ou Histoire abrégée de la parole et de l'écriture Pour servir d'introduction à l'alphabet, à la grammaire et au dictionnaire, 2005 - Jean-Claude Chevalier p. 165-168
- Cerquiglini Bernard. La genèse de l'orthographe française (XIIe-XVIIe s. s), 2004 - Baddeley Susan p. 168-169
- Gibert Balthazar. La rhétorique ou les règles de l'éloquence, 2004 - Stancati Claudia p. 169-172
- Réédition de deux ouvrages de Michel Bréal. Bréal Michel. Éssai de sémantique, introduction de Simone Delesalle, 2005. Bréal Michel. Mélanges de mythologie et de linguistique, introduction de G. Bergounioux, 2005 - Chevalier Jean-Claude p. 172-173
- Niederehe Hans-J. Bibliografía cronológica de la lingüística, la gramática y la lexicografia del español (BICRES III) : desde el ano 1701 hasta el ano 1800, 2005 - Lépinette Brigitte p. 174-177
- Koerner E. F. K. & Hans-J. Niederehe [Eds.]. History of Linguistics in Spain vol II, 2001 - Tollis Francis p. 177-183
- Catherine Nicault, Virginie Durand [Dirs.]. Comité pour l'histoire du CNRS, Histoire documentaire du CNRS, Tome 1. Années 1930-1950, 2005 - Chevalier Jean-Claude p. 183-184