Contenu du sommaire : Les constructions comme unités de la langue : illustrations, évaluation, critique
Revue | Langue française |
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Numéro | no 194, juin 2017 |
Titre du numéro | Les constructions comme unités de la langue : illustrations, évaluation, critique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les constructions comme unités de la langue : illustrations, évaluation, critique - Dominique Legallois, Adeline Patard p. 5-14
- Pour une conception constructionnelle de la transitivité - Dominique Legallois p. 15-32 Cet article propose de concevoir la transitivité comme une propriété non pas d'un verbe, non pas d'une proposition ou d'un énoncé, mais comme celle d'une construction. Cela implique que la construction transitive possède une signification (à l'image d'un lexème). Pour appréhender cette signification, il convient d'adopter un appareil formel descriptif, articulé, d'une part autour des notions de conjonction/disjonction (qui marquent le rapport du sujet à l'objet) et, d'autre part, autour des phénomènes d'espaces subjectaux et objectaux. Ces notions font l'objet d'une discussion détaillée qui remet en cause la notion de prototypicité transitive.In this article we consider that transitivity is neither a verbal nor a clause feature, but a construction property. This implies that the transitive construction is a pairing of form and content. In order to grasp this content, it is necessary to adopt a formal descriptive apparatus, articulated, on the one hand, on the notions of conjunction/disjunction (which mark the relation of the subject to the object) and, on the other hand, on the notions of subject and object spaces. These notions are the subject of a detailed discussion which calls into question the notion of transitive prototypicality.
- Le passif en français est-il une construction, au sens des grammaires de construction ? - Pierre Jalenques p. 33-50 Le passif est généralement présenté comme un exemple typique de construction, au sens des Grammaires de construction, notamment dans les travaux de A. Goldberg. Dans cette perspective, le sens du passif est présenté comme non compositionnel par rapport à ses éléments constitutifs. À partir de là, nous réinterrogerons la notion même de construction, en particulier du point de vue de la compositionnalité du sens. Nous proposerons ensuite une analyse sémantique compositionnelle du passif périphrastique en français. Nous montrons que la signification de celui-ci découle centralement de la combinaison du sens du verbe être en tant que copule et du sens du participe passé employé nu. Cette analyse conduit à relativiser le poids de la non-compositionnalité du sens (totale ou partielle) dans la définition de la notion de construction, au moins pour le passif périphrastique en français.The passive has often been presented as a typical example of construction, in the sense of the word put forward in the Construction Grammar theories, especially in the works of A. Goldberg. In this view, the meaning of the passive is considered as non-compositional. First, we will re-examine the concept of construction, especially from the perspective of the compositionality of meaning. We then propose a compositional semantic analysis of the passive in French sometimes called periphrastic passive. We show that the meaning of this construction derives from the meanings of the verb être and the past participle. This analysis thus relativizes the importance of the non-compositionality of meaning (total or partial) as a defining property of the concept of construction, at least for French periphrastic passive construction.
- « Moi, me moquer ! » Une construction infinitive à valeur exclamative - Gilles Corminboeuf, Frédéric Gachet p. 51-68 L'article traite d'une construction à valeur exclamative, constituée d'un pronom tonique suivi d'une forme verbale à l'infinitif : Moi, me moquer ! Cette construction d'origine interrogative, qui met en jeu un phénomène échoïque, suscite ordinairement une inférence négative, de type réfutatif (‘je ne me moque en aucun cas'). Mettant notre construction à l'épreuve des caractéristiques définitoires des « Constructions », nous nous demandons si son sens est intrinsèquement attaché à sa forme et si son interprétation est compositionnelle ou dépendante d'une part inférentielle.Our paper presents an analysis of an exclamative construction made up of a disjunctive pronoun and an infinitive verb phrase, such as Moi, me moquer ! We show how this interrogative structure is interpreted as an exclamation. Then we establish the construction's polyphonic nature and implicit negative orientation (Me, mock you! means ‘I'm not laughing at all'). Finally, we compare our structure with the “Constructions” properties. We wonder whether there is an intrinsic link between its meaning and its form and whether its interpretation is rather compositional or inferential.
- Extensions transitives de constructions spécificationnelles - Takuya Nakamura p. 69-84 Nous examinons la possibilité d'extension de la classe de constructions copulatives dites spécificationnelles (et dans une moindre mesure, de constructions pseudo-clivées) à des structures transitives à verbe avoir, en tant que variantes contextuelles. Selon la réalisation du nom sous-spécifié (prépositionnel ou non), ce verbe présente deux variantes transitives de constructions spécificationnelles, dont le trait essentiel est de thématiser le support du nom sous-spécifié qui est inhérent à ce dernier par sa nature syncatégorématique.We examine the possibility of extending the class of copular constructions called specificational sentences (and to a lesser extent, of pseudo-cleft constructions) to transitive structures with avoir, as contextual variants. According to the way in which the under-specified noun is realised (prepositional or not), this verb presents two transitive variants of specificational constructions, the essential trait of which is to topicalise the base of the under-specified noun, which is inherent to the latter because of its syncategorematic nature.
- La micro-constructionnalisation en tandem : la copularisation de tourner et virer - Niek Van Wettere, Peter Lauwers p. 85-104 Cet article explore les « voies de grammaticalisation primaire » d'une paire de verbes attributifs exprimant un changement d'état, à savoir tourner/virer, à l'aide de la « boîte à outils » de la Grammaire constructionnelle diachronique. Fondamentalement, deux mécanismes de constructionnalisation jouent un rôle important dans le processus de copularisation : (i) l'interaction entre les micro-constructions prépositionnelles d'un emploi déjà désémantisé du verbe et leur micro-construction semi-copulative correspondante et (ii) l'attraction lexicale exercée par un verbe synonymique qui attire d'autres verbes dans le spectre de la construction attributive (cf. analogisation).This article explores “the pathways of incipient grammaticalization” of a pair of change-of-state semi-copulas tourner/virer ‘become' (<‘turn'), within a Diachronic Construction Grammar –framework. Crucially, two mechanisms of constructionalization play an important role in the process of copularization: (i) the interaction between oblique micro-constructions of an already bleached usage of the verb and their corresponding semi-copular micro-construction and (ii) the lexical attraction exerted by a synonymic verb that attracts new verbs into the semi-copular construction (cf. analogization).
- Du conditionnel comme constructions ou la polysémie du conditionnel - Adeline Patard p. 105-124 Les approches du conditionnel français (désormais COND) sont généralement monosémistes (le COND possède un sens unique), souvent compositionnelles (il est composé de deux morphèmes /R/ et /ɛ/) et implicitement non-conventionnelles (les valeurs interprétées dans les énoncés ne sont pas conservées dans les connaissances linguistiques du locuteur). L'article propose une conception alternative du COND – polysémique, non-compositionnelle et conventionnelle – qui se fonde sur la notion de construction des grammaires de construction (Goldberg 1995, 2006). Selon cette conception, le COND correspond à trois constructions en français, de sens temporel, modal et évidentiel. Cette approche est appuyée par une analyse diachronique qui montre notamment sa double origine étymologique en latin.Approaches to the French conditionnel (henceforth COND) are generally monosemist (COND has one single meaning), often compositional (it is composed of two morphemes /R/ and /ɛ/) and implicitly non-conventional (the values interpreted in utterances are not stored in the linguistic knowledge of the speaker). The article suggests an alternative conception of COND –polysemic, non-compositional and conventional– which is based on the notion of construction developed by construction grammars (Goldberg 1995, 1996). According to this conception, COND corresponds to three constructions in French, with a temporal, modal and evidential meaning. This approach is further supported by diachronic data that notably show the double etymological origin of COND in Latin.
- Acquisition des liaisons nominales et verbales : de la lexicalisation à l'abstraction des constructions - p. 125-146 Cet article a pour objectif de proposer une première analyse de l'acquisition de la liaison verbale par l'enfant francophone prélecteur. Dans ce but, nous présentons une étude fondée sur un corpus d'interactions entre trois jeunes enfants et leurs parents. En prenant comme cadre les Grammaires de Construction et les Modèles Basés sur l'Usage, nos analyses montrent que, comme la liaison nominale, l'acquisition de la liaison verbale semble suivre un processus menant de la mémorisation de constructions lexicalisées à une abstraction fondée sur les analogies et conditionnée par des facteurs liés à l'usage.This paper focuses on verbal liaison acquisition by young French children. The main goal is to propose a study based on corpora of natural interactions between three children and their parents. Taking Construction Grammars and Usage-Based Models as theoretical frameworks, our results show that verbal liaison acquisition, like nominal liaison acquisition, is a process that leads to abstraction based on analogies from frozen constructions. The process seems to be largely conditioned by usage factors.