Contenu du sommaire : Peurs citadines
Revue | Histoire urbaine |
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Numéro | no 2, décembre 2000 |
Titre du numéro | Peurs citadines |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Peurs dans la ville, peurs de la ville - Annie Fourcaut p. 5-7
- Un mal qui répand la terreur ? : Espace urbain, maladie et épidémies au Moyen Âge - François-Olivier Touati p. 9-38 Les peurs urbaines sont-elles des peurs de la ville? La diversité des comportements face aux épidémies et les mesures qu'elles suscitent conduisent à s'interroger sur les relations établies au Moyen Âge entre l'espace urbain et la maladie. Si le discours médical à l'encontre du fait urbain paraît impossible, en revanche les éléments qu'il fournit permettent de rendre compte à la fois des réalités pathologiques éprouvées dans la ville et du niveau de conscience de leurs risques. Il éclaire les principes et usages qui ont contribué à la défense de la ville contre ses nuisances : surprenant, un «système » de répartition des eaux, confirmé par l'archéologie et la topographie, révèle sa cohérence mais aussi ses limites liées au succès même du développement urbain.Pain which spreads Terror? Urban Areas, Disease and Epidemics in the Middle Ages Are urban fears equivalent to the dread of city life? The variety of behaviours and responses to epidemics calls in question the connections between the urban areas and the illness. If the medical discourse is unable to condemn the environment of towns, it does provide information both about pathological realities in the cities and about the consciousness of their dangers. Theory and practice combine to protect the urban areas against their sources of pollution: they put on light a partition of water supplies according to the different uses, that archaeology and topographical analyse seem to confirm; a rational system which was restricted however by the successful development of the cities themselves.
- Memento mori : La peur de l'agonie, de la mort et des morts à Londres au XVIIe siècle - Vanessa Harding p. 39-57 Parmi toutes les peurs qui effrayaient les habitants de Londres à l'époque moderne, celle de la mort était une des plus constantes. La mortalité était élevée, les enterrements fréquents et les rappels de la mort permanents. Cependant les attitudes des Londoniens face à la mort variaient: certains, comme Nehemiah Wallington, reconnaissaient qu'ils en avaient peur et essayaient de s'y préparer spirituellement. Beaucoup d'autres, comme Samuel Pepys, préféraient se dissimuler leur peur du danger aussi longtemps que possible, retardant par exemple de rédiger un testament. Les riches dispositifs funéraires suggèrent également que les citadins se servaient des rituels et des cérémonies pour apaiser leurs angoisses et calmer leur anxiété.Memento Mori... Among the fears that beset the inhabitants of early modern London, the fear of death was a constant presence. Mortality was high, funerals common, reminders of death everywhere. However, responses varied: some Londoners, like Nehemiah Wallington, acknowledged their fear of death and tried to confront it by spiritual effort. Many others, including Samuel Pepys, preferred to suppress their awareness of danger for as long as possible, delaying making a will until the last moment. The rich array of funeral practices also suggests that citizens used ritual and ceremony to appease fear and to console anxiety.
- L'insécurité de la Rome impériale : entre réalité et imaginaire - Hélène Ménard p. 59-71 L'étude des sources, assez fournies concernant la Rome impériale, permet de souligner la variété des faits générant l'insécurité, quotidienne (vols et cambriolages, rixes) ou plus épisodique (incendies, pénurie), d'en analyser la diffusion géographique et sociale, ainsi que les moyens de s'en prémunir. L'insécurité est un enjeu politique qui fait appel aux représentations du pouvoir impérial et de la ville.Insecurity in Imperial Rome: between reality and fiction. The study of the relatively copious sources concerning Imperial Rome allows to underline the diversity of facts generating daily (thefts and burglary, brawls) or more occasional (fires, shortages) insecurity, and to analyse their geographic and social distribution as well as the means used to prevent them. Insecurity is a political stake which refers to the representations of the imperial power and the city.
- La peur dans les villes bretonnes au XVe siècle - Jean-Pierre Leguay p. 73-93 Les villes bretonnes au XVe siècle ont subi une conjonction de calamités naturelles, d'épidémies à répétition, de conflits armés et de violences collectives et individuelles. Les récits des témoins, les enquêtes, les extraits de comptes municipaux ou seigneuriaux révèlent les traumatismes engendrés par ces crises. Les réactions sont souvent contradictoires, découragement, fuite ou agressivité. Quelques solutions annoncent toutefois un changement de mentalité, perceptible dans la prise de conscience du danger de contagion, dans la nécessité d'améliorer l'hygiène et dans les premières mesures prophylactiques.Fear in towns of Brittany in the 15th century The Breton towns in the 15th century have suffered from a conjonction of natural calamities, repetitive epidemics, armed conflicts and individual and collective violence. Witnesses' accounts, inquiries, extracts from local or seigniorial counts reveal the traumatisms engendered by those crisis. The reactions are often contradictory, discouragement, flight or agressivity. Some solutions however announce that mentalities are changing, with the awareness of contagion's danger, the necessity of improving hygiene and the first measures for disease prevention.
- La mort accidentelle à Lille et Douai au XVIIIe siècle : mesure du risque et apparition d'une politique de prévention - Catherine Denys p. 95-112 La mort accidentelle à Lille et Douai au XVIIIe siècle peut être mesurée grâce aux écouages, qui sont une procédure de levée des cadavres de mort violente, par les justices scabinales. Environ un millier d'écouages lillois et une centaine d'écouages douaisiens ont été étudiés. L'accident le plus fréquent est la noyade dans les canaux de la ville, ou dans des puits dans les maisons, qui représente plus de la moitié des décès. Puis viennent les accidents domestiques, avec de nombreuses chutes mortelles et de jeunes enfants brûlés, puis les accidents de travail, qui touchent surtout les ouvriers du bâtiment et enfin, les accidents de circulation dans les rues, qui sont relativement rares. Les efforts des autorités urbaines, dans la deuxième moitié du siècle, vont porter essentiellement sur les noyades, en incitant les populations à porter secours le plus rapidement possible aux victimes. Malgré leur échec relatif, ces efforts participent au grand développement de la sécurité urbaine au XVIIIe siècle.Accidental death in Lille and Douai in the XVIII th century: risk measurement and appearance of a preventive policy. Accidental death in Lille and Douai in the XVIIIth century may be measured with the ‘‘ecouages,'' which are a proceeding of aldermen's justice about corpses of people who died violently. About a thousand ‘‘ecouages'' in Lille and one hundred in Douai have been studied. The most frequent accident is drowning in the town's canals or in the house's wells. Drowning represented more than half of all the deaths. Next came accidents at home, with numerous deadly falls and young children burned. Then work accidents, mainly for building workers; and last, street accidents, which were rather uncommon. The urban authorities, by the second half on the century, will concentrate their efforts on the drowning problem. They will try to convince people to give help to the victims as soon as possible. Though their attemps were not quite successfull, these efforts contribute to the great growth of urban security in the XVIIIth century.
- Une ville assiégée par la peur : Rio de Janeiro et les incursions françaises au XVIIIe siècle - Maria Fernanda Baptista Bicalho p. 113-129
- La ville, la haute police et la peur : Lyon entre le complot des subsistances et les manœuvres politiques en 1816-1817 - Nicolas Bourguinat p. 131-147 Dans le contexte politique troublé suivant la Restauration des Bourbons, Lyon connaît en 1816-1817 une agitation chronique. Dans les mouvements qui, autour de la cherté des subsistances et de la misère de l'arrière-pays, menacent de se porter depuis les campagnes sur la ville, se greffent des espérances bonapartistes mais aussi des manœuvres souterraines de la police politique, visant à hâter voire à bâtir un «complot » que les ultraroyalistes, alors maîtres de la cité, se chargeront de réprimer pour provoquer une remise en ordre. Aux peurs collectives suscitées par la disette et à la méfiance d'une grande ville par rapport à un hinterland économiquement dominé et à des faubourgs méprisés, s'articulent alors des phénomènes plus «modernes », autour de l'atmosphère de suspicion, de dénonciations et de la machine répressive policière et judiciaire.Town, Secret Police and Fear: Lyon between subsistence plot and political manœuvres in 1816-1817 During the period immediately following the Bourbon Restoration, in 1816-1817, Lyon experiences some chronic popular agitation, linked with the subsistence crisis. Particularly, there are rumors that the surrounding countryside, which is suffering a terrible dearth and is often waiting for an hypothetic come back of Bonaparte, is going to launch an attack upon the city and to take it. Some clandestine manœuvres from the political secret police tend to make believable that a ‘‘plot'' is on run, or to create it, in such a way that the ultraroyalist faction dominating the city might command without mercy a repression and put Lyon back into order. Collective fears here are provoked by dearth and by the current distrust between the city, its popular suburbs, and its provisioning rural hinterland, but they are closely jointed to the atmosphere of political suspicions, to denunciations, and to the methods of a policing and judicial machine.
- Paris au diable Vauvert, ou la Fosse aux lions - Mahmoud Sami-Ali p. 149-169 La Fosse au Lions désignait sous l'Ancien Régime, à Montrouge, une vaste dépression de terrain, ancienne entrée de carrière. La région, aux confins de la ville habitée, avait la réputation d'être hantée, d'être située, comme on disait, «au diable Vauvert». En 1853, à la faveur d'un bail entre l'entrepreneur chargé du déblaiement et le propriétaire, l'Assistance publique, une cité misérable faite de cabanes en bois vit le jour sur ce terrain. Le phénomène était alors fréquent à Paris, effet des travaux haussmanniens, mais cette cité faisait peur en raison de sa situation. Des prêtres en soutane aventurés là furent fort mal reçus et s'enfuirent paniqués, alors que leur mauvais accueil par les habitant s'explique par la peur superstitieuse provoquée chez les gens du peuple à la vue d'hommes en noir. Mais des visiteurs de la Société de Saint-Vincent de Paul entreprirent malgré tout l'évangélisation des habitants de la cité. Chez ces bourgeois charitables, la peur du lieu fit rapidement place à une peur de nature sociale: la misère et l'absence de toute religion faisaient des habitants de la cité l'avant-garde d'un peuple barbare, inassimilable, qui finirait par ruiner toutes les valeurs de la civilisation si on n'y prenait pas garde.Paris going to hell: the « Diable Vauvert» or «Lions' Den» Under the Ancien Regime, the «Lions' Den» (La Fosse aux Lions) at Montrouge, to the South of Paris, was the name given to a vast hollow, formerly an entrance to a stone quarry. This region, then at the outskirts of the inhabited city, was reputed to be haunted, being situated, as a saying had it at the time « au diable Vauvert» (at Vauvert's Devil). In 1853, taking advantage of a lease between a contractor charged with clearing out the hollow and the owner of the site, the Paris Hospital Administration (Assistance publique), a miserable shanty-town of a settlement, made of wooden huts, came into existence on this site. This was a frequent occurrence in Paris, one of the effects of Haussmann's works. But this particular settlement was a frightening place on account of its location. Priests in cassocks who ventured there were not welcomed and fled in panic. In fact, the hostility they elicited on the part of the settlement's inhabitants was due to their superstitious fear of men in black. Visitors from the Society de Saint-Vincent-de-Paul subsequently undertook the evangelisation of the population. For these charitable bourgeois, the fear that the place traditionally inspired was rapidly transformed into fear of a social nature. Their misery and godlessness made the inhabitants of the «city » the avant-garde of a people of barbarians, impossible to integrate into society and likely to destroy all the values of civilised life if nothing were done to prevent it.
- De l'effroi technique à la peur des banlieues - Hervé Vieillard-Baron p. 171-187 Les progrès techniques et scientifiques réalisés au cours du XXe siècle ont réduit les peurs massives qui hantaient les siècles précédents. Mais ils ont fait naître de nouvelles peurs, par exemple celles qui résultent de l'énergie nucléaire, de la manipulation génétique, des pollutions ou des produits alimentaires standardisés. Alors que les nouvelles technologies de la communication font de la planète un village mondial, la peur de l'autre et la peur de perdre son identité semblent plus actuelles que jamais. Dans les grandes agglomérations du monde, des quartiers entiers se privatisent et se ferment à l'étranger. En France, la croissance du sentiment d'insécurité traduit cette peur de l'autre. Elle renvoie aux quartiers sensibles de banlieue et aux jeunes en situation d'échec. Mais les banlieues drainent aussi des peurs qui les dépassent. Elles sont souvent un prétexte pour parler de la peur du futur et de la difficulté à vivre ensemble, comme le montrent les propos de jeunes adolescents recueillis lors d'une enquête effectuée en milieu scolaire.From threats engendered by modern technologies to fear of suburban areas The scientific and technological progress achieved during the 20th century has reduced the deepest fears which haunted previous centuries. But it has given birth to new fears, for example the consequences of nuclear energy, genetic modification, pollution or standardised food products. As new communication technologies make the world a global village, the fear of other people and the fear of losing one's identity, seem to be more prevalent than ever. In the world's big cities, whole areas isolate themselves and turn their backs on outside influence. In France, an increasing feeling of insecurity embodies this fear of other people. It is particularly pronounced in deprived suburban areas and in the sense of failure of young people. But these suburban areas also gather fears which then overcome them. They are often a pretext to talk about the fear of the future and the difficulty of living together, as opinions expressed by teenagers in a survey conducted in schools show.
Quartier libre
- Alexandrie : travaux récents - Laurianne Martinez-Sève p. 189-202
Lectures
- Yves Grandjean, François Salviat et alii, Guide de Thasos, deuxième édition refondue et mise à jour, Athènes – Paris, De Boccard Édition-Diffusion, 2000,330 p. - Laurianne Martinez-Sève p. 203-204
- Natacha Coquery, L'Espace du pouvoir. De la demeure privée à l'édifice public. Paris 1700-1790, Paris, É ditions Seli Arslan, 2000,221 p. - Olivier Dautresme p. 204-207
- Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l'Antiquité au XXe siècle, textes réunis et présentés par Claude Petitfrère, Tours, CEHVI, 1999,570 p. - François-Joseph Ruggiu p. 207-209
- Danielle Tartakowsky, Nous irons chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, XIXe - XXe siècle, Paris, Aubier, 1999,275 p. - Olivier Faron p. 209-210
- Évelyne Cohen, Paris dans l'imaginaire national de l'entre-deux-guerres, préface de Maurice Agulhon, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999,396 p. - Annie Fourcaut p. 210-212
- Jean-Louis Robert et Danielle Tartakowsky, (dir.), Paris Le Peuple XVIIIe -XXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999,234 p. - Jean-Luc Pinol p. 212-214
- Pierre Pinon et Caroline Rose, Places et parvis de France, Paris, Imprimerie nationale Éditions, 1999,160 p. - Jean-Luc Pinol p. 214-215
- Gaëlle Delignon-Lemonnier, Saint-Malo-Paramé. Urbanisme et architectures balnéaires. 1840-1940, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1999. - Hélène Guéné p. 215-217