Contenu du sommaire : Formes et usages de l'espace urbain dans la France des Lumières
Revue | Histoire urbaine |
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Numéro | no 5, juin 2002 |
Titre du numéro | Formes et usages de l'espace urbain dans la France des Lumières |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Héritages familiaux, solidarités professionnelles et théâtre politique. : L'habitat parlementaire à Grenoble dans la seconde moitié du XVIIIe siècle - Clarisse Coulomb p. 5-25 Contrairement à l'idée que l'on peut se faire d'une ville parlementaire, Grenoble a un patrimoine architectural médiocre. L'attitude des élites urbaines au siècle des Lumières vis-à-vis de l'habitat est donc à étudier, en particulier celle de la magistrature, traditionnellement présentée comme une noblesse patricienne. La discrétion de leurs hôtels, la pratique répandue de la location témoignent de l'absence d'enjeu symbolique du logement, dans une ville que lesparlementaires dominent sans conteste. Si, dans la première moitié du XVIIIe siècle, une tendance à la ségrégation se dessine, les magistrats quittant la proximité du palais au centre de la ville pour aller habiter les nouveaux quartiers aérés de l'Ouest, celle-ci s'estompe à partir des années 1780 : le recrutement plus ouvert de la Compagnie correspond à un réinvestissement des ruelles étroites et populeuses du centre médiéval. On peut s'interroger sur les motivations politiques du choix du domicile : plusieurs meneurs de l'opposition parlementaire, si forte à Grenoble, vivent ainsi dans les quartiers populaires. S'il est difficile de conclure à un choix conscient, il est sûr que cette proximité a contribué à fortifier les solidarités urbaines à la veille de la Révolution.Patrimony, professionnal solidarities and political theater. Magistrates' housing in Grenoble (second half of 18th century) Contrary to the usual representation of a parliamentary town, Grenoble only has a mediocre architectural heritage. The attitude of the urban elite towards housing, at the Age of Enlightenment, must then be studied, especially the one of magistracy, traditionally presented as a patrician nobility. The discretion of their hotels, the widespread practice of renting, show that housing has no symbolical value, in a town where members of the Parliament unquestionably dominate. Though a tendency towards segregation is emerging in the first half of the eighteenth century, the magistrates leaving the proximity of the law courts in the town's centre for the new well spaced out west side, this starts to soften during the 1780's : the more open recruitment of the Company coincides with a reinvestment of narrow and crowded alleys of the medieval centre. One may wonder about the political motivation of the domicile's choice: in this manner, many leaders of the parliamentary opposition, which is so strong in Grenoble, live in popular areas. Though it is difficult to conclude that it was a conscious choice, this proximity has surely contributed to strengthen the urban solidarity, at the dawn of the Revolution.
- Fidélités et stratégies résidentielles dans l'entourage parisien des Orléans au XVIIIe siècle - Laurent Roussel p. 27-41 Au XVIIIe siècle, les Orléans appointaient plusieurs centaines de commensaux. Les membres du Conseil patrimonial et leurs adresses nous sont connues grâce à l'Almanach Royal (éditions 1714 à 1789). Tout au long de la période, le quartier du Palais-Royal exerça un pouvoir d'attraction bien réel. Mais la concentration de ce personnel ne fut pas aussi nette que nous aurions pu l'imaginer. Pourquoi? La densité du bâti aux abords de la résidence princière ne permit pas d'aménager des logements en nombre suffisant. Plus important encore, l'environnement parisien ne cessa de perturber cette logique curiale: nous y avons reconnu des tropismes anciens – les professionnels de la justice près de la Cité – ou encore le résultat de modes nouvelles – le monde prestigieux de Saint-Germain.Allegiances and residantial strategies among the Orleans' entourage in Paris in the 18th century. In the 18th century, the Orleans paid a salary to hundreds of officers. Members of patrimonial council and their addresses are well-known thanks to Almanach Royal (1714 to 1789 editions). During all this period, the Palais-Royal attracted a good number of employees. But this concentration wasn't as obvious as what could be imagined. Why? Because the density of constructions surrounding the palace didn't allow enough flats to be built. More important still, environment of Paris continuously disturbed this logic of Court: we have identified old tropisms – men of law near the Cité – or even the result of new fashions – the prestigious world of Saint-Germain.
- Le temps des Projets. : Poncet de La Grave, Delamair ou l'impensé de l'urbanisme au siècle des Lumières - Nicolas Lemas p. 43-65 Le temps des Projets: Poncet de La Grave, Delamair ou l'impensé de l'urbanisme au siècle des Lumières : si le XVIIIe siècle est une époque féconde en projets visant à remodeler en profondeur l'espace urbain parisien, très peu furent même seulement pris en compte par les pouvoirs publics, quel qu'en soit l'auteur. Le cas des propositions de l'architecte Delamair et de l'avocat Poncet de La Grave montre que derrière l'argument économique généralement avancé par l'historiographie et les contemporains, se cache en réalité un problème d'ordre culturel et idéologique. Aux yeux des pouvoirs publics, leurs arguments apparaissent chimériques et ne peuvent qu'être rejetés. Ce texte illustre la nature du conflit entre une vision moderne de l'aménagement urbain et les conceptions paradoxalement conservatrices des pouvoirs royaux ou municipaux en matière édilitaire. Par-là, il révèle le poids des relations interpersonnelles et des groupes d'influence propres aux institutions édilitaires et la difficulté pour le citoyen-citadin de se faire entendre.Two architects of the Siècle des Lumières: Poncet de la Grave and Delamair An era of Plans: Poncet de La Grave, Delamair and the Eighteenth-Century Townplanning beyond thought: even if the Eighteenth-Century was famous for projects aiming at transforming Paris, very few of them were taken into account, whatever its origins. Through the difficulties of the architect Delamair and the lawyer Poncet de La Grave's proposals, the traditional economic explanation appears to be less important than any ideological and cultural issue. According to the Power, their suggestions sound impracticable, and could not but only be rejected. This paper wants to show the background of the oppositions between a modern conception of town-planning and the strangely old-dated conception of the royal and urban powers. Hence, it reveals the importance of lobbies and personal relationships and the difficulties for a citizen to be heard.
- La pollution par les cimetières urbains : Pratiques funéraires et discours médical à Lyon en 1777 - Olivier Zeller p. 67-83 En 1777, une enquête très poussée fut partout réalisée dans le ressort du parlement de paris. A Lyon, un groupe d'experts comprenant médecins, chirurgiens, architectes et magistrats royaux enquêta dans l'ensemble des cimetières et des cryptes. Deux questions ont pu être étudiées à partir de leurs procès-verbaux. En premier lieu, le discours médical continue de privilégier la pollution de l'air, suivant la théorie des miasmes. En second lieu, le turn-over des cadavres a pu être calculé : à Lyon, on pratiquait très rapidement les exhumations en raison du manque chronique de place, surtout dans les paroisses centrales.Urban cemeteries pollution Funeral practices and medical discourse (Lyons, 1777) In 1777, a very precise investigation was performed everywhere in the district of the Parlement of Paris. In Lyons, a special expert team, including physicians, surgeons, architects and royal judges, visited every churchyard and every crypt. Thanks to their reports, two main points have been studied. First, the medical discourse still worries mainly about air pollution, according to miasma theory. Second, the turn-over of the corpses has been calculated: in Lyons, exhumations occured within very short periods, because of the chronic lack of room, especially in the central parishes.
- Les jeux militaires au XVIIIe siècle : Une forme de sociabilité urbaine négligée - Christine Lamarre p. 85-103 En dépit de sources abondantes, les compagnies de jeux militaires urbains ont suscité peu d'études d'ensemble. Ces sociétés, inégalement réparties sur le territoire, sont présentes dans toute la hiérarchie urbaine, des petites villes à la capitale. Elles pourraient permettre de mieux connaître les milieux dits « moyens » qui intéressent de plus en plus, et de décrire des réseaux de sociabilité souvent restés discrets et inaccessibles à l'historien. L'article évoque les activités des compagnies et montre qu'elles ne comptent pas que des tireurs convaincus, puis il esquisse les contours des caractéristiques sociales des groupes de chevaliers avant d'aborder la crise d'identité traversée au cours du XVIIIe siècle. Les compagnies de l'arc, de l'arbalète ou de l'arquebuse ont alors perdu leur rôle militaire. Elles apparaissent comme des distractions coûteuses, réservées aux plus aisés des habitants des villes. Les auteurs de dictionnaires, comme les moralistes du temps, ne savent plus de quoi les rapprocher, perdues qu'elles sont entre exercices militaires, parade, théâtre, voire, dans une pré-révolution favorable aux communes, manifestation d'un civisme à la romaine, faisant renaître l'idéal du soldat-citoyen.Military games in the XVIIIth century: a neglected kind of urban sociability In spite of numerous documents, the urban military games companies didn't arouse many global studies. These societies, which are distributed over the territory in an unequal way, are present in the whole urban hierarchy, from small towns to the capital. They could allow to know better these circles of the upper middle class that interest more and more, and to describe sociability networks often kept discreet and inaccessible to the historian. The article talk about the companies activities and shows that they don't number only good shooters among their ranks. Then it shows the social characteristics of knights groups before relating the identity crisis crossed during the XVIIIth century. These bow, crossbow and arquebus companies lost their military role. They seem to be expensive entertainments only reserved for the most comfortable inhabitants of towns. The dictionary authors, like the moralists of the time, don't know anymore what they are between military exercise, parade, theater, and even, in a pre-revolution time favorable to communes, good citizens trying to promote the ideal of the citizen-soldier, in a Roman way.
Études
- Le feu, la ville et le roi : l'incendie de la ville de Bourges en 1252 - Christine Felicelli p. 105-134 A la suite de l'incendie qui embrasa la ville de Bourges le 6 juin 1252, la régente Blanche de Castille diligenta une enquête dont les finalités étaient sans aucun doute d'ordre fiscal et politique. Ce document, circonscrit à quatre paroisses sur les quinze que comptait alors la ville, nous permet d'évoquer le rôle de l'environnement climatique et architectural dans la propagation du sinistre, d'évaluer l'ampleur des dégâts matériels, de recenser les populations sinistrées, d'apprécier la durée de la reconstruction, au total de mesurer l'impact de la catastrophe sur les paroisses sinistrées. Cette intervention royale servit probablement de précédent à la gestion des incendies catastrophiques des XVe et XVe siècles quand, par le biais de l'assistance fiscale à la reconstruction, la couronne chercha à s'attacher la fidélité des édiles et à affirmer son autorité sur les villes du royaume.The Fire, the Town and the King: the Burning of Bourges in 1252 After the fire which devasted the town of Bourges on the 6th June 1252, the regent Blanche de Castille asked for un inquiry. This document, concerning four out fifteen city's parishes, allows us to understand the role of the climatic and the architectural environment in the spreading of the fire, to assess the materialistic damages, to take a census of the victims, to calculate the duration of the reconstruction and lastly to compare the divers impacts of the disaster on the damaged parishes. This royal involvement, whose objective was without any doubt fiscal and political, has probably set a precedent for the management of the disastrous fires in XV and XVI centuries. With this financial assistance for the reconstruction, the Crown tired to buy the municipal magistrates and to confirm its authority over the towns of its Kingdom.
- La démolition de l'Hôtel-Dieu d'Orléans. : Un exemple de vandalisme municipal sous la monarchie de Juillet - Hervé Robert p. 135-165 Un exemple de vandalisme municipal sous la monarchie de Juillet La destruction de l'ancien Hôtel-Dieu d'Orléans, qui s'élevait aux abords de la cathédrale Sainte Croix, s'impose comme l'une des plus éclatantes démonstrations du vandalisme sous la monarchie de Juillet. Décidée par le conseil municipal, encouragée par le Conseil général du Loiret, elle avait été souhaitée dès la fin du règne de Louis XV, pour des raisons cumulées d'hygiène publique et d'aménagement urbain. Ce projet heurta de front la jeune Commission des monuments historiques, instituée en 1837 pour coordonner une politique nationale de protection monumentale. Elle convainquit son ministre de tutelle de l'interdire dans un premier temps, puis d'en limiter la portée. L'affaire s'envenima progressivement jusqu'au conflit ouvert entre élus locaux, prêts à la démission collective, et le pouvoir d'Etat, qui préféra céder, de guerre lasse et par souci de conciliation. Tout fut rasé, jusqu'à la belle salle Saint-Lazare élevée dans la seconde décennie du XVIe siècle. L'événement, stigmatisé par les pionniers de la défense du patrimoine que furent Mérimée et Montalembert, illustre le difficile cheminement dans l'opinion de l'idée de protection monumentale.The demolition of the Hospital of Orleans. A case of municipal vandalism during the Monarchy of July The pulling down of the ancient Hospital of Orleans, in the surroundings of the cathedral Sainte-Croix, is one of the most brilliant demonstrations of the municipal vandalism during the Monarchy of July. Decided by the common council, with the support of the conseil général of Loiret, it was a project planned since the eighteenth century for hygienic and urban reasons. This project triggered off a row with the young Commission des monuments historiques, founded in 1837 to organize a national politic for the protection of the historic monuments. Its attempts to forbid the decision degenerated into a general strife between the local and the central authorities. The state chose to give up and the monument has been pulled down. This event shows the slow progress of the idea of the protection of the historic monuments in nineteenth-century France.
- Levitt France et la banlieue à l'américaine : premier bilan - Isabelle Gournay p. 167-188 En 1965, la filiale française de Levitt and Sons ouvrit son premier lotissement à l'américaine dans la grande banlieue ouest de Paris: dans un cadre de verdure très ouvert, il comprenait des maisons en série, à mi-chemin entre pittoresque et modernité, confortables tout en demeurant abordables, selon un modèle qui s'avéra populaire jusqu'à la fin des années 70. Cette étude reconstitue et analyse un épisode important mais méconnu dans l'histoire du logement individuel en France. Elle comporte les volets suivants: chronologie des opérations franciliennes de Levitt (5,000 logements), analyse de leurs principales caractéristiques (francisation des plans, façades et méthodes de construction, qualité de l'aménagement paysagé), mise en avant de multiples filiations culturelles et historiques (agraires, aristoricratiques et anglo-américaines), réinsertion dans le contexte des Trente Glorieuses (accroissement du nombre des cadres, avènement d'un mode de vie motorisé, situation du marché du logement) et réévaluation historique.Levitt France and the american-like suburb: first conclusions In 1965, the French subsidiary of Levitt and Sons opened its first American-style subdivision in the far western suburbs of Paris: set in a largely unobstructed, green, environment, it included standardized homes, both picturesque and modern, comfortable while affordable, according to a model which remained popular until the end of the 1970s. This study reconstructs and analyzes a significant but little known episode in the popularization of single-family dwellings in contemporary France. It includes the following sections: chronology of Levitt's projects around Paris (5,000 units), analysis of their major characteristics (Frenchification of the layouts, facades et construction methods, landscaping assets), exposition of very diverse cultural and historical roots (agrarian, aristoricratic and Anglo-American), contextualization amidst the Trente Glorieuses era (increase in the number of executives, coming of age of a motorized life style, state of the housing market) and historical reevaluation.
- Le feu, la ville et le roi : l'incendie de la ville de Bourges en 1252 - Christine Felicelli p. 105-134
Quartier libre
- Des relectures d'Haussmann - Florence Bourillon p. 189-199
Lectures
- Maria-Teresa Penna, L'archéologie historique aux États-Unis, Paris, Éditions du C.T.H.S., 1999,442 pages - Dominique Poulot p. 201-202
- Ana Maria Rodrigues, Torres Vedras. A vila e o termo nos finais da Idade Média, Braga, 1995,668p. - Marcelo Cândido Da Silva p. 202-203
- Anselmo Lopéz Carreira, A cidade de Ourense no século XV. Sociedade urbana na Galicia Baixomedieval, Ourense, 1998. - Marcelo Cândido Da Silva p. 203-205
- René Favier (sous la direction de), Le Parlement de Dauphiné, Grenoble, PUG, 2001,262 p. - Marie Houllemare p. 206-207
- Isabelle Backouche, La trace du fleuve. La Seine et Paris, 1750-1850, Paris, Éditions de l'EHESS, 2000,430 p. - Geneviève Massard-Guilbaud p. 207-210
- Pierre Pinon, Paris, biographie d'une capitale, Paris, Hazan, 1999,367 p. - Mathieu Flonneau p. 211-212