Contenu du sommaire : Violence et expression du pouvoir dans l'espace urbain de l'Antiquité au haut Moyen Âge
Revue | Histoire urbaine |
---|---|
Numéro | no 10, août 2004 |
Titre du numéro | Violence et expression du pouvoir dans l'espace urbain de l'Antiquité au haut Moyen Âge |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Violence et expression du pouvoir dans l'espace urbain de l'Antiquité au haut Moyen Âge
- Présentation - Michèle Gaillard, Michel Humm p. 5-7
- Ville et terre-patrie : les Sept contre Thèbes d'Eschyle - Violaine Sebillotte-Cuchet p. 9-25 Les Sept contre Thèbes d'Eschyle mettent en scène une ville pensée comme une patris, bien hérité des pères, et également terre, devenue mère. Il faut sans doute lire cette conception de la cité en parallèle avec les légendes thébaines – origines des Spartoi, malédictions portées sur le genos des Labdacides – pour comprendre ses implications tragiques. Cette version négative de la cité, avec le paradoxe topographique d'une ville décrite comme une terre fertile, reste sans doute une tentation politique pour les Athéniens, même si leurs choix au Ve siècle avant notre ère, en développant des stratégies maritimes, furent à l'opposé.Town and land-country. The Seven against Thebes of Aeschylus The Seven against Thebes of Aeschylus acts out a town described like a patris, father house unherited, and like earth, maternal one. To understand this conception of the city and its tragic implications we should have to underline the Theban legends – the Spartoi's origines, the maledictions upon the Labdacide's genos. This ‘‘negative'' city, with the topographic paradox of a town described as fertile earth, seems to be a political temptation for the Athenians, even if their historical choices were opposite during the 5th century B. C.
- Classe dirigeante, classe dangereuse ? : Une représentation des élites dans l'Athènes du IVe siècle - Évelyne Scheid-Tissinier p. 27-41 Aristote oppose au livre II de sa Rhétorique, 1391 a, les délits que commettent les kakourgoi, c'est-à-dire les délinquants qui appartiennent aux plus basses couches de la société et ceux qui sont d'ordinaire commis par les notables et qui sont causés par leur hubris, cette arrogance qu'ils tirent de la position sociale que leur confère leur richesse. De fait, un certain nombre de plaidoyers du IVe siècle (Lysias, fr. XVII; Isocrate XX; Démosthène LIV et XXI)) mettent en cause des notables, accusés de violences commises contre des concitoyens. Or ces manifestations de violence sont appréhendées non pas comme des conduites d'ordre privé, mais comme un comportement révélateur d'un état d'esprit oligarchique, susceptible de constituer une menace pour la démocratie. Les révolutions oligarchiques qui ont marqué la fin du Ve siècle, ainsi que les tensions sociales qui ont accompagné la fin de l'empire athénien et qui se prolongent pendant tout le IVe siècle, ont pu conforter cette tradition. Il s'agit néanmoins aussi d'une repré-sentation qui s'inscrit dans la longue durée. C'est dans les excès commis par les nobles de l'époque archaïque qu'il faut en chercher les racines, des excès que les législateurs ont tenté de réprimer en contraignant ces nobles à se couler dans le moule de la cité. Devant les juges du IVe siècle, les plaideurs n'hésitent pas à perpétuer cette image d'une élite potentiellement dangereuse pour la démocratie parce que toujours tentée par l'aventure oligarchique.Ruling class, dangerous classs? A representation of the elites in IVth-century Athens In Aristotle's Rhetoric (1391 a), we find a clear opposition between damages and injuries commited by the kakourgoi, offenders from the low-class of the society and those comitted by rich citizens from the upper-class who are supposed to be led in doing that by their hubris, which is a behaviour intended to display his own social power by insulting social inferiors. Some speeches (Lysias XVII, against Tisis; Isocrate XX, against Lokhites; Demosthene LIV against Conon and XXI against Midias) expose cases of hubristic assaults on an ennemy, all of them committed by wealthy citizens and demonstrating a violence incompatible with democracy. They develop the argument that the assaults are not just private and casuals acts induced by drink, but cases induced by an insolent and aristocratic way of life. Such a way of life lead to oligarchic attractions which can threaten democracy and lead to disastrous political consequences. The use of such class-based arguments are frequent after the oligarchic revolutions of the end of the fifth century, but their origin is found in the anti-social activities of the elite in the archaic period, the activities which Solon and other early lawgivers intended to restrict.
- Le mundus et le Comitium : représentations symboliques de l'espace de la cité - Michel Humm p. 43-61 Le mundus et le Comitium sont deux monuments symboliques placés au cœur de la Cité, à Rome : alors que le Comitium est le lieu de réunion symbolique des assemblées du peuple, le mundus est un monument qui évoque la fondation de la Cité ainsi que la communication de celle-ci avec ses dieux. Mais le mundus romain aurait reçu, entre la fin du IVe et le milieu du IIIe siècle, une interprétation pythagoricienne qui l'assimila à une représentation symbolique du cosmos. Cette interprétation pythagoricienne ou pythagorisante pourrait avoir été la conséquence de l'adoption de la forme circulaire du Comitium, dont le mundus finit par traduire la dimension cosmique. Le mundus et le Comitium sont donc devenus, entre la fin du IVe et le milieu du IIIe siècles, les centres symboliques de l'espace de la cité, et leur interprétation pythagoricienne (ou pythagorisante) en fit des représentations cosmiques de l'univers, auquel les nouvelles institutions, adoptées vers la fin du IVe siècle, tâchaient de se conformer.The mundus and the Comitium: symbolic representations of the city's space The mundus and the Comitium are two symbolic monuments placed at the heart of the City, in Rome: while the Comitium is the symbolic meeting-place of the assemblies of the populus, the mundus is a monument that reminds the foundation of the City and its communication with its gods. But the Roman mundus would have received, between the end of the 4th c. and the middle of the 3rd c. B.C., a pythagorician interpretation that would have assimilated it to a symbolic representation of the cosmos. This pythagorician or pythagorizing interpretation could have been the consequence of the circular form adoption of the Comitium and the mundus would have expressed its cosmic dimension. Thus the mundus and the Comitium became, between the end of the 4th and the middle of the 3rd c. B.C. the symbolic centers of the City space and their pythagorician (or pythagorizing) interpretation built them as cosmic representations of the universe in which the new institutions – adopted circa the end of the 4th c. – had to shape themselves.
- Les batailles de Rome : Présence militaire et guérilla urbaine à l'époque impériale - Yann Rivière p. 63-87 Du début de l'époque impériale jusqu'au règne de Constantin, Rome fut une ville de garnison. Ces militaires « protégeaient » l'empereur. Les soldats employaient parfois leur épée contre des émeutiers au cirque, sur le Forum ou d'autres lieux découverts. Mais il paraît difficile d'affirmer qu'ils avaient un rôle de police régulière (à l'exception, peut-être des vigiles) ou même qu'ils exerçaient un «contrôle » de la ville. Les récits des émeutes laisse penser que les milites urbani n'étaient pas en mesure de combattre la foule à l'intérieur de l'Urbs lorsque les émeutiers décidaient de se défendre en lançant des pierres et des tuiles, depuis le toit des habitations. Aussi, pour mettre fin à l'affrontement, les soldats décidaient-ils parfois de brûler la ville.Battles of Rome. Military attendance and urban rioting during the imperial period From the beginning of the imperial period to the reign of Constantinus, Rome was a garrison town. The military ‘‘protected'' the Emperor. Occasionnaly, the soldiers used of their sword against rioters in the Circus, the Forum, or some other open areas. But it seems difficult to maintain that their main activity was to assume regular police functions (except, maybe, the vigiles) or even to ‘‘control'' the city. The accounts of the riots suggest that the milites urbani were not abble to fight the crowd inside the Vrbs when the rioters chosed to defend themselves throwing stones and tiles from the roof of the houses. Then, to stop the confrontation, the soldiers sometimes decided to burn the city.
- La représentation de la rixe de l'amphithéâtre de Pompéi : une préfiguration de l'« hooliganisme » ? - Valérie Huet p. 89-112 Sous le règne de Néron, en 59 apr. J.-C., un spectacle de gladiateurs à Pompéi dégénéra en rixe entre les spectateurs, les Pompéiens et les habitants d'une colonie voisine : Nucérie; ces derniers furent massacrés. De cet événement a priori peu glorieux, nous possédons deux témoignages : un récit de Tacite (Ann. XIV, 17) et une fresque de Pompéi provenant de la paroi du péristyle d'une maison pompéienne modeste (I, 3,23) et conservée actuellement au Musée Archéologique National de Naples (inv. 112222). Que se cache-t-il derrière ce récit et cette image ? Quel propriétaire pouvait commander une telle décoration ? Une synthèse de diverses théories ainsi qu'une analyse des documents sont proposées. Un parallèle anachronique avec une rixe de «hooligans » hollandais permet de donner un nouvel éclairage au texte, mais aussi au contexte de la fresque: plutôt que de voir la maison d'un gladiateur, ne serait-il pas plus cohérent d'imaginer une sorte de « hooligan » comme propriétaire, c'est-à-dire un homme tirant gloire et fierté de sa participation à une violence illégitime ?Representing the fight at the amphitheatre of Pompei : a prefiguration of hooliganism? Under Nero, in 59 A.D., a gladiatorial show ended up in an audience fight, between the inhabitants of Pompei and of a neighbour colony, Nuceria; these latter were murdered. Two documents display this event that is a priori not glorious: a story by Tacitus (Ann. 14,17) and a fresco found on the wall of the peristyle of a modest Pompeian house (I, 3,23), actually kept in the National Archaeological Museum of Naples (inv. 112222). What are hidden behind this narrative and this image? Whose owner could order such a decoration? We propose a synthesis of diverse theories and an analysis of the data. An anachronistic parallel with a Dutch hooligans' story allow to give some new lights on the text, but also on the context of the painting: rather than seeing the house of a gladiator, I argue that the owner could have been a ‘‘hooligan,'' a man proud of his taking part in the violence.
- Les violences et les saints dans les villes de l'Antiquité tardive - Brigitte Beaujard p. 113-121 Dans les villes de l'Antiquité tardive, les saints furent confrontés à diverses formes de violences comme tous leurs concitoyens. Avant 313, certains, les martyrs, furent victimes d'émotions locales. Plus tard, certains usèrent de la force pour venir à bout du paganisme dont le feu anéantit les temples. D'autres enfin, pris dans les remous de la vie quotidienne, voulaient protéger leurs proches dans un idéal de concorde et de paix. Les cas de figures sont donc très différents. Toutefois, dans leurs récits, les écrivains chrétiens schématisent la réalité pour souligner l'action victorieuse du saint contre la violence qui perpétue la lutte de Dieu contre les forces du Mal.Violence and Saints in the Cities of Late Antiquity In the cities of Late Antiquity saints were faced with the same various kinds of violence as any other citizen. Before 313 some of them – the martyrs – fell victims of local riots. Later other saints set fire to pagan temples in order to come to end with paganism. Finally the rest of the saints, who wanted to protect their relatives from daily upheavals, took them away to live in an ideal peaceful harmony. There are many different cases; however, Christian writers simplify reality in their writings to highlight the saint's victory over violence thus enhancing the continuing fight of God against evil forces.
- La présence épiscopale dans la ville du haut Moyen Âge : sanctuaires et processions - Michèle Gaillard p. 123-140 Dans les villes du haut Moyen Âge, édifices religieux, processions et cérémonies religieuses sont à la fois des manifestations de la présence chrétienne et des instruments permettant de rappeler au clergé et à l'ensemble des chrétiens l'unité nécessaire de leur Église autour de la personne de l'évêque. Quatre documents, s'échelonnant du Ve au Xe siècle et concernant les cités de Tours, Auxerre, Metz et Clermont permettent de saisir les modalités de l'inscription du pouvoir épiscopal dans l'espace et dans le temps: les églises qui possèdent les reliques des saints évêques et des autres saints locaux sont les lieux où l'ensemble du clergé urbain se retrouve pour des célébrations liturgiques auxquelles le peuple est associé et qui expriment l'union de l'Église locale autour de son évêque en présence de ses saints.Episcopal Presence in Early Medieval Town: Sanctuaries and Processions In the cities in the Early Middle Ages, religious buildings, processions and religious ceremonies were both evidence of the Christian presence and reminders to the clergy and the Christian community at large of the necessary unity of the Church behind its bishop. Four documents from the 5th to the 10th c. and dealing with Tours, Auxerre, Metz and Clermont show how the episcopal power was inscribed in time and space; the churches owning the relics of saintly bishops and other local saints were places where the urban clergy gathered and attended religious liturgical ceremonies to which the people was associated and which symbolised the union of the local Church with its bishop before its saints.
- L'ondoiement en paroisse à Paris au XIXe siècle - Vincent Gourdon, Céline Georges, Nicolas Labéjof p. 141-179 Durant le XIXe siècle, les modalités d'administration du sacrement de baptême évoluent fortement en France. À Paris en particulier, on assiste au développement des ondoiements en paroisse. Dès la première moitié du XIXe siècle, les familles des élites urbaines recourent à des ondoiements par permission de l'archevêché, tandis que les ondoiements en péril de mort connaissent une forte croissance, notamment dans les quartiers populaires, dans la seconde moitié du siècle, lorsque les délais de baptême s'allongent malgré les prescriptions de l'Église. Ces évolutions relèvent de divers processus: certes elles traduisent une relative prise de distance des familles parisiennes vis-à-vis de l'encadrement clérical, notamment dans les quartiers périphériques, mais elles s'inscrivent aussi dans un souci croissant des familles de protéger la santé proprement physique du nouveau-né en évitant une sortie prématurée, comme le recommande les médecins de l'époque; enfin, elles participent d'une familialisation renforcée des cérémonies sacramentelles à laquelle le clergé est contraint de se soumettre, comme l'indique la progression spectaculaire des ondoiements par permission administrés non plus à l'église mais à domicile.Private baptism in the parishes of Paris during the 19th century During the nineteenth-century, French catholic families have changed their way of practicing baptism. In Paris, for instance, we can observe an increase of the ‘‘ondoiements'' (i.e. baptisms without complete ceremonies). In the first part of the century, urban elites families began to use more and more preventive ‘‘ondoiements'' with the authorisation of the Archbishop. In the second part of the century, in particular in the popular parishes where the Church prescription of immediate baptism was less and less followed, we see an increase of ‘‘ondoiements''in articulo mortis. These changes have many explanations. First, the Church hierarchy has lost a part of her power on families, especially in popular parishes. But ‘‘ondoiements'' are also a way to prevent the newly-born to leave home to go to the local church, and so to obey to medical prescriptions. They also are the signs of the greater ‘‘familialisation'' of the sacramental ceremonies, as it is shown by the increasing proportion of ‘‘ondoiements'' practiced at home instead of the local church.
Lectures
- Dominique Garcia, Florence Verdin (édité par), Territoires celtiques. Espaces ethniques des agglomérations protohistoriques d'Europe occidentale. Actes du XXIe colloque international de l'Association française pour l'étude de l'âge du fer, Martigues, 1er -4 juin 2000, Paris, Errance, 2002,420 p. - Yves Roman p. 181-182
- Stéphane Fichtl, La ville celtique : les oppida de 150 av. J.-C. à 15 apr. J.-C., Paris, Errance, 2000,190 p. - Yves Roman p. 182-183
- Dominique Gresle-Pouligny, Un plan pour Mexico-Tenochtitlan. Les représentations de la cité et l'imaginaire européen ( XVIe - XVIIIe siècles), Paris, L'Harmattan, 1999,361 p. Préface de Jean-Pierre Berthe. - Pascale Girard p. 183-184
- Michel Figeac, L'automne des gentilshommes. Noblesse d'Aquitaine, noblesse française au siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2002,380 p. - Philippe Guignet p. 184-188
- R. Morelli, E. Sonnino, C. M. Travaglini, I territori di Roma, storie, popolazioni, geografie, Università La Sapienza, Università Tor Vergata, Università Roma Tre, Roma, 2002,701 p. - Colette Vallat p. 188-189
- Philippe Boutry et André Encrevé (textes réunis par), La religion dans la ville, Paris, Institut Jean Baptiste Say (Paris XII), É ditions Bière, 2003,270 p. - Thierry Paquot p. 189-190
- Laurent Vidal, De Nova Lisboa à Brasília : l'invention d'une capitale ( XIXe - XXe siècles), Paris, É ditions IHEAL, 2002,244 p. - Laurent Coudroy de Lille p. 190-192