Contenu du sommaire
Revue | Politiques et management public |
---|---|
Numéro | vol. 21, no 2, juin 2003 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
L'action publique face à la mondialisation" - Tome 1
1 - Le régalien et l'exception française à l'épreuve de la mondialisation
- "Le développement d'un marché global des services de défense : quelles stratégies pour les Etats-clients ? - Frédéric Marty et Arnaud Voisin Confrontés à l'évolution de leurs missions et à la maîtrise durable des dépenses publiques, les ministères de la Défense sont aujourd'hui incités à recourir à des formules de mutualisation des capacités militaires. Ces dernières vont de la gestion interarmées des moyens à des tonnes plus ou moins complexes de partenariats avec les grands groupes industriels transnationaux de Défense. Cet élargissement des stratégies d'acquisition nécessite le renforcement et le renouvellement des compétences des services d'achat des Etats-clients. Il leur faut en effet évaluer de plus en plus précisément les risques inhérents aux projets de la Défense et le coût respectif des solutions d'acquisition publiques et privées. L'internationalisation de l'offre de services de Défense constitue une opportunité pour les groupes européens, qui acquièrent l'expérience des partenariats public-privé sur les marchés extérieurs. Cette globalisation bénéficie de plus de la banalisation des techniques de financement et de couverture de risque des projets complexes, qu'ils soient civils ou militaires. Enfin, les consortiums susceptibles répondre aux besoins militaires associent les groupes traditionnellement prestataires des armées à des entreprises venues des métiers civils. Ils contribuent de ce fait à élargir et diversifier la base technologique et industrielle de la Défense. La logique partenariale, qui introduit des relations de long ternie entre l'Etat et le secteur privé, doit cependant trouver une articulation pertinente avec les impératifs des politiques de concurrence.
- "Grandeurs et misères de la politique de l'exception culturelle" - Monique Dagnaud La politique communément désignée sous le terme « d'exception culturelle » renvoie aux mécanismes adoptés par la France pour protéger son industrie d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques, et à une offensive menée par les gouvernements français dans les instances internationales. Quels sont les résultats concrets de cette politique ? Cette politique mérite une analyse contrastée. Son impact n'est pas aussi glorieux que le lyrisme des politiques laisse entendre. Le cinéma français, qui par son niveau de production et sa part de marché en salles devance tous les autres en Europe, figure comme l'heureux gagnant de ces mesures de protection. Personne d'ailleurs ne songerait à évaluer la rentabilité de l'industrie cinématographique française, sujet tabou par excellence, car cette activité participe de la politique en faveur des Arts, au même titre que les musées ou l'opéra. En retour, la production audiovisuelle entre à l'évidence dans une optique de marché et de rentabilité. Et ses résultats sont moins probants que ceux du cinéma. Le volume de production est nettement plus faible que dans les autres grands pays européens. D'autre part, les diffuseurs télévisuels ont accepté le système mais ont su aussi le tourner au profit d'une télévision de divertissement. Sur le terrain de la néo-télévision, média de clins d'œil et d'interactivité, qui parie au téléspectateur de lui-même, et du rapport que la télévision entretient avec lui, le paysage audiovisuel hexagonal n'a rien à envier aux autres pays européens. Derrière ce paradoxe se profile évidemment le clivage entre haute culture et culture de masse, même si ni le cinéma, ni la télévision ne peuvent se ranger radicalement d'un côté ou de l'autre.
- "Des chemins gaulois vers l'optimum économique : proposition d'un schéma "à la française" de libération des services collectifs" - Bertrand du Marais
- "Le développement d'un marché global des services de défense : quelles stratégies pour les Etats-clients ? - Frédéric Marty et Arnaud Voisin
2 - Politiques et management public face à la mondialisation
- "La réforme de la politique scientifique française face à la mondialisation : l'émergence incertaine d'un nouveau référentiel d'action publique" - Anne Branciard et Eric Verdier Les politiques scientifiques et les réformes qu'elles ont connues en France constituent un domaine d'élection pour une "approche cognitive" de l'action publique. En effet, ainsi que ce texte s'attache à le montrer, l'analyse de ces réformes est inséparable de l'appropriation des analyses produites par la sociologie et l'économie de l'innovation et des connaissances. Celles-ci sont médiatisées par des rapports d'expertise commandités parles pouvoirs publics nationaux et/ou élaborées par les organisations internationales, au premier rang d'entre elles, l'OCDE. Comme dans d'autres domaines de l'action publique, l'élaboration des récentes réformes est souvent assimilée à une promotion des régulations marchandes. Certes, c'est bien la construction des années 50-70, qualifiée de 'colbertiste' ou de 'régulation administrée', qui est ainsi en jeu ; mais on peut avancer qu'une conception connexionniste de la science et de la technologie, mariant les réseaux et l'interaction tournés vers l'élaboration de projets, tend à s'affirmer. Dans les faits, c'est une pluralité de compromis et d'agencements entre différents principes de justification qui semble prévaloir. Il en résulte une forte indétermination des trajectoires sociétales.
- "Restructurations industrielles et mondialisation : une reconversion aussi pour l'Etat" - Franck Aggeri et Frédérique Pallez Sous la poussée de la mondialisation, les restructurations industrielles ont évolué vers des formes de mutations plus continues des entreprises. Parallèlement les formes d'action de l'Etat ont changé : dans les restructurations " à l'ancienne ", l'Etat, souvent actionnaire, intervenait de façon massive, aussi bien sur le plan industriel que social. Actuellement, son champ d'action s'est rétréci, avec l'émergence de nouveaux espaces de régulation (Europe, OMC, régions..) et la montée en puissance de la régulation par le droit du travail. Dans ce nouveau contexte, où l'Etat et ses représentants ne peuvent plus revendiquer de position surplombante, mais où il est toujours fait appel à eux dans les situations de crise liées à des restructurations, de nouvelles formes d'action collective s'inventent localement, mêlant acteurs privés et acteurs publics, représentants des collectivités territoriales et de l'Etat, dans des processus singuliers où les profils des personnes et les dispositifs de gestion peuvent stimuler de nouvelles formes de coopération et des apprentissages collectifs. La caractérisation de ces processus, à partir d'études de terrain, conduit à s'interroger sur de nouveaux cadres pouvant guider l'action publique, et sur l'émergence de nouveaux objets de gouvernement.
- "Vers une exception alimentaire ? La sécurité des aliments entre globalisation et crises politiques" - Christophe Clergeau Le développement des échanges et la diffusion du paradigme libéral ont conduit à un rapprochement des normes et des principes d'action dans le domaine de la sécurité des aliments avant même la création de l'OMC. La réalisation du Marché Unique Européen en fournit un bon exemple. La création de l'OMC et l'adoption de l'accord SPS n'ont pas pour autant privé les États de toute autonomie dans la fixation du niveau de protection de leurs populations. Cette autonomie a été défendue par les européens contre la prétention de l'OMC et des USA de soumettre toute décision de gestion des risques au seul critère de la preuve scientifique. Après la crise de l'ESB et les innovations institutionnelles qui l'ont accompagnée, l'Union Européenne a accentué sa pression et est parvenue à faire évoluer des principes d'action du Codex dans le sens d'une meilleure prise en compte de facteurs légitimes autres que la science et du principe de précaution. Le développement du système OMC/SPS/Codex s'est donc effectué dans une dynamique de transformation conjointe. Les normes internationales sont par ailleurs devenues partie intégrante des espaces communautaires et nationaux de politique publique. Elles ont contribué à la transformation des politiques communautaires en favorisant le développement de l'expertise scientifique au sein de la Commission Européenne et dans les États membres. Mais elles ont surtout constitué des ressources utilisées par les acteurs pour nourrir leurs stratégies de réponse à la crise de l'ESB ou modifier les rapports de force entre coalitions dans la lutte politique. C'est donc à travers le prisme de la structuration des champs de politiques publiques et des rapports inter institutionnels forgés par l'histoire que les nonnes internationales ont transformé les politiques communautaires et nationales de sécurité des aliments.
- "Gestion publique et mondialisation : contraintes et opportunités" - Françoise Waintrop et Céline Chol On a observé, au cours des vingt dernières années, une convergence dans les réformes entreprises par l'ensemble des pays de l'OCDE, sous le label "nouvelle gestion publique ". L'uniformité, au moins dans la conception et la définition des réformes, conduit à s'interroger sur l'origine de cet engouement partagé. On peut considérer que les États évoluent aujourd'hui dans un univers contraint et font face aux mêmes pressions qui réduisent leurs marges de manœuvre dans la définition et la mise en œuvre de réformes. La diffusion des principes de la " nouvelle gestion publique " serait alors le seul outil susceptible de permettre aux États de faire face aux enjeux de modernisation des secteurs publics. On peut, par ailleurs, corréler le recours systématique à ce " modèle " et la multiplication d'enceintes de coopération, de collaboration ou de compétition internationale. Ces éléments peuvent tout aussi bien être nuancés et la convergence peut n'être qu'une parade pour des gouvernements pressés de légitimer et d'afficher des mesures innovantes et réformatrices. Dans les pays qui n'ont pas su mobiliser des leviers internes de modernisation, ces contraintes seraient-elles, pour les hauts responsables voire les politiques, facteur d'émulation et serviraient-elles de levier de changement au sein de l'administration publique ?
- "La réforme de la politique scientifique française face à la mondialisation : l'émergence incertaine d'un nouveau référentiel d'action publique" - Anne Branciard et Eric Verdier
3 - La question de la société civile
- "Le dialogue avec la société civile - première étape vers la démocratisation de la politique commerciale européenne ?" - Adrian Van Den Hoven Cette communication analyse la politique mise en œuvre par la Commission européenne en vue d'ouvrir les négociations sur la politique commerciale aux organisations non-gouvemementales (ONG) par l'intermédiaire du Dialogue avec la société civile. L'objectif de l'étude est d'évaluer dans quelle mesure cette politique de transparence rend la politique commerciale plus démocratique. Deux aspects du rôle de la société civile dans la formulation de la politique commerciale européenne sont traités dans cette communication. En premier lieu, nous analysons l'intérêt récent des ONG pour la politique commerciale afin de définir plus précisément ce que ces dernières reprochent au système commercial mondial. En deuxième lieu, nous examinons si le Dialogue avec la société civile accroît l'influence des ONG sur la politique commerciale de l'Union européenne à l'OMC.
- "A la recherche de la "société civile internationale" : le cas de la coopération non gouvernementale en Méditerranée" - Claire Visier D'un usage généralisé, la notion de « société civile internationale » ou « mondiale » est employée de façon très large et demeure imprécise. Plus qu'une réflexion générale sur ce qu'est ou devrait être la « société civile internationale », nous privilégions ici une analyse empirique d'une dynamique civile internationale. A partir de l'analyse de la coopération d'ONG au niveau euro-méditerranéen et des Forums civils Euromed, il s'agit de décrypter les enjeux inhérents à ce type de mobilisations et de repérer les différents acteurs qui y prennent part. L'objectif est de re-questionner, voire de dépasser l'archéologie simplificatrice de l'émergence d'une « société civile internationale » comme résultat mécanique, spontané et nécessaire de la globalisation. L'analyse met en évidence que la tentative d'organisation au niveau européen des ONG opérant en Méditerranée n'est pas véritablement le fruit d'une démarche autonome mais plutôt le résultat d'un travail avant tout initié de l'extérieur, parla Commission européenne en l'occurrence. Cette hétéronomie de la mobilisation pose aujourd'hui problème. Tandis que la plupart des ONG actives en Méditerranée éprouvent des difficultés à se structurer au niveau européen, les illusions engendrées par la politique communautaire en direction de la Méditerranée, le manque de moyens de la Commission, mais aussi plus fondamentalement sa culture politique vis-à-vis des ONG, rendent l'incantation à la société civile plus perverse que mobilisatrice. Les structures étatiques nationales jouent également un rôle fondamental pour l'accès à l'espace international. Dans le cas spécifique des Forums étudiés, la médiation nationale entraîne toutefois une dilution de la spécificité du positionnement des ONG. Les choix faits dans l'organisation de la manifestation vont dessiner une « société civile internationale » aux contours lissés et simplifiés, finalement peu représentative de la réalité complexe et multiple des sociétés civiles nationales.
- "Le dialogue avec la société civile - première étape vers la démocratisation de la politique commerciale européenne ?" - Adrian Van Den Hoven