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Revue | Politiques et management public |
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Numéro | vol. 20, no 1, mars 2002 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Reconfigurer l'action publique : big bang ou réforme ? Tome 1
- "L'analyse de politique à la rescousse du management public ? ou la nécessaire hybridation de deux approches que tout, sauf l'essentiel, sépare". - Patrick Gibert La littérature ayant trait à l'action publique moderne persévère dans les modes dichotomiques. L'approche organisationnelle et l'approche en termes de politiques publiques demeurent largement dissociées et, en ce qui concerne l'approche organisationnelle, ouvrages prescriptifs euphorisants et ouvrages analytiques assez critiques quant aux changements opérés et soulignant à l'envi les effets pervers de ceux-ci cohabitent dans une superbe ignorance respective. C'est pourtant la fertilisation croisée de l'approche organisationnelle ou managériale et de l'approche en termes de politiques publiques qui est seule à même de promouvoir un renforcement durable de la gestion publique.
- "L'Europe des services publics : entre libéralisation, modernisation, régulation, évaluation". - Pierre Bauby Le processus européen de réalisation de marchés uniques dans chacun des secteurs relevant de missions de service public, engagé par l'Acte unique de 1986, continue de connaître de fortes tensions. D'un côté, ce processus a amené à mettre en cause progressivement les formes de monopoles territoriaux (nationaux, régionaux ou locaux), qu'avaient jusque là construit chacun des Etats membres de l'Union européenne. Parallèlement, l'Union européenne a été amenée à compléter les projets sectoriels de libéralisation par la construction de nouveaux concepts et nonnes : article 16 du traité, article 36 de la Charte des droits fondamentaux, communications de la Commission (1996 et 2000), "service universel", jurisprudences de la Cour de justice, etc. Ces deux dimensions comportent des aspects contradictoires, mais ils peuvent aussi converger pour définir un équilibre entre règles de concurrence et missions d'intérêt général, une reconnaissance des services publics - requalifiés de "services d'intérêt général" - comme composantes à part entière de l'Union européenne de demain. Dans cette hypothèse, trois enjeux prennent une dimension essentielle : quelle modernisation et quelles missions de service public ? ; quel type de régulation construire, dans chaque Etat comme au plan de l'Union ? ; quels modes d'évaluation des performances ? La communication s'attache à éclairer ces questions sur la base des travaux et documents européens les plus récents, en particulier de l'étude comparative que la Commission européenne a demandé au CEEP et au CIRIEC sur l'évaluation des performances.
- "Les transformations des systèmes de recherche publique suisse et françaises". - Martin Benninghoff et Raphaël Ramuz Dans notre article nous abordons la question du changement de l'action publique par le biais de la politique de la recherche. Cet angle d'attaque permet, selon nous, par sa particularité, de fournir un contrepoint instructif par rapport aux constats fréquemment exprimés de " désengagement de l'Etat ". Nous appréhendons ce problème selon une perspective comparative, sur la base des systèmes de recherche de la Suisse et de la France, ces deux exemples offrant une opposition forte, avec, d'un côté, un petit pays fédéraliste à la démocratie dite " de consensus " et, de l'autre, un grand pays unitaire, fortement " politisé ". Nous verrons ainsi que, malgré ces différences, un certain nombre de traits communs peuvent être décelés dans l'évolution du système de recherche, principalement dans l'évolution de la manière dont ce système est pris en charge par l'Etat. Pour ce faire, nous retraçons les changements qui y interviennent, par l'évocation parallèle des réformes des systèmes de recherche de deux pays durant les vingt dernières années. Ceci nous permet de déceler une tendance à l'organisation de plus en plus forte par l'Etat du système de recherche. En effet, tant en Suisse qu'en France, le système de recherche est l'objet de nombreuses " régulations " depuis le début des années 80, montrant que l'Etat ne se désengage pas de ce secteur d'activité, bien au contraire.
- "La méthode de transformation des économies d'Europe Centrale et Orientale". - Anne-Marie Cretieneau Si on analyse les réformes économiques menées dans les PECO depuis 1990 sous l'angle de la méthode de transformation, il apparaît que celle-ci présente deux aspects importants : le fait qu'il existe un programme préétabli qui s'impose dans tous les pays et qui est fondé sur l'économie de marché qu'on veut mettre en place ; le fait que ce programme exige que l'Etat soit l'agent de changement. C'est un paradoxe qui apparaît dans les modalités de mise en oeuvre des réformes : l'Etat doit diriger une grande transformation destinée justement à réduire son rôle dans l'économie et son pouvoir sur la société. Cette méthode de transformation ne produit pas les effets escomptés. L'Etat a effectivement beaucoup de mal à se désengager surtout auprès des entreprises, bien que son action ait largement reculé sur le plan social, et le rôle social des entreprises reste important, dès le début des années 1990, la contrainte socio-politique joue fortement, la réorganisation sociale et les réactions des citoyens ayant eu lieu rapidement. Dans certains pays la transmutation de l'Etat paternaliste en un Etat moderne libéral a échoué, et on constate une rupture de la relation entre l'Etat et les citoyens. Dans les pays qui réussissent mieux cette transformation, il y a également chez les populations des résistances aux changements et elles pourraient bien se renforcer car la perspective d'intégrer l'Union européenne a été inscrite par les gouvernants dans la même démarche que celle adoptée pour la transformation économique.
- "Agences indépendantes de régulation américaines (IRC) et autorités administratives indépendantes françaises (AAI). L'exemple de la Federal Communications Commission (FCC) et de l'autorité de régulation des télécommunications (ART)". - Dominique Custos Même si la filiation entre les AAI et les IRC est indéniable, chaque catégorie véhicule une conception distincte de la régulation. Le fait que le Conseil constitutionnel assure l'insertion constitutionnelle des AAI selon des ternies plus sévères que ceux de la Cour suprême à l'égard des IRC reflète, en définitive, un conditionnement propre aux caractéristiques du milieu politico-administratif, lequel est susceptible de ravaler un big-bang au niveau d'une réforme.
- "Plus ça change, plus c'est la même chose. La répétition au service de la modernisation". - Yves Joncour et Pierre-Eric Verrier Régulièrement, l'annonce est faite de la modernisation de l'État. Une nouvelle configuration de l'administration est promise ; des méthodes, des outils, une nouvelle organisation sont proposés. Et pourtant, à y regarder de près, l'observateur a un sentiment de déjà vu. Au-delà des propagandes pour une nouvelle administration, le chercheur se doit de consulter ses archives, et les découvertes sont étonnantes : telle réforme est la reprise à l'identique d'une autre abandonnée vingt ou trente ans plus tôt. Cet article, sur un mode volontairement polémique, tient cette récurrence pour un phénomène constitutif de la bureaucratie française. Il y aurait une économie de la répétition, au sens psychanalytique, sur laquelle notre système entretiendrait le flou. Paradoxalement, loin de subvertir les anciens modes de fonctionnement, les changements annoncés participeraient au renforcement bureaucratique. Au fond, il s'agirait de réformer la surface des choses, pour que les structures essentielles demeurent inchangées. C'est bien la crise de l'évaluation et de l'historicité qui est ici enjeu.
- "Les contrats locaux de sécurité à l'épreuve du terrain : réflexions sur l'action publique locale en matière de sécurité". - Tanguy Le Goff La nouvelle politique française de sécurité - celle des contrats locaux de sécurité - initiée parle gouvernement Jospin en octobre 1997 apporte-t-elle un véritable " changement " dans la conduite de l'action publique locale ? Rendre compte des incidences de cette politique nécessite de la réinscrire dans la dynamique de reconfiguration des scènes locales de la sécurité amorcée depuis le début des années 90. Au centre de cette reconfiguration se trouve la figure du maire qui, sous la pression d'une demande sociale croissante, tend désormais à endosser ou ré-endosser un rôle : celui de gestionnaire de politiques locales de sécurité. Les maires de la plupart des communes françaises ont, en ce sens, considérablement développé au cours de la dernière décennie leurs marges d'intervention aussi bien par le recours à l'expertise et la professionnalisation de leurs services que par des stratégies de lobbying auprès de l'Etat. Cet investissement des maires comme la multiplication des opérateurs agissant désormais dans les scènes locales de la sécurité a conduit l'Etat à inventer de nouvelles formes de partenariat en vue d'assurer une plus grande coordination de l'action publique locale. C'est dans cette perspective que l'on analyse ici la mise en place de la politique des contrats locaux de sécurité en s'appuyant sur une étude menée dans trois agglomérations françaises. Il en ressort que, malgré le recours à une démarche " scientifique " à l'instrument contractuel et au partenariat, cette politique conduit plus à l'élaboration de programmes d'action aux allures de bricolage qu'à de véritables stratégies d'action intégrée.
- "L'Etat à l'épreuve du principe de concurrence : analyse et prospective juridique". - Bertrand du Marais Le principe de concurrence a investi en très peu de temps le champ du contentieux de la légalité administrative et celui de l'organisation des services publics. Dans cet article, cette évolution est à la fois présentée mais aussi testée. La soumission des services publics au principe de concurrence ne s'est pas opérée sans réticence, en particulier de la part du juge administratif. Dès lors qu'elle est aujourd'hui presque complète, elle induit des changements profonds dans l'organisation administrative classique et même dans la position qu'occupe l'Etat dans la culture institutionnelle française. Le principe de concurrence appliqué à la sphère publique peut conduire à terme à l'abandon de certaines procédures de décision rendues obsolètes, organisant notamment le pouvoir d'arbitrage interministériel du Premier ministre. Dans la sphère juridique, il induit une évolution du rôle et de la place du droit administratif, ainsi que plus généralement, de la valeur de la norme de droit. Par son application aux services collectifs, il redéfinit les lignes de partage entre autorités politiques décentralisées et pouvoir administratif central. En conclusion, l'article s'interroge sur les possibilités de proposer un modèle alternatif de libéralisation des marchés de services collectifs.
- "L'indispensable clarification du mode de financement de la sécurité sociale". - Loïc Philip Pendant près d'un demi-siècle, le financement de la sécurité sociale a reposé quasi-exclusivement sur des cotisations, calculées en fonction du salaire, versées par les salariés et les employeurs. La gestion de ce système était assurée par les partenaires sociaux sur la base du paritarisme et placée sous le contrôle de l'Etat. Ce dernier prenait, en principe, directement à sa charge les dépenses relevant de la solidarité nationale, lesquelles étaient financées par l'impôt. Cette distinction, à l'origine essentielle, entre la logique de l'assurance et celle de la solidarité n'a plus guère de fondement. La fiscalisation croissante des recettes sociales et la multiplication des exonérations de cotisations au cours de la dernière décennie ont bouleversé les modes de financement. Par ailleurs, en marge du système, de multiples fonds de financement, alimentés par diverses impositions, ont été créés pour faire face à des dépenses spécifiques. Il en est résulté une complexité telle des mécanismes de financement et des transferts financiers que même les spécialistes ont du mal à s'y retrouver et à savoir exactement comment sont alimentées les différentes catégories de dépenses. Une telle situation, peu démocratique, entraîne une dilution des responsabilités. Une clarification apparaît indispensable. Elle implique sinon un big-bang, car la spécificité du système français de sécurité sociale mérite d'être conservée, du moins une réforme en profondeur. Il s'agit notamment de redéfinir les domaines respectifs de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, d'aligner le régime des cotisations sociales sur celui des impositions de toutes natures, de préciser les compétences respectives en matière sociale des différents acteurs et de réaménager les conditions de la gestion sociale par les partenaires sociaux. Compte tenu de l'ampleur des changements, lesquels exigeront une nouvelle révision constitutionnelle, il serait souhaitable qu'elle soit adoptée par voie référendaire.
- "Le "big-bang" a commencé". - Jean Ruffat Même si les facteurs de blocage sont très forts, les raisons de réformer l'Etat ne le sont pas moins. Le premier (et peut-être le plus important) des facteurs de blocage vient de l'opacité de la situation objective et des performances des acteurs publics, confortée par l'absence de tradition de transparence et de contrepoids démocratiques dans un pays (« exceptionnel ? ») dont le Parlement a été écarté de la gestion publique pendant des décennies. On peut dire que les mécanismes de régulation ont été désactivés par l'ordonnance de janvier 1959 et par la Constitution de la Vème République. Ils reposaient sur un modèle archaïque visant plus la stabilité que le mouvement et la rénovation. La relative inertie de l'Etat jouerait le rôle d'amortisseur vis à vis des transformations jugées trop rapides de notre économie. En fait, le vrai problème n'est pas du côté de la demande sociale, dont on sait qu'elle est infinie, mais du côté de la ressource qui devient beaucoup plus incertaine compte tenu des transformation en profondeur de la structure de notre économie. En conséquence, les paris sur la ressource deviennent hasardeux, car l'« économie fondante » est aujourd'hui confrontée au roc de l'économie publique. N'étant pas censé être perfectible, l'Etat français n'a pas la notion d'un « vecteur de progrès » contrairement à tous les acteurs économiques ou étatiques (sous d'autres deux) qui sont soumis à la pression quotidienne de clients et de contribuables qui en veulent toujours plus pour moins d'argent. En fait, la France semble installée dans une dynamique de sédimentation des charges et des engagements dans l'opacité qui ne permet pas de mettre au jour les effets pervers des mécanismes autobloquants qui empêchent toute évolution significative, tant dans le fonctionnement de l'Etat que dans la masse des « acquis » qu'il laisse s'accumuler de façon plus ou moins subreptice dans son passif financier (direct ou indirect).
- "Le développement du recours à l'externalisation au sein de la Défense : problématiques et comparaisons internationales". - Arnaud Voisin Inspirée du recours croissant des entreprises aux prestataires de service, l'externalisation d'activités est devenue un des moyens privilégiés de modernisation de la gestion publique. Ce phénomène s'étend aujourd'hui aux activités de Défense, du fait des nouvelles missions des années et de la baisse des crédits militaires. Les armées occidentales recourent depuis longtemps à la sous-traitance de certaines tâches périphériques à leur mission, comme l'entretien ou le gardiennage. Toutefois, l'externalisation se distingue tant par son ampleur que par la nature des activités concernées. En effet, elle touche désormais des domaines stratégiques, comme la formation, les systèmes de communication ou la maintenance complète des systèmes d'anves. Elle implique l'existence d'une offre adaptée du secteur privé. A la lumière des expériences de nos partenaires britanniques, allemands et américains, l'externalisation des activités de défense se traduit davantage par une amélioration de la qualité des services que par des économies budgétaires. Le succès d'une telle réforme dépend étroitement de son environnement social, organisationnel et réglementaire.
- "L'analyse de politique à la rescousse du management public ? ou la nécessaire hybridation de deux approches que tout, sauf l'essentiel, sépare". - Patrick Gibert