Contenu du sommaire : Géopolitique de la Russie
Revue | Hérodote |
---|---|
Numéro | no 166-167, 3ème et 4ème trimestre 2017 |
Titre du numéro | Géopolitique de la Russie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial. 2017 en Russie - Béatrice Giblin p. 3-8 La date de parution de ce numéro, octobre 2017, cent ans après la révolution d'Octobre, ne doit bien sûr rien au hasard. Pour la première fois dans l'histoire, un empire disparaissait car son centre, la Russie, décidait de faire sécession. Après la fin des années Eltsine qui laissent la Russie dans une situation géopolitique interne chaotique et très affaiblie sur le plan international, Vladimir Poutine a décidé de remettre la Russie en ordre et de lui redonner son rang international. Cette politique offensive inquiète les Occidentaux.En 2017, quels sont les problèmes géopolitiques que pose la Russie au monde, à son étranger proche, en particulier l'Ukraine et enfin à elle-même ? Les commentateurs sont nombreux à dire qu'avec l'intervention russe en Syrie, ce grand pays a retrouvé la place qui est historiquement la sienne parmi les grands pays avec lesquels il faut compter. C'est à ces questions compliquées que ce numéro double tente partiellement de répondre.The timing of this October 2017' issue is not a coincidence, a century after the October Revolution. For the first time in History, an empire disappeared for its centre, Russia, decided to secede. After the Yeltsin years ended, the geopolitical situation inside Russia was catastrophic, and its international position was very weak. In that context, Vladimir Putin decided to bring back order in Russia and to win back its international status. This aggressive policy is a concern for western countries.What are the global geopolitical problems regarding Russia in 2017 ? Many observers say that the Russian intervention in Syria gave back this great country its historical position among the most important nations of the world. What are the geopolitical situations regarding its closest neighbors, especially Ukraine, and in Russia ? This double issue partially tries to give answers to these complicated questions.
- Le prétorianisme russe : l'exercice du pouvoir selon Vladimir Poutine - Jean-Robert Raviot p. 9-22 Cet article vise à restituer la dynamique du poutinisme dans son évolution historique depuis 2000. Le chef du Kremlin a fixé, dès le début de la décennie 2000, un objectif : replacer la Russie au centre du jeu mondial, reconstruire un État qui soit également une puissance prospère qui compte dans le monde globalisé. La centralisation du pouvoir autour de la personne de Vladimir Poutine participe d'un mode d'exercice du pouvoir qualifié ici de prétorien. La notion de prétorianisme est le fil conducteur qui permet de comprendre l'action politique menée au sommet de l'État russe, en politique intérieure comme extérieure, et d'entrevoir, à la veille de l'élection présidentielle de 2018, les évolutions possibles de l'exercice du pouvoir en Russie.
This article aims at describing and analyzing the internal dynamics and political rationale of Putinism in its historical evolution since 2000. In 2000, Putin set the goal of restoring Russia's international prestige and role on the world stage and, therefore, rebuilding the domestic institutional and economic prerequisites of a great power status in the context of a globalized world. Power centralization in the hands of the Russian President can be seen as a praetorian dynamic leading to the establishment of a loyal « preatorian guard » of men who hold the sterring wheel of the Russian state and corporate power. Looking at the development of Russian Praetorianism is the thread that leads us to understand, in a concise manner, how and in what ways power is being exercised in Putin's Russia and to draw, at the eve of the 2018 presidential election, a few lines of explanation on the future (or the obsolescence) of Putinism. - L'idéologie comme instrument du soft power russe. Succès, échecs et incertitudes - Marlène Laruelle p. 23-35 À reculons, le régime poutinien a progressivement été obligé de mettre en place certains éléments d'une idéologie officielle à destination de son opinion publique. Depuis près d'une décennie et plus nettement encore depuis 2012, l'idéologie promue par le Kremlin, celle des « valeurs conservatrices » et de la défense de l'Europe authentique, est venue renforcer l'image de marque du pays à l'étranger et en particulier en Europe, profitant d'un changement d'atmosphère au sein des opinions publiques occidentales. Le thème de la contre-révolution culturelle et morale, mais également celui de la contre-révolution internationale contre un ordre mondial vu comme unipolaire et dominé par les États-Unis, peut faire encore longtemps consensus auprès de la majorité de la population, qui plus est si la crise économique s'accentue. Le succès du soft power idéologique russe est toutefois un phénomène bien plus complexe que ne le laisse supposer l'hystérie occidentale actuelle qui voit la « main de la Russie » dans toutes les remises en cause de l'ordre libéral.
Along the years, Putin's regime progressively and reluctantly established some elements of an official ideology targeting its public opinion. Since almost a decade and even more visibly since 2012, the Kremlin-sponsored « ideology », based on the defense of so-called « traditional values » and defending « authentic » Europe, strengthened Russia's branding abroad and, in particular, in Europe, enjoying a change of atmosphere among European public opinions. The topic of a cultural and moral counter-revolution, as well as the one of an international counter-revolution against an alleged unipolar and US-dominated world order, can make consensus for still a long time among the majority of Russian population, especially if economic crisis deepens. However, establishing Russia's soft power success is much more challenging than what is implied by the current Western hysteria, which sees « Russia's hand » in all the questioning of the liberal order. - La Russie soviétique et l'Europe : frontières, propagandes, mythologies du xxe siècle - Sophie Cœuré p. 37-50 L'article propose une analyse panoramique de la place et du rôle de la Russie en Europe, à partir du changement de paradigme de 1917. Les bolcheviks appellent le monde entier à suivre l'exemple révolutionnaire, inversent de manière provocante l'image d'une Russie attardée, et construisent un État qui se veut d'un type entièrement nouveau, tant dans son organisation intérieure que dans ses relations internationales. Les premières années du régime soviétique remodèlent la notion de frontière et fondent une tension durable entre deux conceptions de l'espace communiste, l'une continue, l'autre discontinue. Dans le cadre du débat né à l'époque sur le double standard de la politique extérieure de l'URSS, entre idéologie communiste et intérêts de puissance, la deuxième partie analyse une diplomatie d'influence d'un type nouveau, appuyée notamment sur des « techniques d'hospitalité ». Enfin, la troisième partie trace les grandes lignes de la mythographie des mondes soviétique, russe et révolutionnaire en Europe.
This paper offers a panoramic analysis of the place and role of Soviet Russia in Europe, from the 1917 new paradigm onward. The Bolsheviks call on the whole world to follow its revolutionary example, provocatively reverse the idea of a backward Russia, and form a state that aims to be of an entirely new mold, both in terms of internal organization and international relations. The Soviet regime's first years shift the very notion of foreign policy and of borders, thus creating long-lasting tensions between two conceptions of the Communist world, one continuous, and the other discontinuous. In the framework of the contemporary debate about Soviet foreign policy's double standard, between communist ideology and national interests of power, the second part examines a new type of soft power, based in particular on « hospitality techniques ». Lastly, the third part outlines the mythography of Soviet, Russian and revolutionary worlds in Europe. - Vladimir Poutine : une représentation géopolitique ? De l'image à l'usage - André Filler, Dimitry Filimonov p. 51-67 La présente étude se propose d'analyser le rôle joué par l'image de Vladimir Poutine dans la construction des représentations géopolitiques de la Russie contemporaine. Elle cherche à établir le rôle de l'image de l'« homme fort » du pouvoir russe dans le spectre de constructions idéologiques visant à minimiser le risque d'alternance brutale au sommet de l'État. Nous soutenons que, contrairement aux modèles « autoritaires » classiques, l'image du président incarnant le territoire de l'État n'obéit pas à une logique stricte de propagande à vecteur unique, mais concentre le lieu de rencontre entre les intérêts des élites et les aspirations des masses. Une typologie des techniques assurant cette iconographie consensuelle est convoquée afin de démontrer de façon empirique les mécanismes variés de l'élaboration de la représentation poutinienne. Ces productions s'inscrivent dans une logique que nous qualifions de power branding visant à « labelliser » l'exercice du pouvoir au-delà des facteurs individuels ou du cadre strict de la fonction suprême. Devenue un « produit » partagé par les élites pragmatiques et les masses, romantiques, l'image de Vladimir Poutine incarne par la suite l'origine politique de l'action géopolitique russe.
The present study aims to analyze the role played by the image of Vladimir Putin in the construction of geopolitical representations of contemporary Russia. It seeks to establish the role of the image of the « strong man » of the Russian power as applied to the specter of ideological constructions aimed to minimize the risk of abrupt alternation at the top of the state. We argue that, contrary to classic « authoritarian » models, the image of the Russian president embodying the territory and its statehood, does not obey to a strict logic of « propaganda » following a unique vector, but concentrates the meeting point where takes place the encounter between the interests of the elites and the aspirations of the masses. A typology of techniques ensuring this consensual iconography is convened in order to demonstrate empirically the various mechanisms of the elaboration of the « Putinian » representation. These productions are considered by the authors to be a part of a logic, we call « power-branding », aimed at « labeling » the exercise of power beyond the individual factors or the strict juridical framework of the supreme function. Becoming a « product » shared by the pragmatic elites and the romantic masses, the image of Vladimir Putin comes thus to embody the political origin of Russian geopolitical action. - Interroger la domination partisane : quand le parti hégémonique n'est pas le parti dirigeant - Clémentine Fauconnier p. 69-79 Alors que le parti Russie unie, créé en 2001 pour soutenir Vladimir Poutine cette même année, domine le système partisan russe depuis quinze ans, son poids politique demeure paradoxalement faible. Il constitue ainsi un cas peu étudié dans la littérature sur les organisations partisanes : celui d'un parti hégémonique – au sens de Giovanni Sartori d'une organisation partisane qui évolue dans un système non compétitif – mais qui pourtant n'est pas un parti dirigeant et demeure un instrument entre les mains des dirigeants du pouvoir exécutif. Cet article vise à éclairer un des aspects de cette forme de domination partisane particulière en analysant les ressorts de ses victoires aux élections régionales puis législatives, dans un contexte de baisse du soutien de la part des électeurs. Il montre en effet de quelle façon, après le mouvement de protestation de l'hiver 2011-2012, les dirigeants de l'exécutif ont finalement choisi de maintenir le statu quo en garantissant la domination de Russie unie via une réforme de la législation électorale plutôt que de réformer le parti ou de renforcer son rôle dans la vie politique russe.
Whereas the United Russia party, created in 2001 to support Vladimir Putin, has dominated the Russian partisan system for 15 years, its political weight remains paradoxically weak. United Russia constitutes a case that has not been studied a lot in the literature about political parties. United Russia is a hegemonic party – as Giovanni Sartori defines it as an organization which exists in non-competitive party systems – but not a ruling party. It remains a tool for the leaders of the executive branch. This article aims at analyzing one aspects of this specific form of partisan domination. It studies the factors of the party's victories at regional and legislative elections in a situation when electoral support decreases. It shows how, after the winter 2011-2012 protest movements, the executive branch leaders have chosen to maintain the status
quo and to guarantee United Russia domination by an electoral legislation reform rather than reforming the party or reinforcing its role in Russia political life. - 1917-2017 : où va la Russie ? Une puissance eurasienne dans un Nouveau Monde - Xavier Le Torrivellec p. 81-96 Pays victime du terrorisme islamiste, la Russie est intervenue militairement en Syrie pour protéger ses intérêts d'État multiconfessionnel. Ses succès embarrassent l'Otan mais confortent la place de la Russie comme puissance eurasienne avec laquelle il faut compter. Or, depuis la crise ukrainienne, c'est plutôt le thème de la guerre froide qui est mis en avant pour analyser la situation en Russie. Nous reviendrons sur ce « malentendu russe » qui empêche de comprendre ce qui se joue dans ce grand pays. Nous verrons comment les évolutions de l'islam de Russie impactent la vision que les Russes ont d'eux-mêmes et de leur place dans un monde en plein bouleversement. Nous analyserons le rapport qui existe entre un patriotisme à l'intérieur et un messianisme « conservateur » à l'extérieur. Et c'est en revenant sur l'histoire longue de la Russie que nous mettrons en évidence la profondeur du gouffre dans lequel l'a jetée la mondialisation : elle était un Empire et elle était socialiste, elle est un État-nation et elle est libérale.
Being a muslim country victim of Islamist terrorism, Russia decided a military operation in Syria to protect its interests as a multi-confessional State. Its successes embarrass NATO but reinforce the place of Russia as a Eurasian country with great influence. However, since the Ukrainian crisis, it is rather the theme of the Cold War that is put forward to analyze the situation in Russia. We shall come back to this « Russian misunderstanding » which prevents us from understanding what is really happening in this great country. We will see how the changes which occur inside Russian Islam are impacting the Russians' vision of themselves and of their place in a globalized world. We will analyze the relationship between an internal patriotism and a « conservative » messianism on the outside. And it is only by coming back to the long-term history of Russia that we will be able to see how deep is the abyss into which globalization has thrown this country : it was an Empire and it was socialist, it is a Nation-State and it is liberal. - L'Église orthodoxe russe : nationalisme ou universalité ? - Anastasia Mitrofanova p. 97-111 Le présent article se donne pour objectif de démontrer la pluralité d'opinions et d'actions politiques au sein de l'Église russe orthodoxe. Contrairement à une représentation répandue et relayée par les médias de l'Église russe uniquement comme concentration des mouvances les plus obscurantistes et conservatrices de la Russie postsoviétique, l'étude démontre un corps historique à vocation politique et géopolitique majeur, ayant du mal à trouver sa voie et sa voix. Pris en tenailles par les deux extrêmes : le nationalisme ethnique et l'universalisme déculturé, le gouvernement ecclésial se trouve dans la position délicate de devoir fédérer des évêques, des clercs et des fidèles actifs, voire militants dont les positions se substituent à celle exprimée par les organes de gouvernance et le patriarche. Par ailleurs, une autre représentation tenace se voit mise en question par la présente étude : celle d'une relation symbiotique entre l'Église et l'État. Bien que les deux soient séparés du point de vue constitutionnel, leurs rapports sont plus complexes que le donnent à voir les analyses superficielles : l'Église ne suit pas toujours l'action géopolitique de l'État (notamment dans le conflit ukrainien), l'État peut faire barrage à la mainmise de l'Église sur des questions sociétales. Dans l'ensemble, l'Église russe reste la proie de ses contradictions internes et externes que la présente étude met en exergue.
The purpose of this article is to demonstrate the plurality of opinions and political actions within the Russian Orthodox Church. Contrary to a representation widespread and relayed by the media, of the Russian Church solely as a concentration of the most obscurantist and conservative tendencies of post-Soviet Russia, the study shows a historical body with a major political and geopolitical role, having trouble to find its way and its voice. Taken by the two extremes: ethnic nationalism and deculturalized universalism, the ecclesial government finds itself in a delicate position to federate active bishops, clerics and militant believers whose positions are sometimes more audible than those expressed by the Governing bodies and the Patriarch. On the other hand, another tenacious representation is questioned by the present study: that of a symbiotic relationship between the Church and the State. Although the two are separated from the constitutional point of view, their relations are more complex than the superficial analyses often tend to reveal: The Church does not always follow the geopolitical action of the state (especially in the Ukrainian conflict), while, the state can block the Church's control over societal issues. On the whole, the Russian Church, a major political and geopolitical actor, is still plagued by internal and external contradictions that the present study highlights. - Quand Vladimir Poutine se fait géographe... - Jean Radvanyi p. 113-132 Les dirigeants russes sont parfaitement conscients de la fragilité des infrastructures, du manque de cohésion du territoire russe, aggravés depuis l'éclatement de l'URSS en 1991. Déterminé à restructurer en profondeur l'ensemble des réseaux de son pays, le président Vladimir Poutine a entrepris toute une série de grands travaux en ce sens. Son rôle dans la Société russe de géographie est un élément symbolique de ce bouleversement en cours.
The Russian leaders are well aware of the fragility of infrastructure and the lack of cohesion of Russian territory, aggravated since the collapse of the USSR in 1991. Determined to restructure deeply all the networks of his country, President Vladimir Putin has undertaken a series of major works in this direction. His role in the Russian Geographical Society is a symbolic element of this ongoing upheaval. - De Pierre le Grand à Vladimir Poutine : géopolitique du territoire intermétropolitain Moscou-Saint-Pétersbourg - Vladimir Pawlotsky p. 133-144 Depuis la création de Saint-Pétersbourg en 1703, les dirigeants russes ont cherché, au nom du principe de modernisation du pays, à développer des infrastructures de transport entre la capitale impériale et Moscou. Actuellement, les autorités font le pari de la grande vitesse et ont déployé un dispositif ferroviaire et autoroutier permettant de relier Moscou à Saint-Pétersbourg en un temps record. Néanmoins, les populations du territoire intermétropolitain entre Moscou et Saint-Pétersbourg ne bénéficient pas – dans leur grande majorité – de ces infrastructures et, même, souffrent de la primauté de celles-ci sur les réseaux locaux de transport. L'article entend analyser, en retraçant la généalogie de l'aménagement du territoire intermétropolitain, l'actuelle stratégie des autorités en matière d'infrastructure de transport.
Since the beginning of the xviiith century and the foundation of Saint-Petersburg, Russian leaders have always tried to develop transportation infrastructures between the two capitals. Today, authorities made the choice of high-speed trains and toll-roads, allowing people from the capitals to connect the two cities faster than ever. However, the « in-between populations » are in majority excluded from these expensive infrastructures which take place on poor territories. The article aims to analyze the current transport strategy planned by the authorities highlighting key moments of the « in-between territory » development. - Guerre hybride russe dans le cyberespace - Kevin Limonier, Colin Gérard p. 145-163 Après les piratages des serveurs du Comité national du parti démocrate (DNC) américain et de ceux de l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron, la visibilité des actions offensives attribuées à la Russie dans le cyberespace a considérablement augmenté. Loin d'avoir été anticipé par les pays occidentaux, ce nouveau type d'attaques se caractérise par le fait qu'il échappe aux catégories classiques de l'action cybernétique telles qu'elles ont été théorisées pendant plusieurs décennies en Europe et aux États-Unis. Ce caractère insaisissable se fondant notamment sur le rapport particulier que le gouvernement russe entretient avec le cyberespace depuis l'époque soviétique, le présent article propose d'analyser les actions attribuées à la Russie à l'aune de cette histoire. Mis en perspective avec les intérêts de la Russie contemporaine de même qu'avec la mécanique des rapports de forces dans laquelle celle-ci est investie, les héritages de l'époque soviétique connaissent en effet une spectaculaire réappropriation de la part des autorités russes.
After the hacks of the Democratic National Committee and Emmanuel Macron campaign team's webservers, the visibility of offensive actions attributed to Russia in cyberspace has increased significantly. Far from having been anticipated by Western countries, this new type of attack is characterized by its elusive nature regarding to classical European and US categorizations of cyberattacks. This paper seeks to analyze the actions assigned to Russia regarding its particular history in the field of computation and content management from its Soviet grassroots to contemporary times. - Anatomie de la diplomatie culturelle russe à l'ère postsoviétique - Maxime Audinet p. 165-177 L'article s'intéresse aux caractéristiques de la diplomatie culturelle mise en place en Russie postsoviétique depuis la fin des années 2000. Il suit une approche centrée sur ses deux principaux instruments, l'agence fédérale Rossotrudničestvo et la fondation Russkij Mir, en étudiant leurs mécanismes institutionnels, les documents officiels régissant leur action, les ressorts de leur internationalisation et les discours de leurs dirigeants. La diplomatie culturelle russe se présente en définitive comme une politique d'influence administrée par la puissance publique et alignée sur les priorités diplomatiques et idéologiques du gouvernement russe.
The article discusses Russia's cultural diplomacy understandings in the post-Soviet era, as implemented since the mid-2000's. It follows an instrument-centered approach, by focusing on the federal agency Rossotrudničestvo and the Russkiy Mir Foundation. It analyzes their institutional mechanisms, official documents, processes of internationalization and managers' discourses. Contemporary Russian cultural diplomacy eventually turns out to be a state-centered policy, which is aligned with the government's diplomatic and ideological priorities. - Anatomie de l'utilisation citoyenne du Net en Russie : le cas des incendies de l'été 2010 - Eva Bertrand p. 179-188 Une capitale asphyxiée par des nuages de fumée, des Moscovites suffoquant sous l'effet de gaz toxiques, des pompiers casqués incapables de venir à bout des incendies et des habitants luttant contre les feux armés de seaux et de pelles, telles sont les principales représentations qui, aujourd'hui encore, caractérisent les incendies qui ont affecté les régions les plus occidentales de Russie à l'été 2010. Pour contrebalancer l'incapacité des structures gouvernementales à répondre à la catastrophe, une solidarité citoyenne, impulsée par le bas et reposant sur l'engagement volontaire de tout un chacun, s'est organisée – principalement par le biais d'Internet. C'est cette utilisation d'Internet comme outil de mobilisation citoyenne, en contexte politique non démocratique, que nous analyserons. Comment sites, réseaux sociaux, blogs et forums ont-ils été utilisés pour coordonner une action et répondre aux conséquences des feux, en dehors des canaux gouvernementaux, à l'été 2010 ?
A capital city asphyxiated by clouds of smoke, Muscovites suffocating under the influence of toxic gases, firemen unable to overcome the blaze and people fighting fires with buckets and shovels : here are the lasting representations of the fires that affected Western Russia in the summer of 2010. To counterbalance the inability of government structures to respond to the disaster, citizen solidarity, grassroots and built around voluntary commitment, was organized through the Internet. It is this use of the Internet as a tool for citizen mobilization, in a non-democratic political context, that we will analyze from the example of fires. How were websites, social networks, blogs and forums used to coordinate action and respond to the consequences of fires outside of government channels in the summer of 2010 ? - Quel sport power pour la Russie ? - Lukas Aubin p. 189-202 Depuis l'arrivée de Vladimir Poutine à la présidence en 2000, le sport est redevenu un instrument de pouvoir en Russie alors qu'il avait été délaissé à la chute de l'URSS. Des JO de Sotchi 2014 à la Coupe du monde de football 2018, il est dorénavant un outil à part entière de la politique étrangère du pays, mobilisant toutes les composantes de l'élite du pouvoir (oligarques, hommes politiques, sportifs, entreprises...). Néanmoins, le sport power ou la diplomatie du sport est un phénomène nouveau et relativement peu étudié en Russie alors qu'il offre des clés d'analyse originales pour comprendre le régime politique russe actuel. Cet article propose d'étudier le sport power russe, ses leviers économiques, juridiques et politiques, tout en s'attachant à en comprendre l'impact sur le territoire et sur les représentations des élites.
Since 2000 and Vladimir Putin's presidency – and after it got neglected with the collapse of the Berlin wall – sport has regained its position as an instrument of power. From Sochi 2014 Olympics to 2018 FIFA World Cup, it is now a full-fledged tool of Russian's foreign policy, mobilizing all the local elite (oligarchs, politicians, companies, sports professionals). Nevertheless, sport power or sport diplomacy is a relatively new phenomenon in Russia, which offers an original analytical tool to understand the current Russian political system. This article proposes to define Russian's sport power by studying its economic, juridical and political levers, while endeavoring to understand its impact on Russian territory and elites' representations. - Justice spatiale à la russe au Nord-Caucase - Yéléna Mac-Glandières p. 203-215 Quinze ans après deux guerres en Tchétchénie et la régionalisation de la violence qui s'est ensuivie, la pleine réintégration du Nord-Caucase au sein de l'espace russe est un enjeu majeur de géopolitique interne pour la Russie et un élément clé de la rhétorique de l'unité telle que l'entend Vladimir Poutine. Plus qu'une périphérie classique, sa situation actuelle rapproche le Nord-Caucase d'un isolat, alors que les indicateurs économiques et les représentations des populations concernées (russes et caucasiennes) constatent d'une certaine déconnexion de la région par rapport au reste du pays. Cet article a pour but d'interroger la pertinence de la politique de justice spatiale mise en œuvre par le pouvoir russe dans le Nord-Caucase via des mesures de centralisation telle la création en 2010 d'un District fédéral du Nord-Caucase et en 2014 d'un ministère fédéral chargé du Nord-Caucase (Minkavkaz) dédié, qui canalisent l'action fédérale. In fine, même si la situation s'y améliore d'un point de vue économique, il apparaît que la politique russe, en ce qu'elle repose sur une inégalité de traitement entre les territoires nord, se révèle par endroits insuffisante, voire contre-productive en aggravant, tant à l'échelle locale que fédérale, les représentations d'une rupture.
Fifteen years after two wars in Chechnya and the regionalization of the violence that followed, the North Caucasus' full reinstatement within the Russian space is a major internal geopolitical stake for Russia and a key element in the rhetoric of the unity as advocated by Vladimir Putin. More than a classic periphery, its current situation is more that of an isolate, as both economic indicators and representations of the concerned populations (Russian and Caucasian) reveal a certain disconnection of the region with regard to the rest of the country. This article aims at questioning the relevance of the policy of spatial justice implemented by the Russian power in the North Caucasus via measures of centralization such as the creation in 2010 of a North Caucasian Federal District and in 2014 of a devoted ministry, through which channel the federal action. In fine, even if from an economical point of view the situation improves, it appears that the Russian policy, being that it relies on an asymmetry of treatment between territories, reveals itself in some ways incomplete, even counterproductive as it aggravates, on a local and federal scale, the representations of a rupture. - Du « lac russe » au « lac OTAN » ? Enjeux géostratégiques en mer Noire post-Crimée - Louis Pétiniaud p. 217-228 L'incorporation de la péninsule de Crimée dans la Fédération de Russie en mars 2014 constitue un moment fort dans l'évolution de la politique étrangère russe. La récupération des pleins pouvoirs sur la base militaire de Sébastopol permet par ailleurs à la Russie de renforcer sa présence en mer Noire et en Méditerranée. À l'échelle de la région pontique, cette opération a cependant eu pour effet de susciter de vives inquiétudes dans les plus petits États. Ces craintes, sans pour autant transformer radicalement leur politique extérieure, se sont cependant exprimées dans les textes officiels de Défense de chacun de ces pays. Ces doctrines stratégiques indiquent ainsi comment la perception des acteurs extérieurs change, entre avant et après 2014. L'Otan, particulièrement, est désormais unanimement considérée comme une force de stabilisation indispensable dans la région pontique. Les enjeux de cette manœuvre territoriale sont cependant autant internes qu'externes. En réintégrant la Crimée dans la Russie, le pouvoir russe s'est à la fois assuré un point d'appui stratégique vers le sud et un puissant soutien de la très grande majorité de la population russe.
The incorporation of the Crimean Peninsula into the Russian Federation in March 2014 is the latest peak in the evolution of Russian foreign policy. By recovering full control over the military base of Sevastopol, Russia can henceforth reinforce its presence in the Black Sea and the Mediterranean Sea. In the Black Sea region, this maneuver has sparked vivid concerns in smaller States. These fears have not radically changed their foreign policy. However, they have appeared in the official Defense documents of each of these countries. The strategic doctrines of Romania, Bulgaria, Ukraine and Georgia indeed show to what extent their perceptions of external actors change between before and after 2014. NATO especially, is now perceived as a vital guarantee to the stability of the region. The issues of Crimea's reintegration however, are both internal and external. By taking back the peninsula, the Russian leadership not only took a pivotal territory for its military projection, it also obtained a powerful support from the vast majority of the Russian population. - Le cosaque patriote : évolution d'une identité au service de l'État - Thomas Delattre p. 229-242 Depuis l'effondrement de l'URSS, les cosaques ont fait un retour remarqué en Russie. Incarnant à la fois la Russie tsariste et une certaine moralisation de la société russe, le cosaque moderne s'érige doucement comme l'une des incarnations possibles du patriotisme russe. Grâce à des conceptions préexistantes dans la culture cosaque, telle que la patrie (otetchetsvo), réinterprétées par les acteurs du renouveau cosaque avec des conceptions postsoviétiques, la cosaquerie a su capter une partie de la demande patriotique de la société russe. Le patriotisme russe s'incarnant d'abord dans l'État, c'est en s'appuyant sur la tradition de la sloujba (service), que les cosaques défendent leur légitimité à servir l'État, notamment par la formation de corps dédiés, comme les cadets cosaques, ou en s'engageant comme auxiliaires de police. Cet article se propose d'exposer la genèse de cette relation si particulière qui unit la cosaquerie au pouvoir russe, et l'influence de cette relation sur l'identité cosaque et son évolution de la Moscovie à aujourd'hui.
Since the USSR collapsed, cossacks have made a noticeable come back in Russia. As they embodied a reminiscence of the tsarist Russia and a certain moralization of Russian society, Cossacks tend to be showed as one of the many incarnations of Russian patriotism. Due to the preexisting notions in cossack culture, such as the notion of fatherland (otetchetsvo), reinterpreted through post-soviet paradigms, cossackdom has successfully attracted part of the patriotic wish among Russian society. Russian patriotism being based on the State, it is through the tradition of sloujba (duty) that cossacks defend their legitimacy to serve the State, including through the implementation of special corpses, such as the cossacks cadet school, or patrolling alongside the police. This paper aims to present the genesis of this peculiar relationship between cossacks and the Russian power, in order to understand the influence of this relationship on cossack identity and his evolution through time. - La puissance par la coercition. Le hard power russe à l'épreuve du Moyen-Orient - Igor Delanoë p. 243-260 La Russie se livre depuis fin septembre 2015 à une démonstration de force en Syrie dont les enjeux dépassent le strict cadre syrien. L'étalage de capacités réalisées par Moscou depuis son insertion sur le champ de bataille s'apparente, au-delà de l'opération réussie de sauvetage du régime syrien, à une projection de forces inédite pour la Russie postsoviétique qui entend s'aménager un rôle crédible de garant de la sécurité dans le Moyen-Orient post-« printemps arabes ». À ce titre, l'outil naval, mobilisé de manière précoce dès 2011, a joué son rôle d'ambassadeur de puissance en dépit des déboires rencontrés lors du dernier déploiement du groupe aéronaval russe en Méditerranée. Enfin, malgré certaines carences technologiques, le « polygone syrien » a aussi servi de vitrine pour Moscou et a pour vocation de soutenir les exportations d'armements russes, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au demeurant, les résultats tardent à se faire sentir dans le carnet de commandes des armuriers russes.
Russia's show of force in Syria since September 2015 has been aimed at tackling issues going way beyond the Syrian stage. Since it has entered the battlefield, Moscow's display of capabilities has not only succeeded in rescuing the Syrian regime, but also, as the first demonstration of power projection of its kind for post-soviet Russia, it is designed for providing Russia with the ability to play the role of a security guarantor in the post Arab Spring Middle East. In Moscow's toolbox, the navy has played a key role since the very beginning of the crisis in 2011, fulfilling its role of power ambassador in spite of issues encountered during the latest deployment of Russia's aircraft carrier in the Mediterranean. Despite technological gaps, the « Syrian polygon » has been a demonstration field for Russia's military hardware and therefore, it is supposed to boost Russian military export to the Middle East and North Africa. However, the orders have yet to come. - L'Arctique russe, reconquête d'un front pionnier ? - Sophie Hohmann p. 261-276 À la faveur des grands enjeux internationaux, dont le réchauffement climatique et les questions écologiques, l'Arctique ressurgit avec vigueur sur la scène géopolitique russe dans les années 2000. La moitié des côtes arctiques sont contrôlées par la Russie et les régions arctiques russes recèlent plus de 60 % des ressources minérales et énergétiques, les enjeux sont donc gigantesques dans cette région qui présente des défis majeurs tant au plan international que national, au plan technologique qu'humain. La route du Nord, les nouvelles découvertes ainsi que la mise en œuvre de très hautes technologies permettant l'exploitation des gisements, alimentent le discours national russe faisant de l'Arctique un nouveau « front pionnier ». La mise en valeur de la grandeur passée, de la conquête de l'Arctique rouge, et du caractère absolument inédit de peuplement de cette région hostile aux humains, cultive la fabrication d'identités qui témoignent aussi de l'histoire du peuplement et des migrations spécifiques à l'Arctique.
The Arctic re-emerged vigorously on the Russian geopolitical scene in the 2000s, as a result of global warming and ecological change. In the world, about half of Arctic coasts are controlled by Russia, and the Russian Arctic regions contain more than 60 % of mineral and energy resources. The stakes are therefore enormous in this region both at international and national level, and this situation presents major challenges for technology as well as for populations. The opening of the Northern Sea Route, the discovery of oil and mineral deposits, and the implementation of high technologies allowing exploitation in difficult conditions, feed the Russian national discourse, making the Arctic a new « pioneering front ». The reference to past grandeur and to the earlier conquest of the Red Arctic, and the unprecedented character of the settlement of this region hostile to humans, cultivates the making of new identities, that testify to the history of settlement and specific migrations to the Arctic.