Contenu du sommaire : Démocratiser la mesure : les indicateurs participatifs
Revue | Participations |
---|---|
Numéro | no 18, 2017/2 |
Titre du numéro | Démocratiser la mesure : les indicateurs participatifs |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Hommage à Luigi Bobbio (6 mars 1944 – 9 octobre 2017) - Jean-Michel Fourniau p. 5-7
Dossier : Démocratiser la mesure : les indicateurs participatifs
- Introduction. Les indicateurs participatifs tiennent-ils leurs promesses ? - Léa Sébastien, Markku Lehtonen, Tom Bauler p. 9-38
- Entre ingénierie de la participation et ingénierie de la quantification. Quand les conventions de richesse sont mises en débat - Florence Jany-Catrice, Samuel Pinaud p. 39-67 À partir à la fois d'une réflexion sur les nouveaux indicateurs de richesse et d'une expérimentation réalisée dans le cadre d'une recherche-action, nous analysons les formes d'expression de la participation au sein de différents processus de quantification liés à un objectif de pilotage de l'action publique. Plutôt que de porter le regard sur les usages des chiffres dans l'action publique, l'article analyse les formes de la participation en amont, au cœur du processus d'élaboration des indicateurs sur lesquels s'appuie la décision publique. Nous revenons sur les conceptions de la démocratie sous-jacentes aux processus de mise en chiffre des opinions analysées, et proposons une réflexion sur le lien entre techniques de quantification et formes possibles de la « participation ».We start with a discussion about new indicators of wealth, and with an Action Research experiment. We analyze the forms of participatory expressions that are possible in different processes of quantification in relation to public action management. Instead of directly analyzing the uses of numbers in public action, we study the forms of participation that take place upstream and all along the process of construction of indicators, on which public action relies. We bring to light different conceptions of democracy underlying the process of production of numbers and we analyze the link between techniques of quantification and possible forms of “participation.”
- Quand la participation bouscule les fondamentaux de l'économie. La construction participative d'indicateurs alternatifs locaux - Anne Le Roy, Fiona Ottaviani p. 69-92 La fréquence du recours aux démarches participatives pour construire localement des indicateurs alternatifs interroge les économistes que nous sommes : pourquoi et comment tant de personnes porteuses de projets ont-elles recours au participatif ? Quelle lecture pouvons-nous faire du développement de ces expérimentations participatives susceptibles de bousculer les fondamentaux de la « science économique » ?Cet article est consacré à l'analyse d'expérimentations ayant recours au participatif pour construire des indicateurs locaux alternatifs, afin de montrer comment et en quoi le participatif questionne la pertinence des choix méthodologiques, des catégories d'analyse et de pensée de l'économie dominante. Il complète ainsi les travaux menés, majoritairement, par des politologues pour mettre au jour les transformations apportées par la construction participative d'indicateurs au regard du positionnement épistémologique et du contenu épistémique de l'observation économique et sociale traditionnellement conduite par des expert·e·s.As economists, we are intrigued by the multiplication of participatory approaches to developing local alternative indicators. Why and how do many project managers resort to participatory methods and approaches? How best might we interpret such experiments, which could challenge many of the basic principles of economic science?This article elaborates on an analytical framework that aims to fulfil two purposes: firstly, it allows one to characterize the experiments in all their diversity; and secondly, it complements existing work, conducted primarily by political scientists. Indeed, our analysis highlights the changes in the epistemological posture and in the epistemic content of socio-economic observation brought about by the mobilization of the participatory approach.
- Dire ce qui compte, prendre en compte et rendre compte. Une réflexion analytique sur les démarches d'association des citoyens à l'élaboration de nouveaux indicateurs de richesse - Michel Renault p. 93-121 Cet article est consacré à la mise en forme analytique de démarches associant les citoyens à l'élaboration d'indicateurs. Il se fonde sur deux exemples d'initiatives cherchant, dans un premier temps, à identifier avec les citoyens d'un territoire ce qui fait richesse, ce qui compte, ce qu'est « être bien » pour eux, et élaborant des indicateurs pour en rendre compte, dans un second temps. Ces exemples sont discutés sur la base d'une grille analytique fondée sur le pragmatisme. Une attention particulière est portée sur la question des « données » issues des démarches participatives et leur traduction par des indicateurs.This article is dedicated to the analysis of initiatives involving citizens in the development of indicators. It is based upon two examples of initiatives seeking to identify, first of all, what wealth is, what really counts, and what “well-being” means for the citizens of a territory, and, secondly, developing indicators to account for this. These examples are discussed on the basis of a pragmatic analytical framework. Particular attention is devoted to the question of “data” emerging from participatory approaches and to their translation by indicators.
- Compter l'eau ou conter l'eau ? De l'utilisation participative des indicateurs - Sandrine Petit, Marie-Hélène Vergote p. 123-146 Nous analysons trois situations où indicateurs et participation sont mêlés pour gérer l'eau dans une perspective future, à l'échelle de bassins versants situés en Bourgogne (France). Quand l'indicateur sert à délibérer en vue d'une décision, il perd de ses qualités cognitives et le débat est biaisé par des asymétries entre les participants. Quand il s'agit d'interpréter des situations à venir, les collectifs s'émancipent d'une mise en chiffre par une mise en mots et l'absence de jugement externe ouvre le débat. Nous concluons sur des dispositifs participatifs plus ambitieux où les indicateurs demeurent des supports de réflexion sans devenir une finalité.We analyze three situations where indicators and participation are mixed to manage water with a view to the future, in the context of watersheds situated in Burgundy (France). When the indicator is used to deliberate in order to make a decision, it loses some of its cognitive qualities and the debate is biased by asymmetries between participants. When participants interpret future situations, the collective frees itself from figures by shifting to words, and the absence of external judgment opens up the debate. We end with more ambitious participatory schemes where indicators are a basis for thinking, rather than an end.
- Indicateurs de développement durable et participation citoyenne : une entreprise paradoxale - Paul-Marie Boulanger p. 147-175 Espérant accroître la légitimité des indicateurs de développement durable et favoriser leur utilisation par le pouvoir politique, les scientifiques sont nombreux à plaider pour une implication accrue du citoyen dans l'élaboration et l'interprétation de ces indicateurs. Les arguments invoqués reposent sur des développements récents de la philosophie politique tels que la démocratie délibérative ou la rationalité communicationnelle. Tournant le dos à cette approche essentiellement normative, l'article cherche à mettre en lumière les fonctions latentes des indicateurs ainsi que de la participation. L'auteur mobilise à cet effet la théorie des systèmes et la théorie de la décision de Niklas Luhmann. Cette perspective invite à considérer les indicateurs ainsi que la participation citoyenne comme des stratégies de déparadoxisation des décisions politiques. Il s'agit, pour les uns comme pour l'autre, de masquer le caractère arbitraire des décisions qui les invoquent, d'en déplacer le caractère intrinsèquement contingent vers un autre système chargé d'absorber l'incertitude qui les entoure. En cherchant à objectiver ses décisions au moyen d'indicateurs « fiables et objectifs », le système politique déplace sa contingence vers le système scientifique. Tel est bien le sens de la « gouvernance par les nombres » ou de l'« evidence-based policy ». Tous les domaines ne se prêtent pas si aisément à cette absorption de l'incertitude. C'est le cas avec le développement durable où il n'y a guère de consensus scientifique sur les indicateurs à retenir (le changement climatique faisant toutefois exception). Placé par l'opinion publique et le système politique devant l'obligation de décider en la matière, le système scientifique se dérobe soit en proposant une liste d'indicateurs trop longue et trop hétéroclite pour être vraiment utile, soit en déplaçant à son tour la contingence de ses décisions vers le système politique en convoquant la participation citoyenne. Se pose alors la question de la représentativité des mini-publics mobilisés par la participation citoyenne et celle du couplage entre celle-ci et la décision politique. Ces questions sont abordées à l'aide du concept luhmannien d'épisode.With a view to increasing the legitimacy of sustainable development indicators and to foster their use in policy-making, many scientists advocate greater citizen involvement in the development and interpretation of these indicators. The arguments invoked are based on recent developments in political philosophy such as deliberative democracy or communicative rationality. Turning its back on this essentially normative approach, the article seeks to highlight the latent functions of indicators, as well as participation. To this end, the author uses Niklas Luhmann's systems and decision theories. Such a perspective invites us to consider indicators, as well as citizen participation, as strategies of deparadoxization of political decisions. For both of these approaches, it is a question of masking the arbitrary character of the decisions that invoke them, of shifting their intrinsically contingent character to another system tasked with absorbing the uncertainty that surrounds them. By seeking to objectify its decisions by means of “reliable and objective” indicators, the political system shifts its contingency towards the scientific system. Such is the meaning of “governance by numbers” or “evidence-based policy.” Not all domains lend themselves so easily to this absorption of uncertainty. This is notably the case with sustainable development, where there is little scientific consensus on the indicators to be retained (climate change being an exception, however). Asked by public opinion and the political system to propose a set of sustainability indicators, the scientific system has no other way out than submitting a list of indicators that is too long and too disparate to be truly useful or, in turn, by displacing the contingency of its decisions towards the political system by resorting to citizen participation. This raises questions regarding the representativeness of the mini-publics mobilized by citizen participation, and concerning its coupling with actual policy-making processes. These questions are addressed using the Luhmannian concept of episode.
Varia
- Le genre de la participation citoyenne à Sevran (Seine-Saint-Denis) - Anna Jarry-Omarova p. 177-204 La loi de 2014 portant réforme de la politique de la ville oblige à la parité dans les conseils citoyens. Ceci pourrait constituer un levier institutionnel pour la promotion des femmes dans l'espace politique que l'on sait discriminatoire. Cependant, une observation participante au sein d'une ville moyenne de la Seine-Saint-Denis, Sevran, permet de constater leur présence déjà active au sein des conseils de quartier et des nouveaux conseils citoyens, et ce malgré la reproduction des dynamiques de domination masculine déjà connues, comme le discrédit attaché à leur prise de parole en public ou la non-reconnaissance de leurs sujets d'intérêt. L'article met en exergue les différents statuts investis par les femmes pour faire valoir leurs intérêts (de riveraines, mères, citoyennes laïques), leurs modalités spécifiques de présence aux réunions, en particulier en groupe, et les rôles que peuvent jouer les élu·e·s et les agent·e·s administratif·ve·s dans le respect de la parité, en particulier aux niveaux de la représentation et de la délégation. Enfin, on comprend que les femmes investissent de façon spécifique ces espaces intermédiaires, car ils sont à la croisée entre l'espace privé et l'espace public sexiste, et se présentent justement comme des lieux de redéfinition potentielle de ce dernier.The 2014 law on Politique de la ville requires gender parity in citizenship councils. This could embody a tool for the promotion of women in the political field, which is known for being highly discriminatory from this perspective. However, the participant observation in a medium-sized city in Seine-Saint-Denis, Sevran, shows that women were already active in neighborhood councils and in the newly created citizenship councils, despite the reproduction of well-known forms of masculine domination, such as the lack of credit they are granted when they speak up or the non-recognition of the issues that are important to them. The article emphasizes the different roles played by women to promote their concerns (as neighbors, mothers, secular citizens), the specific ways in which they participate, in particular in groups, and the contribution of elected officials and public servants for the enforcement of gender parity, in particular in terms of representation and delegation. In the end, women invest these forms of intermediary spaces in a specific way because they are located at the crossroads of the private realm and the sexist public sphere, and can embody spaces for the redefinition of the latter.
- Le genre de la participation citoyenne à Sevran (Seine-Saint-Denis) - Anna Jarry-Omarova p. 177-204