Contenu du sommaire : 30 ans d'indisciplines

L'article offre un aperçu de l'élaboration épistémologique du concept de cognition dans la revue Hermès. L'engagement de la revue dans le champ des sciences de la cognition offre les gages d'une résistance au scientisme qui menace, et propose au lecteur des contributions susceptibles de prévenir les écueils du dogmatisme. La psychologie ordinaire des enseignants, par exemple, pourrait trouver des prolongements multidimensionnels – c'est-à-dire sur le triple terrain de la cognition, de la communication et de la politique – concernant des thèmes aussi urgents que ceux de l'attention, des émotions, de la motivation ou de l'intention. Les stratégies pédagogiques destinées à augmenter la rétention d'information, à organiser les apprentissages distribués ou à éclairer les voies de la métacognition sont du ressort des approches anti-réductionnistes endossées par Hermès.

La conceptualisation de la notion d'information, au cours de la seconde moitié du xxe siècle, s'est construite, de manière implicite ou explicite, à partir du couple information-communication. Information et communication sont consubstantielles. Et leur relation se construit dans le domaine des sciences humaines et sociales.C'est le point de vue qui s'affirme dès le premier numéro de la revue Hermès, consacré à la communication politique. L'information et son traitement ne peuvent s'examiner sans être situés dans une perspective de diffusion, autrement dit dans un horizon d'attente qui est celui de la communication. À l'inverse, tout processus de communication implique d'identifier un contenu informatif destiné à être transmis.

Galvaudé, polysémique mais nécessaire, le concept d'imaginaire requiert définition : distinct de l'imagination créatrice, il désigne la pensée mythique et symbolique réductible à l'analyse scientifique. Produits d'un patrimoine séculaire et constamment réactivé, les mythes et les symboles conspirent ainsi à la constitution d'un imaginaire partagé.

Le concept d'argumentation, traditionnellement traité par la linguistique, la logique, la cognition ou encore les sciences sociales, est investi par son approche communicationnelle de nouveaux enjeux épistémologiques : quel rôle pour le sujet et la subjectivité, quel registre pour la vérité, quelle conception de la démocratie dans l'espace de la communication politique ?

Les dommages des cloisonnements disciplinaires sont fréquemment dénoncés. L'interdisciplinarité, aussi souvent invoquée, n'en est pas pour autant effectivement pratiquée. Sans doute exige-t-elle un changement assez radical dans la façon de concevoir la recherche scientifique. Ce changement, ponctuellement opéré, a permis la mise en œuvre de programmes de recherche qui en attestent la fécondité ; on en citera quelques-uns, sans oublier la revue Hermès dont l'objectif majeur, dans l'étude des questions examinées, est de faire communiquer les savoirs.

On se propose dans cet article de présenter la notion d'identité en en parcourant les diverses caractéristiques. On étudie tour à tour ses aspects logique, ontologique, épistémologique, anthropologique et existentiel. L'objectif consiste à mettre en valeur à la fois son utilité indispensable et son caractère indéterminé et flottant.

L'objet de cet article n'est pas de développer une réflexion de plus autour du thème du « corps », mais de montrer en quoi le concept de communication humaine, tel qu'il est pensé par la revue Hermès, en modifie l'appréhension. Dans un contexte de délire transhumaniste, d'une marchandisation du corps et de sa technologisation, nous réaffirmerons en quoi le corps a surtout besoin de l'autre pour répondre à ses désaccords. En conclusion, plusieurs concepts offriront de nouvelles perspectives pour les sciences de la communication : conversation ; continuité-discontinuité ; émotions-sentiments ; empathie ; homéostasie ; néoténie ; plasticité ; symptôme ; temps ; corps parlant.

Aujourd'hui, informer ne suffit pas à communiquer. Les dimensions normatives et fonctionnelles cohabitent dans l'information et la communication. Le normatif renvoie aux idéaux – l'idéal de vérité pour la première, l'idéal d'échange et de partage pour la seconde. Mais avec la croissance des deux dimensions dans le fonctionnement de nos sociétés, les dimensions fonctionnelles prennent de plus en plus de place, notamment avec l'information-service et l'information-institutionnelle, nécessaires à nos sociétés. Cette dimension fonctionnelle de la communication se retrouve dans la dimension « com », du contrôle, de l'influence, voire de la manipulation. La difficulté vient de ce que ces deux dimensions, fonctionnelle et normative, sont toujours entremêlées.

Qu'est-ce qui n'est pas (en) réseau aujourd'hui ? Si la notion, dont la longue histoire éclaire son imaginaire aussi riche qu'équivoque, menace toujours de piéger l'analyse dans l'écueil déterministe par la place donnée à la technique, sa version dite socionumérique signale un des paradoxes de nos sociétés : le manque actuel de communication qui pousse à recourir à des outils, applications et autres interfaces par besoin et espoir, plus fort que jamais peut-être à l'heure d'un individualisme aussi narcissique que concurrentiel, de relations humaines dans la réalité. Mais son succès interroge également à un niveau plus fondamental : comment la société se laisserait-elle appréhender et pourrait-elle s'accommoder ou dépasser la logique affinitaire, communautaire voire identitaire que le réseau promeut comme mode d'affiliation ? Dit plus simplement, le réseau peut-il vraiment faire lien social ? À la lumière de ces constats et questions, on comprendra alors mieux pourquoi le réseau demeure une entrée factuellement mineure mais omniprésente dans la revue Hermès.

Depuis 1988, année de naissance de la revue Hermès, le « paysage numérique » a connu de profonds bouleversements, quittant le monde de la télématique pour celui d'Internet, puis « du numérique ». Objet d'étude transversal et interdisciplinaire, il est interrogé dans Hermès sous l'angle du rapport à la modernité, à l'altérité, des relations entre information et communication, entre technologies et sociétés, pour ne pas céder à sa naturalisation.

L'événement est une notion objet de controverses qui mettent souvent en cause les médias et leur rôle supposé de créateurs de faits artificiels (« pseudo-événements »). Pourtant, bien d'autres logiques sociales hors du champ journalistique donnent à des faits sociaux le label d'événements. En 2006, la revue Hermès a étudié les réactions et appropriations qu'ils suscitent en dressant une typologie des événements. Ce travail de repérage est ici repris, en questionnant ce que le nouvel écosystème numérique de l'information change au processus d'événementalisation.

Que la médiation intervienne dans le champ des conflits juridiques, dans celui de l'éducation et de l'enseignement, dans les quartiers en déshérence, ou encore dans les musées en pleine effervescence, elle est caractéristique de l'hypermodernité aux abois, en quête de solutions pour raccommoder un tissu social abimé. Le projet de médiation souffre de son succès ; au fil des années, il est devenu un concept flou, mêlant aspirations philosophico-politiques et quête de méthodologies efficaces. Aussi, nous commencerons par un travail de redéfinition nominale, avant d'envisager quelques-uns des grands débats que suscite la médiation, notamment dans ses substitutions technologiques. Enfin, nous nous intéresserons plus particulièrement au projet qu'elle dessine dans le champ de la culture et de l'art ; là, nous prendrons le temps de réfléchir sur les méthodes et les enjeux qu'elle recouvre.

Jean Caune établit entre culture et communication un rapport d'inclusion réciproque qui fait qu'un phénomène de culture fonctionne aussi comme processus de communication et que des pratiques de communication se rangent parmi les formes et les contenus culturels. C'est bien là l'hypothèse travaillée par les contributions interdisciplinaires, voire indisciplinaires, de la revue. La dimension communicationnelle comme le rappelle J.-B Perret « cherche à élucider les rapports : celui de la circulation du sens, celui des acteurs et des pratiques sociales, celui des techniques » en insistant sur la priorité accordée aux relations entre ces domaines. Parmi les thèmes récurrents de la revue les médias tiennent une bonne place. L'altérité, la sexualité et la sensorialité questionnent la communication interpersonnelle. La réception, aux théories souvent cacophoniques, et les pratiques de réception développent une réflexion sur les évolutions du public, les contenus culturels et les médiations. En matière de culture les dispositifs qu'ils soient techniques, symboliques ou institutionnels témoignent de nos imaginaires et de nos constructions de sens.

Contrairement à une idée reçue, on ne saurait communiquer par l'intermédiaire d'une seule langue, fût-elle « planétaire », comme on le prétend aujourd'hui au sujet de l'anglais. Dans le monde multipolaire et massivement interconnecté qu'est le nôtre, c'est au contraire la diversité culturelle, et, partant, la diversité linguistique, qui en constitue l'axe central. La langue de la mondialisation, ce n'est pas le globish, mais le plurilinguisme et la traduction. Car nous assistons désormais à une rebabélisation accélérée du monde qui constitue un renversement de perspective à la fois communicationnel et géopolitique dont nous commençons seulement à percevoir tous les enjeux pour le monde contemporain et qui ne saurait être appréhendé que dans un cadre résolument interdisciplinaire.

L'interrogation sur la diversité culturelle traverse les trente ans de la revue, sans jamais perdre de sa force ; elle demeure plus que jamais actuelle, en raison de ses dimensions politiques, démographiques, économiques. Longtemps ignoré des instances juridiques, le droit à la diversité des langues de l'Internet se confond désormais avec les revendications territoriales identitaires. L'ordre « traditionnel » du monde se trouve ainsi remis en question.

Le projet scientifique d'Hermès n'est pas de défendre telle ou telle conception du ou de la politique, mais de développer une anthropologie politique qui soit pluridisciplinaire et non sectaire. Quelles sont les principales caractéristiques de cette anthropologie politique ? Le but de ce texte est de les expliciter en s'appuyant sur l'étude longitudinale des numéros de la revue consacrés à cette thématique.

L'opinion publique est tour à tour l'opinion du public, que mesurent des techniques de sondage autant généralisées que contestées, l'opinion en public, qui renvoie aux modalités contemporaines de la discussion publique, et enfin l'opinion publiée, creuset d'une réflexivité sociale porteuse de changements possibles.

Faut-il renoncer à définir les stéréotypes ou les considérer comme des faits sociaux de communication toujours vivaces dans les circulations des représentations sociales ? Hermès a ouvert le champ des analyses sur la diversité de leurs formes sociales et culturelles, de leurs modalités, de leurs transformations et de leurs effets, entre communication et incommunication.

L'expression langue de bois est devenue française, à usage multiple. Cet article issu des travaux menés au sein de la revue Hermès propose une synthèse d'une réflexion collective actualisée sur ce concept polymorphe, polysémique, controversé et évolutif.

Dans cet article, nous nous interrogeons sur l'intrication des trois termes « science », « technique » et « société », ainsi que sur l'importance qui est accordée à cette intrication aujourd'hui dans notre organisation sociale. Nous nous attachons à préciser les sens dans lesquels nous employons ces termes, dont l'usage prête souvent à ambiguïté. À cette fin, nous développons brièvement une approche historique où nous soulignons l'importance qu'il y a à prendre rigoureusement en compte l'idée que l'on se fait à une époque donnée de ce qu'on dénomme la nature. Nous montrons alors que les termes « science », « technique » et « société » acquièrent un sens déterminé dans le contexte actuel social et intellectuel.

Que recouvre le concept de controverse aujourd'hui largement mobilisé dans des approches tant heuristiques que pédagogiques ? L'article se penche sur le périmètre de définition des controverses en rappelant quelques éléments épistémologiques. Puis il s'interroge sur le rapport au politique qu'elles entretiennent dont les interprétations font elles-mêmes débat. Il questionne enfin une dimension longtemps ignorée des controverses : leur caractère d'objets communiquant.

Il est toujours nécessaire d'interroger les frontières entre « public » et « privé », leur porosité, leur constitution, leur utilisation dans un contexte d'évolution des rapports au temps, à l'espace et aux autres. Hermès a exploré les frontières des « espaces » médiatiques et médiatisés, puis entre vie professionnelle et vie privée. Désormais, de nouveaux regards sur l'intime s'imposent dans cette approche communicationnelle.

Séparatrices et protectrices à la fois, les frontières font et défont la relation entre soi et les autres, par le fait même qu'elles sont un facteur qui circonscrit les peuples et les nations, définit les identités, les cultures et les entités. Qu'elles soient réelles ou virtuelles, physiques ou psychiques, les frontières sont aussi sujet de fantasmes de mythes et d'utopie, d'extrémisme et d'altérité, d'échange et d'incommunication. Elles définissent les limites de l'homme et de l'humanité tout comme elles peuvent les mener aux frontières de l'illusoire.

Dans une société toujours plus « connectée », l'identité numérique constitue un enjeu majeur bien compris par les sciences de l'information et de la communication. À l'inverse, le droit, pourtant garant des libertés de chacun, éprouve les plus grandes difficultés à appréhender cette notion dans sa globalité. Aujourd'hui encore, la définition juridique de l'identité numérique n'est possible que par le prisme des données personnelles.

En brisant le lien trinitaire et presque trimillénaire inconsciemment attaché aux pièces de monnaie circulantes, unissant prostitution, souveraineté et imaginaire, l'euro libère la pulsion de mort et œuvre à sa propre disparition – nonobstant la logique politique de son avènement.