Contenu du sommaire : Saint-Siège, Puissances occidentales, États nationaux et minorités chrétiennes au Proche-Orient (XIXe-XXe siècles)
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 173, janvier-mars 2018 |
Titre du numéro | Saint-Siège, Puissances occidentales, États nationaux et minorités chrétiennes au Proche-Orient (XIXe-XXe siècles) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le Saint-Siège, les puissances et les minorités religieuses du Proche Orient de Pie IX à Jean-Paul II : institutions et enjeux - Jean-Marc Ticchi p. 3-12
- La France et la protection des chrétiens maronites. Généalogie d'une représentation - Bernard Heyberger p. 13-30 Le thème de la « protection » de la France sur les chrétiens orientaux a resurgi dans les discours politiques depuis 2013, en faisant référence à une « tradition » longue de plusieurs siècles. En fait, il s'agit d'une représentation, construite au cours du xix e siècle, élaborée conjointement par certains milieux politiques et publicistes français et des représentants du clergé maronite. Elle a été principalement destinée à soutenir les élans particularistes et proto-nationalistes maronites ainsi que certaines ambitions interventionnistes françaises en Syrie.
The subject of France's protection of Oriental Christians has re-emerged in political discourses since 2013. It refers to a centuries-old tradition, whereas in reality this “tradition” was invented in the course of the nineteenth century when it was jointly fashioned by certain French political and media circles as well as representatives of the Maronite clergy. This protection “tradition” was designed to support the proto-nationalist and sectarian Maronite efforts as well as the French interventionist ambitions in Syria. - L'Église latine dans l'Empire ottoman - Giorgio Del Zanna p. 31-44 Née à l'époque byzantine dans les colonies de commerçants italiens, l'Église catholique latine d'Orient fut reconnue comme une communauté autonome spécifique (millet), du fait de ses relations avec le Vatican. Les communautés « levantines » jouèrent un rôle essentiel dans cette Église du fait des relations qu'elles entretenaient avec l'Occident. Elles subirent un processus de « romanisation » au cours du xixe siècle qui eut pour conséquence de les identifier aux puissances coloniales, malgré la politique philo-ottomane du Saint-Siège. Le renforcement de l'autorité de l'Italie sur ces communautés après la rupture entre Paris et le Vatican, en 1904, aboutit à l'expulsion des Italiens après la guerre de Libye de 1911, de sorte que le Saint-Siège demeura le seul défenseur des catholiques dans l'Empire ottoman puis dans la jeune République turque.
The Latin Catholic Church of Orient was formed during the Byzantine era within the colonies of Italian traders. Thanks to its links with the Vatican, it was recognized as a specific religious community within the Empire. The so-called “Levantines” assumed a main role in this Church, because of their good relations with European countries. They underwent a process of “Romanization” during the nineteenth century and became identified with the “colonial” powers in spite of the pro-Ottoman policy of the Holy See. The increasing authority of Italy over these communities after the 1904 break between Paris and the Vatican led to the expulsion of Italians residing in the Empire in the aftermath of the 1911 Libyan war. The Holy See remained the only protector of the Eastern Christian communities, first in the Ottoman Empire and then in the new Republic of Turkey. - Longtemps méconnu par la communauté internationale : le génocide assyro-chaldéen de 1915 - Joseph Yacoub p. 45-64 Le génocide assyro-chaldéen a fait l'objet d'une reconnaissance internationale tardive. Après avoir rappelé l'origine des Assyro-Chaldéens, l'article présente le vaste périmètre où se sont déroulés les massacres (Anatolie orientale, Perse et province de Mossoul), d'octobre 1914 à juillet 1918. Organisé afin d'éradiquer les groupes ethniquement non turcs et religieusement non musulmans et d'homogénéiser l'Empire, ce génocide s'est doublé de graves atteintes au patrimoine culturel, ce qui en fait aussi une forme d'« ethnocide ». Comme le montre une documentation abondante, ces crimes ont été systématiquement préparés, froidement concertés et organisés par les autorités ottomanes, de sorte que c'est en vain que la diplomatie du Saint-Siège a tenté de conjurer ces massacres.
The Assyro-Chaldean genocide was tardily recognized at an international level. After introducing the origins of the Assyro-Chaldeans, this article presents the vast region in which the massacres took place from October 1914 to July 1918, i.e. the North-West of present-day Iran, Western Anatolia and the North of Iraq. These massacres were perpetrated in order to homogenize the Ottoman Empire and “turkify” the country by eliminating non-Turkish and non-Muslim groups. They were accompanied by attacks on the cultural heritage, and therefore constituted a true ethnocide. According to an extensive literature, these crimes were premeditated, planned, and ordered. To that effect, the intervention of the Holy See did not manage to bring them to a stop. - Le Saint-Siège et le début du génocide arménien de 1915 à la lumière des archives vaticanes - Georges Ruyssen p. 65-78 Sur la base des sept volumes de documents tirés des archives vaticanes intitulés La Questione Armena publiés de 2013 à 2015, cet article présente les grands traits de l'action du Saint-Siège confronté au début du génocide arménien de 1915. Après avoir présenté le cadre général de la présence des minorités chrétiennes dans l'Empire ottoman, il analyse l'intense activité diplomatique du Vatican pour endiguer l'extermination massive des Arméniens, tant directement auprès du Sultan Mahomet V Reshad qu'indirectement vis-à-vis de l'Autriche et de l'Allemagne. Ces interventions semblent avoir ralenti les mesures prises contre les Arméniens auxquelles elles ne parvinrent cependant pas à mettre fin puisque le pape Benoît XV fut le seul souverain à prendre publiquement la parole sur ce sujet.
Based on seven volumes of documents taken from the Vatican Archives — published under the title La Questione Armena between 2013 and 2015 — this article presents the main features of the activity of the Holy See confronted with the 1915 Armenian genocide. After a general overview of the situation of the Christian minorities in the Ottoman Empire, it analyses the intense Vatican activity to contain the massive extermination of the Armenians, either through direct contacts with Sultan Mohamed V Reshad or indirectly through Austria and Germany. It seems that these interventions managed to slow down the measures taken against the Armenians, though they did not succeed in stopping them, since Pope Benedict XV was the sole sovereign to raise officially his voice against the massacres of this population. - La naissance de la Transjordanie et la présence chrétienne. Communautés religieuses, minorités religieuses protégées et identités tribales - Paolo Maggiolini p. 79-94 La fondation de l'État hachémite a mis à mal les équilibres tribaux traditionnels entre tribus arabes chrétiennes et musulmanes, nomades, semi-nomades et sédentaires, et favorisé le recours au concept de communauté religieuse. C'est dans ce contexte que le Saint-Siège fut appelé à contribuer à l'organisation ecclésiastique des Latins et des melchites (Grecs-catholiques). L'article présente les conditions dans lesquelles les Églises locales de Transjordanie se sont organisées alors même que les autorités religieuses étaient situées à Damas et à Jérusalem, hors du territoire national, tandis que les chrétiens passaient du statut de tribu à celui de minorité protégée, sans perdre pour autant leur identité tribale.
The foundation of the Hashemite emirate of Transjordan undermined the traditional balances existing between Christian and Muslim Arab tribes (nomads, semi-nomads and sedentary) and favored the constitution of religious communities. In this context, the Holy See contributed to the ecclesiastical organization of both Latin and Melkite (Greek-Catholic) establishments. This article presents the ways in which the local Churches of Transjordan were organized despite the fact that the religious authorities were located in Damascus and Jerusalem, i.e. outside the boundaries of the new nation. At the same time, the status of Christians present in Transjordan was being transformed — they moved from a tribal to status to that of a protected religious minority (without losing their traditional tribal identity). - L'Église catholique latine et le débat sur les lois scolaires en Jordanie et Israël - Maria Chiara Rioli p. 95-112 Après la première guerre arabo-israélienne de 1947-1949, les catholiques arabes et leurs institutions devaient compter avec deux États en formation et en réorganisation, le nouvel État d'Israël, dont la population était divisée entre juifs et arabes palestiniens, et le royaume jordanien qui avait annexé la Cisjordanie palestinienne. Malgré leurs profondes différences, les deux États eurent à faire face à des problèmes législatifs similaires tant en matière d'état civil qu'au sujet de la place des religions, qu'elles soient juive, musulmane ou chrétienne. Notre propos est centré sur le débat auquel a donné lieu, dans les deux pays, la question de la reconnaissance des écoles chrétiennes dans les années cinquante, en mettant en lumière la complexité de l'attitude catholique – mûrissant à Jérusalem et à Rome – envers les transformations majeures au Moyen-Orient dans le « long 1948 ».
After the first Arab-Israeli war (1947-1949), the Arab Catholics and their institutions had to deal with two States that were in a stage of formation and re-organisation: the new State of Israel, whose Jewish majority lived beside the Palestinian minority within the boundaries of the Jewish State, and the Kingdom of Jordan, which had annexed the Palestinian West Bank. Despite their deep differences, the two States faced similar juridical issues concerning the definition of the laws on the civil status and place of religions in the public sphere. Through ecclesiastical and diplomatic archives as well as the press, this paper will focus on the debate that is arising in the two countries around the issue of the recognition of Christian schools in the Fifties, shedding light on the complex Catholic attitude – matured in Jerusalem and Rome – in relation to the transformations in the Middle East during the “long 1948”. - Les papes et la Terre sainte (1878-2013) - Jean-Dominique Durand p. 113-132 Les papes portent sur la Terre sainte un regard religieux et politique. Religieux parce que cette terre, avec Jérusalem en son cœur, est trois fois sacrée, pour le judaïsme, le christianisme et l'islam ; politique parce que la création de l'État d'Israël en 1948, et auparavant les revendications sionistes et les politiques ottomanes et britanniques introduisent des tensions où le religieux est instrumentalisé. C'est cette double approche religieuse – spirituelle, et politique – diplomatique, qui caractérise le rapport des papes à la Terre sainte à l'époque contemporaine, que cet article entend montrer. Il s'agit de comprendre le lien intime des papes avec une terre chargée d'émotion, qui fut habitée par le Christ, celle aussi du rapport complexe avec les Églises d'Orient, du rapport au judaïsme et des relations avec l'islam, dans un contexte international marqué par le jeu des puissances.
Popes hold both religious and political views on the Holy Land. From a religious perspective, this land with Jerusalem at its center, is three times sacred: for the Jews, the Christians and the Muslims. The papacy also holds a political view because of the creation of the Israeli State in 1948 and the previous Zionist claims, along with the former Ottoman and British policies, which all led to tensions in which religion was manipulated. This article demonstrates this twofold approach, both religious-spiritual and politico-diplomatic, which characterizes the relationship between the papacy and the Holy Land today. It aims at understanding the intimate connection of the Popes with a land rich in emotion, where Jesus Christ lived, a land also known for the complex relationship with the Eastern Churches, the relationship to Judaism and to Islam, in an international context marked by a new Great Powers game. - Notes de lectures - p. 139-148