Contenu du sommaire : Prisonniers de la Grande Guerre : victimes ou instruments au service des États belligérants – I
Revue | Guerres mondiales et conflits contemporains |
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Numéro | no 253, 2014/1 |
Titre du numéro | Prisonniers de la Grande Guerre : victimes ou instruments au service des États belligérants – I |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Prisonniers de la Grande Guerre : victimes ou instruments au service des États belligérants – I
- Introduction - Chantal Antier, Marianne Walle p. 3-4
- Les interrogatoires de prisonniers allemands par les services de renseignements français (1914-1918) - Olivier Lahaie p. 5-25 Pendant la Grande Guerre, le recueil puis l'exploitation de renseignements sur l'armée ennemie n'était pas une tâche aisée ; en effet, les Allemands déployaient beaucoup d'efforts pour cacher la disposition de leurs troupes sur le front, comme la montée en ligne de nouvelles, notamment à la veille des grandes attaques qu'ils projetaient. C'est véritablement avec la guerre de positions que la capture de prisonniers de guerre devint un enjeu essentiel, car l'obtention de renseignements de contact sur l'adversaire permettait de se prémunir des surprises tactiques ou stratégiques.Le prisonnier pouvait être capturé lors d'un combat de grande ampleur ou pendant une opération de portée limitée, organisée spécialement à cette fin jusque dans les avant-postes ennemis. Traîné de force dans les lignes françaises, il était remis aux officiers de renseignements qui s'empressaient de noter les circonstances de la capture et de procéder à un premier interrogatoire.L'objet de cette étude est d'exposer la manière dont les spécialistes français du renseignement considéraient les prisonniers allemands pendant le conflit et comment ils s'organisaient pour s'en procurer. Sont également examinés les procédés mis en œuvre par les officiers-interprètes pour tirer le plus d'informations possibles de cette source humaine et la nature des renseignements recherchés. Enfin, un cas où des renseignements, acquis par le biais de prisonniers, ont été déterminants sur le déroulement des opérations est présenté au lecteur.During the Great War, gathering and analysing military intelligence about the enemy was never an easy task. The Germans tried hard to hide the deployment of their frontline troops and the bringing up of reinforcements prior to an offensive. In the context of trench warfare, to avoid tactical or strategic surprises it was a matter of vital importance to capture prisoners. German prisoners were taken during large-scale offensives or in small operations that were organized with this specific aim. The prisoner would be dragged into the French lines where an intelligence officer would record the circumstances of the capture and then open the first interrogation. The purpose of this article is to demonstrate the importance of HUMINT for French Intelligence officers during the First World War and the nature of the intelligence that they gained. Several of the techniques of interrogation are also explained, with an example given of a very profitable capture.
- Prisonnière française au bagne allemand de Siegburg 1915-1918. Louise de Bettignies1 - Chantal Antier p. 27-41 Une des nouveautés de cette guerre de 14-18 est l'ampleur des camps de prisonniers et pour la première fois de prisonnières traitées aussi durement que les hommes. Si beaucoup de résistantes sont arrêtées et emprisonnées, ce sont surtout les femmes espionnes et donc traîtres, jugées par les tribunaux militaires qui souffrent le plus des placements en camp spéciaux ou dans un bagne : Louise de Bettignies, rattachée aux services secrets britanniques et chef du réseau Ramble en est un exemple. Envoyée au bagne de Siegburg, elle connaît la cruauté, la souffrance et la mort entre 1915 et 1918, pour le prix de son action contre les Allemands.One of the novelties of the Great War was the great number of prisoner of war camps, where for the first time women prisoners were treated as harshly as men. While many of these prisoners were members of the Resistance, it was the spies, judged as traitors by the military tribunals, who suffered the most by being placed in special punishment camps. Louise de Bettignies, directly connected to the British Secret Service and head of the Ramble network, is a perfect example. Interned in the Siegburg punishment camp from 1915 to 1918, she suffered cruelty, torture and death in retaliation for her anti-German activities.
- L'action du Saint-Siège en faveur des prisonniers de guerre pendant la Première Guerre mondiale - Francis Latour p. 43-56 Si le pape Benoît XV ne parvint pas à convaincre du caractère impartial de son action diplomatique pendant la Grande Guerre, du moins fut-il reconnu comme le « pape des prisonniers ». Son action en faveur des prisonniers de guerre fut en effet considérable, même si elle ne fut pas toujours pleinement reconnue, essentiellement pour des raisons idéologiques et politiques, notamment en Italie à cause de la « question romaine ». L'exigence chrétienne de charité gouvernait cette action, mais il existait également une nécessité plus politique de jouer encore un rôle dans le concert des nations, alors que l'influence du Saint-Siège dans les relations internationales était en fort déclin. La guerre représentait par conséquent une opportunité historique de revenir sur l'échiquier international.If Pope Benedict XV's diplomacy during the Great War failed to prove his impartiality, at least he was recognized as the “Pope of prisoners”. His activities in favour of prisoners of war were indeed remarkable, even if they were not fully recognized, this being due to ideological and political factors centering in Italy on the “Roman question”. His activities were governed of course by the dictates of Christian charity, but they also reflected the desire of the Vatican to revive its role in the concert of nations, at a time when the influence of the Holy See in the international relations had fallen into sharp decline. The war therefore represented a historic opportunity for the Church to return to the international chessboard.
- Les prisonniers de guerre français internés en Suisse (1916-1919) - Marianne Walle p. 57-72 Dès l'automne 1914, le Comité International de la Croix-Rouge s'était mis en relation avec les gouvernements français et allemand en vue d'échanges de prisonniers « grands blessés », puis de l'hospitalisation en Suisse des « moindres blessés ». La mise en place des structures fut longue : commissions médicales itinérantes pour visiter les camps de prisonniers, les commissions de contrôle, les conditions de vie et de travail des internés en Suisse, leur statut juridique, les relations avec la population. Les accords de Berne envisageant le rapatriement du plus grand nombre de prisonniers aboutirent après de longues tractations en 1919 : 75,000 hommes ont bénéficié de l'hospitalité suisse et beaucoup d'entre eux lui doivent la vie.As early as the autumn of 1914 the International Red Cross Committee got in touch with the French and German Governments for the purpose of exchanging “seriously wounded” prisoners and, later to hospitalize the “less wounded” in Switzerland. It took a long time to get the proper structure into place: the itinerant medical commissions who visited the prisoners' camps, the control commissions, the living and working conditions in the internment camps in Switzerland, the judicial statute, the relationship with the population. The Berne Agreement covering the repatriation of most of the prisoners was concluded in 1919 after long negotiations: 75 000 men were able to benefit from Swiss hospitality and many of them owed their lives to that country.
- La lutte contre l'espionnage en Suisse pendant la Première Guerre mondiale - Christophe Vuilleumier p. 73-88 La Confédération helvétique, au cours de la Première Guerre mondiale, connut une véritable fièvre de l'espionnage. Le positionnement de la Suisse et de sa frontière vis-à-vis des combats en Alsace, de leur évolution et du développement des forces en présence constituait un élément intéressant pour les agents de renseignements, autant que sa neutralité qui permettait de voyager sans entraves d'un pays à l'autre. Plaque tournante de l'espionnage, la Suisse ne participa pas à la guerre, mais le pays vit un nombre incalculable d'affaires dont les acteurs allaient être poursuivis en justice. Les condamnations furent bien modestes par rapport aux peines encourues en France ou en Allemagne, cela principalement en raison de la neutralité de la Suisse.The Swiss Confederation, in the course of the First World War, witnessed a veritable passion for espionage. The geographical position of Switzerland, with its frontier close to the fighting in Alsace, and Switzerland's place in the evolution of the fighting, were matters of great interest to intelligence officers. So too was Swiss neutrality, which allowed for unhindered travel from one country to another. While serving as a centre for espionage, Switzerland took no part in the hostilities, but the country was the scene of countless cases in which the participants would later be put on trial. The sentences handed down were very light compared to those given out in France or in Germany, a fact that was mainly due to Switzerland's neutrality.
Varia
- Le bouclier de Neptune ou la renaissance de la fortification côtière à l'expérience de la Grande Guerre (1912-1931) - Frédéric Saffroy p. 89-100 Par un fascinant retour de l'Histoire, la guerre de côtes et les théories de la Jeune École font un retour marqué en ce début de xxie siècle. L'opération Harmattan (Libye, 2011) et les exercices amphibies Bold Alligator et Corsican Lion en 2012 ont illustré les nouveaux concepts du combat littoral, dont le symbole français est le « BPC ». L'évolution stratégique et opérationnelle de la guerre de côte, depuis la Grande Guerre jusqu'aux débarquements de la Seconde Guerre mondiale, se fit toutefois sur fond de rivalité entre l'Armée et la Marine, arbitrée politiquement et financièrement par un Parlement attentif à la défense des frontières et conditionnée par des relations internationales de plus en plus tendues en Méditerranée, principalement avec l'Italie. La Marine parvint néanmoins dans l'entre-deux-guerres à concevoir et réaliser une défense efficace de ses bases, trop longtemps ignorées et attribuée à tort à l'occupant allemand.In a fascinating historical return, coastal warfare and the theories of the Jeune Ecole are to the point again. This was recently illustrated by Operation Harmattan (Libya, 2011) and the joint amphibious exercises Bold Alligator and Corsican Lion in 2012, with the French “BPC” in the forefront. The strategic and operational evolution of coastal warfare, from the First World War to the Second World War landings, nevertheless took place in the context of a background rivalry between the Army and the Navy that was arbitrated, politically and financially, by a Parliament focused on frontier defence and under the constraint of international relations in the Mediterranean, principally with Italy. Between the two wars, the French Navy managed, however, to design and build an efficient defence of its bases, far too long ignored and wrongfully attributed to the German Occupation.
- Stanley Kubrick entre la France et la Suisse : le film Les Sentiers de la gloire interdit - Hadrien Buclin p. 101-113 The ban on Paths of Glory imposed in 1958 by the Swiss Government illustrates the ideological fractures linked to the Cold War and to the Algerian War. This antimilitarist film directed by Stanley Kubrick tells the story of French soldiers who were court-martialled and unfairly executed during the First World War. The decision of the Swiss authorities was an attempt to prevent the spread of an antimilitarist movement, at a time when “armed neutrality” was deemed essential in the face of threats from the East. This ban also brought into question the cultural influence of France on its neighbouring states, all the more so since Switzerland was playing an important diplomatic role in the context of the Algerian War.L'interdiction par le gouvernement suisse en 1958 des Sentiers de la gloire – film de Stanley Kubrick à la tonalité antimilitariste, mettant en scène des condamnations à mort décidées « pour l'exemple » par l'état-major français durant la Grande Guerre – cristallise de manière exemplaire les clivages idéologiques liés à la guerre froide et à la guerre d'Algérie. Cette décision des autorités helvétiques apparaît en effet comme une manière de prévenir l'antimilitarisme, en un temps où la « neutralité armée » est présentée comme indispensable pour faire face au péril venu de l'Est. Cette interdiction permet aussi d'interroger l'influence culturelle de la France sur les Etats voisins, dans un contexte où la Suisse joue un rôle diplomatique important dans le cadre de la guerre d'Algérie.
- La Corée du Sud, une autre patrie de la contre-insurrection ? - Rémy Hémez p. 115-130 Les guerres d'Afghanistan et d'Irak ont remis les contre- insurrections sur le devant de la scène pour les planificateurs militaires. Cependant, la majorité des chercheurs étudient avant tout les campagnes de contre-insurrection françaises, américaines et britanniques au travers de l'histoire, biais reproduit par les militaires. Pourtant, d'autres pays ont des choses à nous apprendre sur la contre-insurrection, l'un d'entre eux étant la Corée du Sud. Même si, à première vue, la péninsule semble être davantage marquée par la guerre symétrique, ses expériences au cours de la guerre de Corée (1950-1953), du conflit de la DMZ (1966-1969), de la guerre du Vietnam (1964-1972) et en Irak (2004-2008) ont permis à Séoul de développer sa propre compréhension de la contre-insurrection. On peut la caractériser par une adaptation constante de la tactique utilisée à l'environnement et à la situation locale, une forte appétence pour la coopération civilo-militaire et une volonté forte de développer la compréhension mutuelle.The wars in Afghanistan and Iraq brought counter-insurgency (COIN) to the forefront of military planning. However, most researchers give priority to the study of French, American and British COIN campaigns, and their findings are reproduced by the military. Other countries have important lessons to teach concerning COIN, one such being South Korea. Even if one considers the country's experience of war to have been mainly symmetrical, the knowledge it gained through its participation in the Korean War (1950-1953), the DMZ conflict (1966-1969), and the wars in Vietnam (1964-1972) and Iraq (2004-2008) allowed it to develop its own understanding and doctrine of COIN operations. Seoul established its own COIN characteristics through its steady adaptation of tactical procedures pertinent to the local situation and environment, with an emphasis on civil-military operations and a resolve to develop mutual understanding.
- Le bouclier de Neptune ou la renaissance de la fortification côtière à l'expérience de la Grande Guerre (1912-1931) - Frédéric Saffroy p. 89-100
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 131-146