Contenu du sommaire
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol. 47, no 4, décembre 2016 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Frédéric Zalewski p. 7-27
- La Révolution des Somnambules - Andrzej Leder p. 29-55 Cet article traite des relations entre l'annihilation des Juifs en Pologne durant la Shoah, la destruction de la classe dominante de la noblesse terrienne dans la période du stalinisme et les origines de traits caractéristiques de la conscience de soi dans la société polonaise contemporaine. Ces traits déterminent des aspects majeurs de la situation politique actuelle, en particulier la prévalence symbolique des partis et mouvements de la droite. Ces deux événements historiques majeurs – la Shoah et la destruction de la noblesse – sont appréhendés à travers la notion de révolution des somnambules. Nous dépeignons la généalogie noire de la classe moyenne actuelle, la bourgeoisie polonaise moderne, et nous analysons les conséquences du déni de cette généalogie. Ces caractéristiques – le déni de responsabilité, et dans le même temps le sentiment de culpabilité et de honte – peuvent expliquer une partie des choix politiques dans le paysage politique polonais contemporain. Le cas de la Pologne semble aussi dans une certaine mesure représentatif des “terres de sang” de l'Europe de l'Est.
This article dwells on the connection between the annihilation of the Jews in Poland during the Holocaust (Shoah), the destruction of the hegemonic class of landed gentry during the Stalinist period, and the origins of some characteristics of contemporary Polish society. These characteristics determine major aspects of the current political situation, in particular the symbolic prevalence of right-wing parties and movements. The two major historical events (the Holocaust and the destruction of the nobility) are described as sleepwalking through the revolution. The dark genealogy of the middle class, the modern Polish bourgeoisie, is described; and the consequences of denying it are analyzed. The denial of responsibility but, at the same time, feelings of guilt and shame account for some of the political choices currently made in Polish politics. The case of Poland seems, to a certain extent, typical of the “bloodlands” of Eastern Europe. - L'émergence d'une démocratie Antilibérale en Pologne - Frédéric Zalewski p. 57-86 Cet article entend mettre en perspective les victoires électorales du PiS (Prawo i Sprawiedliwość, Droit et Justice) en Pologne en 2015, qui lui ont permis de conquérir le pouvoir, en insistant sur les processus complexes d'institutionnalisation de la droite polonaise en partis politiques depuis les années 1990, ainsi que sur les luttes idéologiques ayant produit une contre-hégémonie à celle construite depuis 1989 par les milieux libéraux issus de la Table ronde avec les communistes. Cette perspective permet de montrer comment les différents univers de la droite polonaise ont réinventé un conservatisme adapté au contexte post-communiste, permettant au PiS de construire une offre élargie, actualisant l'anticommunisme des années 1990 et inscrivant dans un horizon de solidarité nationale les réformes à caractère social mises en avant lors des campagnes présidentielles et législatives de 2015.The Polish Law and Justice Party (Prawo i Sprawiedliwość, Pi
S) came to power following its victories in elections during 2015. Attention is drawn to the complex processes of institutionalization whereby the Polish right has formed political parties since the 1990s and on the ideological struggles that led to their hegemony opposite the coalition constructed since 1989 by liberals following the Round Table Agreement with the Communists. This approach shows how the various groups on the Polish right have reinvented a conservatism adapted to the post-Communist context. The Law and Justice Party could thus broaden its offer, update the anti-Communism of the 1990s and present as a form of national solidarity the social reforms advocated during the presidential and legislative campaigns in 2015. - Mainstreaming the Far Right : Cultural Politics in Hungary - Andras Bozoki p. 87-116 Nous examinons l'influence de l'extrême droite sur la formation de la politique symbolique du gouvernement Fidesz dans le contexte du régime politique hongrois. Depuis 2010, la politique culturelle hongroise ne peut être considérée comme un secteur gouvernemental indépendant de la conception du pouvoir du premier ministre Viktor Orbán et de sa politique symbolique. La vision du monde autoritaire et la culture politique nationaliste représentées par son règne sont étroitement liées à ce que ses subordonnés accomplissent dans la rubrique « politique culturelle ». Après avoir expliqué et interprété les piliers fondamentaux du régime, les politiques culturelles du premier gouvernement Orbán (1998-2002) sont comparées avec son deuxième gouvernement marqué par le tournant illibéral (depuis 2010). Cette dernière époque peut être caractérisée par la domination du discours nationaliste et de la politique symbolique se référant au passé précommuniste. En se référant constamment à la culture nationale, les campagnes de propagande identifient la culture comme étant au service de la nation. Dans le même temps, les initiatives culturelles alternatives, non étatiques, sont marginalisées et même ghettoisées. Le gouvernement d'Orbán dans la Hongrie contemporaine vise à coloniser la culture, bien qu'il ne puisse pas atteindre le contrôle monopolistique, en raison de la diversité et de la résistance inhérentes à cette sphère.
The influence of the far right on the formation of symbolic politics of the Fidesz government is interpreted in the context of the political regime in Hungary. Since 2010, Hungarian cultural policy cannot be viewed as one of the governmental sectors separable from prime minister Viktor Orbán's concept of power and symbolic politicking. The authoritarian worldview and the nationalist political culture represented by his rule are closely related to what his underlings perform under the rubric “cultural policy”. After explaining and interpreting the basic pillars of the regime, cultural policies of the first Orbán government (1998-2002) are contrasted to his second government represented by the illiberal turn (since 2010). The latter era can be characterized by the dominance of nationalist discourse and symbolic politics referring to the pre-communist past. Propaganda campaigns identify culture as servant of nation, by constantly referring to national culture. In the meantime, alternative, non-state driven cultural initiatives are marginalized and even ghettoized. The Orbán government in contemporary Hungary aims to colonize culture, although it is unable to reach monopolistic control, due to the diversity of, and resistance in that sphere. - Civil Society and Extreme-Right Collective Action in Poland 1990–2013 - Daniel Płatek, Piotr Płucienniczak p. 117-146 La société civile est considérée comme un élément important de l'ordre démocratique moderne et on attend d'elle qu'elle remplisse l'espace entre l'état, le marché et la sphère privée. Cependant, il existe certains mouvements qui tentent d'occuper cette sphère particulière, alors déviée de l'idéal des organisations civiques qui soutiennent et soutiennent l'ordre démocratique. La caractéristique principale de ces mouvements est l'acceptation de la violence comme moyen de lutte politiques et comme une idéologie anti-étatique et anti-égalitaire. Depuis le début des années 1990 en Pologne, la rhétorique homophobe agressive s'est développée et le nombre d'attaques envers des minorités ethniques communautés LGBT et gauchistes a fortement grimpé (est monté en flèche). Toutefois, seuls un petit nombre de ces incidents ont éveillé l'intérêt et l'action au plus haut niveau politique. Nous esquissons la théorie du mouvement social et la méthodologie de l'analyse des mouvements de protestation, qui utilise des informations recueillies dans les journaux nationaux, afin de conceptualiser les répertoires et les cibles spécifiques de l'extrême droite polonaise depuis 1990 jusqu'à 2013, avec une insistance particulière sur deux sortes de répertoires : confrontationnel (violent) et conventionnel. En général, notre projet est de montrer les variations dans le temps et d'analyser les trois périodes distinctes de ce phénomène : 1990-2000, 2001-2007 et 2008-2013. En particulier, notre projet est de tester les aspects du mécanisme de formalisation des mouvements responsables des changements dans les proportions des actes confrontationnels et conventionnels, dans les acteurs responsables de tels comportements et dans les cibles visées par ces actions à travers le temps.
Civil society is considered an important element of the modern democratic order and is expected to fill the space between the state, the market and the private sphere. However, there are social movements that try to occupy this particular sphere, yet deviate from the ideal of civic-minded organisations that support and sustain the democratic order. The main feature of such movements is the acceptance of violence as a means of political struggle and an anti-state and anti-egalitarian ideology. Since the beginning of the 1990s in Poland, aggressive homophobic rhetoric has escalated and the number of attacks on ethnic minorities, LGBT communities and leftists has increased greatly. Nevertheless, only a few such incidents aroused interest and action at the highest political level. Drawing on social movement theory and the methodology of protest event analysis, which uses information gleaned from national newspapers, we propose a way to conceptualise the specific repertoires and targets of the Polish extreme right from 1990 to 2013 with a special emphasis on two kinds of repertoire: confrontational (violent) and conventional. Our general task is to show variations over time and analyse the three distinct time periods of this phenomenon: 1990-2000, 2001-2007 and 2008-2013. Our particular task is to test aspects of the mechanism of movement formalisation responsible for changes in the proportions of confrontational and conventional acts, actors responsible for such behaviour and targets related to these actions over time. - Russia's Accession to the WTO : The Debate in the Russian Mass Media - Anastasia Kazun, Svetlana Barsukova p. 149-177 L'article traite des débats sur l'entrée de la Russie dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se sont déployés dans la presse écrite russe de décembre 2010 à décembre 2013. Les auteurs mettent en lumière les arguments initiaux des partisans et des adversaires de l'adhésion, les manières de présenter ces arguments dans les médias, et les différences de point de vue entre les milieux d'affaires, les politiques et les experts. Les auteurs analysent en particulier les changements dans le contenu de la discussion et l'espace discursif qu'elle occupe après l'entrée de la Russie dans l'OMC. Notre recherche sur la presse écrite montre que les opinions positives sur l'entrée dans l'OMC prévalaient avant son entrée en vigueur. Cependant, après l'entrée dans l'OMC, les opinions négatives ont commencé à dominer. Cela peut s'expliquer par le fait qu'avant l'entrée dans l'OMC, c'étaient principalement les politiciens et les officiels qui exprimaient leur soutien au projet, tandis qu'après l'entrée dans l'OMC, ce sont les avis négatifs de la communauté des hommes d'affaires qui ont prévalu. Les politiques et les officiels ont soutenu l'entrée dans l'OMC en s'appuyant sur des valeurs abstraites de “progrès”, et d'“ouverture du marché”, tandis que les opinions des hommes d'affaires (principalement dans le secteur agricole) prenaient en compte la non-compétitivité de leurs industries. Les campagnes médiatiques ont aidé certaines industries à forger des images de “victimes” (consécutives au renforcement du traité) afin de légitimiser le lobby industriel et le besoin de sub-ventions gouvernementales pour compenser les dommages causés par l'OMC.
The paper focuses on the debates about Russia's accession to the World Trade Organization (WTO) that unfolded in Russia's print media from December 2010 to December 2013. The authors highlight the initial arguments of supporters and opponents of this accession, the ways in which those arguments are presented in the media, and the differences in the standpoints of the business, government and expert communities. The authors further analyze changes in the content of this discussion and its discursive space following Russia's accession to the WTO. Our research on print media shows that positive assessments of Russia's accession to the WTO prevailed before it entered into force. However, after the accession negative assessments started to dominate. This may be explained by the fact that before the accession it was mainly politicians and officials who expressed support for the act, while after the accession the negative views of the business community became more prevalent. Politicians and officials supported the accession by relying on abstract values of “progress” and “open markets”, while businessmen's (mainly agribusiness) views took into account the non-competitiveness of their industries. Media campaigns helped some industries to create images of “victims” (resulting from enforcement of the treaty) in order to legitimize the industry lobby and the need for government subsidies to compensate for the damage caused by the WTO. - La Russie, entre peurs et défis. Paris, Armand Colin, 2016, 236 p. - Jean Radvanyi, Marlène Laruelle, Pawlotsky Vladimir p. 181-186
- Génération Maïdan. Vivre la crise ukrainienne. Paris, éditions de l'Aube, 2016, 195 p. - Ioulia Shukan, Amandine Regamey p. 186-190
- Allah's kolkhozes. Migration, de-stalinisation, privatisation and the new muslim congregations in the soviet realm (1950S-2000S). Berlin, Klaus Schwarz Verlag, 2014, 541 p. - Stéphane A. Dudoignon, Christian Noack, Juliette Cleuziou p. 191-196